Exploration spatiale

L’exploration spatiale est l’ensemble des activités qui sont réalisées dans l’espace. Elles reposent sur des techniques spécifiques relevant de l’astronautique qui permettent la réalisation de lanceurs, de satellites, de sondes spatiales, d’équipements et d’instruments spécifiques. L’exploration de l’espace remplit des objectifs scientifiques, économiques, ou militaires. L’exploration scientifique comprend l’étude du système Terre (climat, atmosphère, magnétosphère, géodésie, océanographie…), l’étude in situ des corps célestes du Système solaire (Lune, Mars…), l’astronomie par l’utilisation de télescopes spatiaux étudiant les exoplanètes, les galaxies et le cosmos, ainsi que la réalisation d’expériences en apesanteur. L’aspect économique de l’espace prend une importance croissante et désormais prépondérante grâce notamment à des applications dans le domaine des télécommunications, de la navigation, de l’imagerie, de l’observation de la Terre, de la gestion des désastres, de la météorologie. Enfin, bien que les activités militaires en soient bannies, l’espace joue un rôle croissant au sein des forces militaires : reconnaissance optique ou radar, alerte avancée, écoute électronique et télécommunications. L’envoi d’hommes dans l’espace, qui répond essentiellement à des finalités de prestige, est sauf exception (programmes Apollo et Artemis à destination de la Lune) cantonné à l’orbite terrestre basse. Cette activité comprend principalement l’occupation de stations spatiales par des équipages sur des durées pouvant atteindre un an, dans le but de réaliser des expériences scientifiques en apesanteur. D’un point de vue budgétaire, elle constitue un volet important des programmes spatiaux des principales puissances spatiales.

L’exploration spatiale débute grâce au développement à compter des années 1930 de fusées capables de lancer une charge utile avec une vitesse suffisante pour la placer en orbite terrestre. La réalisation de ce type de fusée recquiert la mise au point de moteurs-fusées capables de s’affranchir de l’atmosphère en fournissant une forte poussée, de systèmes de contrôle d’attitude et d’automates prenant en charge le guidage et le pilotage. Le premier précurseur des lanceurs, le missile balistique missile V2 de l’armée allemande, dépasse pour la première fois le 20 juin 1944 l’altitude de cent kilomètres qui marque de manière symbolique la frontière entre l’atmosphère terrestre et l’espace. Après la Seconde Guerre mondiale, les deux principales puissances militaires, les États-Unis et l’Union soviétique (URSS) s’appuient sur les réalisations allemandes pour développer d’abord des missiles balistiques intercontinentaux puis les premiers lanceurs. Le satellite Spoutnik 1, développé par l’URSS, est le premier engin spatial placé en orbite (4 octobre 1957).

La réalisation des premières missions spatiales est motivée par le prestige dans le contexte de la guerre froide, qui oppose l’URSS et les États-Unis. Mais très rapidement les premières applications scientifiques, commerciales et militaires se développent. Des progrès dans le domaine de la propulsion spatiale permettent de faire passer la masse de la charge utile lancée en orbite à une vingtaine de tonnes à la fin des années 1960 (de manière éphémère, 130 tonnes pour le lanceur géant Saturn V). Le premier survol de la planète Mars est réalisé en 1964, celui de Vénus en 1962 et celui des planètes externes (Jupiter et suivantes) dans les années 1970. Les observations effectuées débouchent sur des découvertes majeures concernant les caractéristiques et l’histoire du système solaire. L’exploration spatiale est marquée à ses débuts par la première mission d’exploration humaine à la surface de la Lune (Apollo 11 en 1969), les missions Viking à la surface de Mars, le programme Venera d’étude de Vénus ainsi que le survol des planètes externes par les sondes Voyager.

