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Les explosifs et leur fabrication

par Rodolfo Molina; traduit sur la 2e édition italienne, par J.-A. Montpellier. 1909.


Rodolfo MOLINA
MEMBRE DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DES EXPLOSIFS DU MINISTÈRE DE l’iNTERIEUR ET ANCIEN DE LA POUDRERIE DE TERDOBBIATE
TRADUIT SUR LA DEUXIÈME ÉDITION ITALIENNE PAR J.-A. MONTPELLIER PARIS
II. DUNOD et E. PINAT, ÉDITEURS
49, QUAI DES grands-augustins, 49
1909

Ce livre écrit à un point de vue essentiellement pratique, a eu en Italie un succès parfaitement justifié.
Nous avons cru utile d’en publier une édition française, afin de mettre à la portée des industriels et des militaires un travail leur donnant des indications précises sur les explosifs modernes et leurs nombreuses applications.
Paris, septembre 1908.
Le Traducteur.

Invention de la poudre

La poudre à canon, cette merveilleuse découverte qui révolutionna le monde, ce puissant outil de guerre qui dompte la force brutale et rend égales les chances des combattants en donnant la supériorité à la valeur morale et au savoir, n’est pas une invention sortie d’un jet d’un cerveau de génie ; ce n’est pas, non plus, l’œuvre du hasard. Comme toutes les grandes découvertes qui caractérisent le génie de l’homme, l’invention de la poudre n’est que le résultat des travaux de nombreux savants qui, pendant plusieurs siècles, ont dirigé leurs efforts vers un même but.
Heureux celui qui trouve la solution d’un problème qui, pendant plusieurs générations, a été l’objet des études et des travaux de nombreux et patients chercheurs ; heureux celui qui trouve le détail insignifiant, mais suffisant, pour résumer les travaux de ses devanciers et donner un corps à 1 œuvre péniblement élaborée et peu à peu perfectionnée par ses devanciers ; heureux enfin, celui qui récolte les avantages produits par tant de fatigues, tant d’essais et d’angoissantes recherches et qui, le plus souvent, donne son nom à une nouvelle et remarquable invention.
C’est ce qui s’est produit pour l’invention de la poudre à canon, et c’est au moine franciscain Berthold Schwartz qu’a été réserve l’honneur d’en être déclaré l’inventeur, gloire qui a été consacrée par un monument édifié à Fribourg, sa ville natale.
Il est absolument impossible de préciser à quel pays et à qui on doit attribuer la première idée de la découverte de la poudre. Plusieurs pays se disputent la priorité de celte invention que les légendes les plus étranges, mises en circulation dans le passé, ont attribuée les unes aux Chinois, d’autres aux Indiens, d’autres, enfin, à différents peuples.
Aussi loin qu’il est possible de remonter dans l’histoire ancienne, à l’époque où les rivalités de famille à famille, de tribu à tribu donnaient lieu quotidiennement à des luttes sanglantes corps à corps, il était naturellement venu à l’idée de l’homme de recourir à des moyens physiques auxiliaires pour l’aider à attaquer et à vaincre plus facilement son ennemi. Après avoir employé des procédés et des armes entièrement mécaniques, on eut recours à l’usage de pièces de bois et de torches imprégnées de substances inflammables, telles que le soufre fondu, la poix, la résine qui, préalablement enflammées, étaient lancées au milieu des troupes ennemies et y portaient l’incendie et la destruction.
Ce n’est qu’au vu® siècle après Jésus-Christ que les mélanges incendiaires furent introduits en Europe par Callinique, architecte syrien, qui enseigna leur préparation aux Grecs du Bas-Empire. Grâce à leur emploi, ils repoussèrent la flotte des Arabes qui avaient mis le siège devant Constantinople. C’est de cette époque que le nom de feu grégeois ou feu de Cullinique fut donné à ce mélange incendiaire.
Le feu grégeois était un mélange d’huile grasse végétale, d’huile de naphle, de résine, de goudron et de substances minérales combustibles pulvérisées. Ce feu grégeois était employé de différentes manières : on le plaçait dans un vase de terre ou de fer et, après l’avoir enflammé,on le lançait sur
l’ennemi à l’aide de puissantes arbalètes ; quelquefois, on l’utilisait dans les combats corps à corps, en le plaçant à l’extrémité d’une lance ou d’un limon de chariot ; enfin, on l’employait sous forme de fusées ou de tubes volants qui, envoyés dans les rangs des ennemis, y semaient la terreur et la mort.
Les composés incendiaires de guerre ou feux d’artifice, désignés sous les noms de pyroholides, de flèches enflammées, de phalariques de tourteaux goudronnés, de brûlots, etc., etc., avaient un caractère identique à celui du feu grégeois.
L’emploi des fusées était d’ailleurs connu des Chinois, car il en est question dans les écrits de Marco Polo qui les caractérise d’inventions infernales dues aux nécromanciens. Il est certain que ces fusées ou feux d’artifice devaient produire des effets bien plus surprenants que ceux que l’on obtenait avec le feu grégeois, car le salpêtre était sûrement connu des Chinois, celte substance se trouvant dans leur pays sous forme d’abondantes efflorescences. Ils furent certainement les premiers qui employèrent le mélange de salpêtre, de soufre et de charbon pour faire les fusées. Toutefois, les Chinois ne peuvent être considérés comme les inventeurs de la poudre à canon, car ils ignoraient les propriétés balistiques de ce mélange, dont ils se servaient uniquement comme moyen incendiaire ; comme les Grecs, ils remplissaient des projectiles de ce mélange et les lançaient sur l’ennemi à l’aide de dispositifs purement mécaniques.
Les Grecs, eux aussi, ne tardèrent pas à connaître le salpêtre qu’ils introduisirent dans la composition du feu grégeois afin de le rendre plus dangereux ; mais, comme les Chinois, ils ignorèrent les propriétés balistiques du mélange de salpêtre, de soufre et de charbon et ne l’utilisèrent, non comme moyen de propulsion, mais uniquement comme matière incendiaire.

