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Électrification de l’Afrique : quelle(s) énergie(s) ?

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Cette photo prise en Afrique montre un équipement très courant là-bas : des panneaux solaires associés à une batterie. Ces kits permettent à des habitants de villages non reliés au réseau électrique de s’éclairer, charger leurs téléphones, aller sur Internet…

Pour les plus optimistes, l’abyssal chantier de l’électrification du continent africain pourrait être résolu par la théorie dite du « saute-mouton » : l’Afrique passerait à l’étape des énergies renouvelables, sans passer par celle des lignes électriques. D’ici là, les inégalités d’accès à l’électricité restent flagrantes. Regardez comment!

La nuit en Afrique, les lumières de la ville ne scintillent pas pour tous. Regardons ces images de la NASA qui montrent les lumières artificielles la nuit. L’Afrique est le continent le moins électrifié de la planète.

Les populations d’Afrique du Nord sont presque toutes reliées à un réseau national, mais en Afrique subsaharienne, sauf en Afrique du Sud, la moitié de la population n’a accès à aucun service électrique.

Un sous-équipement d’autant plus frappant que d’autres réseaux se sont développés très rapidement, comme la téléphonie mobile: 80% de la population est équipée.

Le nombre de foyers possédant l’électricité a largement augmenté entre 1990 et aujourd’hui, mais il reste encore nettement inférieur à la moyenne mondiale. Seuls 45% des foyers éthiopiens possèdent l’électricité. 35% en Somalie, ou 11% au Burundi où seulement 2 villes, Bujumbura et Gitega, sont pourvues d’un réseau municipal.

La consommation électrique est en moyenne de 500 kWh par personne en Afrique subsaharienne, alors qu’elle atteint 4 000 kWh en Chine, 6 000 en Europe, 13 000 aux Etats-Unis, et 15 000 au Canada ou au Qatar.

Or, l’accès à l’énergie électrique est fortement corrélé au développement économique. On voit ici que les pays les moins électrifiés sont aussi ceux où les populations en situation d’extrême pauvreté sont les plus nombreuses. Cette corrélation s’explique par l’alimentation nécessaire au fonctionnement des machines de production, mais aussi par la capacité à s’éclairer après le coucher du soleil, et donc à augmenter le temps consacré aux activités productives. L’accès à l’électricité permet également le fonctionnement des centres de soins, le respect de la chaîne du froid. Il facilite enfin l’accès à l’information et l’éducation, et simplifie la vie ménagère.

Quant aux capacités de production électrique, les pays d’Afrique du Nord et d’Afrique australe ont des capacités de production proches des moyennes mondiales, basées surtout sur les énergies fossiles, et pour une petite part sur le nucléaire en Afrique du Sud. Les autres pays de l’Afrique subsaharienne ont des capacités plus limitées et dépendent davantage de l’hydroélectricité.

Si l’on exclut le cas sud-africain, 80 gigawatts peuvent être produits par les centrales subsahariennes, pour un milliard d’habitants, alors que la France, par exemple, a une capacité maximale de 130 GW pour 67 millions d’habitants.

Comme l’illustre cette photo, la situation énergétique de l’Afrique subsaharienne reflète la difficulté des Etats post-coloniaux à porter de grands projets d’aménagement du territoire.

Les réseaux électriques, principaux et secondaires, se sont focalisés sur les capitales, centres névralgiques des nouveaux pouvoirs, au détriment des zones rurales. L’immensité des territoires de la zone sahélienne et d’Afrique centrale rend, qui plus est, très coûteux le maillage du territoire. Alors que 63% des Africains vivent en dehors des villes, moins de 10% du territoire est couvert par les réseaux de distribution.

Dans les grandes agglomérations, l’extension des réseaux est facilitée mais est moins rapide que l’accroissement de la population. Dans les bidonvilles des grandes villes d’Afrique subsaharienne, moins de 10% de la population dispose d’un raccordement au réseau électrique.

Cette pénurie énergétique est accentuée par de nombreuses coupures de courant. Plus de 25 par mois au Nigeria.

Pour pallier le déficit des réseaux nationaux, ce sont souvent des solutions individuelles qui prévalent. Plus de la moitié des ménages nigérians possèdent un groupe électrogène. Ils fourniraient à eux seuls plus de 10 GW contre 6 GW disponibles via le réseau centralisé. C’est un cercle vicieux qui se met en place. Les populations se détournent des réseaux nationaux existants. Les factures impayées et les raccordements sauvages aggravent d’autant le déficit des entreprises électriques qui peinent à investir pour l’entretien et le développement du réseau.

Dans la zone subsaharienne, seuls les Seychelles et l’Ouganda parviennent à l’équilibre financier de leurs compagnies électriques. La moitié des pays de la zone couvrent à peine leurs frais de fonctionnement. Et les autres, leurs compagnies électriques sont en déficit. Paradoxe : les populations qui ne sont pas raccordées aux réseaux nationaux dépensent souvent plus d’argent pour leur énergie que les populations raccordées, du fait de l’achat de kérosène ou de piles.