Les États-Unis, à travers leur agence spatiale civile, la NASA, jouent toujours en 2021 un rôle majeur dans le domaine de l’exploration spatiale, mais sont rejoints par de nouveaux acteurs comme l’Agence spatiale européenne et les agences spatiales du Japon, de la Chine et de l’Inde. Les avancées technologiques portent désormais sur la miniaturisation permise par les progrès de l’électronique et l’abaissement des coûts de lancement. Les projets d’exploration humaine du Système solaire marquent le pas face au développement des missions robotiques dont les capacités progressent rapidement : astromobiles (MER), mission de retour d’échantillons, drones…

Histoire

Précurseurs

Les rêves d’exploration de l’espace sont intimement liés à l’astronomie. En effet, l’observation et la compréhension du ciel furent primordiales pour les premières civilisations humaines dans un but utilitaire, pour l’agriculture ou l’établissement de calendriers, mais aussi dans un but philosophique. Pour rechercher les réponses à des questions sur notre provenance, sur la raison de notre existence, et sur notre place dans l’univers, l’étude des astres et du cosmos est nécessaire. Deux solutions sont accessibles à l’humanité, la première étant d’observer les astres depuis la Terre et de comprendre leur mouvement par le biais d’outils mathématiques : c’est l’astronomie.

La deuxième solution est d’aller voir sur place et d’étudier les astres de près ; c’est ce qui deviendra plus tard l’exploration spatiale. Dès l’Antiquité, on retrouve des récits imaginant la présence de civilisations extraterrestres vivant sur la Lune. En l’an 125, Lucien de Samosate écrit Une histoire vraie dans laquelle il relate les aventures d’Ulysse qui voyage vers la Lune où il assiste à une guerre entre les habitants de la Lune et du Soleil. L’ouvrage est cependant destiné à dépeindre la société de l’époque1.

C’est dans la Chine médiévale que l’on retrouve les premières fusées, dont les premiers écrits remontent à 1232. Maitres de la poudre à canon, les armées chinoises utilisaient ces petits tubes comme missiles lors des batailles. On y retrouve également trois siècles plus tard la légende de Wan Hu qui tenta de rejoindre la Lune sur une chaise propulsée par 47 fusées à poudre. Plus tard au XVIIe siècle, Savinien de Cyrano de Bergerac écrit des nouvelles dépeignant d’hypothétiques sociétés vivant sur la Lune et le Soleil. Là encore, l’objectif est de proposer un regard sur la société humaine2.

Il faut attendre le XIXe siècle pour voir apparaitre les premiers ouvrages plus techniques et anticipatifs. L’exemple le plus populaire est le roman De la Terre à la Lune où Jules Verne décrit le voyage spatial dans un vaisseau habité tiré comme un projectile par un grand canon de type Columbiad. L’auteur, par son approche scientifique, y décrit de manière inédite le phénomène d’impesanteur produit par l’inertie du vaisseau, phénomène qui sera vécu un siècle plus tard par Youri Gagarine en 1961. Le reste du siècle foisonne d’œuvres littéraires moins connues qui imaginent des enjeux et des techniques de voyage spatial qui deviendront réalité au siècle d’après.

Illustration du vaisseau-obus décrit par Jules Verne.

Pionniers

Au début du XXe siècle, les connaissances en physique sont suffisantes pour élaborer sérieusement des techniques de voyage spatial. C’est ce que fait Constantin Tsiolkovski, un instituteur russe qui pose les bases des moteurs-fusées à réaction, de la mise en orbite, des fusées à étage, de la combustion d’ergols et des stations spatiales1,3. Cependant il ne passera pas à la pratique. Ce sont d’autres pionniers comme Robert Goddard qui développeront les premières fusées à carburant liquide dans les années 1920. Ces engins pouvaient décoller à plusieurs mètres de haut4. À cette époque, Tsiolkovski est tombé dans l’oubli, et Goddard est moqué dans son pays, les États-Unis.
Robert H. Goddard posant avec sa fusée à ergols liquides en 1926.