  1. Sorte de javelot.
    En effet, l’empereur Léon VI le Philosophe, qui régna a Byzance et succéda à son père Basile 1 en 886, décrit dans son livre Traité de Indique et exposé sommaire de l’art militaire, les tubes qui servaient à lancer le feu grégeois et ajoute qu’ils projetaient des feux artificiels en produisant un bruit analogue à celui du tonnerre.
    Marcus Græchus qui a écrit, à une époque qui n’est pas bien précisée et que les uns placent vers l’an 1000, un ouvrage célèbre intitulé:Livre des’feux pour brûler les ennemis,indique une sorte de recette pour fabriquer la poudre servant de matière incendiaire à employer contre les assiégeants, mais qui n’avait pas d’autre usage ainsi que l’indique le titre même de son livre.
    Ce furent les Arabes qui,par suite de leurs rapports faciles avec les Chinois, apprirent de ces derniers,au commencement du xnie siècle, la composition du mélange de salpêtre, de soufre et de charbon ; ils l’employèrent pour la fabrication des fusées et, ayant étudié attentivement le phénomène de la combustion, ils découvrirent les propriétés balistiques que possédait ce mélange. Ils ne tardèrent pas à appliquer cette découverte en fabriquant des fusils rudimentaires qui. grâce à l’explosion d’un mélange formé de :
    Salpêtre 10 drachmes,
    Soufre 1,5 —
    Charbon 2 —
    pouvaient lancer à grande distance de véritables projectiles, en forme de flèches. Les Arabes furent également les premiers qui réussirent à purifier, quoique^imparfaitement, le salpêtre en le traitant avec des cendres, opération qui a conduit au raffinage du salpêtre par le carbonate de potassium.
    \ ers la même époque, on étudiait sérieusement en Europe les propriétés du feu grégeois et, au commencement du xive siècle, on connut les premières poudres. Cette découverte est-elle duc au hasard ? Est-elle le résultat des recherches d’un véritable inventeur ? Ni l’une ni I autre de ces deux hypothèses n’est admissible, car la succession des faits soigneusement examinés démontre le contraire. L’imagination humaine,toujours éprise de merveilleux, aurait tendance à attribuer à un seul homme le résultat des travaux effectués pendant plusieurs siècles ; c’est au point que l’on est arrivé à supposer que l’invention de la poudre est l’œuvre d’Archimède, parce que Vitruve a raconté que ce grand mathématicien avait défendu Syracuse, contre le consul romain Marcellus qui l’assiégeait, à l’aide de puissantes machines qui lançaient avec grand bruit des projectiles sur les Romains. Quelle que fût la cause qui produisait le bruit, il est certain que, si Archimède avait connu les propriétés balistiques de la poudre et les avait utilisées pour lancer des projectiles, sa découverte était morte avec lui, demeurant ignorée pendant plusieurs siècles.
    D’autres faits analogues à ce dernier ont été cités : par l’historien Almacin qui attribue à Agiogène Arelas l’emploi de la poudre nitrée au siège de la Mecque en 690 ; par Dionius Cassius qui raconte que Caligula possédait un appareil avec lequel il produisait le bruit du tonnerre et des éclairs ; par Apollonius Tianeus qui décrit comment les brahmanes de l’Inde lançaient sur leurs ennemis la foudre et le tonnerre ; par Vossius, Philostrate et d’autres auteurs anciens qui ont raconté, toujours d’une manière plus ou moins exagérée, les effets produits par le feu grégeois, le seul qui fût réellement connu à cette époque.
    D’autres historiens indiquent comme inventeur de la poudre le célèbre Roger Bacon, et cela parce que,dans son livre Opus niâjus, i\ décrit des feux de guerre qui répandaient une grande terreur et les compare à des jeux d entant bien connus qui n’étaient autres que de minuscules pétards. Comme onle voit, on était loin de connaître à celle époque les propriétés balistiques de la poudre et l’on n’en avait encore découvert que les effets explosifs.
    On arrive enfin à Berthold Schwartz, le légendaire moine noir de Fribourg. Mais ici on pénètre presque dans le domaine de la fantaisie historique. En effet, la plupart des chroniques du moyen âge qui ont trait à l’invention de la poudre se contredisent l’une l’autre : tandis que l’une attribue à Berthold Schwartz l’invention de la poudre,une autre raconte que l’inventeur est le moine Severinus,une troisième dit que l’invention est due au juif Tibseles, une quatrième, une cinquième et d’autres encore mentionnent comme inventeurs différentes personnes.
    Au sujet de Berthold Schwartz, on raconte qu’après avoir découvert la poudre à canon, il vendit le secret de la fabrication aux Vénitiens et qu’alors Wenceslas IV,roi de Bohême et empereur d’Allemagne, pour le punir d’avoir livré sa découverte, le fît attacher sur un baril de poudre auquel on mit le feu. Quand on pense que ce fait se serait passé en 1381, et qu’il y avait déjà près d’un siècle que l’on utilisait la poudre dans les armes à feu pour lancer des projectiles, il est facile de conclure que cette légende est absurde.
    On peut toutefois considérer comme avéré qu’ayant eu ou non connaissance de la découverte des Arabes, l’Allemagne fut le pays dans lequel on prépara les premières poudres à feu et d’où le secret de cette préparation se répandit rapidement dans tous les pays civilisés.
    Comme on l’a déjà dit, l’usage de la poudre dans l’art de la guerre date du xnie siècle. Il est parfaitement exact que, dans les chroniques de la ville de Forli, rédigées par Léon Cobelli et recueillies par les soins de G. Carducci, il est dit qu’en 1281, Guido de Montefeltro, seigneur et capitaine du peuple à Forli, lors du licenciement des mercenaires français du pape Martin IV, avait à son service des fusiliers.
    Il paraît donc qu’à cette époque on se servait déjà de véri-tables armes a feu ; toutefois, dans les chroniques de Cobelli, il n’est fait aucune mention du rôle attribué à ces soldats et c’est pourquoi on peut douter qu’ils aient été de véritables fusiliers.
    En 1310, on vit apparaître les premiers canons, très rudimentaires il est vrai et de très petites dimensions, ainsi que le relate un contemporain, continuateur des annales de Caf- faro. C’est en 1311 que l’empereur allemand Henri utilisa pour la première fois des bombardes lors du siège de Brescia. Ces bombardes furent aussi employées à Forli en 1326; et. en 1346, à la bataille de Crécy, où les Anglais commandés par le roi Edouard III mirent en déroute les Français conduits par le roi Philippe IV de Valois, il est fait mention de dix gros canons installés en rase campagne.
    Il existe à la Bibliothèque nationale de Paris, daté du 11 juillet 1338, un manuscrit curieux cl intéressant, dans lequel Guillaume Moulin de Boulogne accuse réception à un certain Thomas Fouques, employé dans la maison pénitentiaire de Rouen, d’un récipient en fer pour le tir de flèches enflamméesjde quarante-huit flèches garnies de fer avec leurs plumes, d’une livre de nitre et d’une demi-livre de soufre pour fabriquer la poudre nécessaire au tir des susdites flèches.
    Dans un autre intéressant manuscrit,écrit en 1326 et attribué à Walter de Millemelle, portant pour titre : De officu* regum et qui se trouve à la bibliothèque Chrislchurch à Oxford (Angleterre), il y a une image représentant une bouche à leu pour le tir des projectiles. La découverte de celle miniature est due au chimiste allemand Oscar Cultman.
    Machiavel, dans ses Histoires Florentines, dilqu«en 13Si> « les Génois,lesquels avaient vécu sous la domination de A is- « conti, se révoltèrent ; au sujet de la propriété de I île de « Tenedos, la guerre fut déclarée entre les Génois et les \ e- « nitiens, guerre importante qui divisa toute l’Italie. Dans « cette guerre, on vit apparaître, pour la première fois, h s « artilleries, armes nouvelles inventées par les Allemands. >>
    Dans son ouvrage sur l’Ar/ de la Guerre, le même auteur, Machiavel, écrivait : « …Ils ont parmi eux des fusiliers qui, « à l’aide du feu obtiennent les mêmes résultats que ceux « qu’obtenaient anciennement les frondeurs et les arbalétriers. « Ce système d’armement a été imaginé par les Allemands. »
    Quoique Sébastien Munster, traitant de la poudre de tir, ait écrit, en 155i, que:« … le vilain qui apporta sur la terre « une chose aussi affreuse, n’est certes pas digne d’avoir son « nom inscrit dans les mémoires des hommes », il n’en est pas moins vrai que l’application de la poudre à l’art de la guerre constituait un progrès indiscutable au point de vue de la civilisation. Grâce à l’emploi delà poudre, on put opposer une barrière infranchissable aux invasions des barbares et, aussi, commencer à abattre la terrible puissance de la féodalité.
    De plus, la poudre à canon, terrible instrument au point de vue des guerres, fut le plus puissant facteur du progrès en temps de paix, puisqu’elle a permis, sous forme de poudre de mine, d’explorer le sein de la terre où se trouvent de nouveaux et très utiles minerais ; elle a permis aussi d’ouvrit de nouvelles voies de communication, de percer les montagnes, établissant ainsi des liens d’amitié entre les divers pays, dans l’intérêt commun de leurs habitants, en portant les bienfaits de la civilisation dans les endroits les plus lointains, au delà des barrières élevées par la nature.
    CHAPITRE 11
    Découverte de nouveaux explosifs
    Sauf quelques modifications apportées au dosage primitif et de légers perfectionnements dans les procédés de fabrication, la poudre noire, formée d’un mélange de salpêtre, de charbon et de soufre, a été le seul explosif utilisé pendant cinq siècles.
    Ainsi que l’a fait judicieusement remarquer Berthelot : « L’étude des matières explosives a quelque chose qui séduit « l’imagination et cela à un double point de vue : en raison « de la puissance qu’elle met entre les mains de l’homme, et « en raison des notions plus profondes qu’elle nous permet « d’acquérir sur le jeu des forces naturelles, amenées à leur « plus haut degré d’intensité. »
    Dans son empressement à trouver de nouveaux moyens d’attaque et de défense, imposés par la nouvelle tactique des guerres, l’homme ne pouvait se contenter de la simple poudre noire et, d’autre part, les exigences nouvelles de l’industrie et de la science avaient fait naître le besoin d’avoir recours à des explosifs plus efficaces que la poudre pour améliorer l’exploitation des mines et pour construire des routes servant à favoriser les relations entre les différents pays.
    Le chimiste français Berthollet, ayant en 1785 découvert le chlorate de potassium, essaya de l’utiliser dans la prépa
    ration des poudres de guerre en le substituant au salpêtre dans le mélange bien connu. Une terrible explosion, qui fil plusieurs victimes, explosion due à la grande instabilité du chlorate de potassium, fut la cause de l’abandon momentané de ces essais.
    En 1799, l’Anglais Howard, en traitant l’azotate de mercure par l’alcool et par l’acide azotique, obtint une substance explosive, extrêmement sensible au choc et, par suite, considérée comme ne pouvant recevoir aucune application pratique. Les recherches et les essais, effectués successivement par Gay- Lussac, Berzélius, Chandelon et Liebig, rendirent possible l’emploi de celte substance qui, connue sous le nom de fulminate de mercure, est utilisée dans la fabrication des capsules et des amorces, alors qu’autrefois, la mise à feu de la poudre était obtenue par l’intermédiaire de mèches.
    En même temps, de nouveaux progrès, toujours croissants, étaient apportés à la fabrication des armes à feu et à celle des projectiles ; il en résultait l’obligation d’améliorer la préparation de la poudre pour pouvoir l’utiliser avec les nouvelles armes, c’est-à-dire d’augmenter sa puissance balistique, d’obtenir la sécurité et la continuité du tir et enfin d’accroître la portée.
    La poudre noire avait déjà été l’objet de presque tous les perfectionnements dont elle était susceptible. C’est alors que la chimie organique ouvrit de nouveaux et immenses horizons aux chercheurs et les entraîna à découvrir des matières explosives de grande puissance, pouvant être l’objet de nombreuses et différentes applications.
    Ce fut le français Braconnot, de Nancy, qui,en 1832, trouva le premier de nouveaux explosifs. En traitant l’amidon, les fibres ligneuses et d’autres substances analogues par l’acide azotique concentré, il obtint un produit blanc, léger, très facile à enflammer, auquel il donna le nom de xyloïdine.
    Pelouze, en 1838, au cours d’essais sur le produit découvert par Braconnot, constata qu’en immergeant, pendant seulement quelques instants, une cellulose quelconque dans l’acide azotique monohydraté, puis la lavant abondamment et la mettant ensuite à séclrer, on obtenait une substance très inflammable pouvant être utilisée dans les compositions pyrotechniques.
    En 1845, Dumas obtint une substance explosive en nitrifiant le papier, substance à laquelle il donna le nom de nitntmi- dine ; l’inventeur en proposa l’emploi pour la confection des gargousses d’artillerie.
    Mais, à cette époque, les nouvelles substances explosives qui venaient d’être découvertes ne donnèrent aucun résultat vraiment pratique par suite de leur instabilité et du manque de régularité des préparations ainsi obtenues.
    En 1816, le suisse Scbœnbein de Bâle annonça la découverte du /’ulnü-coton ou coton-poudre, obtenu en immergeant du colon bien cardé dans un mélange,à parties égales, d’acide azotique et d’acide sulfurique concentrés. Après celle opération, le colon est soumis à des lavages énergiques, abondants et plusieurs fois répétés, afin de lui enlever toute trace d’acides; puis, on procède au séchage, dans une étuve fermée, à une température ne dépassant pas 80°.
    Malgré l’extrême facilité avec laquelle la substance explosive découverte par Scbœnbein se décomposait et explosait, elle excita toutefois l’enthousiasme général et presque tous les Etats d’Europe se livrèrent à des études et à des recherches sur ce nouveau produit, dans le but de l’utiliser pour le service de l’artillerie. Ces expériences ne tardèrent pas a être abandonnées, tant à cause de la grande instabilité du produit ainsi préparé, que par suite des accidents désastreux qui se produisirent en différents endroits.
    Malgré cela, les études et les essais du colon-poudre lurent poursuivis avec la plus grande persévérance en Autriche, où le baron von Lenk, en perfectionnant le procédé de fabrication, obtint un coton-poudre plus stable, plus maniable e, produisant des effets plus réguliers. En présence de ces résul-tats, le gouvernement autrichien installa des usines pour la fabrication de ce produit et fit construire trente batteries d’artillerie qui, pour leurs exercices à leu, devaient faire usage exclusivement de fulmi-coton.
    Peu de temps après, deux terribles explosions se produisirent en Autriche, à Simmering en 1862 et à Steinfeld en 1865, explosions dues à la décomposition spontanée du coton-poudre et qui discréditèrent totalement son emploi, si bien que l’on renonça à l’utiliser et à le fabriquer.
    11 était réservé au savant chimiste anglais Abel l’honneur de rendre l’emploi du lulmi-coton presque indispensable pour effectuer la charge des projectiles explosifs, principalement des torpilles, et aussi de rendre possible son emploi dans les travaux de mine. Abel fit breveter son procédé en 1865; ce procédé consiste à réduire, avant toute autre opération, le coton en fil très fins pour enlever tout grumeau susceptible de donner lieu à une réaction par suite de sa nitrification. Après avoir soumis le produit ainsi préparé à tous les lavages nécessaires, on le soumet, encore à l’état humide, à une très forte compression ; on empêche ainsi l’altération du coton- poudre pendant longtemps et il ne présente plus aucun danger. Pour l’employer plus tard, il suffit de le dessécher convenablement et il reprend alors toute sa puissance explosive. On peut également l’utiliser à l’état humide en provoquant son explosion à l’aide d’une capsule de fulminate de mercure, o’est-à-dire en provoquant l’explosion d’une charge initiale de coton-poudre sec mise en contact avec la masse humide. Dans ces conditions, la déflagration est encore plus violente que celle que l’on obtient avec le fulmi-coton sec, car l’eau, à cause de sa faible élasticité, favorise le choc initial dans toute la masse.
    Ce procédé ayant rendu possibles, l’emploi et la conservation du fulmi-coton, on entreprit sa fabrication dans les principaux pays d’Europe et, actuellement, le coton-poudre entre dans la composition de presque tous les engins explosifs les plus puissants, utilisés principalement pour l’art de la guerre et pour les mines sous-marines.
    Presque à la même époque, le chimiste italien Sobrero trouva la nitroglycérine, qu’il obtint pour la première fois dans son laboratoire particulier, à Turin,en 1817. Cette importante découverte, qui était appelée, à bref délai,à bouleverser l’industrie minérale et à aider à son rapide développement ; en lui fournissant des matières explosives d’une puissance inconnue jusqu’alors, resta néanmoins, pendant quelques années, sans applications pratiques, à cause de l’extrême facilité avec laquelle la nouvelle substance explosait au moindre choc. Toutefois, la nitroglycérine fut utilisée en Amérique, en solution très étendue,comme médicament, sous le nom de glonoïne.
    Ce n’est que dans la période de 1860 à 1863 que l’ingénieur suédois Nobel parvint à faire accepter ce produit pour les travaux de mine, en le préparant par des procédés rapides et peu dangereux dans ses usines de Stockholm et de Hambourg. 11 rendit cet explosif moins sensible au choc en le dissolvant dans l’alcool méthylique, d’où il le séparait ensuite peu à peu par une simple addition d’eau. Ce nouveau produit reçut le nom d’huile explosive ; de nombreux accidents survenus peu après sa découverte et les graves inconvénients que présentait l’emploi de l’alcool méthylique en firent proscrire l’emploi.
    Cet insuccès ne découragea pas Nobel qui parvint finalement à surmonter toutes les difficultés et à atténuer l’extrême sensibilité de la nitroglycérine en la faisant absorber par un corps inerte et poreux duquel on ne pouvait la séparer, ni par l’action d’une pression énergique, ni par le vieillissement du produit, ni enfin par aucune cause étrangère. La dynamite était trouvée ; par la suite, cet explosif a été l’objet de nombreuses modifications et de perfectionnements.
    Quand on eut obtenu une stabilité suffisante pour le fulmi- coton et rendu possible l’emploi de la nitroglycérine dans la préparation des explosifs, une véritable fièvre d’invention
    s’empara des chimistes et de tous ceux qui s’occupaient de la question.
    Comme toutes les substances organiques peuvent être soumises à la nitrification, il en est résulte la découverte d’une variété infinie de nouvelles poudres connues sous le nom générique de nilrocomposés. *■
    Ces nouvelles poudres furent utilisées dans les armes à feu de toute espèce, y compris la grosse artillerie. Avec la suppression de la fumée, qui constitue une des plus importantes qualités de ces poudres,les principes de la tactique militaire ont été entièrement bouleversés, à tel point qu’on a éprouvé le besoin d’employer parfois dans les tirs de guerre, en même temps que les poudres nitrocomposées,des poudres spéciales, dites fumigènes, produisant dans l’air de grands nuages de fumées épaisses, afin de cacher à l’ennemi les mouvements de troupes s’effectuant dans un endroit découvert.
    Indépendamment de la suppression presque complète de la fumée, les nitrocomposés possèdent une puissance d’explosion extraordinaire et impriment au projectile une grande vitesse initiale permettant d’effectuer des tirs à de très longues distances, auxquelles la poudre noire n’aurait jamais permis d’atteindre ; aussi cette dernière est-elle peu à peu abandonnée et remplacée par les nouveaux explosifs.
    CHAPITRE III
    Légendes sur Sainte Barbe
    Après avoir exposé les légendes qui ont trait à l’invention de la poudre, on ne peut passer sous silence la légende, plus ou moins fantaisiste, qui a associé le nom de sainte Barbe aux explosifs.
    Personne n’ignore que cette sainte est considérée comme la patronne des poudriers, des mineurs, des artilleurs, des sapeurs du génie et des marins, en un mot de toutes les armes qui font un emploi spécial des explosifs, telles que l’artillerie avec ses canons et ses obus et le arénie avec ses travaux de O
    mine. Quant aux marins, on suppose que la protection de sainte Barbe s’étend non seulement aux artilleurs de marine, mais aussi à tous ceux qui font partie de l’équipage d’un navire en raison des dangers auxquels ils sont exposés, tant à cause de la foudre que de la grande quantité d’explosifs qui se trouvent à bord d’un navire de guerre, aussi bien qu’au- trefois à bord des navires faisant la navigation au long cours, explosifs emmagasinés dans’ un réduit spécial de la cale désigné précisément sous le nom de Sainte-Barbe.
    Il serait impossible de dire comment et depuis quand cette sainte a commencé à être vénérée comme patronne de ceux qui manipulentles explosifs.Tous les renseignements que l’on a sur la naissance, la vie et le martyre de sainte Barbe sont confus et contradictoires.
    M. Tullio Marchesi, savant officier de l’artillerie italienne, a publié en 1895, à Turin, une intéressante brochure sous
    le titre : Santa Barbara, protectrice dci cannonieri. Ce chercheur méticuleux, après avoir examiné de nombreux documents, nous a fait connaître, au moins en partie, l’histoire de sainte Barbe et les motifs spéciaux qui lui avaient valu de devenir la patronne des artilleurs. A tous ceux qui auront le désir d’avoir à ce sujet des renseignements étendus et détaillés, nous conseillerons de lire l’intéressant opuscule de M. Marchesi.
    Nous nous bornerons ici à résumer brièvement la légende de cette sainte et à exposer les raisons probables qui lui ont fait attribuer le patronage de tous ceux qui manient les explosifs.
    On raconte que, vers l’année 210 après Jésus-Christ, Barbe naquit à Nicomédie, capitale de la Bythinie. Son père, Dioscore, était le chef d’une riche et noble famille.
    La jeune fille grandit dans l’aisance auprès de ses parents qui l’adoraient à cause de sa vive intelligence et de sa grande beauté. Par une inclination naturelle, Barbe se tenait à l’écart de toutes les fêtes etde tous les plaisirs, car elle n’aimait pas les divertissements, son caractère la portant à la méditation. Ses goûts, tout l’opposé de ceux du monde dans lequel elle vivait, créèrent pour la jeune fille une sorte d’isolement ; son cœur sensible l’amena à accueillir la religion du Christ, religion qui précisément condamnait le luxe et les injustices du paganisme professé par ses parents.
    Instruite en secret des dogmes et des mystères de la doctrine du Christ, elle se fit chrétienne et forma le vœu de rester vierge, pour ne pas unir sa destinée à celle d’un homme professant une autre religion que la sienne.
    Dioscore avait disposé autrement de l’avenir de sa fille et vint le jour où Barbe fut mise dans l’alternative de prendre un époux ou d’avouer la vérité. Barbe déclara alors hardiment à ses parents qu’elle était chrétienne.
    Aveuglé par la colère, Dioscore s’élança sur sa fille pour la tuer ; mais Barbe, en fuyant, s’appuya contre une roche quimiraculeusement s’ouvrit, laissant passer la jeune fille, et se referma devant le père qui la poursuivait.
    Il paraît que le miracle de la roche ouverte ne suffit pas à arrêter la colère de Dioscore, car, ayant rejoint sa fille par un autre chemin, il l’entraîna devant le préfet Marcianus et l’accusa.
    Ni promesses, ni menaces, ni caresses n’eurent d’action sur Barbe qui conserva entièrement sa foi. Soumise aux plus cruelles tortures,chaque soir elle rentrait blessée, meurtrie et sanglante dans son triste cachot. Mais, pendant la nuit, le Rédemp- e e e • leur lui apparaissait et la ranimait en louchant du doigt ses blessures qui se cicatrisaient, à la grande stupéfaction des geôliers qui, dès le matin, venaient chercher Barbe pour la conduire à de nouveaux supplices. La malheureuse,ayant persisté à confesser sa religion, fut finalement condamnée à mort.
    Dioscore, soit par féroce vengeance, soit pour être agréable à ses dieux, demanda et obtint d’être l’exécuteur de la terrible sentence. Il traîna sur le haut d’une colline sa malheureuse victime et, arrivé en cet endroit, il lui trancha la tête.
    Saisi d’épouvante aussitôt après avoir commis son infâme crime, Dioscore s’élança en bas de la colline. Mais à ce moment un éclair jeta une vive lueur dans le ciel et Dioscore fut frappé de la foudre et réduit en cendres, à tel point qu’on ne put trouver trace de son corps.
    La dépouille mortelle de Barbe tut inhumée à Nicomédie. Lorsque, plusieurs siècles après, elle fut canonisée, ses reliques furent exhumées et transportées à Constantinople sur l’ordre ■de l’empereur Justinien. Une église y fut bâtie pour abriter ses restes. En 991, l’empereur Basile fil don des reliques de sainte Barbe aux Vénitiens qui les placèrent dans la basilique de Saint-Marc.
    On prétend qu’actuellement, ces reliques se trouvent dans l’église des Jésuites à Venise ‘.
  2. A cc sujet, Marchesi rapporte que, d’après certains témoignages, les
    Il est vraisemblable que les deux événements qui ont marqué la vie de sainte Barbe : l’ouverture du rocher pour lui donner le moyen de fuir et, d’autre part, la foudre vengeresse qui réduisit son.père en cendres, l’ont fait désigner comme protectrice des mineurs, des artilleurs et des marins.
    En effet, l’ouverture du rocher est un travail de mineur qui, dans l’armée, est effectué par le génie. Par analogie, on y a ajouté l’artillerie parce que, dans les premiers siècles oii il fut fait usage de la poudre, soldats du génie et bombardiers faisaient partie du même corps de troupe.
    D’autre part, il est évident que la foudre constitue un danger permanent pour tous ceux qui emmagasinent ou font usage de la poudre; étant donné que la foudre éclata pour venger la mort de sainte Barbe, il était naturel que l’on invoquât cette sainte pour éloigner les dangers que la foudre peut occasionner. C’est probablement pour le même motif que les marins l’ont choisie comme patronne, puisque, autrefois, tous les navires étaient munis de bouches à feu et de munilions.
    La vie et les miracles de sainte Barbe ont été l’objet d’autres versions, plus ou moins vraisemblables.
    Nous nous contenterons de rapporter la légende qui est répandue dans le peuple de Rome et qui nous a été communiquée parmi jeune homme de nos amis, ErancisAcquaviva, savant bibliophile ; nous allons la reproduire presque textuellement comme elle nous a été racontée.
    Cette version n’est peut-être pas la véritable, mais c’est celle qui trouve le plus de créance, parce que le peuple de Rome a toujours été porté, comme l’a fait justement remarquer Belli, à confondre dans ses légendes les époques mythologiques et historiques, à réunir des faits qui se sont produits
    reliques de sainte Barbe se trouveraient, au contraire, dans l’église de Saint-Jean l’évangéliste, du diocèse de Torcello, où elles auraient été transportées en l’année J009.
    à des époques très différentes et à séparer, au contraire, les faits datant d’une même époque.
    Sainte Barbe, d’après la légende populaire, était une jeune vierge vivant dans une ville d’Afrique, au temps du Bas-Empire. Elle était la fille d’un excellent chimiste qui avait trouvé une matière explosive et qui tenait secrète sa découverte.
    La ville qu’il habitait ayant été assiégée par les Vandales, le père de Barbe trouva la mort dans un des nombreux combats qui se livrèrent, laissant la jeune fille maîtresse de son secret et de l’explosif qu’il avait découvert.
    La ville étant tombée an pouvoir des barbares, la vierge se réfugia dans un temple avec un grand nombre de ses compagnes et, lorsque les barbares tentèrent d’y entrer pour s’emparer d’elles, Barbe mit le feu à l’explosif que lui avait donné son père et trouva la mort, ainsi que ses compagnes, sous les ruines de l’édifice.
    Cette légende ressemble à celle que l’on raconte touchant les jeunes filles de Lesbos qui, pour ne pas tomber au pouvoir des Turcs déjà maîtres de la citadelle, mirent le feu aux poudres et se firent sauter en l’air.
    Il est probable que, sauf la désignation de l’époque où ces faits se sont passés, il s’est produit soit en Afrique, soit à Lesbos, soit en tout autre endroit, un épisode semblable à celui qui fait le fond de la légende, probablement exagérée en ce qui concerne le saut dans les airs.
    Parmi les jeunes filles qui périrent à Lesbos, il est possible qu’une d’entre elles portât le nom de Barbe, comme il est également admissible qu’aucune d’entre elles ne se nommât ainsi. A cause de la confusion, signalée par Belli, des époques auxquelles se sont produits les événements, on aura probablement attribué cet épisode à sainte Barbe et, pour sanctifier cet événement, ainsi que le fanatisme religieux de l’époque avait coutume de le faire, on choisit sainte Barbe pour protectrice des canons, des canonniers et autres.
    11 esteertain que,depuis l’année 1520 environ, jusqu’à notreépoque,dans les pays catholiques de l’Europe, les règlements militaires ainsi que les instructions adressées aux mineurs du génie, aux artilleurs,etc.; contenaient des prescriptions relatives à l’obligation de vénérer sainte Barbe et d’invoquer sa protection toutes les fois qu’il s’agissait de procéder à une opération dangereuse, telle que celle qui consiste à introduire la charge dans une pièce de canon, dans un trou de mine ou toute autre opération analogue.
    Actuellement, on ne croit presque plus au pouvoir des saints, aussi les prescriptions relatives à l’obligation d’invoquer sainte Barbe n’existent plus dans les règlements militaires de l’artillerie moderne.
    Toutefois on a conservé le nom de sainte-barbe au maga-
    O sin renfermant les poudres à bord d’un navire.
    Mais si le culte de sainte Barbe a cessé d’exister, la vénération de cette sainte subsiste toujours, et elle est aujourd’hui encore considérée comme la protectrice des explosifs et de tous ceux qui les manient.
    Le 4 décembre de chaque année, anniversaire de la Sainte, est un jour de fêle dans les fabriques d’explosifs, dans les mines, dans les casernes d’artillerie et du génie et à bord des vaisseaux. A celle occasion, il se distribue des gratifications et des récompenses extraordinaires.des banquets ont lieu, on lève les punitions, maîtres et ouvriers, officiers et soldats fraternisent et les cœurs vibrent à l’unisson en pensant au travail entrepris dans un but noble et élevé et au devoir accompli.
    LIVRE PREMIER
    LES POUDRES NOIRES
    PREMIÈRE PARTIE
    Matières premières
    PREMIÈRE SECTION
    Le Salpêtre.
    CHAPITRE PREMIER
    Propriétés générales du salpêtre.
    Le salpêtre ou nitre, ou plus exactement l’azotate ou nitrate de potassium, est un sel qui, aujourd’hui, s’emploie dans la préparation des poudres à feu. II n’était pas connu des anciens, car il est certain que la substance que ceux-ci désignaient sous le nom de natron ou nitrum s’appliquait à toutes efflorescences salines naturelles ; on a eu la preuve, cependant, que ce nom servait particulièrement à désigner le carbonate de sodium naturel, le seul dont les propriétés fussent connues à l’époque, propriétés bien différentes de celles du nitrate de potassium.
    Comment et à quelle époque a été découvert le nitrate de potassium? est un fait qui n’est guère bien connu.On estime, toutefois, que c’est au hasard et à l’empirisme que l’on doit la connaissance des applications pratiques du salpêtre. Il y a une dizaine de siècles qu’il a été employé dans l’art de la guerre, et les œuvres de Geber et de Marcus Græcus citent justement un sal pelrosum ou sal petræ ayant absolument les mêmes propriétés que le salpêtre.
    Jusqu’à la tin du siècle qui vient de se terminer, comme encore actuellement, le salpêtre a constitué un des éléments de fabrication de la poudre noire, mais, autrefois, son emploi n’était fondé que sur des données empiriques. Les travaux de Lavoisier sur le rôle de l’oxygènè dans la combustion le •/ Cz
    conduisirent à établir la théorie de l’action exercée par le nitrate de potassium dans la combustion de la poudre à feu. En eflet, le salpêtre renferme,sous un très faible volume,une grande quantité d’oxygène ; par suite de son mélange avec des corps combustibles, tels que le soufre et le charbon, il se produit instantanément, au moment de la combustion, une quantité considérable de gaz qui, par suite de leur extraordinaire force d’expansion, chassent, brisent et détruisent tout ce qu’ils rencontrent.
    Toutefois, celle explication est incomplète, puisque tous les corps,riches en oxygène et susceptibles d’en fournir en grande quantité aux substances oxydables, ne conviennent point à la préparation des explosifs et, il y a seulement quelques années, ou ne pouvait expliquer cette différence d’action. Les éludes de plusieurs savants chimistes et les laborieuses recherches de l’illustre Berthelol ont permis de déterminer exactement que la réaction des gaz explosifs développés par la combustion de la poudre noire était due, non seulement au mélange rationnel d’un corps comburant avec des corps combustibles, mais principalement au nombre de calories développées par l’oxydation des corps combustibles au moment de la combustion. Les expériences effectuées par Berthelot
    1 ont amené a cette conclusion que « 101 grammes de nitrate « de potassium cristallisé formé par la combinaison de :
    « Az 4- Oa 4- K – Az 0° K
    « développent 4- 118,7 calories; par approximation, on trouve « que l’oxydation de 2t grammes de carbone par 101 gram- « mes de nitrate de potassium, réaction qui s’effectue avec « production de carbonate de potassium et d’oxyde de car- « bone
    « Az OB K 4- 4 C = CO3 K 4- 3 CO 4- Az,
    « développe 4- 64,9 calories. »
    1) un autre côté, ayant également démontré que, par exemple, 101 grammes de sulfate de potassium, pour oxyder 2i grammes de carbone, au lieu de développer de la chaleur, absorbent, au contraire, 72,4 calories, il est évident que l’azote et ses composés sont les seuls qui possèdent l’énergie nécessaire pour produire des explosions.
    Le nom de salpêtre s’applique généralement aussi aux autres composés que l’acide azotique forme avec différentes bases. Les principaux azotates utilisés dans la préparation des produits explosifs sont le nitrate ou azotate de potassium, désigné également sous le nom de salpêtre ou de nitre, et le nitrate de sodium, plus connu sous le nom de salpêtre du Chili.
    Le nitrate de potassium ou salpêtre est un sel blanc, de saveur fraîche, salée, un peu amère et piquante. 11 cristallise très facilement en prismes rhomboïdaux droits et aussi en rhomboèdres peu stables qui se transforment facilement en prismes ; c’est donc un sel dimorphe. Sous ces deux formes, les cristaux sont toujours agglomérés et ne contiennent pas d’eau de cristallisation.
    Le nitrate de potassium se rencontre tout formé dans la nature à l’état d’efflorescences, formées de très petits cristaux. sur le sol et sur les vieux murs humides. Leur saveur permet de les distinguer facilement d’efflorescences analogues que l’on rencontre parfois et qui sont formées de sulfate et decarbonate de sodium.
    Son poids atomique est 101 ; sa densité à 0° est comprise entre 2,09 et 2,10 et sa chaleur spécifique 0,239.
    Il fond à la température de 338^340° et forme alors un liquide clair et limpide. En reprenant l’état solide, sa structure se modifie et il forme une masse opaque, blanche, fibreuse, élastique et difficile à triturer, à laquelle on a donné le nom de cristal minéral.
    Une dissolution saturée de nitrate de potassium bout à 118°.
    La propriété caractéristique du salpêtre est de fuser et de scintiller vivement lorsqu’on le projette sur des charbons incandescents ; dans ces conditions, il se décompose à la température du rouge vif en azote et en oxygène, en laissant un résidu de potasse pure. En brûlant, il produit une très vive lumière blanche.
    Un mélange de deux parties de salpêtre et d’une partie de soufre, placé sur un fer rouge, brûle en produisant une lumière tellement vive que l’œil peut à peine la supporter. Le même mélange, placé dans un creuset fermé et soumis à une haute température, détone violemment lorsqu’on atteint 432°. Un mélange intime de salpêtre et de charbon pulvérisés, constitue un véritable explosif, presque aussi énergique que la poudre noire qui, comme on le sait, est un mélange de salpêtre, de soufre et de charbon.
    Le nitrate de potassium parfaitement pur n’est point déliquescent au contact de l’air. Il est insoluble dans l’alcool, mais très soluble dans l’eau ; sa solubilité augmente considérablement avec l’élévation de la température. En. effet, 100 parties d’eau dissolvent :
    13,33 de salpêtre.
    15,00 —
    16,60 —
    20,60 —
    25,49 —
    25,64 —
    28,65 —
    31,75 —
    74,00 —
    97,70 —
    170,80 —
    238,00 —
    256,00 —
    335,00 –
    La présence d’un sel n’ayant aucun de ses éléments semblable à ceux du nitrate de potassium (par exemple, le chlorure de sodium ou le chlorure de magnésium) augmente sensiblement la solubilité du salpêtre dans l’eau, par suite de la double décomposition qui se produit entre les deux sels en contact. Au contraire, la présence d’un sel ayant un de ses éléments commun avec ceux du salpêtre, (par exemple, le chlorure de potassium, le nitrate de sodium, etc.), diminue la solubilité de ce dernier en produisant, au moment de la dissolution dans l’eau, un notable abaissement de température.
    L’acide azotique et les azotates sont généralement des produits naturels. Ces produits se forment par suite de réactions survenant entre les éléments du sol et ceux de 1 air, réactions que l’on explique de différentes manières, en ajant recours à des théories ingénieuses ; mais l’ensemble de ces réactions n’est pas encore connu dans tous ses détails.
    Toutefois, on admet aujourd’hui comme théorie générale de la nitrification, les deux causes naturelles suivantes :
    1° L’oxydation de l’azote de l’air, sous l’influence de l’électricité atmosphérique ou de l’ozone ;
    2° La décomposition de l’ammoniaque résultant de la décomposition des matières organiques et qui s’oxyde au contact de l’air.
    Depuis longtemps, de nombreux expérimentateurs ont constaté la présence de l’acide nitrique dans l’air, mais la cause de la production de cet acide a donné lieu à des théories très différentes les unes des autres et sur lesquelles on est loin d’être d’accord. Il est certain que les pluies d’orage et la grêle contiennent de l’acide nitrique qui est produit par la combinaison de l’azote et de l’oxygène de l’air sous l’action de l’électricité atmosphérique, soit que cette dernière se dégage du sol ou des nuages pendant les orages, soit qu’elle résulte de la faible tension (pie présente généralement l’électricité atmosphérique.
    On peut se demander si c’est là la seule cause qui produise de l’acide azotique au sein de l’atmosphère.
    Mayou en 1669, Lemery en 1675, Longchamp en 1825 et plusieurs autres ont cherché la solution de ce problème. Les uns ont admis que l’azote de l’air se transformait directement en acide azotique et se combinait ensuite avec les bases alcalines que contient le sol; d’autres estiment que l’azote se combine avec l’oxygène en présence des alcalis et des substances poreuses, sous l’influence de l’humidité ; mais ces théories sont actuellement complètement abandonnées.
    Dans tous les phénomènes d’oxydation lente, il se produit de très faibles quantités d’acide nitrique; mais ce phénomène n’est point suffisant pour donner une solution du problème. Schœnbein a admis comme un fait prouvé que l’acide nitrique se produisait d’une manière continue dans la nature par l’action de rozonc, obtenu par suite de l’oxydation du phosphore, sur l’azote libre, action favorisée par des phénomènes généraux se produisant en tous lieux; ainsi, par exemple, l’évaporation de l’eau en présence de l’azote suffirait pour déterrai-
    ner la combinaison de l’azote et de l’oxygène et la formation •de l’azotite d’ammoniaque.
    Jusqu’à ces derniers temps, celte théorie a été considérée comme exacte, mais les recherches de Carius et de Berthelot ont démontré qu’elle était erronée.
    C’est à Berthelot que l’on doit peut-être la solution de cet important problème. En effet, laissant de côté les théories de la chimie pure, il dit :
    « C’est l’électricité qui détermine la fixation de l’azote libre à la température ordinaire et sous la faible tension que possède l’électricité à la surface du sol et cela en tout lieu, en tout temps et même dans les régions où le temps est toujours serein ,
    Dans une longue série d’expériences et de faits que l’on ne saurait reproduire dans le présent ouvrage, car cela nous entraînerait trop loin, Berthelot démontre l’exactitude de sa théorie en prouvant que l’électricité, duc aux phénomènes orageux et principalement celle qui existe à l’état permanent à la surface du sol, est la cause de la production continuelle de l’acide azotique contenu dans l’air.
    De nombreuses constatations et des expériences répétées ont démontré que la nitrification naturelle est due principalement à l’oxydation lente des matières organiques azoffes sous l’action de l’oxygène de l’air dans certaines conditions •/ O
    particulières, telles que l’humidité, la température, la presence de bases alcalines ou terreuses, l’humus en decomposition et quelquefois aussi la présence de corps poreux.
    L’ammoniaque, composée d’azote et d’hydrogène, se produit par suite delà putréfaction des matières organiques végétales ou animales répandues dans toute la nature; cette ammoniaque est constamment soumise à des actions oxydan-
  3. Sur la force des matières explosives d’après la thermochimie, par M. Berthelot.
    tes, et ce travail de décomposition est une source inépuisable d’acide nitrique.
    L’acide nitrique peul également être obtenu sous Faction de l’oxygène naissant, par exemple, ainsi que l’indiquent Upmann et von Mayer « en faisant passer du gaz ammoniac sur du peroxyde de manganèse chauffé ou bien en traitant le sulfate d’ammoniaque avec un mélange d’acide sulfurique et de bichromate de potassium », c’est-à-dire en utilisant l’un des nombreux procédés bien connus qui peuvent provoquer l’oxydation de l’ammoniaque.
    Les conditions particulières et différentes qui permettent de faciliter, de limiter et même d’empêcher le phénomène de la nitrification par la décomposition de l’ammoniaque ont donné lieu à des hypothèses et à des théories diverses ; mais toutes n’ont indiqué que les effets produits et non la cause à laquelle ils étaient dus. Il y a à peine quelques années que MM. Schlœsing et Muntz ont démontré que la nitrification de l’ammoniaque et des matières organiques azotées est due à l’influence d’organismes microscopiques, punctiformes, arrondis ou légèrement allongés, ferments appartenant au groupe des bactériacées. Ces corpuscules se rencontrent dans toutes les terres arables et dans les eaux courantes ainsi que dans les eaux stagnantes que ces organismes concourent à purifier; ils provoquent la fixation de l’oxygène sur l’ammoniaque et sur les matières azotéesqu’elleseonliennent,donnant ainsi naissance à des nitrates. Pour que ces organismes produisent la nitrification, il est indispensable qu’ils se trouvent dans un milieu humide ; une lumière trop vive entrave leur action, alors qu’ils peuvent agir même dans l’obscurité ; ils ne résistent pas à la privation prolongée d’oxygène ; un milieu légèrement alcalin favorise la nitrification, tandis que s’il l’était trop il l’entraverait. Enfin la nitrification ne se produit que dans des limites déterminées de température, variant depuis 12° jusqu’à 45°. A une température au-dessous de 5° ou supérieure à 50°, l’action des ferments nitriques cesse complètement ; ces ferments sont détruits lorsqu’on les soumet à une température de 100° ou bien à l’action du chloroforme ou d’autres antiseptiques.
    Ces organismes microscopiques, appelés ferment nitrique, et que l’on peut comparer au ferment acétique bien connu, ne doivent pas être confondus avec les moisissures et avec les mycodermes ou champignons qui, au contraire, sont nuisibles à l’action de ce ferment.
    On explique ainsi les conditions spéciales qui facilitent la nitrification naturelle par décomposition de l’ammoniaque, conditions qui avaient été observées par les premiers expérimentateurs, sans que ceux-ci pussent en connaître la cause, donnant lieu ainsi aux nombreuses théories aujourd’hui reconnues inexactes.
    Les machinesdynamo-électriques.qui permettent d’obtenir des étincelles analogues aux décharges atmosphériques, onf amené le Dr Adolph Frank de Charlottembourg à utiliser ces machines pour fixer industriellement l’azote contenu dans l’air, résultat qu’il a obtenu en 1895 en traitant les carbures de calcium et de baryum et ensuite, en 1900, en traitant les cyanamides et les dicyanamides, dérivés des carbures qui viennent d’être cités.
    CHAPITRE II
    Extraction du salpêtre.
    Le salpêtre brut se trouve tout formé à l’état naturel ou bien est produit artificiellement en plaçant le sol dans des conditions spéciales qui favorisent la production naturelle des nitrates.
    Autrefois, le salpêtre était extrait principalement des efflorescences qui se produisent sur les vieux murs, du sol des écuries, des étables, des fosses à fumier, des vieilles masures dépourvues de plancher, ainsi que des plâtras provenant des démolitions, etc.
    L’industrie de l’extraction du salpêtre était réglementée par des lois spéciales et jouissait de privilèges spéciaux. Chaque état, chaque région avait un procédé spécial de production du salpêtre, et l’installation de nitrières artificielles s’était considérablement développée. Mais, la découverte d’immenses gisements naturels de nitrates aux Indes, dans l’île de Cevlan et dans l’Amérique du Sud ont, peu à peu, fait abandonner l’emploi des nitrières artificielles.
    Le salpêtre prend naissance naturellement et progressivement, par suite de réactions qui se produisent entre les éléments du sol et ceux de l’air, dans les endroits bas et humides, habités par des hommes ou par des animaux, sur les vieux murs, etc., et quelquefois aussi dans certaines cavités naturelles dont le sol contient de la potasse.
    Dans les pays chauds, la production du salpêtre est plus abondante et plus rapide. Dans les pays à climat tempéré.
    les nitiales sont le plus souvent des sels de bases terreuses tandis <|ue, dans les pa^s chauds, ils sont formés dm qu’il se forme, on l’enlève avec une écumoire et on le verse dans un panier en osier que l’on a eu soin de disposer au- dessus de la chaudière pour l’égouttage. Dès que les cristaux de sel marin apparaissent, on modère le feu afin que ces cristaux se séparent et sèchent plus facilement ; mais il faut prolonger le plus possible l’évaporation, afin de débarrasser le liquide d’une plus grande quantité de chlorure.
    Lorsque la dissolution marque 80° à l’aréomètre de Baumé, on éteint le feu et on la laisse reposer pendant environ dix- huit heures pour la clarifier complètement; après quoi on la verse dans de grands vases de cuivre où elle cristallise en se refroidissant lentement.
    La cristallisation terminée, on recueille les eaux mères, on détache les cristaux en les laissant s’égoutter et on obtient ainsi le salpêtre qui est brut, car il se trouve encore mélangé avec de petites quantités de chlorure de sodium et de matières organiques.
    Le chlorure de sodium recueilli pendant l’évaporation contient encore de 15 à ‘20 0/0 de salpêtre ; on le traite par une solution saturée de sel marin pur et portée jusqu’à l’ébullition, de manière qu’il n’y reste, dissous, que le seul nitrate de potassium, la solution ne pouvant, en raison de sa saturation, dissoudre du chlorure de sodium. Une fois celle opération terminée, on traite la susdite solution comme la lessive pour en retirer le nitrate.
    Les résidus de chlorure de sodium peuvent être utilisés en agriculture ; on peut encore les purifier pour en retirer du sel de cuisine. On porte généralement aux nilrières les résidus des terres lessivées, pour en faire de nouveaux tas destinés à être nitrifiés.
    CHAPITRE III
    Fabrication du salpêtre.
    Les procédés jusqu’ici décrits concernent l’extraction du salpêtre dans les nilrières naturelles ou artificielles. Mais cette source de salpêtre n’est pas la seule disponible. En effet, depuis la découverte des immenses dépôts de nitrate de sodium brut qui se rencontrent en Amérique, dans les régions méridionales du Pérou, et auxquels on a donné, à tort, le nom de salpêtre du Chili, on fabrique industriellement le salpêtre en faisant réagir un sel de potassium sur le nitrate de sodium. Généralement on emploie, pour obtenir celte réaction, le chlorure de potassium, mais quelquefois aussi on utilise, le carbonate de potassium ou la potasse caustique.
    Le nitrate de sodium ou salpêtre du Chili, tel qu on le rencontre dans le commerce, a la forme de menus cristaux rhom- boédriques tronqués ; il a une couleur gris-sale et est toujours humide. Son équivalent chimique est 85, et sa1 chaleur spécifique est représentée par 0,278. Sa densité varie entre 2,10 et 2,30.
    Exposé à l’air, le nitrate de sodium absorbe 1 humidité et est, jusqu’à un certain point, déliquescent. Il est très soluble dans l’eau et sa solubilité augmente avec la température. I ne solution saturée de nitrate de sodium entre en ébullition a la température de 122° ; la même solution, a la températuie d< 18°,75, aune densité de 1,3769. Le nitrate de sodium est moins soluble dans 1 eau salée qut dans l’eau pure. Il entre en fusion à une température variant entre 310° et 313°. Sa composition moyenne, après dessiccation à la température de 100°, est la suivante : Nitrate de sodium ⦁ de potassium ⦁ de magnésium Chlorure de sodium Sulfate de potassium Eau Matières insolubles (avec traces d’iodures, de bromures, de nitrate de calcium et de sulfate de calcium) Total Le salpêtre brut du Chili est retiré des matières nitrifiées dans le voisinage des points mêmes d’extraction par un système rationnel, fondé sur la solubilité de ce sel dans l’eau bouillante et sur la cristallisation par refroidissement qui s’ensuit. Le nitrate de sodium du commerce est recherché à cause de l’acide azotique qu’il renferme dans une proportion d’environ 58 0/0. On détermine cette proportion en recherchant les poids de l’humidité, des matières insolubles,des chlorures et des sulfates qu’il contient. On a recours à la dessiccation pour doser l’humidité ; à la dissolution des matières solubles pour en déduire la quantité des matières insolubles ; à une solution titrée de nitrate d’argent pour déterminer la teneur en chlorures et enfin au chlorure de barium pour doser les sulfates. . On peut encore doser la quantité d’acide azotique qu’il contient, et cela d’une manière plus exacte, en décomposant le nitrate à essayer par le protochlorure de fer dans l’appareil bien connu de Schlœsing. On pourrait aussi préparer le nitrate de sodium en mettant du sulfate de sodium en présence de nitrate de calcium. Il se produit alors une double décomposition et on obtient du nitrate de sodium d’une part et du sulfate de calcium d’autre part. Mais ce procédé de fabrication est absolument théorique, car il est beaucoup plus commode d’extraire le nitrate de sodium des gisements d’Amérique, tant que ces derniers ne seront pas épuisés. Le chlorure de potassium pur est un corps blanc qui cristallise en cubes et en prismes rectangulaires toujours anhydres. Il fond àla température du rouge-brun,puisse volatilise.Insoluble dans l’alcool, il est très soluble dans l’eau et sa solubilité augmente à mesure que la température s’élève. Le chlorure de potassium est tiré soit des cendres de certaines plantes marines, soit desrésidusde lamélasse de betterave. Mais la source principale du chlorure de potassium employ pour la fabrication du salpêtre se rencontre dans les importants gisements découverts en 1839 à Stassfurt (Prusse). Lu dernier moyen d’obtenir du chlorure de potassium consiste dans la concentration méthodique de l’eau de mer, laquélle contient, en proportions diverses, des chlorures de sodium, de potassium et de magnésium,du bromure de sodium et du sulfate de magnésium. Pour la fabrication du salpêtre, on emploie une chaudière contenant de l’eau portée à la température de 90° et en quantité telle que le salpêtre, provenant du traitement du nil rate de sodium par le chlorure de potassium,s’y dissolve entièrement, alors que le chlorure de sodium, beaucoup moins soluble à chaud, se précipite. On décante la solution chaude dans des vases appropriés en cuivre où le salpêtre cristallise par refroidissement. Les eaux mères contiennent encore, en dissolution à froid, du chlorure de sodium et un peu de salpêtre. Comme les premiers cristaux obtenus renferment enc oh une quantité considérable de chlorure de sodium, de nitrate de sodium et de chlorure de potassium non décomposés, on les soumet à un premier lessivage avec une dissolution de salpêtre et de chlorure de sodium à 39° Baumé, puis, vingt- quatre heures plus tard, à un second lessivage avec de l’eau iroide et pure ; cela fait, on laisse égoutter les cristaux, puis on les envoie à la raffinerie. Le traitement du nitrate de sodium par le carbonate de potassium, pour la fabrication du salpêtre, a le grave défaut d’être toujours incomplet. Pourtant, on l’applique quelquefois parce qu’il donne, comme produit accessoire, du carbonate de sodium qui est très recherché. On a aussi essayé de traiter le nitrate de sodium par la potasse caustique pour obtenir, indépendamment du salpêtre, de la soude caustique qui est utilisée dans la fabrication du savon. Toutefois le système le plus avantageux et le plus répandu pour la préparation du salpêtre consiste dans le traitement, plus haut indiqué, du nitrate de sodium par le chlorure de potassium. CHAPITRE IV Raffinage du salpêtre Le salpêtre brut, qu’il provienne de la décomposition du nitrate de sodium, des gisements d’Amérique ou des nitrières naturelles ou artificielles d’Europe, contient 10 à 150/0 d’impuretés, c’est-à-dire de substances terreuses, de l’eau et dif- rents sels dont il faut le débarrasser, car, tel qu’il est, on ne saurait l’employer pour la fabrication de la poudre. 11 existe, à cet effet, des établissements spéciaux : les raffineries de salpêtre. Avant de le soumettre au raffinage, on analyse le salpêtre brut pour déterminer la quantité de salpêtre pur qu’il contient, c’est-à-dire la valeur effective qu’il présente. 11 existe différents procédés d’analyse du salpêtre brut, employés dans les raffineries ; mais on se bornera à indique ici celui de Bottée et Riffault, connu sous le nom de système de clarification, car c’est le plus simple, le plus fréquemment appliqué et le plus précis. Ce système est fondé sur la propriété que possède une solution saturée de salpêtre de ne pouvoir pas dissoudre du salpêtre, tout en conservant la propriété de dissoudre d autres sels. . Ou prépare donc une certaine quantité d’eau et on y dissout à chaud du salpêtre très pur en quantité suffisante non seulement pour que le liquide se trouve être complètement saturé, mais encore pour que le salpêtre en excès se dépose au fond du vase. On ne saurait prendre trop de soin pour rendre celte saturation parfaite, car l’exactitude de l’analyse dépend entièrement de celte préparation. Comme il est nécessaire qu’au moment de l’analyse l’eau saturée contienne autant de salpêtre qu’elle peut en dissoudre à la température constante du local dans lequel on opère, il faut amener à cette température celle de l’eau et s’assurer que la saturation est complète au moyen du nitromètre de Gay-Lussac. Cet instrument, établi spécialement pour cet usage,indique, quand la solution est parfaitement saturée, autant de degrés qu’en enregistre le thermomètre plongé dans la même dissolution. Cela fait, sur la masse du salpêtre brut qu’il s’agit d’analyser, on prélève, en divers points, de petits échantillons et on en forme une petite masse du poids de Î00 grammes, que l’on dispose dans un vase cylindrique en verre ou en cuivre. Sur cet échantillon de Î00 grammes, logé dans le vase cylindrique précité, on verse un 1/2 litre de la solution saturée, en agitant le tout, environ un quart d’heure durant, avec une spatule, puis on laisse reposer. Quand le liquide est clarifié, on le filtre au papier, mais en ayant soin de ne pas verser le salpêtre déposé au fond du vase, et on recueille le liquide filtré dans un autre vase en verre. On arrose encore le résidu du premier vase avec un quart de litre de dissolution saturée en agitant de nouveau pendant un quart d’heure, après quoi on verse le tout, salpêtre et eau, sur le premier filtre et on laisse égoutter pendant quelques heures jusqu’il ce que le salpêtre resté sur le filtre ne contienne plus de liquide. On soulève ensuite le filtre et son contenu avec précaution, on l’ouvre en le plaçant sur une autre feuille de papier; on étend en même temps le salpêtre sur toute la surface du filtre, et l’on porte le tout sur un lit de cendres où on le laisse durant au moins vingt-quatre heures. On recueille ensuite tout le salpêtre déposé sur le filtre, on le met dans un vase en verre ou en cuivre que l’on plonge en partie dans un bain de sable porté à la température d’environ 100 ; l’on agite continuellement le salpêtre jusqu’à ce qu’il se trouve être parfaitement desséché. On le retireenlin du vase et on le pèse ; la différence en moins, sur le poids primitif de 100 grammes, donne la proportion des autres sels contenus dans le salpêtre brut. Si ce dernier renferme en outre des matières terreuses insolubles, il faut procéder ensuite à une analyse en dissolvant à chaud le salpêtre pur et en recueillant les substances insolubles dont on prend le poids. Le raffinage proprement dit du salpêtre comprend les opérations suivantes : 1° Lessivage du salpêtre brut : 2° Dissolution du salpêtre lessivé ou raffinage ; 3° Cristallisation ; 4’ Lessivage du salpêtre raffiné ; 5° Séchage et refroidissement. Quand, à la suite de l’analyse du salpêtre brut, on c< salpêtre raffiné et on le laisse s’égoutter pendant qm k – heures. On fait passer par les robinets convenables h s tauxrésultant de cet égouttage et, une fois ces robinets refermés, on versesur les cristaux entassés de l’eau saturée de salpêtre; on laisse cette solution en contact avec les cristaux pendant deux heures, afin qu’elle puisse se charger du sel marin provenant des eaux mères. En ouvrant les robinets pour faire écouler le liquide, ce dernier entraîne le sel marin; ce liquide est recueilli dans des vases spéciaux. On effectue ensuite un second lessivage à l’eau pure, celte fois-ci versée en petite (juantité, jusqu’à ce que les cristaux ne contiennent plus,dans leurs interstices, que des eaux saturées seulement do salpêtre pur. Ces dernières eaux, que l’on laisse d’abord écouler pendant quelques jours, sont ensuite évaporées à siccité et l’on obtient une masse de salpêtre ne contenant plus d’impuretés, sauf quelques très petites traces, ce qui ne présente aucune importance.
    On emploie, dans les raffineries de salpêtre, des systèmes différents d’évaporation des dissolutions, car les fabricants s’appliquent à obtenir l’évaporation la plus parfaite possible avec une dépense minimum de temps et de combustible.
    Certains raffineurs placent, à côté de la chaudière d’évaporation et soutenus par une maçonnerie spéciale, des vases plats en cuivre, mesurant 3 à f mètresde longueur sur 1,50 m à 2 mètres de largeur et n’ayant que 15 centimètres de profondeur ; ils disposent dans ces récipients le salpêtre cristallisé que sèche l’air chaud provenant des fourneaux de la chaudière. ,
    D’autres emploient un système plus rationnel. Ils ont un local spécial dans lequel courent de grands rayons pourvus de châssis qui sont disposés les uns sur les autres, mais de manière que l’air chaud circule librement entre ces châssis. On étend avec soin le salpêtre, en couches minces, sur ce< châssis ; on ferme le local et on le chauffe soit directement au moyen d’un fourneau spécial, soit par de la vapeur empruntée a la chaudière d’évaporation. Quand le salpêtre ne contient plus que 1 2 0 0 d’humidité, ce qui se reconnaît
    même au simple loucher, on l’enlève des châssis, on brisket concasse, avec un marteau en bois, les morceaux trop gros et trop durs et on fait passer le tout dans une sorte de blutoir automatique pourvu d’une toile métallique en laiton à tissu très tin, de manière que le salpêtre sorte, par les Irons de cette toile, en menus cristaux.
    On étend le salpêtre ainsi bluté sur de larges tailles en forme de huches et on le remue continuellement avec des râteaux en bois pour qu’il refroidisse. On le pèse enfin et on le loge dans des sacs, dans des caisses ou dans des barils, selon le mode d’emballage adopté.
    On fait cvaporer les eaux provenant du lessivage du salpêtre brut dans une chaudière spéciale, de dimensions moindres que celles qui sont utilisées pour le lessivage, afin d’en retirer le salpêtre brut qu’elles contiennent encore.A mesure que les eaux s’évaporent, on en ajoute de nouvelles, jusqu’à épuisement de la provision qui en a été faite. Ce travail d’évaporation dure de huit à dix jours ; pendant ce temps, on alimente chaque jour le feu sous la chaudière afin de maintenir, même pendant la nuit, une température qui ne doit jamais être inférieure à 110°.
