Merci d’être sur cette page. Nous démarrons cet article à Paris, sur les Champs-Elysées, avec la photo du défilé militaire du 14 juillet, ou comment la célébration de la prise de la Bastille en 1789 est progressivement devenue fête militaire, notamment à partir de 1880, le président de l’époque, Jules Grévy, souhaitant mettre en scène le redressement de la France après sa défaite contre l’Allemagne.

« La France ne peut être la France sans la grandeur », a écrit le général de Gaulle dans ses « Mémoires de guerre ». Cette grandeur française est un thème récurrent dans les discours des candidats à l’élection présidentielle, et la figure du Général est souvent invoquée.
Nous avons donc voulu évaluer la juste place de la France dans le monde du XXIe siècle. Economie, militaire, diplomatie, « hard », « gold » et « soft power » : voici la France, entre puissance et peur du déclin.
Depuis la fin de la 2de Guerre mondiale, la France est parvenue à maintenir son rang sur la scène internationale. Elle est l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, comme les USA, la Chine, la Russie et le Royaume-Uni.

Comme ses 4 partenaires, elle dispose de l’arme nucléaire, d’où une place prépondérante dans la géopolitique mondiale, même si, avec 67 millions d’habitants, la France pèse peu face au 1,4 milliard de Chinois ou face aux 332 millions d’Américains.
Si l’on regarde le PIB à présent, la France est également loin derrière les Etats-Unis ou la Chine, mais elle se classe tout de même en 7e place, derrière l’Allemagne, 4e, le Royaume-Uni et l’Inde.
La France, c’est aussi une économie qui continue d’attirer, avec dans le top 5 des pays investisseurs: les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et les Pays-Bas.

Autre caractéristique de l’économie française, sa dette. La dette publique française a atteint 115% du PIB en 2020, là où l’Allemagne est parvenue à rester sous la barre des 70%.

Berlin fait également mieux que Paris en termes de balance commerciale. La France a accusé en 2020 un déficit de 64,7 milliards d’euros, là où l’Allemagne est parvenue à un excédent de 183,2 milliards. Un déficit commercial qui s’accumule depuis 20 ans, et qui s’explique en partie par le recul du secteur industriel, qui est passé de 17,5% du PIB en 1995 à seulement 11% en 2019.


La France reste pourtant une puissance industrielle dans des secteurs clés comme l’automobile, l’agroalimentaire, le BTP, l’aéronautique, avec Airbus, ou encore l’énergie.

Avec ses 56 réacteurs en activité, la France est ainsi une grande puissance nucléaire civile. Cette dynamique industrielle hexagonale s’appuie sur les 54 pôles de compétitivité lancés en 2004, qui permettent de favoriser l’innovation dans des secteurs spécialisés, comme c’est le cas pour la Cosmetic Valley, située entre Chartres et Orléans.

Le marché du luxe français se porte très bien. 4 groupes tricolores figurent dans le top 10 des plus grandes entreprises mondiales du secteur. LVMH arrive en tête, puis Kering, 2e, L’Oréal, 5e, ou encore Hermès, à la 9e place.

Mais à côté du très haut de gamme, l’industrie textile est en déclin en France, notamment dans la région historique des Hauts-de-France. En 2021, le textile regroupe encore 2 150 entreprises, qui emploient plus de 60 000 personnes, mais en 30 ans, ses effectifs ont été divisés par 7.

En réalité, l’économie française est aujourd’hui dominée par le secteur des services, qui représente 80% du PIB. Aux côtés des leaders mondiaux dans le domaine de la banque, des assurances ou de la grande distribution, on trouve le tourisme, qui représente 10% du PIB. Le climat océanique hexagonal, si apprécié des touristes, est également favorable à l’agriculture française, qui représente 3,6% du PIB et 5,6% de l’emploi, et fait ainsi de la France la 1re puissance agricole européenne et le 6e exportateur mondial.