Les passionnés de technologie de l’époque se réunissent dans des sociétés astronautiques pour développer ces fusées, sur des financements privés grâce à des mécènes. Leur but est à terme d’atteindre l’espace, et leur fusées atteignent à l’époque plusieurs centaines de mètres d’altitude. En URSS de telles sociétés se forment mais peinent à perdurer en raison des dissensions, de plus certains de leurs membres sont victimes des purges staliniennes. Ainsi le jeune ingénieur Sergueï Korolev est capturé et est envoyé dans la prison de Boutyrka jusqu’en 19445.

C’est en Allemagne que se poursuivront les recherches sur la propulsion. La Verein für Raumschiffahrt est une société astronautique fondée par Johannes Winkler à laquelle adhèrent entre autres Hermann Oberth et Wernher von Braun, alors que ce dernier n’est qu’étudiant. Hermann Oberth, comme Goddard, est un pionnier de l’astronautique. Il développe dans les années 1920 des prototypes de fusée ainsi que des ouvrages théoriques sur le voyage spatial. Ses idées sont mieux reçues et vont jusqu’à être testées pour la propulsion des voitures6. Cependant, l’arrivée du régime nazi au pouvoir en 1933 interdit toute recherche civile sur les fusées. Afin de poursuivre leurs travaux, les membres de la société astronautique rejoignent l’armée allemande7.

C’est au sein de cette armée allemande que les plus gros progrès ont lieu. L’armée perçoit le potentiel militaire de ces technologies. Contrairement aux obus, qui sont propulsés momentanément par une explosion, un missile est un engin auto-propulsé. Ainsi, il peut devenir une arme d’une portée bien plus élevée que celle de l’artillerie alors utilisée à l’époque. L’Allemagne développe la gamme de missiles Aggregat dans l’objectif de pouvoir bombarder ses ennemis sans envoyer d’aviation et sans nécessité de concevoir des canons d’artillerie démesurément grands. Le projet démarre par la conception de l’Aggregat 1 (A1) en 1933 par Wernher von Braun, fraîchement sorti de sa société astronautique. Les projets iront jusqu’à l’A12, projet de fusée orbitale pouvant alors livrer une ogive n’importe où sur la planète8.

Les nazis iront jusqu’au modèle A4, l’autre nom du missile V2 qui devient le premier missile balistique opérationnel lors de son premier usage pour le combat, le 8 septembre 1944. Le 20 juin 1944, il devient également le premier objet à franchir la ligne de Kármán, devenant le premier engin spatial de l’histoire, même si cette limite n’existe pas encore à l’époque9.

Robert H. Goddard posant avec sa fusée à ergols liquides en 1926.

Course à l’espace

Récupération des V2

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les troupes alliées découvrent les technologies allemandes, alors bien en avance sur leur temps10. Parmi elles, les technologies du V2. Les grandes puissances veulent elles aussi à leur tour des missiles balistiques, alors que la guerre froide débute. Les alliés récupèrent tout ce qui est possible : documentation, technologie et ingénieurs allemands, et se lancent dans l’étude des V2 et le développement de missiles et de technologies de propulsion. Ainsi Wernher von Braun est récupéré par l’armée américaine lors de l’opération Paperclip11. L’URSS, de son côté, libère les anciens ingénieurs des sociétés astronautiques, dont Sergueï Korolev.

Les Américains délèguent la recherche aux différents corps d’armée et aux laboratoires de recherche comme le Jet Propulsion Laboratory. Sont développés les missiles Thor, Vanguard, Redstone ou encore Titan. Les chercheurs soviétiques reproduisent à leur manière la V2, et la renomment R-1 (pour Roquette 1). La R-1 évolue avec le temps grâce à Korolev jusqu’à la R-7, premier missile soviétique capable d’envoyer une charge utile en orbite, qui enverra Spoutnik 1 en 195712. Le développement astronautique s’articulera pendant des années autour de la confrontation de la Guerre Froide.