    Le chlorure de sodium se précipite complètement et les eaux traitées qui, outre le nitrate de potassium, contiennenl encore du nitrate de sodium et du chlorure de potassium, sont décantées dans des cristalliseurs spéciaux, quand elles ont atteint une concentration de 55° à l’aréomètre Baiimé, Au bout de trois ou quatre jours, on extrait de ces cristalliseurs les cristaux de salpêtre brut qui sont ensuite soumis au raffinage.
    Quant aux eaux provenant du lessivage du salpêtre ralfïné, on les emploie, comme il a été dit ci-dessus, pour effectuer le premier lessivage du salpêtre brut.
    Les écumes recueillies dans les précédentes operations, étant très riches en salpêtre pur mélangé avec une petite quantité d’impuretés, sont également soumises a 1 ébullition, de manière à obtenir la précipitation de ces substances et à en retirer, d’après le procédé ordinaire, les cristaux de salpêtre pur.
    On traite de même les balayures de la chambre de séchage et des ateliers où on travaille le salpêtre raffiné.
    Analyse du salpêtre raffiné. — Le parfait raffinage du salpêtre a une importance très grande dans la fabrication des poudres à feu,car si le salpêtre employé contenait encore, en quantité notable, des chlorures de sodium et de potassium, ces corps altéreraient grandement la qualité des poudres, attendu qu’ils sont éminemment déliquescents au contact de l’air dont ils absorbent avidement l’humidité.
    On tolère pourtant, dans le salpêtre raffiné, 1/3000 de chlorures ; mais il faut l’analyser pour s’assurer que cette tolérance ne se trouve pas dépassée.
    Gomme il est très difficile de déterminer la quantité de chacun des deux chlorures d« sodium et de potassium encore contenus dans le salpêtre raffiné, on simplifie d’ordinaire l’analyse en dosant ensemble les deux chlorures avec une solution titrée de nitrate d’argent, c’est-à-dire que, par exemple, dans 1 gramme d’eau distillée on dissoudra 0,000678 de nitrate d’argent fondu, soit exactement la quantité nécessaire pour décomposer 1/3000 de sel marin.
    On fait dissoudre ensuite 10 grammes de salpêtre raffiné dans très peu d’eau distillée tiède ; on y verse la quantité déterminée de la liqueur d’essai et on filtre aussitôt. Le liquide filtré, qui doit être très limpide, est séparé en deux parties, de manière qu’on puisse faire une contre-épreuve ; dans la première partie,on verse quelques gouttes de la solution titrée ; si le liquide reste limpide, on est certain que le salpêtre ne contient pas plus de 1/3000 de chlorures et qu’il est, par suite, acceptable ; si le même liquide se trouble et produit un léger précipité, le salpêtre doit être rejeté comme impropre à la fabrication des poudres. On fait une contre-1 épreuve avec la seconde partie du liquide en y versant quel-1
    tjiics gouttes cl une solution de sel ma nu cjm le trouble immé* ■diatement.
    Desessais exacts, pour déterminer les quantités des différents •corps hétérogènes dont le salpêtre pur contient des traces, peuvent se faire soit par l’analyse spectrale,soit par des analyses quantitatives minutieuses. Mais de pareilles analyses, qui sont à leur place dans les laboratoires scientifiques, n’offrent pas grande importance dansles poudrières militaires et industrielles qui n’ont besoin que de procéder à l’essai qui vient d’être indiqué et de s’assurer de la complète dessiccation du salpêtre employé pour la fabrication des poudres.
    Cependant, depuis quelques années, on a reconnu la nécessité de doser la quantité de perchlorate de potassium que le salpêtre contient parfois, afin d’éviter les inconvénients auxquels sa présence peut donner lieu dans la fabrication des poudres, car il provoque facilement une lente mais certaine ■décomposition de ces dernières.
    Le chimiste allemand Hæussermann estime que le chlorate de sodium se rencontre normalement dans le nitrate de sodium du Chili et il en déduit que ce premier corps, dans le raffinage du salpêtre proprement dit, se transformerait en perchlorate de potassium.
    La présence de ce dernier sel dans le salpêtre raffiné a été constatée en 1893 par le major Hellich, qui a expliqué pourquoi le perchlorate a toujours échappé aux essais d analyse effectués pour déterminer les chlorures, par ce lait que le nitrate d’argent,alors qu’il décompose les chlorures, n’exerce aucune action sur les perchlorates.
    Le major Hellich propose donc de soumettre un échantillon du salpêtre qu’il s’agit d’examiner à un traitement préalable par le bioxyde de manganèse, afin de décomposer le perchlorate et de le transformer en chlorure par une addition d’acide sulfurique étendu. On déterminerait ensuite, par le procédé ordinaire, le pourcentage des chlorures contenus Mans l’échantillon ainsi traité. Si ce pourcentage, compare a celui d’un autre échantillon du même salpêtre soumis seulement au titrage des chlorures par la solution de nitrate d’argent est plus grand, on a la preuve que le salpêtre contient du perchlorate.
    Dans ce cas, il faut soumettre le salpêtre à une nouvelle cristallisation avant de l’employer dans la fabrication des explosifs.
    DEUXIÈME SECTION
    Le Soufre.
    CHAPITRE PREMIER
    Propriétés générales du soufre.
    Le soufre est connu depuis la plus haute antiquité, mais c’est seulement vers la fin du xvnie siècle que l’on a constaté que c’est un corps simple.
    A la température ordinaire, le soufre est solide, d’une couleur jaune claire particulière. Il est insipide et il semble être même inodore ; mais quand on le frotte légèrement, il répand une odeur caractéristique. Il est mauvais conducteur de la chaleur et de l’électricité.
    A des températures et dans des circonstances diverses, le soufre prend des états allotropiques différents : il cristallise tantôt en prismes obliques à base rhomboïdale, tantôt en octaèdres à base également rhomboïdale.
    Soumis à l’action de la chaleur, il présente des phénomènes particuliers qu’il convient de noter.
    Ainsi, à IIP, il commence à entrer en fusion ; à 120° il se transforme en un liquide transparent, fluide et d un beau jaune clair ; si on le coule alors dans un moule, il s y solidifie en se refroidissant et prend l’empreinte des plus fins détails du moule.
    A 180°, il devient visqueux, pâteux, il perd sa fluidité et prend une couleur rouge foncé. Plongé alors brusquement dans l’eau froide, il conserve sa viscosité, devient malléable, ductile, peut s’étirer en fils et ne reprend sa couleur naturelle et sa dureté qu’au bout d’un laps de temps prolongé.
    A 250°, il devient pâteux au point de ne plus couler. A 440°, il entre en ébullition et, à 460°, il produit des vapeurs jaunâtres qui, par le refroidissement, se condensent en poudre très fine appelée Heur de soufre.
    Chauffé à l’air libre jusqu’à 250°, le soufre se combine avec l’oxygène de l’air ; il prend feu et brûle en produisant une flamme d’un bleu sombre et en dégageant des vapeurs blanches et âcres qui, en se condensant, donnent Vanhydride sulfureux. .
    Le poids atomique du soufre est 32 ; sa densité, à 0’\ est de 2,087 et, à l’état de vapeur, de 6,617. Sa température de fusion est de 113°,6et celle de volatilisation de 460°; sa chaleur spécifique est représentée par 0,203 quand il est solide, et par 0,234 quand il est liquide.
    Le soufre est insoluble dans l’eau, très peu soluble dans l’alcool et dans l’éther ; il se dissout facilement dans la benzine et dans les huiles essentielles et enfin, quand il est cristallisé en octaèdres, il se dissout très facilement dans le sulfure de carbone. En cristaux prismatiques, il ne se dissout qu’en partie seulement dans le sulfure de carbone et il laisse un résidu insoluble, d’une couleur jaune assez sombre qui n’est autre chose que du soufre amorphe. La chaleur favorise la dissolution du soufre dans le sulfure de carbone. Cette solution, en s’évaporant lentement, dépose des cristaux octaédriques à base rhomboïdale, volumineux et transparents.
    Dans la composition de la poudre noire, le soufre ne joue pas, par la quantité de gaz et de chaleur qu’il développe, un rôle aussi important que celui qu’il remplit dans la propagation de la combustion de la masse en augmentant la rapidité des réactions.
    Il contribue donc à accroître la puissance explosive des poudres et il assure leur consistance et leur conservation en bon état.
    Un excès de salpêtre dans la poudre lui donne plus de puissance quand il s’agit d’un emploi immédiat ; par contre, un excès de soufre rend la poudre plus apte à se conserver pendant longtemps. Toutefois, le soufre diminue, lors de l’explosion, la quantité de chaleur développée et par suite la puissance : il en résulte que, si de petites différences de dosage du soufre dans la fabrication de la poudre noire ne peuvent compromettre les qualités explosives de cette dernière, il faut pourtant établir des proportions rationnelles qui permettent de la conserver sans pourtant atténuer sa puissance. C’est ce qui sera démontré ci-après.
    Dans les poudres à base de chlorates, le soufre n’augmente pas la sensibilité au choc ou au frottement.
    Le soufre se rencontre dans la nature à l’état de sulfates et de sulfures métalliques et aussi à l’état natif.
    Il est rare qu’on emploie les sulfates pour la production du soufre. Quant aux sulfures, on les utilise à cet effet dans quelques localités de l’Allemagne et on les traite en grand en Suède où ils constituent presque l’unique source du soufre employé pour la fabrication des poudres. Enfin, le soufre à l’état natif, qui se rencontre en très grandes quantités en Sicile, en Romagne, en Toscane et aussi en assez fortes quantités en Croatie, en Pologne, en Silésie, en Espagne, en g
    Egypte, en Chine, au Japon, etc., etc., constitue la source la plus importante pour les besoins de l’industrie.
    CHAPITRE 11
    Extraction du soufre brut.
    Les gisements naturels de soufre sont de deux sortes : les uns sont d’origine géologique et occupent les couches inférieures des terrains tertiaires, comme par exemple les dépôts de la Sicile, de la Romagne, etc. ; les autres se sont formés ou sont encore en voie de formation dans le voisinage et par suite de l’action des volcans souterrains. Ces derniers dépôts constituent les solfatares de Naples, celles d’Islande et celles, récemment découvertes, de la Nouvelle-Zélande.
    Les dépôts d’origine géologique, les plus importants que l’on connaisse, sont ceux de la Sicile qui s’étendent sur presque toute la largeur de Tile et qui sont très riches en soufre. Les minerais contenant ce corps sont tantôt calcaires, tantôt marneux ; le soufre qu’ils contiennent, irrégulièrement réparti dans la masse, est souvent mélangé avec des carbonates de calcium et avec des bitumes.
    Les dépôts siciliens, exploités depuis des siècles, peuvent être considérés comme inépuisables ; malheureusement, soit en raison de leur richesse considérable, soit par suite du manque de capitaux, soit enfin à cause du peu d’initiative industrielle des habitants, l’extraction se fait d’une manière absolument primitive et sans aucun souci de l’avenir.
    Le soufre des solfatares est produit par la décomposition réciproque de l’hydrogène sulfuré et de l’acide sulfureux qu’apportent à la surface du sol les gaz dégagés par les vol » cans récemment éteints ou en voie d’extinction.
    Les minerais sulfureux extraits des carrières sont soumis, sur le lieu même d’extraction, à un premier traitement qui a pour objet d’éliminer une bonne partie des terres, des pyrites et des substances étrangères avec lesquelles le soufre se trouve mélangé.
    On emploie à cet effet des systèmes qui diffèrent selon les lieux d’extraction ; mais ces systèmes sont tous fondés sur l’action de la chaleur qui, en faisant fondre le soufre, le sépare des autres substances solides qui y sont mélangées.
    Le traitement le plus rationnel et le plus convenable auquel on puisse soumettre le minerai sulfureux est celui de la distillation ou, pour mieux dire, de la sublimation. Il s’effectue dans un four allongé construit en maçonnerie et dénommé four à galère. On y dispose, sur une double rangée, de grands vases en terre réfractaire, fermés dans leur partie supérieure par un couvercle convenable et contenant le minerai qu’il s’agit de distiller. Ces vases communiquent, par des tubes spéciaux, fixés dans leur partie supérieure, avec d’autres vases identiques installés en dehors du four. Quand le four a été rempli de bois et allumé, sous l’action de la chaleur le soufre du minerai contenu dans les vases placés à l’intérieur du four, distille et il se rend, à l’état de vapeur, dans les vases extérieurs où il se condense à l’état liquide ; de là, il s’écoule, par des robinets, dans des baquets en bois contenant de l’eau froide et s’y solidifie. On obtient ainsi le soufre brut, renfermant encore de 3 à 10 0 0 d’impuretés; ce soufre brut est ensuite raffiné.
    Toutefois en Sicile, où l’on trouve le soufre à l’étal natif, et pour les motifs déjà indiqués à propos de l’extraction dans les carrières ou encore à cause de l’absence de combustible et de communications faciles et commodes ainsi que de moyens de transport entre les lieux d’exploitation et la côte, le traitement du soufre brut est effectué par un procédé absolument rudimentaire, à tel point que la chaleur nécessaire pour séparer le soufre de sa gangue est fourni parlacombus- lion d’une partie du soufre lui-même <jue l’on brûle pour produire la fusion du soufre restant.
    Le procédé appliqué est fort simple. Dans une excavation circulaire dont le fond présente une double inclinaison de manière à former une rigole pour l’écoulement du soufre liquide — excavation entourée d’une maçonnerie haute de cinq mètres qui est elle-même renforcée par un second mur d’appui — on forme une grande meule de minerai sulfureux dite calcarone. Le calcarone est disposé de manière que les morceaux de minerai les plus gros et les plus résistants se trouvent à la base et que les fragments du même minerai deviennent de plus en plus petits à mesure que le tas s’élève. En formant celle meule, on a soin d’y ménager des cheminées presque tubulaires, s’élevant de bas en haut dans le sens vertical, qui servent lors de l’allumage du minerai.
    Au-dessus du mur d’enceinte, on arrondit la meule et on la recouvre d’une couche de résidus pulvérisés, mais en ayant soin de laisser découverts, au début de l’opération, les orifices des cheminées verticales. On introduit ensuite, par le haut de ces cheminées, de la paille imprégnée de substances résineuses et allumée. Le feu se communique au minerai voisin et est activé par l’air qui pénètre par des évents. z\u bout de douze heures environ, l’on ferme avec soin les évents et la combustion se propage alors lentement de haut en bas. Les espaces vides intérieurs servent à la distillation des produits de la combustion et l’on rend alors la couverture pulvérulente supérieure du calcarone plus épaisse ou plus mince, afin de maintenir constamment la température de fusion du soufre (de 11 lu à 11 f ») : on diminue l’épaisseur de la couverture si la température s’élève de trop et on la rend plus mince si la chaleur développée est trop faible, afin d’éviter que le soufre liquéfié se solidifie et cesse de couler. Le soufre échappant à la combustion entre en fusion et s’écoule sur les couches inférieures encore froides du minerai,où il se solidifie. A mesure que la combustion se propage, le même phénomène se répète
    I jusqu’à ce que le soufre passe à l’état liquide et se maintienne I en cet état sur le fond ou sole de la meule qui a fini par I prendre, lui aussi, la température convenable. Au bout d’un I certain temps, quand on suppose que le soufre liquide ras- I semblé au fond de la meule est en quantité suffisante,on pra- I tique en cet endroit une ouverture convenable par laquelle I on fait écouler lentement le soufre liquide que l’on recueille I dans les récipients de solidification.
    I Le soufre brut ainsi obtenu est fort impur. D’autre part, on I conçoit qu’un pareil système ne peut être appliqué que dans I les pays fort riches en minerais sulfureux, tels que la Sicile et I l’Espagne. Si l’on voulait extraire du minerai la majeure parI tie du soufre qu’il contient, il faudrait abandonner un sys- I tème aussi primitif, car la combustion détruit une partie du I soufre contenu dans le minerai ; d’autre part la liquéfaction I n’est pas complète et la gangue retient encore une bonne parI fie du soufre qu’il s’agit de recueillir. De plus, la combustion I d’une partie du soufre que contient le calcarone dégage dans I l’atmosphère des gaz sulfureux, éminemment nuisibles pour I la végétation du voisinage.
    O O
    I Lorsque la matière à épurer est très riche en soufre et I qu’elle constitue, à proprement parler, un véritable soufre I impur (connu sous le nom de lalamoni), l’opération consiste I simplement en la fusion du minerai dans une grande chau- I dière en fer forgé, chauffée par un foyer. Quand le point de I fusion est atteint, on brasse la masse avec une pelle, en I ayant soin de ne point dépasser la température de 150°, afin I d’éviter l’inflammation spontanée du soufre, car on opère, I dans ce cas, à l’air libre.
    I On enlève, avec une écumoire, les impuretés et les pierres I qui tombent au fond de la chaudière et on ajoute du nouveau I minerai. Quand on a répété plusieurs fois cette opération,on • I ralentit le feu en maintenant le liquide à une température I suffisante et, quand les impuretés y contenues se sont bien I déposées au fond de la chaudière,on décante le soufre liquide
    et pur qui se trouve dans la partie supérieure de la même chaudière et on le recueille dans les vases de solidification.
    Quant aux résidus terreux delà chaudière,comme ils contiennent encore une quantité assez forte de soufre, on les réserve pour les faire entrer dans la composition d’un calca- rone.
    Le soufre brut est plus ou moins impur,il a un aspect plus ou moins beau selon les minerais desquels il a été extrait, selon les systèmes d’extraction appliqués et aussi selon le degré de température auquel il a été soumis. Les matières les plus riches donnent le soufre le plus beau ; la sublimation donne le plus pur ; les minerais les plus pauvres donnent un produit brun et impur ; la présence de substances bitumineuses donne un soufre fibreux et d’une couleur gris-jaunâtre.
    Dans le commerce, on trouve diverses qualités de soufre brut qui, comme on l’a dit, se différencient par la couleur et par leur teneur en impuretés. On peut déterminer ces impuretés en traitant un échantillon de soufre brut pulvérisé avec du sulfure de carbone ou de l’essence de térébenthine, ces deux corps possédant la propriété de dissoudre le soufre et de laisser les substances étrangères comme résidu.
    Un autre moyen d’essai pour évaluer le degré de pureté du soufre brut consiste à faire brûler une quantité déterminée de ce soufre dans un petit creuset en grès porté au rouge. Quand la combustion est terminée et qu’on a laissé refroidir le creuset, le résidu, formé uniquement des matières étrangères contenues dans le soufre brut examiné, est pesé.
    Pour le dosage de l’humidité, on la détermine par la dessiccation à l’étuve. En ce qui concerne la présence d’acides, on la reconnaît en faisant bouillir,dans de l’eau distillée,du soufre brut pulvérisé et en plongeant,dans le liquide ainsi obtenu, du papier bleu de tournesol : ce papier, si le soufre ne renferme aucun acide, ne doit pas se colorer en rouge.
    Enfin la présence de l’arsenic, qui se manifeste à la vuepar la couleur orange légèrement roussâtre qu’il donne au soufre et qui rend ce dernier absolument impropre à la fabrication de la poudre, peut se déterminer en soumettant le soufre, très finement pulvérisé, à une ébullition prolongée en présence de l’acide nitrique ou de l’acide sulfurique ; cela fait, on décante le liquide et on le neutralise avec du carbonate d’ammonium. On ajoute ensuite au liquide du nitrate d’argent et, si le soufre contient de l’arsenic, on obtient alors le précipité jaune caractéristique d’arséniate d’argent. On peut encore déceler la présence de l’arsenic en traitant le soufre avec une solution ammoniacale, puis avec de l’acide chlorhydrique,ce qui donne un précipité de sulfure d’arsenic.
    Les mêmes essais peuvent encore servir à déterminer la qualité du soufre raffiné qui doit brûler complètement sans laisser aucun résidu et ne pas présenter la plus minime trace d’acides ou de substances arsenicales.
    CHAPITRE HI
    Raffinage du soufre.
    Le raffinage a pour objet d’extraire du soufre brut toutes les substances étrangères qu’il contient et de donner un produit pur se prêtant aux usages industriels en général et, particulièrement, à la fabrication de la poudre.
    Dans les siècles passés, on raffinait le soufre, en Europe (et c’est encore ainsi qu’on procède dans l’Inde), en le faisant londre lentement dans une chaudière en bronze chauffée à feu doux. Avant que la fusion du soufre fût complète, on enlevait la chaudière du feu et on laissait reposer le liquide jusqu’au moment où les substances étrangères, se séparant du soufre liquide, s’étaient déposées au fond de la chaudière si elles étaient lourdes ou surnageaient à la surface sous forme d’écumes si, elles étaient moins denses. On enlevait avec soin l’écume jusqu’à ce que la surface devint limpide, puis on décantait le soufre liquide en le faisant couler dans des barils prêts à le recevoir.
    On comprend qu’un système aussi grossier et primitif devait donner des produits imparfaits, aveedes résultats peu «avantageux au point de vue du prix de revient et de la quantité de la production.
    Depuis plus d’un demi-siècle, on a adopté le raffinage du soufre brut par volatilisation ou distillation, et on a imaginé des appareils qui, successivement perfectionnés, donnent aujourd’hui des produits irréprochables. |
    Ce système repose sur ce principe que le soufre, soumis à
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    une température élevée, se volatilise, tandis que les substan- cesterreuses ou métalliques mélangées avec lui restentà l’état solide : c’est pourquoi, si l’on condense dans un récipient spécial les vapeurs obtenues par volatilisation du soufre, ces dernières se précipitent, sous forme de liquide ou en poudre selon la température du milieu, tandis que les corps étrangers restent au fond de la chaudière.
    A cette lin, on installe une chaudière en bronze de forte épaisseur, fixe, enveloppée d’un revêtement en maçonnerie et fermée au moyen d’un solide couvercle ; cette chaudière communique, par un tube fixe, avec deux cylindres également eu bronze, disposés horizontalement au-dessous d’elle. Le foyer est placé au-dessous des cylindres ; ces derniers, clos dans leur partie antérieure par une solide fermeture qui livre seulement passage au tube de communication allant à la chaudière supérieure, communiquent de l’autre côté, par un tube ayant un diamètre égal à celui des cylindres et recourbé vers le haut, avec une chambre de condensation. Cette dernière, de forme rectangulaire, a d’ordinaire un volume de 80 à 100 mètres cubes. Elle est tout entière en maçonnerie et est munie d’une ouverture pratiquée dans sa voûte : son dallage, légèrement incliné vers le côté opposé à celui qui communique avec la chaudière, est formé de pierres de taille. Au sommet de la voûte est pratiquée une petite ouverture fermée par une soupape à contrepoids, qui permet l’échappement de l’acide sulfureux et de la vapeur d’eau lorsque ces vapeurs se produisent en excès lors de la volatilisation du soufre. A la base de la chambre, dans la partie la plus basse du dallage, se trouve une ouverture pourvue d’un robinet pour l’écoulement du soufre liquide condensé, ainsi qu’une petite porte permettant d’extraire la (leur de soulre condensée sur le pavé, au cas où l’on voudrait obtenir, par le raffinage, un produit en poudre. La chambre est chaufTée au moyen d’un foyer spécial, de manière que l’on puisse régler facilement sa température.
    L’appareil étant ainsi disposé, on place dans la chaudière le soufre qu’il s’agit de raffiner et l’on allume le foyer. La flamme enveloppe les deux cylindres placés au-dessous de la chaudière et les chauffe, tandis que les gaz chauds du foyer, en s’élevant, chauffent la chaudière et déterminent la fusion du soufre. Ce dernier abandonne alors, dans le fond de la chaudière, les substances solides avec lesquelles il était com- binéet il s’écoule, par le tube déjà mentionné, dans lescylin- dres placés en dessous. Là, sous l’action de la haute température à laquelle sont portés les cylindres par les flammes du foyer qui les enveloppe, le soufre se volatilise et la vapeur de soufre, passant par le tube recourbé, se condense dans la chambre. Cette chambre doit avoir sa température maintenue entre 115° et 120°, afin que le soufre se condense en un liquide limpide, d’un beau rouge foncé. D’autre part, quand on veut obtenir de la fleur de soufre, il est indispensable de ne pas dépasser la température de 110°; dans ce dernier cas, les vapeurs sulfureuses se solidifient, sous forme d’aiguilles très fines et très petites, et se déposent sur les parois de la chambre ou sur le dallage. Il faut en outre que le foyer chauffant les cylindres pour provoquer la volatilisation du soufre soit doux et modéré, si l’on veut obtenir une poudre line et douce au toucher, car, si peu que le feu soit trop vif. les vapeurs de soufre deviennent jaunes et épaisses, ce (pii donne une poudre rude au toucher et granulée comme du sable.
    L’exposé sommaire ci-dessus de ce système de raffinage suffit pour donner une idée de l’ensemble des opérations. Cependant l’outillage n’a pas la simplicité que l’on pourrait lui supposer à première vue, car il faut y ajouter des appareils et accessoires destinés à faciliter la charge, la décharge elles fréquents nettoyages qui sont indispensables, ainsi qu’à éviter l’écoulement par les ouvertures et les joints imparfaitement clos, à empêcher les pertes de chaleur ou la consommation improductive des matières traitées, enfin à rendre aux
    ouvriers le travail possible sans que des vapeurs sulfureuses délétères puissent l’entraver et le retarder et en même temps porter atteinte à leur santé.
    On maintient à une température de 115° le soufre fondu pour qu’il coule très limpide et qu’en se solidifiant ensuite par refroidissement il prenne une belle couleur jaune clair. •On le recueille dans des barils en bois où on le laisse se refroidir pendant vingt-quatre heures, enayant soin d’entourer ■d’eau leur surface extérieure, après les avoir soigneusement fermés. Pendant le refroidissement, on entend, venant de l’intérieur des barils, de légers craquements dus à la transformation du soufre prismatique en soufre octaédrique, transformation qui se réalise très lentement et qui n’est jamais terminée.
    La production de la fleur de soufre est beaucoup plus coûteuse que celle du soufre en pains ou en canons, car elle exige •une température de condensation moins élevée. Elle s’opère beaucoup plus lentement et le rendement quotidien est seulement un sixième de celui que l’on obtient dans la production du soufre liquide, tandis que les dépenses de l’opération restent les mêmes. Dans ces conditions, on conçoit facilement que la fleur de soufre du commerce soit d’un prix plus élevé que le soufre en pains. D’autre part, la fleur de soufre, bien qu’elle s’enflamme plus facilement et qu’elle se prête plus commodément à tous les mélanges, est moins pure que le soufre, en pains, car elle conserve toujours quelques traces d’acide sulfurique, d’humidité, etc. C’est pourquoi, quand il s’agit de fabriquer une bonne poudre à feu. il y a lieu de s’en tenir à l’emploi du soufre en pains parfaitement raffiné et finement pulvérisé.
    TROISIÈME SECTION
    1
    Le Charbon,
    CHAPITRE PREMIER
    Propriétés générales du charbon.
    1) — Observations générales.
    La qualité du charbon, dans la fabrication de la poudre noire, est d’une très grande importance et réclame, de la part du fabricant, l’attention la plus soutenue, car de ses qualités dépendent celles de la poudre.
    La production du charbon, en apparence si simple et si facile, exige les soins les plus minutieux quand il s’agit de le produire pour le faire entrer dans la composition de la poudre. C’est qu’en effet sa pureté, son homogénéité, son inflammabilité présentent de grandes différences selon la température développée durant la carbonisation et selon la durée de cette opération : la constance, dans les qualités de la poudre, dépend en grande partie du soin exact apporté à la préparation du charbon.
    Si l’on tient compte de ce fait que la combustion delà poudre est d’autant plus facile que la combustibilité du charbon
    est plus grande cLplus rapide, on comprend l’importance considérable qui s’attache non seulement au système de carbonisation, mais encore à la qualité du bois qui doit servir à fabriquer le charbon.
    En général, plus le bois à carboniser est riche en cellulose — c’est la cellulose qui constitue la partie solide et fibreuse du bois associée à de petites quantités d’oxygène, d’hydrogène, d’azote, de soufre et d autres corps — plus est inflammable et de bonne qualité le charbon que l’on en tire. 11 faut donc avoir soin de choisir un bois tendre et léger.
    En outre, comme le charbon destiné à la fabrication de la poudre droit brûler complètement sans laisser de cendres, il faut choisir pour sa préparation non seulement le végétal le plus convenable, mais même la partie de ce végétal qui a la plus grande teneur en carbone pur.
    Des expériences de la plus rigoureuse exactitude ont démontré que les feuilles et les racines sont les parties de l’arbre qui contiennent le moins de carbone et la plus grande quantité d’eau et de matières incombustibles. D’autre part, les grosses branches de l’arbre donnent un charbon plus léger et plus inflammable que celui tire du tronc. Enfin, l’écorce contient moins de carbone que la partie ligneuse, en même temps qu’elle donne un plus fort résidu en cendres, parce que les matières étrangères s’y rencontrent en plus grande quantité. On doit donc éliminer complètement les feuilles et les racines, en choisissant de préférence, pour la carbonisation, les grosses branches comptant au moins trois années d’existence, afin que la partie ligneuse soit bien constituée, en ayant soin de les écorcer pour éviter les résidus. On peut se dispenser de faire cet écorçage pour la préparation des charbons destinés à la fabrication des poudres de mine, mais il est absolument indispensable de l’effectuer, quand il s’agit des poudres de chasse, car le charbon produit par l’écorce contribuerait à augmenter l’encrassement des canons de fusil.
    1) — Qualités et espèces des bois à carboniser.
    Pour la fabrication du charbon devant entrer dans la composition de la poudre, on emploie, dans les divers pays d’Europe, des qualités différentes d’un bois tendre et léger, selon la facilité plus ou moins grande que l’on trouve à se procurer ce bois. En général, on préfère, pour les poudres de chasse et de guerre, la chènevotte, la bourdaine, le noyer ; pour les poudres de mine et celles à canon, l’on recherche le saule blanc, l’aune, le peuplier, l’if, le cornouiller, etc.
    La chènevotte que l’on renconlre en Italie, en très grandes quantités et d’excellente qualité dans l’Emilie et dans la région de Ferraro, quand elle est dépouillée de tout filament, ainsi que de ses racines et qu’elle no contient pas de terre, donne le charbon le meilleur et le plus rapidement inflammable que l’on puisse désirer pour les poudres de chasse et de guerre. Son rendement en charbon est plus grand que celui du noyer, ainsi que le démontrent les expériences faites par l’ingénieur français AI. Violette, qui a obtenu de la chènevotte 39,22 0 0 de charbon, tandis que le noyer n’en donne que 32,79 0 0. Les recherches de M. Proust ont, d’autre part, établi que le charbon de chènevotte brûle plus facilement que celui du noyer: en effet, un mélange de 0,775 gramme de charbon de chènevotte avec i grammes de salpêtre, incinéré dans une capsule de cuivre, brûle en dix secondes, en laissant un résidu de 0,775 gramme; tandis qu’un mélange semblable, fait avec du charbon de noyer et soumis à des conditions identiques, brûle en vingt-trois secondes, en laissant un résidu de 1,936 gramme.
    Les ceps et les sarments de vigne donnent également, pour les poudres de chasse, un assez bon charbon,cependant inférieur, en rendement et en combustibilité, à celui de la chènevotte. Cedernier est donc le plus convenable pour produire de bonnes poudres de chasse et de guerre, à la condition, nalu-
    Tellement, que l’on observe, pour effectuer la carbonisation, des précautions spéciales, ainsi qu’on l’indiquera plus loin.
    Pour les poudres de mine et à canon, comme la chène- votte revient à un prix trop élevé, le bois auquel on doit donner la préférence, en raison de sa combustibilité et de son rendement en charbon, ainsi qu’à cause de son prix de revient peu élevé, car il se rencontre dans tous les terrains irrigués d’Italie, est le saule (salix alba). M. Violette a tiré du saule 33,71 0 0 d’un charbon ayant une combustibilité supérieure à celle du charbon de l’aune, du peuplier, etc.
    On fait les approvisionnements de bois de saule en hiver, au moment où les arbres sont taillés ou écimés. On choisit les branches les plus saines, les plus grosses, les plus droites et les moins noueuses, provenant de sujets vivaces et robustes et on en forme un tas à l’air libre.
    Aux premiers jours du printemps, alors que la sève se produit en grande abondance dans les arbres et, par suite, dans les branches récemment détachées de leurs troncs, on écorce ces branches, afin de faciliter la dessiccation du bois et de diminuer la teneur en cendres du charbon produit avec ces bois. L’écorçage se fait très facilement dans ces conditions, car l’abondance des sucs permet de séparer sans peine l’écorce de la partie ligneuse. Les branches ainsi mises à nu sont ensuite sciées en bouts d’une longueur égale à celle des cylindres de carbonisation, puis fendues de manière que chaque morceau de bois n’ait pas un diamètre de plus de 3 à 4 centimètres, alin de faciliter leur dessiccation et leur carbonisation ultérieure.
    En effet, le bois se compose d’éléments solides, tels que le carbone et des matières minérales, d’éléments liquides qui sont l’eau et la sève et enfin d’éléments gazeux divers qui circulent avec l’air dans sa partie interne. De plus, la sève contient en dissolution, diverses substances : gommes, résines, sels et matières colorantes.
    Les quantités d’eau et de sève contenues dans le bois varient selon la nature de celui-ci, selon l’âge et la partie de l’arbre de laquelle il a été détaché. En général, le bois vert contient de 40 à 50 0 0 de son propre poids de substances liquides, selon sa compacité plus ou moins grande. Coupé, fendu et exposé au grand air et au soleil, il conserve encore, au bout d’une année, de 20 à 25 0 0 d’eau. Une plus longue exposition au grand air diminue encore son degré d’humidité; mais comme le bois retient fortement l’eau, pour le dessécher complètement il faudrait le soumettre à une température de 160°. Toutefois l’exposition au grand air pendant deux ou trois ans est très suffisante pour le priver d’une grande partie de l’eau qu’il contient et pour faire disparaître presque complètement la sève ; le peu d’humidité qu’il conserve encore est inhérent à sa nature, car le bois même desséché parfaitement dans un four à la température de 160u et exposé de nouveau à l’air dans une chambre close mais sans feu, absorbe rapidement de nouveau de 10 à 12 0/0 d’humidité qu’il emprunte à l’atmosphère ambiante.
    Le bois ainsi desséché et privé de sa sève peut être considéré comme un composé de carbone, d’eau et de matières minérales ; l’objet de la carbonisation est d’obtenir le charbon exempt de toute eau pure ou tenant en dissolution d’autres substances: or, comme l’eau est éliminée par la chaleur, on comprend quelle importance présente la dessiccation préalable du bois, car cette opération permet de réduire d’autant la durée de la carbonisation ainsi que la quantité de combustible à employer pour cette opération.
    Dans le bois exposé simultanément à l’action de la chaleur et au contact de l’air, à mesure que la température s’élève, tous les éléments constitutifs : carbone, eau, sucs et gaz, se combinent ou entre eux on avec l’oxjgène de l’atmosphère ; en se combinant, ils dégagent d’abord de la fumée, puis ils s’enflamment en brûlant avec dégagement de lumièreet enfin, quand la combustion est complète, ils ne laissent qu’un résidu de cendres.
    Mais, si l’on soumet le bois à l’action de la chaleur dans un milieu mis à l’abri de l’air, l’eau, les sucs et les gaz se volatilisent; ces éléments se condensent en partie à l’état liquide et s’échappent en partie à l’état de vapeur, en même temps que le bois noircit sans brûler et se transforme en charbon.
    On comprend donc que le degré de carbonisation du bois dépend entièrement de la température et de la méthode de traitement employée : aussi ce sont là les conditions qui réclament une attention spéciale et soutenue lorsqu’il s’agit de préparer du charbon destiné à la fabrication des poudres à feu, les propriétés de ce charbon dépendant, en grande partie, du mode de carbonisation appliqué.
    §3. — Propriétés du charbon.
    Le charbon est noir ou brunâtre, dur ou friable, opaque ou brillant.
    Le charbon noir, dur, compact, fortement calciné, est bon conducteur de la chaleur et de l’électricité ; il s’enflamme et brûle lentement. Le charbon brun, friable, peu calciné, est au contraire mauvais conducteur de la chaleur et de l’électricité; mais il est plus léger, plus inflammable que le charbon noir et, en outre, éminemment combustible. Par suite, le charbon brun, c’est-à-dire peu cuit, est celui qui convient le mieux pour la préparation de la poudre, car, dans la combustion de celte dernière, il augmente considérablement la quantité de chaleur développée et rend la poudre plus puissante.
    Il importe donc de bien déterminer la température à laquelle doit s’elTectuer la carbonisation du bois destiné à produire le charbon brun le plus convenable. Les expériences de M. l’ingénieur Violette, confirmées par la pratique adoptée dans les poudrières les plus importantes, établissent d’une manière presque absolue que le meilleur charbon brun, pour les poudres de chasse et de guerre, s’obtient à une température de 280° à 300°, tandis que, pour les poudres de mine et à canon,l’on peut porter la température jusqu’à 340° M. Violette a en outre démontré que,dans les limites de ces températures, le rendement en charbon de bois atteint son maximum et que ce rendement va en décroissant à mesure que la température de carbonisation augmente, car, sous l’action d’une plus forte chaleur, une partie du carbone se combine avec les gaz qui se dégagent et s’échappe en même temps que ces derniers.
    Indépendamment de l’influence delà température, dans une carbonisation lente, le rendement en charbon est plus grand qu’avec une carbonisation rapide; mais, par contre, cette dernière donne un charbon beaucoup plus friable et très léger.
    La densité du charbon varie selon la température de carbonisation ; le minimum de densité s’obtient à 290; c’est-à- dire que le charbon brun est le plus léger. A mesure que la température augmente, la densité s’accroît au point de devenir le double de celle de l’eau.
    D’autre part, l’hygrométricitédu charbon diminue d’autant plus que la carbonisation a été effectuée à une température plus élevée; le charbon pulvérisé est deux fois plus hygrométrique que le charbon en morceaux, car il présente, par rapport au charbon en morceaux, une surface plus grande à l’action de l’humidité. Il faut donc avoir soin de ne pulvériser le charbon qu’au moment où on doit l’employer pour faire les mélanges avec les autres corps constituant la poudre.
    Cette précaution est rendue également nécessaire en raison de la grande inflammabilité du charbon en poudre qui a été carbonisé à la température de 300° à 350°, inflammabilité si grande qu’il suffit d’accumuler ce charbon en petit tas de 70 à 80 centimèlrès de hauteur pour qu’il prenne feu spontanément. Ce phénomène est dû à la grande quantité d’air que le charbon absorbe dans de pareilles conditions ; celte absorp-
  4. Dans tout le cours du présent ouvrage, les degrés de chaleur indiqués sont des degrés centigrades.
    lion se produit avec une intensité telle que la masse se trouve si fortement échauffée qu’il en résulte l’inflammation spontanée du charbon.
    D’autre part, le charbon léger, fabriqué à la température constante de 300° et conservé en morceaux, ne s’enflamme spontanément que s’il est exposé, à l’air libre, à la température de 360° : il ne présente donc pas les mêmes risques que le charbon en poudre.
    Cependant, comme le charbon, en général, absorbe très facilement les gaz et l’humidité, on a la sage habitude, dans les poudreries bien administrées, de fabriquer le charbon seulement au fur et à mesure de son emploi et en quantité limitée aux besoins immédiats. On a la précaution de faire refroidir rapidement et complètement le charbon qui vient d’être préparé en le plaçant dans des récipients parfaitement clos et, par conséquent, entièrement à l’abri de l’action de l’air. Ce mode de procéder, adopté d’une manière absolue dans de nombreuses poudreries, est abandonné dans d’autres [jour un système absolument contraire, qui est fondé sur la lente et complète saturation du charbon par l’oxygène de l’air. A cet effet, on triture le charbon et on l’expose à l’air, pendant quelques jours, en couches larges et minces, dans une chambre en maçonnerie dont la voûte comporte une soupente. On éviterait de cette manière, assure-t-on, une absorption ultérieure et dangereuse d’oxygène durant la manipulation du mélange de charbon et de salpêtre.
    Le poids atomique du charbon est 12 et sa chaleur spécifique varie de 0,202 à 0,241. Sa conductivité pour la chaleur s’accroît avec la température de carbonisation, d’abord lentement et proportionnellement dans les charbons obtenus entre 150° et 300’, ainsi que le démontrent les expériences de M. Violette, puis de plus en plus rapidement.
    Sa puissance de décomposition est d’autant plus rapide que lecharbon est plus léger et plus inflammable ; cette puissance de décomposition ne se produit qu’à une haute température
    71 quand le charbon est dur et fortement calciné. En effet, M. Violette, avec un morceau de charbon de bourdaine très inflammable, a décomposé le salpêtre à 100°, tandis qu’avec des charbons produits à des températures de 1000° et plus il n’a obtenu une pareille décomposition qu’en portantces charbons au rouge vif.
    Le charbon est insoluble dans l’eau. Carbonisé à une température de 270% il est presque entièrement soluble dans une solution de potasse ou de soude, mais il l’est beaucoup moins à des températures supérieures ; enfin il cesse tout à fait de l’être au-dessus de 330°.
    Pour la fabrication de la poudre noire, le charbon doit être dosé de telle sorte que l’on obtienne une combustion complète de l’oxygène dégagé par le salpêtre. L’insuffisance de charbon réduit la puissance de la poudre, car la totalité de l’oxygène ne se trouve pas utilisée ; d’autre part, une quantité trop forte de charbon diminue la quantité des calories développées et même, en produisant en abondance de l’oxyde de carbone, peut réduire les propriétés balistiques de la poudre. On trouvera, plus loin les dosages rationnels pour les diverses qualités de poudres.
    CHAPITRE H
    Carbonisation.
    La carbonisation du bois s’obtient, dans l’industrie,, par des procédés divers qui peuvent se classer en deux catégories : les systèmes par com bastion et les systèmes par distillation.
    1) — Carbonisation par combustion.
    La carbonisation par combustion s’effectue par deux procédés principaux bien connus : celui des meules et celui des fosses ou des chaudières. Tous les deux sont fondés sur la carbonisation d’une partie du bois au moyen de la combustion, en présence de l’air, de l’autre partie.
    Le procédé des meules se pratique généralement dans les forêts pour fournir le charbon nécessaire aux besoins industriels et domestiques. Il a l’avantage de porter sur d’importantes masses de bois, avantage qui est d’autant plus appréciable que les masses à carboniser sont plus volumineuses, car alors le rendement en charbon est plus grand.
    Au milieu d’un terrain plat et parfaitement nivelé, on installe un pieu de grande hauteur autour duquel on dispose horizontalement, comme autant de rayons se détachant d’un centre commun, des rondins de bois, droits autant que possible, en remplissant les interstices avec des copeaux de la même essence ; l’on superpose le nombre de couches qui est nécessaire pour que la totalité du bois à carboniser se trouve ainsi entassée. En établissant cette meule, on a soin delais-
    ser au centre, autour du pieu, un vide destiné à jouer le rôle de cheminée et l’on dispose les rondins entourant ce vide de manière que l’ensemble forme un cône tronqué que l’on recouvre hermétiquement, de l’extérieur, de terre argileuse ou, mieux encore, de mottes de gazon, afin d’empêcher l’accès de l’air. On allume la pile de bois par l’ouverture supérieure de la cheminée, en y introduisant des copeaux résineux enflammés ; puis, quand la cheminée laisse échapper une grande quantité de fumée noire et épaisse, on pratique, à la base du bûcher et à des distances égales,des évents pour amener l’air nécessaire pour alimenter la combustion. L’on doit veiller avec soin à ce que cet afflux d’air se fasse régulièrement, ni trop vite, ni trop lentement ; à cet effet, on ferme les évents là où la combustion est complète et on en ouvre d’autres aux endroits où la même combustion pourrait être défectueuse. Quand toute la masse est incandescente et que la carbonisation a pris fin, on ferme la cheminée et les évents au moyen d’une forte couche de terre, afin de supprimer tout accès d’air et de provoquer l’extinction et le refroidissement du charbon ainsi produit.
    Ce système n’est pas à recommander pour les produits destinés aux poudrières, car il n’est pas possible de régler la température de carbonisation et le charbon obtenu n’est pas uniforme ; de plus, la nécessité d’opérer sur grandes masses ne permet pas de préparer le charbon en une quantité limitée aux besoins du moment. Enfin, l’emploi du charbon ainsi obtenu comporte de nombreux dangers dans la fabrication de la poudre, car sous l’action de la meule on introduit dans le charbon des matières étrangères telles que terre, sable, etc. Aussi ce seul inconvénient suffit il pour faire rejeter absolument le procédé.
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    La carbonisation du bois dans les fosses s’effectue presque d’après le même procédé que celui qui vient d’être décrit pour
    les meules, à cette exception près que le bois qu’il s’agit de carboniser, au lieu d’être entassé sur le sol, est disposé dans des fosses quadrangulaires ou hémisphériques, profondes d’un mètre et suffisamment larges, fosses que l’on revêt intérieurement d’une maçonnerie en briques réfractaires. On met le feu à la masse du bois disposée dans la fosse et on la laisse brûler ; quand la flamme cesse de se produire, la combustion étant terminée, la fosse se trouve remplie de charbons incandescents qui ne tarderaient pas à se convertir en cendres au contact de l’air. On couvre alors avec le plus grand soin la surface incandescente avec des couvertures de laine mouillées et l’on étend sur ces couvertures une forte couche d’argile que l’on bat énergiquement afin de ne laisser, entre le charbon et l’enveloppe ainsi formée, aucun espace vide par où l’air puisse arriver jusqu’aux charbons. On laisse ensuite refroidir le tout pendant quelques jours, après quoi on relire le charbon. Mais comme l’argile peut facilement se mélanger avec le charbon, l’on a perfectionné le système en substituant à la fosse une chaudière hémisphérique en fonte, mesurant 1,20 m de diamètre sur 0,85 m de hauteur. On enfonce et on encastre celte chaudière dans la terre en l’entourant de maçonnerie, de manière que son rebord supérieur affleure le niveau du sol. Au fond de celte chaudière, on place une couche de paille ou de copeaux allumés, puis une couche de bois à carboniser formée de rondins d’environ 30 centimètres de longueur. Quand ce bois s’enflamme, on ajoute de nouveaux rondins en les disposant régulièrement les uns à côté des autres et de manière àétouffer les flammes et à diminuer leur activité. On continue à procéder ainsi jusqu’à ce que la chaudière se trouve complètement remplie de bois incandescent. Aussitôt que la surface du bois se recouvre d’une fine poussière blanche, on ferme hermétiquement la chaudière, pour empêcher tout accès d’air, avec un couvercle convenable en tôle. Ce couvercle porte deux évents circulaires pour l’évacuation des produits gazeux de la combustion qui s’échap-
    pent en une fumée épaisse et abondante. Quand cette fumée cesse de se produire, on ferme avec soin les évents et on laisse refroidir, pendant trois ou quatre jours, le charbon ainsi obtenu-
    Le rendement obtenu avec ce procédé est d’environ 20 0 0, et le charbon est d’autant meilleur que la carbonisation a été faite avec plus de soin. Cependant, il n’est pas possible de régler la température de carbonisation pour produire un beau charbon uniforme se prêtant à la fabrication d’une bonne poudre de guerre ou de chasse : le système des chaudières ne convient donc que pour les petites fabriques de poudres de mine ordinaires, ces poudres admettant une certaine tolérance quant à la qualité du charbon.
    1) — Carbonisation par distillation.
    Le charbon à employer pour la préparation d’une bonne poudre de guerre ou de chasse doit être fabriqué par le procédé de la distillation. C’est là une méthode bien meilleure que celles déjà décrites et permettant de produire du charbon à des températures déterminées de carbonisation, car, avec un appareil convenablement construit et dirigé par un habile ouvrier, on peut obtenir à volonté du charbon brun ou du charbon noir.
    Le bois, comme on l’a déjà rappelé précédemment, se compose de substances solides, liquides et gazeuses. Dans la carbonisation au contact de l’air, les liquides et les gaz se dégagent sous l’action de la chaleur, et s’évaporent en partie sous forme de fumée, l’autre partie passant dans la flamme, qui n’est autre que la combustion des matières volatiles du bois.
    Le bois, exposé à la chaleur et à l’abri de l’air, dans un récipient bien clos, abandonne peu à peu ses liquides et ses gaz ; il ne reste donc plus que la partie solide, c’est-à-dire le charbon, lequel sera parfaitement pur s’il se trouve exempt de toute trace de « az, comme dans le cas du charbon noir,
    O / 1
    ou qui contiendra encore des carbures d’hydrogène si on a
    modéré l’action de la chaleur afin d’obtenir du charbon brun, propre à la fabrication de la poudre.
    Le système de carbonisation par distillation est encore dénommé système des cylindres ; il se subdivise en deux méthodes; celle des cylindres fixes et celle des cylindres mobiles,
    Ce procédé fut imaginé, vers la fin du xvine siècle, par l’évêque anglais Landloff ; il a été l’objet de perfectionnements successifs grâce auxquels on peut aujourd’hui obtenir une excellente qualité de charbon.
    Dans un vaste local rectangulaire, à plafond élevé, muni de vastes fenêtres pour le renouvellement de l’air, on dispose une série de cylindres en fonte encastrés horizontalement dans une construction en maçonnerie, de manière que ce bâti supporte les deux extrémités de chaque cylindre et les maintienne à une hauteur d’environ 0,80 m au-dessus du sol. Les cylindres sont accouplés deux à deux et les deux cylindres de chaque couple sont séparés l’un de l’autre par un intervalle de 0,25 m. Chaque paire de cylindres est chauffée par un foyer unique, disposé au-dessous et au centre de chaque paire et s’étendant sur toute la longueur des deux cylindres. La partie supérieure du foyer consiste en une légère voûte en briques dans laquelle on a pratiqué de longs soupiraux pour livrer passage à la flamme et à la fumée ; tout est disposé pour que les cylindres se trouvent à l’abri des coups de feu. Les cylindres sont à leur partie supérieure et sur toute leur longueur, recouverts par une voûte concentrique en tonte ou en maçonnerie, séparée de leur surface extérieure par un espace d’environ 5 centimètres, afin que les gaz se dégageant du combustible du foyer et passant par les soupiraux de la petite voûte, montent entre le cylindre et celte voûte, puis redescendent du côté opposé en l’échauffant pour aboutir enfin à un long carneau qui traverse toute la salle sous la série des loyers et débouche dans la cheminée. Cette dernière,pour exercer un tirage convenable, ne doit pas mesurer moins de 18 à 20 mètres de hauteur. Le carneau communiquant avec lacheminée est pourvu, à chaque foyer, d’une clé qui sert à régler le feu.
    Les cylindres ont 0,65 m de diamètre et de 1,30 ni à 1,50 m. de longueur. Ils ont 4 centimètres d’épaisseur sur tout leur développement, mais celte épaisseur s’accroît jusqu’à 5 centimètres sur le bord de l’ouverture qui s’avance en dehors du mur de soutènement.
    Cette ouverture est munie d’un lourd couvercle en fonte, monté sur deux gonds fixés sur le rebord du cylindre. Ce couvercle, afin de fermer hermétiquement le four quand on active la carbonisation, porte intérieurement une garniture circulaire en laiton qui vient appuyer sur le rebord du cylindre; il est fortement serré contre ce rebord au moyen de quatre boulons en fer se vissant dans le cylindre.
    Le fond du cylindre est massif, mais il porte au centre de son axe une ouverture circulaire d’environ 10 centimètres de diamètre pour laisser échapper les produits de la distillation. Sur la face extérieure du fond est fixé un tube coudé en fonte dont l’ouverture intérieure correspond à l’ouverture d’égal diamètre pratiquée dans le fond lui-même. Le tube se replie vers le centre de l’espace intermédiaire séparant le point d’accouplement des cylindres et il a une légère inclinaison afin de permettre l’écoulement des liquides. L’extrémité inférieure de chacun des deux tubes est fixée sur une petite caisse en fonte, munie d’ouvertures ayant exactement le diamètre des tubes. Il n’y a, pour chaque paire de cylindres, qu’une seule caisse qui reçoit naturellement les produits s’écoulant par les deux tubes. Dans cette caisse, les liquides et les gaz se séparent et alors que les premiers sont conduits, par des tubes verticaux en cuivre, dans des cuvettes placées en dessous, les gaz passent dans des tubes horizontaux en fonte fixéscontre les parois de la caisse et se prolongent dans le four entre les deux cylindres, parallèlement à ces derniers, mais un peu au-dessous de leur axe. Ces tubes sont coulés d’une seule venue et portent latéralement de longues fentes par lesquelles s’échappent les
    gaz qui s’enflamment; ils sont ainsi utilisés comme combustibles pour amener la complète carbonisation du bois enfermé dans les cylindres. Les tubes eux-mêmes se prolongent sur toute la longueur du four; en d’autres termes, leur paroi antérieure ou tête s’appuie sur la maçonnerie antérieure au- dessus de l’embouchure du foyer entre les ouvertures des t/
    deux cylindres accouplés; chaque tube porte une petite ouverture cylindrique ou regard qui permet de vérifier la couleur des gaz et le degré d’avancement de la carbonisation. Une petite lame de laiton, tournant sur un gond,sert à clore ou à ouvrir le regard.
    L’appareil ainsi disposé, on procédait autrefois à la carbonisation en insérant dans les cylindres fixes le bois lié en fagots, jusqu’à ce que ces cylindres fussent remplis,en ayant soin qu’entre le combustible et les deux têtes du cylindre il restât un espace libre, afin que les produits de la distillation ne rencontrassent point d’obstacle.
    Quand la charge était achevée, on lutait avec soin le couvercle en appliquant de la terre glaise ou tout autre enduit réfractaire afin d’empêcher l’accès de l’air et on allumait le feu. Mais un pareil procédé offrait le grave inconvénient de rendre pénible, pour l’ouvrier chargé des opérations, la charge entre deux cuissons, car les cylindres se trouvaient être surchauffés; en outre, l’enlèvement du charbon obtenu, bien qu’effectué avec soin, donnait souvent lieu à l’incinération du produit qui, encore chaud, s’allumait et brûlait rapidement au contact de l’air. Enfin la carbonisation n’était pas uniforme,car les parois des cylindres, frappées par la flamme, s’échauffaient plus que les autres parties et le bois qui était en contact avec ces parois éprouvait une carbonisation excessive.
    Pour remédier à ces inconvénients, dans les poudreries bien installées, on fait usage de cylindres en tôle de fer, épaisse de 3 millimètres. Ces cylindres, de 1 mètre de longueur et de 60 centimètres de diamètre, ont leur base massive et sont ouverts à l’autre extrémité par laquelle on introduit le bois, coupé à la longueur de 1 mètre ou préparé en baguettes, s’il s’agit de chènevotte, ou encore en copeaux s’il s’agit de bois de saule ou d’une autre essence. On dispose les cylindres sur des chevalets en bois pour elTectuer la charge qui se fait avec soin afin que les morceaux de bois à carboniser soient disposés les uns à côté des autres,sans laisser de vides entre eux. Au moyen d’un chariot pourvu de crochets qui saisissent le rebord de la base des cylindres et les soulèvent du chevalet comme le ferait un levier, ces cylindres sont apportés dans le four et introduits dans les cylindres fixes déjà décrits, de manière que la partie ouverte du cylindre mobile, dans laquelle se présente la surface du bois y introduit, corresponde au fond du cylindre fixe, mais sans loucher ce dernier, et de manière que le fond massif du cylindre mobile se trouve dans la partie antérieure du four, c’est-à-dire à l’ouverture du cylindre fixe. Au centre du couvercle fermant le cylindre fixe, est pratiquée une ouverture qui permet d’y introduire une clé carrée applicable à une emboîture convenable fixée à la base du cylindre mobile, de manière que l’on puisse faire tourner ce dernier pendant la carbonisation,de manière à rendre celte dernière plus uniforme et plus régulière dans chaque partie de la charge.
    Enfin, pour régler la température de carbonisation, l’on place dans chaque cylindre un pyromètre destiné à indiquer les degrés de la température développée à l’intérieur.
    Quand les fours sont chargés et qu’ils ont leurs couvercles parfaitement clos, on allume le feu dans les foyers, mais en alimentant modérément ce feu afin que les flammes ne viennent point à s’allonger et à frapper les cylindres. Comme la réussite de l’opération dépend surtout du réglage du feu, ce dernier exige la plus grande attention de la part de l’ouvrier qui doit avoir le soin de le maintenir toujours à la même intensité.
    Deux ou trois heures environ après l’allumage, la décom-
    position du bois ou distillation proprement dite commence à se produire ; la fumée, blanche d’abord, devient jaunâtre et épaisse et répand une odeur empyreumatique caractéristique. Les produits delà distillation s’échappent en abondance, tandis que la vapeur d’eau et l’acide pyroligneux se condensent et s’écoulent dans le récipient qui leur est destiné; les gaz sont amenés dans le four par les tubes déjà décrits; là, ils s’allument en enveloppant les cylindres de leur flamme. De temps à autre, on fait tourner ces derniers sur eux-mêmes, au moyen de la clé carrée destinée à cet usage, afin que chaque partie du cylindre subisse à son tour l’action directe du foyer. Dès que la combustion des gaz a commencé, on laisse éteindre le feu du foyer et la carbonisation se poursuit et s’achève aux dépens de la carbonisation elle-même. Par les ouvertures pratiquées dans les tubes et déjà mentionnées, l’ouvrier surveille la combustion des gaz qui se manifeste au début par une flamme rougeet vive et, peu à peu, se transforme en une flamme d’une belle couleur bleue qui finit enfin par s’éteindre tout à fait, la production des gaz étant terminée. Dans la préparation du charbonbrun,servant à la fabrication des poudres de guerre et de chasse, on doit arrêter la carbonisation au moment où la flamme devient bleue, parce que, comme on l’a déjà dit, il est nécessaire que le charbon renferme encore des carbures d’hydrogène. On ouvre alors le couvercle du premier four et l’on fait passer devant l’ouverture un chariot dont la surface supérieure est composée de rouleaux tournant sur leurs axes ; un ouvrier saisit avec un long crochet le fond du cylindre mobile en tôle ou étouffeur ; ce dernier, quand on tire le. crochet, sort du four et glisse sur les rouleaux jusqu’à ce qu’il vienne tomber verticalement sur le sol. Un second ouvrier ferme immédiatement, avec un solide couvercle en tôle, l’ouverture de ce cylindre afin de supprimer tout contact du charbon avec l’air et il le fait glisser ensuite jusqu’au local disposé pour le refroidissement. Dans le four vide, on introduit alors un