La situation électrique de l’Afrique illustre bien le dilemme entre des projets pharaoniques portés par les Etats et qui peinent à se concrétiser, et des solutions alternatives individuelles qui se déploient rapidement. Et il existe plusieurs scénarios. Nucléaire, hydroélectricité, énergie solaire, les ressources ne manquent pas.

Commençons par parler de l’énergie nucléaire. L’Afrique du Sud est le seul pays à posséder des réacteurs sur le continent. Mais le Ghana, le Kenya, le Niger, le Nigeria et le Soudan ont tous fait part à l’Agence internationale de l’énergie atomique de leur volonté de développer l’énergie nucléaire, et envisagent de signer des accords avec des entreprises chinoises, russes, canadiennes, françaises, coréennes. Malgré les risques liés au nucléaire, cette énergie est d’autant plus attractive que l’Afrique possède près de 20% des réserves mondiales d’uranium, principalement situées en Afrique du Sud, en Namibie et au Niger.

L’hydroélectricité représente aussi un potentiel énergétique colossal. Le Nil, le Congo, le lac Tchad et ses affluents, et le fleuve Niger sont les 4 grands bassins hydrologiques de l’Afrique. Les cours d’eau pourraient produire 1 800 térawatts-heure chaque année, selon l’Agence internationale de l’énergie, et couvrir à eux seuls la plupart des besoins du continent.

En République démocratique du Congo, dont 99% de l’électricité provient de barrages existants, le projet Inga prévoit d’ajouter aux centrales déjà existantes un nouveau barrage d’une capacité de 42 GW, le Grand Inga, ce qui en ferait le générateur hydroélectrique le plus puissant au monde. Il pourrait fournir de l’électricité jusqu’en Egypte, en Namibie et en Afrique du Sud. Mais le lancement de ce projet pharaonique qui reviendrait à 80 milliards de dollars est constamment retardé. Aux problèmes techniques s’ajoute l’instabilité politique de la RDC qui décourage les investissements étrangers.

En Ethiopie, le remplissage du barrage Renaissance, sur le Nil bleu, a, lui, déjà commencé. Cela engendre de vives tensions avec l’Egypte, en aval, dont l’agriculture dépend des eaux du Nil. L’Egypte exige que le réservoir soit rempli très progressivement, sur 12 ans, alors que l’Ethiopie, elle, souhaite exploiter au plus tôt ses pleines capacités et le remplir en 4 ans pour qu’il fournisse de l’électricité à 50 millions d’Ethiopiens.

Et c’est bien sûr l’énergie solaire qui présente le potentiel le plus considérable et est encore très largement sous-exploité. La région subsaharienne est parmi les plus irradiées au monde. La plupart des pays de la région a une capacité supérieure à 2000kWh/m2/an, soit presque 2 fois plus que l’Allemagne. Or le parc photovoltaïque allemand a une capacité de 49 GW contre seulement 4,5 pour l’Afrique subsaharienne.

De grands projets de centrales photovoltaïques sont à l’étude ou déjà en service, comme celle de Garissa au Kenya. Mais là encore, le déploiement de l’énergie solaire centralisée est limité par la capacité des réseaux à distribuer l’électricité produite. Le solaire et l’éolien représentent seulement 2% du mix électrique de la région.

Pour les énergies renouvelables aussi, des solutions locales ou individuelles suppléent les faiblesses des infrastructures nationales et continentales. Ainsi, le marché des kits solaires se développe rapidement dans les zones rurales. Ces systèmes individuels permettent d’alimenter de petits appareils électriques. Via un téléphone portable, le client achète des « jours lumière », et rembourse progressivement l’achat du matériel selon un principe de leasing. Au Kenya, un million de ces kits ont été vendus au 2d semestre 2019, et en Ethiopie, plus de 700 000.

Vous le voyez sur cette carte proposée par l’Agence internationale de l’énergie, 3 axes se profilent donc pour électrifier l’Afrique subsaharienne:

  • en bleu, l’extension des réseaux centralisés vers des zones urbaines et de productions industrielles,
  • en orange, des mini-réseaux autonomes alimentés par des petites centrales,
  • et en vert, des générateurs individuels pour les populations les plus isolées.

Cette dernière décennie, les bonnes volontés pour électrifier l’Afrique n’ont pas manqué. On rappellera l’objectif de développement durable numéro 7 de l’ONU qui vise l’accès universel à une électricité durable et abordable d’ici à 2030. Il est certain que le marché africain du solaire photovoltaïque a de beaux jours devant lui et que les investissements s’y font à un rythme effréné. Si on ne peut nier que l’électrification du continent progresse, ces progrès sont lents, et l’Afrique subsaharienne semble rester inexorablement dans l’ombre.

« Gestion des déchets et production d’électricité en Afrique », c’est le titre d’une étude de l’IFRI, à retrouver sur le site de l’IFRI.

Merci à vous et bonne recherche!

Par elmoukrie

Ingénieur des procédés industriels et génie chimique, ce site présente mon profil. Vous y trouvez ma formation, mes expériences, mes réalisations, mes centres d’intérêts et d'autres informations complémentaires. Je suis à la recherche d'opportunités professionnelles et je souhaite intégrer une structure motivée, dynamique et innovante.

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