Année Géophysique Internationale

Si au début des années 1950, les Soviétiques ne voient pas le potentiel scientifique de ces nouvelles technologies, les Américains utilisent, en parallèle du développement militaire, des V2 et des fusées Viking comme fusée-sonde pour la recherche en haute atmosphère. James Van Allen est un chercheur en astrophysique spécialisé dans les rayons cosmiques. À cette époque, il fait partie de ceux qui utilisent les missiles pour la recherche, en remplaçant la charge explosive par du matériel de mesure. Conscient du potentiel scientifique de ces engins, il réunit quelques uns de ses confrères pour proposer l’idée d’une Année Géophysique Internationale (AGI). L’idée est de créer un événement, basé sur le principe de l’année polaire internationale, où les pays participants coordonneraient leurs recherches sur les sciences de la Terre13,14. En 1952 le projet est déposé au Conseil International des Unions Scientifiques15. L’AGI se déroulera sur la période 1957-1958, durant un maximum d’activité solaire, et verra entre autres la création de bases scientifiques en Antarctique.

66 pays acceptent la participation, dont les USA. Staline, lui, préfère focaliser la recherche soviétique sur les missiles ; cependant, à sa mort, les dirigeants reviennent sur sa décision et acceptent la participation. En 1955, les États-Unis annoncent publiquement l’envoi d’un satellite artificiel dans le cadre de l’AGI, grâce à leur projet Vanguard, motivés par les répercussions médiatiques que cela pourrait apporter16. L’URSS réplique par la même annonce le lendemain1.

Spoutnik
Article détaillé : Programme Spoutnik.

Côté soviétique, Korolev commence à travailler sur un premier concept de satellite, nommé Objet-D17. Ce satellite de plus d’une tonne doit être capable de mesurer plusieurs propriétés physiques, comme les vents solaires, les radiations ou le champ magnétique. Mais le concept est trop ambitieux, il sera lancé plus tard sous le nom de Spoutnik 3. Le satellite PS-1 (pour Простейший Спутник-1), bien plus léger (83 kg), est conçu en remplacement. Nommé plus simplement Spoutnik 1, il servira de charge test pour le missile R-7. Il décolle le 4 octobre 1957 depuis ce qui deviendra le cosmodrome de Baïkonour. Spoutnik 1 devient le premier satellite artificiel à orbiter autour de la planète. Khrouchtchev prend conscience de l’influence médiatique d’un tel succès et décide de retenter l’exploit un mois plus tard18. Le 3 novembre 1957, la chienne Laïka devient le premier être vivant en orbite pour la mission Spoutnik 2 (à la suite de précédentes missions ayant envoyé des êtres vivants dans l’espace, en vol suborbital). Laïka meurt 7 heures après le décollage, sûrement de stress ou de chaleur. La course militaire à l’espace devient une course au soft power.

Spoutnik 1.

Explorer
Articles détaillés : Programme Vanguard et Programme Explorer.

Côté américain, le programme Vanguard essuie les échecs. Ce programme avait été choisi au détriment du projet Orbiter de l’US Army, car le président Eisenhower voulait un projet civil, financé en partie par la National Science Fundation19. Cependant, le projet Orbiter, mené par Von Braun, est choisi en hâte après les deux réussites soviétiques de fin 1957 et après l’échec de la première tentative de mise en orbite de Vanguard TV3 en décembre 1957, ne pesant pourtant que 1,5 kg contre les 500 kg de Spoutnik 2. L’armée de terre modifie son missile Redstone pour l’envoi d’une charge scientifique, et conçoit le lanceur Jupiter-C renommé en Juno I. La charge utile est conçue par William Pickering. Nommée Explorer 1, elle vise le même objectif que Spoutnik 1 : mettre en évidence les ceintures de Van Allen. Le lancement réussi est confirmé le 1er février 1958. Néanmoins il faudra attendre Explorer 3, plus tard la même année, pour réellement mettre en évidence les ceintures de radiation20.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s