    nouveau cylindre plein de bois à carboniser et on répète successivement la même opération dans les autres fours, au fur et à mesure que, pour chacun d’eux, la carbonisation a atteint le degré voulu. L’ensemble de l’opération destinée à fournir du charbon brun de bonne qualité a une durée de dix à douze heures ; elle est plus ou moins rapide selon la qualité du’bois traité et son degré de préparation ou de dessiccation.
    On laisse refroidir le charbon dans les cylindres mobiles ou étouffoirs pendant trois ou quatre jours au plus, puis on l’extrait morceaux par morceaux pour en (aire le tri et écarter les morceaux qui, insuffisamment cuits, ont encore une consistance ligneuse. On place ces derniers morceaux au centre de la masse de bois dont on remplit un nouveau cylindre afin de terminer leur carbonisation dans une opération ultérieure destinée à donner du charbon devant entrer dans la composition des poudres de mine. La quantité de morceaux incomplètement carbonisés est minime quand la distillation est dirigée par un habile ouvrier.
    Le charbon obtenu par le système que l’on vientde décrire est retiré des étouffoirs en baguettes entières, ayant la longueur et la forme primitives du bois, mais un peu contractées. Les morceaux sont lisses, sans incrustations de goudron, sans fentes, d’une belle couleur noir-café, recouverts à leur surface d’une mince poudre grise ; ils sont très légers et relativement élastiques, au point de plier dans une certaine mesure sans se rompre ; quand on les casse, ils émettent un son sec et la surface de la brisure est d’un beau noir café velouté.
    Le charbon extrait des étouffoirs, choisi et cassé en gros morceau, doit être, autant que possible, employé dans la journée. Si l’on devait retarder son utilisation, il conviendrait de le conserver dans des récipients parfaitement clos, afin d’éviter qu’il absorbe l’humidité de l’air dont il est très avide.
    La carbonisation dans les cylindres fixes, bien que perfectionnée et rendue presque absolument uniforme par l’emploi
    des cylindres mobiles, offre toutefois cet inconvénient que la partie postérieure du four est soumis à une plus haute température due au dégagement des gaz, car ces derniers, en s’échappant par l’unique oritice pratiqué dans le fond du cylindre fixe, donnent lieu à un plus fort échauffement de cette extrémité, attendu que leur température est supérieure à celle de la charge. ‘
    L’habileté de l’ouvrier qui, à un certain moment de la carbonisation, doit maintenir le feu seulement à l’ouverture du foyer, en évitant de chauffer l’autre extrémité, remédie à un pareil inconvénient et permet d’obtenir un produit final uniforme.
    *
  • ¥
    Un perfectionnement plus important, permettant d’obtenir une carbonisation absolument uniforme, a été réalisé par la suppression des cylindres fixes. On a substitué entièrement à ces derniers des cylindres mobiles, que portent des supports courant sur des roues et disposés de manière à pouvoir tourner facilement dans tous les sens, ainsi qu’à pouvoir être retirés du four quand la carbonisation est terminée. Chaque cylindre, dans ce nouveau système, est échauffé par un foyer spécial. Les produits de la distillation sortent, en quantités égales, par les deux extrémités du cylindre, grâce à un tube semi-cylindrique intérieur qui les reçoit et les distribue également aux deux extrémités, en les faisant s’écouler par des ouvertures exactement calculées. On applique contre ces ouvertures une tubulure en forme de tronc de cône qui s’adapte • parfaitement à un orifice pratiqué dans le fond du four et qui verse les produits dans un appareil de distribution en cuivre. Cet appareil de distribution permet de conduire les produits en question, à volonté, dans chacun des foyers et de répartir les gaz qui ne se condensent point, au moyen de canalisations spéciales, entre les divers fours où s’opère leur combustion,dans des tubes horizontaux en fonte placés à environ 10 centimètres au-dessous des cylindres et parallèlement à leur axe ; les mêmes tubes portent, dans leur partie supérieure, deux longues fentes longitudinales. Chaque cylindre est muni d’un pyromètre permettant de constater,à tout moment, le degré de température intérieure.
    Ce système, s’il donne des produits d’une homogénéité absolue et permet de régler exactement l’opération dans ses plus minimes détails, de manière à maintenir constamment la température de carbonisation désirée, exige par contre, une installation fort compliquée et coûteuse; il faut en outre, pour son bon fonctionnement, l’observation de détails éminemment minutieux. Le premier procédé de distillation est donc préférable, d’autant plus que, avec le concours d’un ouvrier expérimenté, il peut donner des produits aussi parfaits que ceux obtenus par le second.
    Le rendement en charbon du bois soumis à la distillation est bien supérieur à celui donné par le procédé des meules ou des chaudières, car il atteint jusqu’à 40 0 0 selon la qualité et le degré de préparation de la matière première traitée.
    Du bois de saule pelé et emmagasiné depuis deux ans sous de vastes hangars exposés au midi, a donné, au cours d’essais réitérés, 35 0 0 de charbon, tandis que du bois de même espèce, conservé sous des hangars exposés au nord, n’a fourni que 31 0 0 de charbon par suite de la plus grande quantité d’humidité que ce dernier avait absorbée.
    En général, le rendement moyen en charbon du saule pelé sec est de 33 0 0, et celui des chènevottes de 37 0 0 environ.
    Comme le rendement de la carbonisation effectuée dans les chaudières, même quand il s’agit des meilleures qualités de bois traitées dans les conditions les plus avantageuses, n’atteint jamais 25 0 0, on voit que, même abstraction faite de cette circonstance que les charbons obtenus par distillation sont de meilleure qualité, le système de la distillation est toujours préférable à celui des chaudières, car le plus grandrendement fourni par la distillation compense les frais plus élevés que comporte ce système.
    Le meilleur combustible que l’on puisse utiliser dans les foyers des fours de distillation est la tourbe, qui ne donne en effet que très peu de flammes, en même temps qu’elle dégage une chaleur rayonnante considérable. En outre, une fois qu’elle est allumée, on n’a plus besoin de l’attiser. Dans le commerce, on trouve la tourbe en pains et, sous cette forme, elle se prête fort bien au réglage du feu lorsque, au cours de l’opération, l’on doit limiter ce dernier à un seul point quelconque du foyer.
    En l’absence de tourbe, il convient d’employer du bois tendre, tel que celui de peuplier par exemple, car il est ainsi plus facile de maintenir un feu modéré qu’en faisant usage de bois dur. En outre, le bois tendre ne facilite pas seulement une carbonisation plus régulière ; il est encore sensiblement plus économique.
    Les produits liquides de la distillation recueillis dans les récipients, ne sont que de l’eau et de l’acide pyroligneux dans lequel se condense du goudron impur qui se précipite au fond; les appareils de carbonisation utilisés dans les poudreries ne donnent pas, d’ordinaire, du goudron dont la quantité et la qualité justifiant un travail ultérieur de purification ; l’on se borne à recueillir ce goudron et à le mélanger avec de la sciure de bois ou avec de la balle de céréales pour en former des pains très inflammables qui se substituent très avantageusement au combustible ordinaire dans les foyers.
    Quant à l’acide pyroligneux clarifié, on peut en tirer parti. En effet, on le traite avec des fragments et des copeaux de fer provenant du tour afin de le transformer en un pyrolignite de fer qui, dûment concentré, est recherché et apprécié par les fabriques de couleur; on peut aussi le soumettre à une distillation spéciale pour en extraire l’acide acétique qu’il contient à raison de 12 à 15 0/0 environ.
    Indépendamment des systèmes de carbonisation que nous avons décrits plus haut en les divisant en deux catégories, l’ingénieur Violette a imaginé et installé, dans la poudrerie d’Esquerdes (France) qu’il dirigeait, un système spécial de carbonisation par la décomposition du bois dans un courant de vapeur d’eau que l’on élève à la température du charbon roux en lo faisant passer par un serpentin en fer presque porté au rouge.
    Son appareil est constitué par deux cylindres concentriques en tôle, dont l’un sert d’enveloppe à l’autre qui contient le bois à carboniser. Au-dessous, un serpentin en fer communique d’un côté avec une chaudière à vapeur et, de l’autre, avec le cylindre extérieur servant d’enveloppe. Dans ce système, le serpentin est réchauffé, par un foyer disposé au- dessous, jusqu’au degré correspondant à la température de carbonisation. La vapeur d’eau, en circulant dans le serpentin, prend la température de ce dernier; elle passe dans le cylindre extérieur par l’intervalle le séparant du cylindre intérieur ; enfin, elle arrive dans le cylindre intérieur, par la partie antérieure qui est ouverte ; elle pénètre ensuite peu à peu dans la masse du bois, en portant ce dernier à la température qu’elle possède. Le bois s’échauffe alors jusqu’au point où la carbonisation se produit ; la vapeur, se mélangeant aux produits volatils de la distillation, entraîne ces derniers avec elle et s’échappe par un tube spécial qui la conduit dans un appareil de condensation.
    Le charbon ainsi produit est très beau,absolument exempt de toute trace de goudron et parfaitement homogène ; mais les frais élevés d’installation, de main-d’œuvre, de combustible et de manipulation ont rendu presque impossible l’application de ce système ; c’est au point que les quelques poudreries qui l’avaient adopté ont dû bien vite l’abandonner.
    Gossart a modifié plus tard le système Violette et a installé en 1855, dans la même poudrerie d’Esquerdes, un nouvel appareil à circulation continue de chaleur ; mais les mêmes
    motifs, qui lirent abandonner le système Violette mirent également un terme aux essais du système Gossart; aussi ces deux systèmes, bien que rationnels et très efficaces, sont restés dans le domaine de la théorie.
    Enfin, en Allemagne, en 1889, II. Giïtler a imaginé un système de carbonisation rapide et efficace en faisant traverser par un courant d’acide carbonique chaud, la masse du bois enfermée dans des cylindres de tôle chauffés. Quand la carbonisation est terminée, on active le refroidissement du charbon par un nouveau courant d’acide carbonique qui, cette fois, est froid.