Enfin, territorialement, la France a un atout majeur : elle est bien plus vaste que le seul Hexagone, Corse comprise. En plus de ses 5 départements et régions d’outre-mer, avec la Réunion et Mayotte dans l’océan Indien, mais aussi la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, la France est également souveraine sur des collectivités comme St-Pierre-et-Miquelon, St-Barthélémy et St-Martin, mais aussi dans le Pacifique, avec la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et bien sûr la Nouvelle-Calédonie qui, en décembre 2021, a voté contre l’indépendance.
A ces territoires, on peut ajouter les zones dédiées à la science que sont les Terres australes et antarctiques française. La France possède ainsi le 2e plus vaste domaine maritime au monde, après les Etats-Unis.
La France dispose donc d’atouts considérables, diplomatiques, militaires, économiques ou scientifiques, qui lui permettent de jouer un rôle important sur la scène internationale, mais cette place est menacée par la montée en puissance de nouveaux acteurs : Chine, Inde, notamment.
Pour continuer de peser dans ce monde multipolaire, la France compte sur l’Union européenne. Regardons!
La France exerce actuellement la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. L’Union est une nécessité pour la France, qui y fait 54% de ses échanges. La présidence Macron a plaidé en 2021 pour une plus grande intégration économique avec le plan de relance post-Covid-19 de 750 milliards d’euros, un mécanisme de soutien historique, rendu possible par l’intensité du dialogue entre Paris et Berlin. La France plaide aussi en faveur d’une Europe autonome au niveau stratégique, en termes technologiques comme militaires.

Voyons justement comment la France se positionne militairement dans le monde! Aux bases situées dans l’Hexagone et en outre-mer s’ajoutent des bases situées en Afrique et aux Emirats arabes unis, ainsi qu’un déploiement maritime en Atlantique Nord, dans le golfe de Guinée et dans l’océan Indien. S’agissant de la marine de guerre, la France se place au 7e rang en termes de tonnage, et elle est l’une des 5 flottes mondiales à disposer d’une dissuasion nucléaire embarquée permanente. En 2020, l’armée française comptait 205 700 personnels militaires, dont 30 000 étaient déployés en opération, avec 400 militaires dans les pays baltes dans le cadre de l’OTAN, 720 casques bleus, notamment au Liban, en RDC ou en République centrafricaine, 600 militaires pour l’opération Chammal en Syrie et en Irak, et 5 100 soldats dans le cadre de Barkhane, répartis entre la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso le Niger et le Tchad.

Un dispositif militaire qui a été revu à la baisse par le président Macron à partir de juillet 2021, avec la fermeture de 3 bases dans le nord du Mali, à Tessalit, Kidal et Tombouctou.
Puis en février 2022, soit 9 ans après le début de l’opération Serval pour repousser les forces djihadistes, Paris a confirmé le désengagement progressif des forces françaises installées au Mali. Car la présence française en Afrique est remise en cause par de nombreux acteurs, qui entendent bien prendre le relais des anciennes puissances coloniales.
Ainsi les Chinois ont des accords militaires avec 6 pays d’Afrique. On peut ajouter à cela les manoeuvres russes, qui ont déployé des mercenaires du groupe Wagner en République centrafricaine, en Libye, au Soudan, au Mozambique, et qui, début 2022, étaient en déploiement au Mali.

En 2021, c’est aussi et surtout dans la zone indo-pacifique que la France veut convaincre qu’elle demeure une puissance mondiale. Face à l’émergence des géants chinois et indien, elle a commencé à se rapprocher de l’Inde et de l’Australie dans les années 2000 pour tenter de construire un axe stratégique Paris-New Dehli-Canberra.
Mais la crise diplomatique déclenchée en septembre 2021 par la création de l’alliance AUKUS entre Washington, Canberra et Londres contre Pékin, et l’annulation du contrat de livraison à l’Australie de 12 sous-marins français a bouleversé la donne régionale et les ambitions de Paris. Car l’Indo-Pacifique abrite 93% de la zone économique exclusive française, et 1,6 million de ressortissants, répartis dans les divers territoires d’outre-mer. Un rapprochement avec l’Inde est toujours envisagé. Dehli a ainsi acquis 36 avions de combat Rafale du groupe Dassault en 2016, pour un montant de 7,87 milliards d’euros, et Paris compte sur le renforcement de partenariats déjà engagés avec le Japon, la Nouvelle-Zélande, le Vietnam ou l’Indonésie pour tirer son épingle du jeu.
La France est sans doute devenue, comme le disait Giscard d’Estaing, « une grande puissance moyenne de rayonnement mondial ». Atouts militaires et diplomatiques, dynamisme économique plus fragile, influence culturelle et linguistique encore bien réelle : la France dispose toujours des attributs de la puissance, mais doit désormais, dans un monde multipolaire, compter sur l’Union européenne et sur le multilatéralisme pour continuer de peser.
Enfin la France a un handicap qui lui est propre : une défiance envers les institutions et une peur de l’avenir bien plus élevée que dans les autres pays européens de niveau économique comparable.
Pour aller plus loin, cet ouvrage collectif, qui revient également sur ce penchant très français pour l’autodénigrement. (voir la biblithèque de ce site)