DEUXIÈME PARTIE
Fabrication de la poudre
PREMIÈRE SECTION
Dosages
CHAPITRE PREMIER
Considérations générales.
La poudre noire est un mélange, rendu aussi intime que possible, de salpêtre, de soufre et de charbon. En d’autres termes, c’est le mélange de corps combustibles (soufre et charbon) avec un corps comburant (salpêtre), capable de produire l’explosion grâce à l’action réciproque de ses parties composantes. Cette action est plus ou moins intense, plus ou moins efficace, selon les proportions dans lesquelles chacune des parties composantes entre dans le mélange. La détermination rationnelle de ces proportions est ce qu’on appelle le dosage.
Le dosage varie avec les effets que l’on veut obtenir pour chaque qualité déterminée de poudre; aussi convient-il d’apprécier les usages spéciaux auxquels chaque sorte est destinée afin d’établir un dosage efficace et rationnel.

explosive réalisable ; la poudre de chasse exige une grande rapidité d’inflammation et de combustion; enfin il importe que la poudre de mine fournisse un volume abondant de gaz, afin d’augmenter les effets balistiques et brisants.
Le dosage influe grandement sur la force et la puissance de la poudre, car ces propriétés dépendent essentiellement du volume des gaz produits et des calories développées au moment de la combustion.
Les petites variations dans les dosages n’exercent pas une
action appréciable sur l’inflammabilité de la ses propriétés balistiques ; mais il faut tenir fait qu’un excédent de charbon accélère la combustion aux dépens de la quantité de chaleur développée; qu’un excès de salpêtre ralentit la combustion en augmentant, d’une part, la chaleur produite et ne développant, d’autre part, qu’une plus
petite quantité de gaz ; enfin, tandis que la présence du sou

composantes et abaisse leur température initiale, un excès d( soufre réduit la sensibilité de la poudre, mais favorise sa con servalion.
A ces considérations théoriques, confirmées par l’expé rience, il faut ajouter les suivantes qui, bien que purement mécaniques, ne laissent pas d’avoir leur importance dans la détermination des dosages, savoir :

bien que fabriqué depuis peu de temps et tenu à l’abri de

en quantité variable ;
2° Le mélange des trois éléments de la poudre, qu’il soit, ne produit jamais un produit ayant une homogé
néité parfaite ; I
3° Les proportions des corps composant le mélange subissent des modifications continuelles lors du passage de l’une des diverses phases de la fabrication à la phase suivante, car a charbon très finement pulvérisé et sec est d’une légèreté xtraordinaire; nécessairement, il se sépare du mélange pour ’unir aux menues poussières atmosphériques dans des proortions beaucoup plus grandes que ne le font les autres paries composantes, le salpêtre et le soufre, qui sont des corps tien plus lourds.
Le dosage d’une poudre donnée doit donc être fait dans les proportions convenables afin d’éliminer ou de compenser es inconvénients signalés, et cela de manière à obtenir une tondre ayant les propriétés voulues.
A l’origine, on mélangeait le salpêtre, le soufre et le charton par parles égales ; mais on ne tarda point à modifier un tareil dosage, car l’expérience et les études approfondies, dont ut l’objet la poudre à feu à toutes les époques, indiquèrent tien vite les propriétés de chaque élément et la nécessité d’en nodifier les proportions. »
CHAPITRE H
Dosage des poudres de guerre, de chasse et de mine.
Poudres de guerre. — La poudre de guerre a été naturellement la plus étudiée. Dès 1568, on fit à Bruxelles des expériences qui établirent que la meilleure poudre de guerre étaif celle qui présentait la composition suivante :
75,000 parties de salpêtre
15,625 — charbon
9,375 — soufre
Dans chaque Etat, on adopta, pour les poudres de guerre, des dosages particuliers qui se modifièrent peu à peu avec le temps. Certains pays établirent une distinction entre le dosage des poudres de guerre à fusil et celui des poudres à canon, en augmentant la quantité de salpêtre dans les premières pour leur donner une plus grande puissance balistique et en élevant par contre la proportion du soufre dans les poudres à canon pour les rendre plus stables.
Aujourd’hui, les dosages des poudres de guerre des divers Etals se rapprochent de celui expérimenté en Belgique en 1568 ; on ne fait pas grande distinction entre les poudres à fusil et celles à canon. C’est ainsi que l’on constate : . j
Salpêtre Charbon Soufre
En Italie parlies 75
En France (pour les canons). — 75
En France (pour les fusils). . • — 77
En Angleterre — 75
Aux États-Unis — 76
En Perse — 75
avec à peu près les mêmes proportions presque partout ailleurs. ‘
Seule la Chine, lente en toutes choses, a fait fort peu de progrès sur ce point également : encore, au cours de ces dernières années, ses poudres de guerre se composaient de 61,50 parties de salpêtre, 23 de charbon et 15,50 de soufre. Mais aujourd’hui les Chinois, eux aussi, se préoccupent de réaliser autant de progrès que les puissances européennes en matière d’explosifs.
Poudres de chasse.— Il ne serait pas possible de déterminer les différents dosages des poudres de chasse, car les ouvrages anciens ne s’occupent que des poudres de guerre.
Aujourd’hui que l’industrie est libre, la concurrence, le désir du lucre et cette circonstance que, dans bon nombre de poudreries peu importantes, la fabrication de la poudre de chasse est absolument empirique et uniquement subordonnée à la question des bénéfices réalisables, — tout cela fait que l’on emploie les dosages les plus disparates, qui n’ont aucun rapport avec les sages enseignements de la théorie, corrobo-
I rés par la pratique, et que l’on rencontre dans le commerce • I . . 1 • •
I des produits défectueux à tous les points de vue, produits I qui font le désespoir des chasseurs habiles.
I Une bonne poudre de chasse se distingue spécialement des I poudres de guerre par une augmentation de la proportion de I salpêtre qu’elle contient ; les meilleures poudres de chasse I qui se fabriquent aujourd’hui sont préparées en appliquant les trois dosages suivants :

  1. Salpêtre 78,500 ; Charbon 11,500 ; Soufre 10.
  2. — 78 —12 _ io.
  3. — /5 — 13 — 12.
    Le premier de ces dosages est adopté en Allemagne ; le deuxième et le troisième sont d’un usage général en Italie et en France quand il s’agit, naturellement, des qualités supérieures de poudres de chasse, lesquelles, pour mériter celte appellation, exigent encore des soins et des traitements spéciaux que l’on indiquera plus loin.
    Poudres de mine. — Dans la fabrication des poudres de mine, il faut se proposer, avant tout, d’augmenter le volume des gaz et de diminuer autant que possible le prix de revient. On atteint ce double but en diminuant, dans une juste mesure, la quantité de salpêtre que contiennent les poudres de guerre et de chasse et en augmentant d’autant les proportions de charbon et de soufre.
    Les dosages aujourd’hui adoptés dans les divers pays pour la préparation des poudres de mine diffèrent les uns des autres ; d’autre part, les divers usages auxquels est destinée la poudre imposent parfois l’obligation d’en fabriquer de qualités différentes ayant chacune un dosage particulier. C’est qu’en effet, si les mines creusées dans les roches très dures exigent une poudre explosant très vite et produisant des gaz en abondance, par contre, les mines pratiquées dans les carrières de marbre, dans le tuf, etc. réclament une poudre exigeant une action plus lente et, pour ainsi dire, plus uniforme.
    Bien que l’échelle des dosages, pour les poudres de mine, puisse varier d’un minimum de 62 parties de salpêtre jusqu’à un maximum de 72 parties, le dosage le plus rationnel pour la fabrication d’une bonne poudre de mine comporte les proportions suivantes : •
    Salpêtre de 66 à 70 parties
    Charbon de 16 à 14 —
    Soufre de 18 à 16 —
    C’est qu’en effet un excès de salpêtre, s’il augmente la puissance de la poudre, en ce qui concerne le tir des projectiles dans les bouches à feu, ralentit par contre la combustion de la matière au point de paralyser en partie ses qualités propulsives et que, d’autre part, un excès de charbon développe une grande quantité d’oxyde de carbone défavorable aux effets de rupture.
    A mesure que se généralise l’emploi de la dynamite, la production des poudres de mine a diminué sensiblement ; pourtant ces poudres ne laissent pas encore de rendre de très grands services aux mineurs qui, les utilisant d’une manière intelligente, savent, grâce à elles, tirer des carrières les plus beaux morceaux de marbre, de granit, etc. ayant les dimensions désirées — ce qu’ils ne pourraient guère obtenir avec la dynamite, car cette dernière substance, en raison de la violence excessive de ses explosions, est plutôt apte à fendre, i déchiqueter et à détruire les roches, môme les plus dures, air lesquelles elle exerce son action.

DEUXIÈME SECTION 1
Trituralion, mélange el galelage des |
matières premières. ]

CHAPITRE PREMIER
Trituration et mélange
§ 1. — Considérations générales. I
Autrefois on mélangeait dans un mortier en bois ou en pierre les matières premières (salpêtre, soufre et charbon) entrant dans la composition de la poudre, on les humectait avec del l’eau pure ou du vinaigre ou même des urines, puis on les | triturait et on les pilait simultanément au moyen d’un lourd 1 pilon de bois très dur, manœuvré ou à la main ou au moyen 1 d’un levier automatique. Un système aussi primitif ne don- 1 nait pas seulement des produits imparfaits, mais il exigeait ! encore un nombreux personnel pour une production minime ;| on ne tarda donc point à le perfectionner et à installer des 1 pilons mécaniques qui ont grandement accéléré el amélioré! la fabrication.
Mais les progrès ne s’arrêtèrent pas à ce point et, en même! temps que l’on perfectionnait les pilons,l’on imagina de nou-| [‘
veaux systèmes pour triturer et mélanger les matières premières, afin de rendre le mélange toujours plus intime et
I plus homogène, la main-d’œuvre plus sûre et plus efficace et I le produit plus régulier et plus puissant.
I Aujourd’hui on applique trois systèmes différents de tritu- u ration et de mélange qui mérilefit une description détaillée, I car chacun d’eux constitue une méthode spéciale de fabrica- I lion ayant ses qualités et ses défauts. La connaissance par- | faite de chaque méthode permettra de faire apprécier quelle I est la meilleure, selon le but poursuivi.
I La trituration, le mélange et le galetage se font ou en une I seule opération ou en trois opérations distinctes. Parfois | encore, les trois substances composantes sont triturées chaI cune isolément, puis mélangées et galetées soit en une seule | fois, soit en deux opérations distinctes.
| Les appareils adoptés pour ces opérations diverses donnent | leurs noms respectifs aux trois méthodes différentes sus-men- | tionnées. On distingue donc :
⦁ 1° Le système des pilons ;
⦁ 2* — meules :
13° — tonnes de trituration et de galetage à la
I presse hydraulique.
‘ll
I La tendance à séparer les trois opérations de trituration, I de mélange et de galetage, qui est presque générale, et aussi la nécessité de perfectionner toujours les produits ont amené à combiner,pour ainsi dire, les deuxième et troisième | systèmes ; aussi, après avoir décrit les trois méthodes sus- | dites, on exposera les motifs qui militent en faveur de cette | dernière méthode.
I § 2. — Les pilons.
I L’appareil, à l’origine, se composait d’un fort tronc de I chêne, ayant 0,60m d’épaisseur et 5 à 6 mètres de longueur, I solidement fixé dans le sol. Dans ce tronc on pratiquaitdes cavités (d’abord sphériques et plus lard presque sphériques) qui constituaieut de véritables mortiers mesurant 50 cm. de profondeur sur 40 cm. de largeur.
D’une cavité à l’autre, on laissait un intervalle solide d’environ 30 cm., capable de résister aux secousses imprimées par les pilons. Plus tard, on remplaça le bois par du métal et on installa dans les poudreries des séries de véritables mortiers en fonte ou en bronze à cavité presque sphérique, ayant des dimensions à peu près égales à celles des mortiers en bois. Mais, en raison de la rapide usure des métaux employés pour la construction des mortiers,on revint au bois, en ayant soin de choisir ce dernier de qualité très dure. Le mortier a son ouverture élargie, dans la partie supérieure, en forme d’entonnoir ; il porte en outre,encastré dans le fond, un cylindre en bois très dur disposé dans le sens longitudinal de ses fibres.
La série des mortiers est disposée en une rangée; ils sont scellés solidement dans le plancher et chacun d’eux est muni de son pilon spécial.
Les pilons proprement dits sont de longues tiges en chêne ayant la forme de parallélipipèdes de 8 à 10 centimètres d’épaisseur, terminés par une calotte, de forme arrondie, en bronze très dur. Dans la moitié supérieure de chaque tige et le long de la surface tournée vers les arbres de transmission, on a encastré à angle droit une came destinée à recevoir le mouvement.
La force motrice est transmise par un arbre horizontal tournant sur son axe et pourvu de cames qui correspondent avec celles des pilons, de manière que, pendant la rotation de l’arbre,les pilons se soulèventet s’abaissent alternativement,exactement comme cela se produit sur les pistes de riz, si communes dans certaines régions d’Italie.
L’arbre horizontal reçoit le mouvement de rotation soit d’un manège commandé par la transmission de force motrice de l’établissement, soit d’une roue hydraulique installée dansl’atelier des pilons et reliée à l’arbre au moyen d’engrenages convenables.
L’ensemble doit être très robuste et il faut donner aux assemblages entre les tiges, la calotte en bronze et les cames une grande solidité, car les fortes secousses communiquées par les pilons à tout ce dispcÆHtif ne tarderaient pas à briser ce dernier si ses organes étaient trop faibles.
‘ Les pilons ont une hauteur de course d’environ 40 cm. et leur poids varie ordinairement de 30 à 50 kilogrammes. Mais, dans ces derniers temps, peut-être avec l’espoir d’accélérer le travail de trituration et d’augmenter la production, certaines poudreries ont accru extraordinairement le poids des pilons en le portant jusqu’à 140 kilogrammes; toutefois, l’expérience n’a pas encore démontré que de pareillesexagérations aientapporté de sensibles améliorations aux qualités des poudres.
Au début, les trois substances constituant la poudre étaient introduites simultanément dans les mortiers et, après avoir été suffisamment humectées, elles subissaient le battage destiné à les triturer, à les mélanger et à les galeter en une seule fois. La charge, pour chaque pilon, s’élevait à 8 kilogrammes et le battage durait dix heures pour les poudres à canon et vingt heures pour les poudres de guerre à fusil. Ce système rendait fort imparfait le mélange, car le charbon et le soufre étaient insuffisamment triturés et, en outre, il se produisait de fréquents accidents, soit par suite de la présence de substances étrangères dans les matières premières, soit par suite de l’inflammation spontanée du charbon qui ne parvenait point à faire corps avec le reste du mélange.
On perfectionna ensuite le procédé de préparation du mélange en triturant préalablement et séparément chacune des matières premières ; enfin on a adopté le système actuel dont la description suit.
On triture le soufre et le charbon avec des broyeurs spéciaux et on les réduit à un degré de finesse suffisant pour qu’on puisse les passer au tamis et en séparer les substances
étrangères qu’ils pourraient contenir. Le salpêtre, parfaitement raffiné, subit également le même tamisage. On pèse séparément les trois corps, selon les dosages établis pour la qualité de poudre que l’on veut produire et proportionnellement à la contenance de chaque mortier. Ainsi, par exemple, dans un mortier de la contenance^ormale, on introduit, pour la préparation de la poudre de guerre, une charge de 6 kilogrammes composée comme il suit :
Salpêtre 4,500 kg
Charbon 0,900 »
Soufre 0,600 »
Total …. 6,000 »
En tenant compte des pertes successives éprouvées par le charbon au cours des diverses manipulations et de l’humidité qu’il absorbe au contact de l’air, on augmente le poids indiqué ci-dessus, soit 0,900 kg. de 2 0 0 environ, afin d’obtenir le dosage réglementaire de la poudre, une fois la préparation de cette dernière terminée.
Toutes choses ainsi disposées, on introduit d’abord dans le mortier le charbon et on l’arrose avec environ 1 litre 1 /4 d’eau, en ayant soin de remuer avec un bâton jusqu’à ce que toute la masse se trouve entièrement humectée. On règle ensuite la marche du moteur afin qu’il actionne le pilon de manière à lui faire frapper d’abord de 25 à 30 coups par minute et enfin 50 coups ; en outre, pendant cette opération, on a le soin de détacher constamment le charbon qui s’attache aux parois du mortier et de le faire retomber sous le pilon, de manière à obtenir enfin une masse pâteuse et homogène. Au bout d’une demi-heure de fonctionnement, on arrête le pilon et on le soulève en le maintenant suspendu à un crochet convenable, puis on ajoute au charbon, qui vient d’être ainsi trituré, le soufre et le salpêtre déjà passés au tamis et pesés dans les proportions voulues. On mélange la niasse des trois substances avec une spatule en bois ou, mieux encore, avec les mains, afin quele mélange soit plus régulier. On ferme alors le mortier avec uu couvercle portant une ouverture centrale pour livrer passage à la tige du pilon ; l’on détache ce dernier du crochet qui le maintenait suspendu et on le laisse tomber sur le mélange.
Puis on remet l’appareil en mouvement de manière que le pilon frappe de 55 à 60 coups par minute et on surveille l’opération, afin que la matière frappée par le pilon et rejetée par ce dernier contre les parois du mortier retombe continuellement sous le pilon lui-même et que ce dernier ne frappe jamais à vide sur le fond du mortier. Le degré d’humidité du U • O
mélange influe grandement sur la marche de l’opération, car, s’il était trop humide, le mélange adhérerait fortement aux parois et ne pourrait retomber sous le pilon; tandis que, d’autre part, s’il était trop sec, il se soulèverait et s’échapperait du mortier sous forme de poussière menue, ce qui aurait pour résultat de ne laisser au fond du mortier qu’une légère couche du mélange. Par suite, la quantité d’eau à employer, fixée normalement à environ 1,250 litre, peut varier selon le climat et les saisons et aussi suivant l’étal hygrométrique de 1 atmosphère ; il est en effet naturel que la plus ou moins grande facilité d’évaporation oblige à modifier les quantités d’eau employées au cours du pilonage et l’expérience peut seule renseigner à ce sujet.
Même en utilisant les appareils les plus perfectionnés et en dosant exactement le degré d’humidité adonner au mélange, il arrive, dès que l’on prolonge un peu trop le pilonage, qu’il se forme, au-dessous du pilon et sur le fond du mortier, une double couche de matière durcie et adhérente, matière qui, par suite de ce durcissement progressif, pourrait finir par pro duire une explosion. En outre, en même temps qu’une partie du mélange s’amasse et durcit au fond du mortier, l’autre partie, repoussée contre les parois, monte et redescend continuellement sans subir davantage l’action du pilon; dans ces conditions, une partie du mélange se trouve trop battue et l’autre l’est insuffisamment.
Pour éviter ces inconvénients, il est nécessaire d’efiectuer le transvasement du mélange d’un mortier dans l’autre. A cet effet, on arrête le mouvement et on fixe le pilon au crochet, puis on enlève toute la matière du mortier et on la place dans le mortier voisin, en ayant soin de détacher et de pulvériser à la main toute la partie durcie qui adhère soit au fond du mortier, soit au pilon et de la mélanger ensuite avec la matière moins pilonnée qui reste. On opère ainsi sur toute la série des mortiers, puis on reprend l’opération du pilonage. Il se forme encore de nouvelles couches de matière durcie, alors que les premières couches ont disparu dans la substance chassée contre les parois. On comprend que, si l’on répète un nombre convenable de fois les changements de mortier, toute la masse du mélange finit par acquérir une consistance homogène, avec la dureté nécessaire pour produire de bons grains de poudre.
Les changements de mortier se font d’heure en heure. Il O
faut avoir soin d’humecter de temps à autre le mélange avec de petites quantités d’eau, pour qu’il conserve une humidité constante de 8 à 10 0/0 environ. D’ordinaire, on humecte légèrement le mélange entre les cinquième et sixième changements de mortier, puis entre les neuvième et dixième; mais, comme on l’a déjà expliqué précédemment, l’addition d’eau est subordonnée aux conditions locales et à l’état hvgrométri- a/ KJ
que de l’atmosphère.
La durée du pilonage, pour les poudres de guerre, ne doit pas être inférieure à douze heures et il faut opérer les changements de mortier d’heure en heure jusqu’à la dixième ; cela fait, on laisse le mélange dans le dixième et dernier mortier, en le laissant soumis à l’action du pilon pendant deux heures sans interruption, afin qu’il puisse prendre une consistance homogène et former de petites galettes compactes et résistantes, d une épaisseur d’environ 5 centimètres.
Le pilonage terminé, on vide les mortiers et on transporte les matières préparées dans un magasin convenable pour les
soumettre ensuite à l’opération du grenage qui va être décrite plus loin.
Le pilonage ou compression destiné à donner une bonne poudre de chasse doit être prolongé pendant vingt-quatre heures, tandis que, pour la poudre de mine, on peut le limiter de huit à douze heures. Les changements de mortier doivent se faire d’heure en heure en ce qui concerne la poudre de mine, sauf durant les deux dernières heures où le pilonage ne doit pas être interrompu pour les motifs déjà mentionnés à propos de la poudre de guerre. Ainsi donc, le dernier changement de mortier doit se faire à la vingt-deuxième heure dans la préparation des poudres de chasse et à la sixième ou dixième heure dans la préparation des poudres de mine.
Les durées de pilonage jusqu’ici énoncées se rapportent à la fabrication de bonnes poudres de chasse et de mine. Mais toutes les poudreries ne travaillent pas aussi exactement les matières premières et, dans certaines, on est arrivé à réduire même à moins d’une heure, la durée du pilonage pour les poudres de mine. On comprend facilement que les produits ainsi obtenus soient défectueux sous tous les rapports ; le mélange se fait si imparfaitement que l’on ne peut même pas produire de galettes suffisamment compactes, d’où une perte dans la densité et la puissance des poudres ainsi fabriquées.
Les ouvriers chargés de la conduite des pilons et, en même temps, de la manipulation des mélanges que comportent les changements de mortier, doivent, afin d’éviter une perle trop grande de matière première, se laver les mains dans un seau spécial après chaque opération et utiliser la même eau dans les arrosages successifs des mélanges. Ils doivent en outre, à chaque changement, nettoyer scrupuleusement la calotte en bronze du pilon et la cavité du mortier, tant que les matières y adhérentes sont humides, et cela afin d’éviter les incrustations possibles, qu’il serait ensuite difficile d’enlever.
3) —Les meules.
On ne sait à quelle époque ni par qui furent inventées les meules. Un fait certain, cependant, c’est qu’elles étaient connues et même employées dans certaines localités dès la moitié du xvi® siècle ; mais leur usage ne se généralisa que lentement, en raison du peu de sécurité qu’elles offraient. Mais aujourd’hui, on les emploie exclusivement presque partout, ou tout au moins on les utilise concurremment avec d’autres systèmes, comme on le verra plus loin.
Les meules adoptées dans les principaux Etats d’Europe diffèrent peu entre elles et seulement par quelques menus détails de construction. La différence la plus importante réside dans le poids, lequel varie, selon les pays, entre 2000 et 5500 kilos.
En général, les meules sont constituées par deux cylindres verticaux très lourds qui effectuent un double mouvement de rotation sur une piste horizontale de forme circulaire. Celte piste, que l’on peut appeler avec plus d’exactitude un bassin car ellea ses rebords relevés et présente une inclinaison de 15°, est rarement en cuivre ; on la construit le plus souvent en une fonte grise spéciale fort dure et très résistante,afin que le frottement des cylindres ne l’use pas d une manière excessive.
Ce bassin, supporté par un massif en maçonnerie, a une épaisseur d’environ 10 centimètres ; son diamètre intérieur est d’environ 1,80 m. Il est relevé en son centre, dans lequel est pratiquée une ouverture livrant passage à un arbre vertical qui tourne sur son axe grâce à un train d’engrenages d’angle fixé à sa base et actionné par la transmission de l’usine ou encore par un moteur spécial, selon le système d’installation adopté. L’arbre, en fer, a une longueur d’environ 5 mètres. Les deux meules sont en fonte compacte et très dure ; elles ne doivent pas, pour donner de bons résultats, présenter unpoids inférieur à 5000 kilos. Elles ont une forme cylindrique ; elles sont disposées de manière que les bases des cylindrés soient verticales au bassin ou piste. On donne aux bases un diamètre d’environ 1,60 m et aux cylindres une épaisseur d’à peu près 40 centimètres. Les deux meules sont traversées, dans leurs centres, par un arbre horizontal en fer qui va s’emboîter dans une ouverture spéciale que porte l’arbre vertical sus-mentionné. C’est de ce dernier que les meules reçoivent nécessairement leur mouvement circulaire autour du bassin, en même temps qu’elles exécutent un mouvement de rotation autour de l’arbre qui les traverse. A cet effet, au centre de chaque cylindre et sur chacune de ses faces se ren%
contre une saillie,en forme de moyeu de roue, qui sert d’appui à l’arbre. Sur ce dernier, on a fixé des anneaux de pression légèrement adhérents aux moyeux précités, afin d’empêcher l’écartement des cylindres durant le mouvement. Les deux meules se trouvent placées à des distances inégales de l’arbre vertical,afin que les matières que viendrait à être repoussées vers l’intérieur delà meule la pluséloignée soieul triturées par la plus rapprochée et vice versa. De plus, les meules se trouvent disposées de manière que, sur leur parcours,la piste présente une courbe prononcée et, pour ainsi dire, inclinée au point qu’elles sont animées non seulement d’un mouvement de rotation, mais aussi d’un mouvement de glissement. Ce mouvement de glissement offre de très grands avantages, car les matières sont ainsi parfaitement écrasées, divisées et triturées.
Afin d’éviter le durcissement de la matière sur le fond du bassin ainsi que sur la surface latérale des meules, on ajoute, au dispositif qui vient d’être décrit, des grattoirs automatiques en bronze. Ces derniers détachent les matières qui s atla- ’ chent aux cylindres et les ramènent sous les mêmes cylindres, afin que la trituration et le mélange de toute la masse donnent un produit homogène et aussi parfait que possible. Les grattoirs sont ordinairement au nombre de quatre dont deux, suspendus, se présentent en regard des faces latérales de chaque cylindre ; c’est une sorte de lame en bronze qui remplit véritablement l’office de grattoir, car elle détache de la meule les matières qui s’y sont accumulées par suite de leur durcissement ; les deux autres remplissent une double fonction : ils nettoient en elîetle fond du bassin et repoussent les matières qui s’échappent, pendant le travail, vers le rebord ou vers le centre du bassin lui-même. Les bras de suspension des grattoirs se raccordent à l’arbre central transmettant la force motrice ; en outre, ils sont disposés de manière que l’on puisse les enlever de leur position normale, afin de faciliter à l’ouvrier la charge et l’enlèvement des matières, ainsi que le nettoyage de l’appareil.
Au même appareil est généralement ajouté, sans en faire partie intégrante, un arrosoir. Cet arrosoir se compose d’un petit seau suspendu en l’air et terminé par un long tube en caoutchouc à l’extrémité inférieure duquel on a fixé une pomme creuse et perforée en cuivre ; celle pomme est munie d’un robinet convenable qui permet d’interrompre, à toul moment, l’arrosage des matières soumises à l’action de la meule.
La vitesse normale des meules est de 10 à 11 tours par minute ; mais la transmission de mouvement a été disposée pour que l’on puisse ralentir la vitesse au point de la réduire à un seul tour par plusieurs minutes, lorsque la meule doit fonctionner comme laminoir.
A l’origine, les cvlindres constituant les meules étaient en O 7 v
granit, en marbre ou en pierre très dure. Les meules ainsi constituées ont l’avantage, par rapport aux meules métalliques,de s’user plus régulièrement. D’autre part, elles ont l’inconvénient d’absorber facilement, par les temps secs, l’eau d’arrosage et de laisser suinter la même eau par les temps humides; de plus, on ne peut leur donner un poids supérieur à 2500 kilogrammes, car elles deviendraient alors trop volumineuses ; enfin elles sont extrêmement dangereuses, car un choc, une percussion quelconque peut amener leur rupture et alors des fragments de granit ou de marbre, se mélangeant
: I avec la matière travaillée, donnent facilement lieu à une I explosion. On a donc presque partout abandonné les meules I en pierre et, aujourd’hui, on fait généralement usage des I meules métalliques plus haut décrites.
I La transmission du mouvement, sur ces meules, se fait par I la partie supérieure, plutôt que par la partie inférieure de I l’arbre central ; cependant le deuxième système de transI mission est préférable, car la transmission par le haut peut . I faire tomber sur la piste des matières étrangères qui, néces- . I sairement, viennent se mélanger avec les matières soumises
I à la trituration et, par suite, altèrent leur composition. Afin I d’éliminer un pareil inconvénient, on complète d’ordinaire I les transmissions par le haut par des revêtements et dispo- I sitifs accessoires qui empêchent l’écoulement de l’huile ou I des autres matières de graissage, d’où, naturellement, une I complication de l’ensemble de l’outillage.
I Depuis quelques années on a, dans quelques poudreries, I apporté des modifications aux meules qui viennent d’être I décrites, en diminuant le diamètre des cylindres, en élargis- I sant leurs surfaces latérales et en diminuant l’écartement qui I les sépare de l’axe vertical de rotation. En outre, les cylin- I dres, au lieu de glisser effectivement sur le bassin, sont aujour- I d’hui suspendus à une légère distance de sa surface et sont I disposés de manière à pouvoir même être soulevés lorsque, I dans leur mouvement de rotation, ils rencontrent un corps I trop dur.Ces modifications sont destinées à obtenir un gale- I tage et un mélange plus parfaits et, en même temps, à renI dre la main-d’œuvre moins dangereuse.
I Jusque vers la fin du siècle dernier, les matières premières I constituant la poudre: soufre, salpêtre et charbon, étaientéta- I lées, dans les proportions convenables, sur le fond du bassin I et d’abord triturées à sec. Ensuite on les humectait légère- …I ment et d’une manière uniforme avec de l’eau pure, et l’on
I renouvelait l’arrosage chaque fois que le mélange s’était des- ■ 1
I séché au point de devenir poudreux. La quantité d’eau cm- ployée pour chaque opération variait non seulement suivant l’état hygrométrique de l’atmosphère, mais encore suivant la matière dont étaient formées les meules, car, selon que ces dernières étaient en granit, en marbre ou en pierre spéciale, elles absorbaient, non seulement, plus ou moins l’eau, mais parfois même rejetaient sur le mélange une partie de l’eau préalablement absorbée; par suite,la pratique seule peut permettre de déterminer la quantité d’eau nécessaire pour humecter le mélange convenablement.
Une fois les matières bien triturées et suffisamment mélangées entre elles, on diminuait la vitesse pour que les meules tournassent lentement sur le mélange qui acquiérait alors de la consistance et durcissait en prenant la forme de galettes. On enlevait alors ces galettes pour les soumettre à l’opération du grenage.
Ce système offrait des dangers par suite de la facilité avec laquelle le charbon s’enflamme ; en outre le galetage, aussi bien que le mélange, étaient imparfaits et cela aux dépens des qualités de la poudre. Aussi vers la fin du xvni® siècle, adopta-t-on presque partout la méthode, aujourd’hui d’un usage général, qui consiste à triturer préalablement et séparément chacune des trois matières premières, lesquelles sont ensuite mélangées et comprimées par les meules dans les proportions voulues. La charge se fait généralement à raison de 20 kilogrammes ; pour les poudres de guerre, elle est répartie comme il suit : •
Salpêtre 15 kilogrammes
Charbon 3 —
Soufre 2 —
On humecte les trois substances, bien triturées, au moyen d’environ 1 litre et demi d’eau pure et on les mélange avec une spatule en bois ; puis on laisse le tout reposer pendant quelque temps, afin que l’humidité pénètre uniformément dans toute la niasse.Le degré d’humidité a une grande importance
pour la manipulation sous les meules,;car, s’il était trop faible, la masse se soulèverait en fine poussière; d’autre part, si la masse était trop humectée, elle glisserait sous les meules et échapperait à l’action de ces dernières. En outre, l’arrosage régulier du mélange favorise l’incorporation de ses parties composantes, car l’eau, comme l’ont démontré Upmann et Von Mayer, dissout en partie le salpêtre et le dépose peu à peu par évaporation sous forme de parcelles ténues qui se mélangent aux autres substances.
Le mélange, parfaitement humecté, est étalé en une couche régulière sur le fond du bassin, après quoi on met en mouvement les meules, lentement d’abord, puis, au bout de quelques instants, à la vitesse de 10 à 11 tourspar minute. La vitesse imprimée aux meules et leur poids influent grandement sur la qualité des produits : il a été démontré qu’une rotation rapide, quoique de courte durée, produit une trituration et un mélange beaucoup plus complets que celui que l’on obtient à marche lente, bien que plus prolongée. Cependant, en imprimant aux meules une vitesse de marche maximum de 11 tours par minute, il importe de donnera l’opération de la trituration et de mélange une durée raisonnable, car on obtiendra ainsi une poudre plus dense et plus puissante. Il fait noter enfin que le mouvement de rotation des meules, porté à son maximum et prolongé, échauffe le bassin et les matières qu’il contient, ce qui a pour résultat d’augmenter l’intimité du mélange.
La durée de l’opération, en ce qui concerne la trituration elle mélange,si l’on veut obtenir une bonne poudre de guerre est normalement de trois heures, tandis que, pour les poudres de chasse les plus fines, la durée de l’opération atteint jusqu’à cinq heures. Quand il s’agit de Lune ou de l’autre des deux poudres précitées, on renouvelle l’arrosage, au bout d’une heure, avec environ 1 litre d’eau pure et on continue ainsi d’heure en heure, en augmentant ou en diminuant la quantité d’eau selon le degré d’humidité de la masse, degré
qui dépend de l’état hygrométrique de l’air ambiant et de la température, conditions variant suivant les localités et les saisons. En général, il faut avoir le soin de maintenir la quantité d’eau dans le mélange à 2 0/0 au minimum, ce qu’il est facile de vérifier, avec un peu de pratique, d’après l’aspect et la nuance de la masse traitée. 11 faut aussi avoir la précaution de cesser au moment convenable les arrosages, afin que, une fois l’opération terminée, la masse soit plutôt sèche, tout en conservant une consistance appréciable et en nese pulvérisant pas lors de l’opération ultérieure de grenage.
Une fois l’opération de la trituration et du mélange terminée, les matières contenues dans le bassin sont pâteuses mais friables, car elles manquent encore de consistance. On obtient cette consistance en en formant des galettes que l’on prépare dans le même appareil en faisant marcher les meules très lentement, c’est-à-dire à une vitesse d’un demi-tour en dix minutes. A cette allure de marche, les meules agissent de tout leur poids sur chaque partie du mélange qui devient dur et compact ; on augmente ainsi sensiblement la densité de la poudre.
Les galettes ainsi préparées sont portées dans un local spécial; quant aux résidus de matière non durcis,onles humecte, ainsi que ceux provenant des opérations ultérieures, et on les soumet de nouveau durant une demi-heure à l’action des meules, pour en tirer de nouvelles galettes.
On nettoie les meules et le bassin en en détachant, avec un outil de bois, les résidus du mélange qui ont pu rester adhérents ; pour cela, on les humecte un peu pour faciliter l’opération et éviter un choc quelconque, toujours dangereux, quand il s’agit d’appareils fabriqués en fonte très dure et par suite, produisant facilement des étincelles.
Le système des meules est de beaucoup supérieur à celui des pilons, car la pression exercée par les meules donne aux poudres une densité presque uniforme et plus grande que celle obtenue avec les pilons. Mais les meules ont le désa-
vantage d’être plus dangereuses que les pilons ; en outre, elles exigent des frais de premier établissement élevés qui ne les rendent accessibles qu’aux poudrières importantes qui veulent combiner ce système avec celui des tonnes de trituration pour obtenir des produits spéciaux, ainsi qu’on l’expliquera plus loin. * • •
3) — Tonnes de trituration.
Le système des tonnes de trituration, le dernier et le plus utile perfectionnement introduit dans l’opération de trituration et de mélange des matières premières qui constituent la poudre noire, fut imaginé en France, en 1791, par Carny, pour augmenter la production des poudres qui étaient constamment nécessaires par ces temps de révolutions et de guerres et que les pilons et meules ne parvenaient point à fournir dans la mesure des besoins.
Mais — c’est là le sort de toute innovation — le système de tonnes employées à celte époque était absolument primitif. Ce n’est que trente années plus tard, qu’il fut l’objet de perfectionnements (fui le firent apprécier et adopter par les principales poudreries d’Italie, de France, d’Allemagne, de Russie, etc.
Ce système, connu sous le nom générique de système des tonnes de trituration, comprend trois espèces différentes d’appareils, savoir :
a) Les tonnes binaires qui servent à triturer des matières premières combinées deux à deux, c’est-à-dire le salpêtre et le charbon qui constituent le premier composé binaire, et le soufre et le charbon qui forment le second.
b) Les tonnes ternaires destinées à mélanger ensemble, dans les proportions convenables, lesdeux composé binaires, c’est- à-dire à former le véritable mélange des trois corps constituant la poudre noire.
c) La presse hydraulique qui sert à comprimer le mélange pour en former des galettes et donner aux poudres la densité et la consistance voulues.
Broyeurs. — Comme accessoires, on utilise, dans ce système de fabrication, deux broyeurs affectés au broyage préalable du charbon et du soufre et deux tamis automatiques dits de sûreté qui servent à tamiser, le premier les produits de la tonne binaire avant leur passage dans la tonne ternaire, le second les produits de la tonne ternaire avant de les amener sous la presse hydraulique.
Le broyeur de charbon consiste en une trémie en fonte au fond de laquelle tourne sur lui-même un cylindre de bronze portant des saillies de forme hélicoïdale. Le charbon en morceaux, dont on remplit la trémie, est entraîné par le mouvement du cylindre et broyé entre ce cylindre et les parois de la trémie : il tombe ensuite, réduit en très menus morceaux, dans un récipient placé au-dessous de l’appareil. 11 faut avoir soin de ne broyer le charbon qu’au moment où l’on va charger les tonnes binaires, et seulement en quantité strictement nécessaire d’après les dosages, afin d’éviter que ce charbon absorbe l’humidité et qu’il s’allume spontanément.
Le broyeur de soufre est absolument identique à celui du charbon, à cette exception près qu’on lui adjoint une meule formée de deux cylindres lisses horizontaux du même diamè-1 tre, cylindres qui sont appliqués l’un contre l’autre au moyen d’un contrepoids et qui tournent sur leurs axes en sens contraires l’un de l’autre. Ces cylindres sont enfermés dans une caisse en bois dont la partie supérieure est occupée par la trémie, qui reçoit le soufre grossièrement concassé par le premier broyeur et le laisse ensuite tomber lentement entre les cylindres ; le soufre passe au milieu de ces cylindres et sel pulvérise. Un tamis mécanique, placé en dessous, sépare le| soufre finement pulvérisé de celui qui ne l’est pas suffisam-i
ment, puis les deux sortes de poudre de soufre se rendent respectivement dans des tiroirs spéciaux disposés au bas d’une caisse, fermant hermétiquement l’ensemble de l’appareil, afin d’empêcher toute perte de poussière de soufre.
Enfin le salpêtre, venant des raffineries finement pulvérisé, est, par mesure de précaution, tamisé avec soin avant d’être introduit dans les tonnes.
Tonnes binaires. — La tonne binaire est un cylindre en tôle monté sur un arbre horizontal qui constitue son axe central. Cet arbre repose sur deux supports en fonte, fixés solidement au sol et munis, à leur partie supérieure, de paliers avec coussinets destinés à recevoir l’arbre. L’arbre se prolonge, d’un côté, au delà du palier et porte la poulie le reliant à la transmission. Le diamètre du cylindre est généralement de 1,10 m et sa longueur varie entre 65 centimètres et 1,25 m, selon la capacité que l’on veut donner à la tonne.
L’épaisseur de la tôle est d’environ 3 millimètres.
La surface courbe intérieure de la tonne porte, dans toute sa longueur, huit nervures en tôle repliée sur elle-même de manière à présenter une épaisseur d’au moins 6 millimètres «
avec saillie de 4 centimètres. Ces nervures, disposées à égale distance l’une de l’autre, sont fixées solidement à la paroi intérieure de la tonne par de gros boulons rivés ; on fixe également les fonds du cylindre à l’aide de rivets ; les feuilles de tôle constituant le cylindre sont assemblées de la même manière. Ces précautions de détail présentent une très grande importance,car elles ont pour objet de supprimer toute ouverture, siminime qu’ellesoit, par laquelle pourrait s’échapper le mélange qui est pulvérisé dans la tonne au point de devenir impalpable.
Le chargement et le déchargement des matières se font par une ouverture pratiquée le long de la surface latérale de la tonne. Cette ouverture est naturellement proportionnée aux dimensions du cylindre; il convient dans tousles cas de la faire très grande pour que l’on y puisse faire passer rapi-
dement les matières à traiter. Celle ouverture est fermée par un couvercle en tôle monté sur un cadre en laiton doublé, sur sa face intérieure, de bandes de peau de mouton tannée garni de sa laine, afin de rendre la fermeture étanche. Le couvercle porte des anneaux en fer qui permettent de le manœuvrer et il ferme l’ouverture quand on applique son cadre sur la tonne à laquelle il est solidement fixé par des clavettes en bronze disposées sur la tonne même.
La trituration des matières premières s’effectue, dans la tonne binaire, à l’aide de gobilles en bronze très dur composé de 77partiesde cuivre, 8 de phosphore et 15 d’étain ; ces gobilles ont un diamètre de 20 millimètres et leur poids total doit être proportionné au poids des matières qu’il s’agit de triturer et qui représentent une quantité plus ou moins grande, selon la capacité de la tonne. C’est ainsi que, dans une tonne binaire ayant une capacité de 1 mètre cube par exemple, on doit introduire de 250 à 300 kilogrammes de gobilles, tandis que, dans une cuve de 500 mètres cubes de capacité on ne met que de 125 à 150 kilogrammes de gobilles. Pour empêcher les gobilles de sortir de la cuve en même temps que les matières triturées, au moment du déchargement, l’on substitue au couvercle plein, désigné sous le nom de pelite porte, une autre petite porte identique qui a sa surface percée de trous d’un diamètre ne dépassant pas 2 millimètres.
Les deux fonds du cylindre sont maintenus solidement par des croisillons en fonte. Ces croisillons, aux points d’intersection, affectent la forme de moyeux de roue pour embrasser solidement l’arbre qui, en tournant sur lui-même, entraîne la tonne qu’il supporte.
L’appareil que l’on vient de décrire est entouré d’un revêtement en bois ayant la forme d’une armoire divisée en deux parties; le compartiment supérieur renferme la tonne binaire proprement dite elle compartiment inférieur une caisse montée sur quatre roulettes et destinée à recevoir les matières sortant de la tonne. L’intérieur de l’armoire, entre les corn-
I partiments supérieur et inférieur, a la forme d une trémie, ce I qui force la matière à tomber dans la caisse ; enfin l’armoire g porte, en dessus et en dessous, des impostes qui la ferment | hermétiquement quand on retire la charge de la tonne, afin I d’éviter la déperdition de fine poussière qui s’élève néces- I sairement en l’air par suite de son extrême légèreté.
I Ces tonnes sont appelées tonnes binaires, parce que l’on y I triture ce que l’on appelle le premier et le second composé I binaire. Durant de longues années, elles furent employées I à triturer séparément chacun des trois corps composants qui I étaient ensuite mélangés ensemble soit sous les pilons, soit I sous les meules ; mais l’expérience a démontré que le pre- I mier système est préférable parce qu’il donne un mélange I plus homogène : aussi est-il aujourd’hui adopté presque parI tout. Ce n’est qu’en Allemagne qu’on triture encore à part I le charbon, alors qu’on y triture ensemble le soufre et le I salpêtre. Une pareille méthode est d’une utilité discutable I quand on soumet ensuite le mélange complet à l’action des I meules comme on le fait en Allemagne ; mais il est absolu- I ment inadmissible, quand on veut opérer le mélange dans I les tonnes ternaires qui vont être décrites plus loin, car le I charbon extraordinairement volumineux et léger, échappe I à l’action des gobilles qui doivent favoriser et produire le mé- I lange, de sorte que ce dernier est imparfait ou défectueux. I En règle générale et afin d’éviter des mélanges dangereux i-l de résidus dans les tonnes binaires, une poudrerie bien orga-
I nisée emploie des séries composées chacune de trois tonnes I binaires : deux de ces tonnes sont destinées à triturer exclu- I sivement le premier mélange binaire et la troisième tonne est -I réservée pour la trituration du second mélange.
I Le premier mélange binaire est formé de salpêtre et- de I charbon ; le second de soufre et de charbon.
I Le charbon entre dans la composition des deux mélanges J binaires parce que, étant moins dense que les deux autres -I corps, il occupe un volume plus grand, ce qui rend sa tritu
ration plus difficile que celle du salpêtre et du soufre : on le répartit donc entre ces deux mélanges et, dans ces conditions, il se triture à la perfection, s’incorpore aux autres matières et l’on obtient un produit présentant une grande homogénéité. Il faut remarquer en outre que le charbon, par suite de la facilité avec laquelle il s’enflamme spontanément, ne peut être trituré en trop grande quantité avec le salpêtre, car on provoquerait une explosion et que, d’autre part, si la quantité de charbon était trop minime, il ne se triturerait pas suffisamment. A défaut de règle absolue déterminant les proportions convenables, l’expérience a fait connaître que le meilleur résultat était obtenuen réparlissant la quantité de charbon en deux parties presque égales, dont l’une forme avec le soufre le deuxième mélange binaire, tandis que l’autre partie se joint au salpêtre pour constituer le premier mélange.
La quantité de matières premières insérées dans une tonne binaire donnée doit être telle que les gobilles, entraînées par le mouvement de rotation en même temps que les matières premières, puissent agir avec force sur ces matières en les pressant contre les parois intérieures de la tonne, afin de les triturer très finement. Les nervures intérieures de la tonne, dont il a été question plus haut, sont justement destinées à favoriser le travail de trituration, car elles forcent les matières et les gobilles à se détacher des parois de la tonne et à tomber continuellement au fond de cette dernière.
Naturellement, par suite, plus est faible la quantité des matières premières renfermées dans une tonne par rapport à sa capacité, plus est efficace l’action des gobilles. 11 résulte de cette particularité que la bonne qualité des produits est en raison inverse du poids des matières travaillées et en raison directe du nombre d’heures de travail et de la vitesse de rotation de la tonne.
En conséquence, dans une série de trois tonnes ayant chacune une capacité au moins de 1 mètre cube et renfermant chacune 250 kilogrammesde gobilles de bronze, pour fabriquerune bonne poudre de guerre aux dosages déjà indiqués de :
75 parties
15 —
10 –
On devra effectuer les charges suivantes :
O

Total général d’une charge.
Avant de procéderai! pesage, on pulvérise grossièrement le charbon à l’aide d’un concasseur convenable ; on réduit le soufre en poudre au moyen des meules spéciales déjà décrites et enfin on tamise le salpêtre avec soin.
Pour la poudre à fusil de guerre, on emploie du charbon produit par la chènevotte ; pour la poudre à canon, du charbon provenant du bois de saule.
Non seulement on pèse à part chacun des trois corps composants, mais on effectue encore pour chaque substance plusieurs pesées successives, afin qu’elle puisse être placée dans plusieurs récipients maniables et pourvus de poignées qui facilitent la charge dans les tonnes.
Ces opérations préliminaires terminées, on introduit dans les trois tonnes le charbon destiné à chacune d’elles et on les met en marche. La vitesse de rotation doit être de 20 à 22 tours par minute; au bout d’une demi-heure, on arrête la marche et on ajoute, dans celles affectées au premier mélange binaire, les quantités convenables de salpêtre ; dans la troisième, affectée au second mélange binaire, on ajoute la quantité voulue de soufre. On met alors en mouvement les trois tonnes binaires, à la vitesse de 20 à 22 tours par minute, et

on les laisse tourner sans interruption pendant douze heures.
Le nombre d’heures de trituration ininterrompue a une certaine limite au delà de laquelle les poudres ne perdent et n’ac- (juièrent plus rien en fait de qualité. Mais il est certainqu’une bonne poudre de guerre, de chasse ou demine doit subir une longue manipulation dans les tonnes binaires, car alors la trituration devient parfaite et le salpêtre et le soufre se mélangent intimement avec le charbon, au point que le mélange qui en résulte est absolument homogène et parfaitement préparé pour subir les opérations ultérieures.
Dans certaines poudreries, le deuxième mélange binaireest trituré pendant un nombre d’heures double de celui qui est nécessaire à la trituration du premier ; mais l’avantage que l’on relire de celte manière d’opérer est très relatif, tandis que la simultanéité de la préparation des deux mélanges favorise la régularité de la fabrication.
Une bonne poudre de chasse, dosée à raison de :
Salpêtre 78 parties
Charbon 12 —
Soufre 10 —
et trituré dans des tonnes n’ayant pas une capacité inférieure
à 1 mètre cube, se subdivise, en ce qui concerne ses charges, comme il suit :

Total complet d’une charge.
Avec du charbon de chènevotte et à une vitesse de rotation de 20 à 22 tourspar minute, on doit donner à la trituration une durée d’au moins quatorze heures.
Pour les poudres de mine, on abrège considérablement la trituration dans les tonnes binaires ; pourtant cette opération doit se prolonger pendant au moins six heures, si l’on veut obtenir un bon produit. Les charges de poudre de mine composée de : –

Quand la trituration est terminée, on arrête la rotation des tonnes et aux petites portes pleines on substitue les portes perforées; après quoi on remet en mouvement tous les appareils. Les mélanges binaires réduits en poudre impalpable passent au travers des perforations de la petite porte et vont se déposer dans le récipient spécial, tandis que les gobbles restent dans les tonnes. Après avoir chargé de nouveau les ton » nés, les produits déjà recueillis dans les récipients et dénommés farines binaires sont versés dans des cuvettes convenables et transportés dans des magasins spéciaux.
Ces magasins sont au nombre de deux : l’un pour les farines des premiers mélanges binaires et l’autre pour le second mélange. Ils sont éloignés l’un de l’autre ou, s’ils se trouvent situés dans le même corps de bâtiment, on les sépare l’un de l’autre par une paroi incombustible afin d’empêcher les tari, nés du second mélange, qui peuvent s’enflammer facilement,de communiquer le feu aux farines du premier mélange qui sont déjà, parleur nature, explosibles.il y a lieu,en outre,de loger les farines du second mélange binaire dans desétouf- (oirs à fermeture hermétique pour prévenir tout risque d’inflammation au contact de l’air.
Après avoir, pendant quelques jours, laissé les farines se refroidir dans les magasins, on les pèse dans les proportions convenables pour leur faire ensuite subir l’opération du mélange dans les tonnes ternaires.
Tonnes ternaires. — Les tonnes ternaires sont identiques, quant à la forme et à la capacité, aux tonnes binaires ci-dessus décrites, à cette différence près que, si les tonnes binaires sont construites entièrement en tôle, les tonnes ternaires, ont leurs fonds en bois de noyer ou de chêne et que leur surface cylindrique est formée d’un cuir monté sur un châssis du même bois que les fonds. Les nervures intérieures sont également en bois ; elles mesurent 7 centimètres de largeur sur 4,5 cm. de hauteur. Quant à l’arbre en fer qui traverse la tonne et lui sert d’axe, il est recouvert, sur toute sa longueur, d’un revêtement en bois. A noter enfin que chaque tonne ternaire est partagée en deux compartiments égaux par une lame en bois de noyer ayant 4 centimètres d’épaisseur et parallèle aux deux fonds. Les petites portes pleines sont formées, elles aussi, de cuir avec cadre en bois revêtu d’une peau de mouton le long de son cadre intérieur. Ces petites portes, au moment du déchargement, sont remplacées par d’autres petites portes identiques, mais en tôle de laiton perforée comme celles qui sont utilises avec les tonnes binaires.
La tonne ternaire est destinée à mélanger intimement à sec les trois corps composants qui ont déjà été triturés et mélangés à sec, comme on l’a expliqué plus haut, dans les tonnes binaires. A cet effet on introduit, dans chaque tonne ternaire, 120 kilogrammes de gobilles de bronze de 7 à 10 millimètres d’épaisseur que l’on répartit, en quantités égales, entre les deux compartiments. Depuis quelques années, pourdiminuer les risques que comporte l’opération, l’on a substitué aux gobilles de bronze des gobbles en bois de gaïac très dur, d’un diamètre de 60 à 80 millimètres. Sans doute les gobilles en bronze étaient très précieuses pour opérer, en outre du mélange, la trituration, lorsque celle-ci n’avait pas été etTectuées assez longuement dans les tonnes binaires ; mais les gobilles en bois, outre qu’elles offrent plus de sûreté, ont l’avantage de mieux parfaire le mélange des ma-tières déjà finement triturées dans les tonnes binaires, car elles forcent toutes les parcelles de matière à se mélanger intimement. On pèse les farines binaires, suffisamment refroidies, pour leur donner les proportions convenables et on les mélange ensuite dans les tonnes ternaires.
La charge normale d’une tonne ternaire ayant une capacité d’au moins 1 mètre cube est de 125 kilogrammes de farines binaires qui se décomposent comme il suit :
Pour la poudre de guerre présentant la composition suivante :
75 parties
15 —
10 —
On emploie les quantités ci-après :
Farines du premier mélange binaire. . 103 kilogrammes. — du second — 22 —
Total. . . 125 kilogrammes.
Pour la poudre de chasse ainsi composée :
Salpêtre 78 parties.
Charbon 12 —
Soufre 10 —
On emploie :
Farines du premier mélange binaire. . 106 kilogrammes. — du second — 19 —
Total. . . 125 kilogrammes
O
Pour la poudre de mine contenant :
Salpêtre 68 parties.
Charbon … i …. 15 —
Soufre 17 —
On emploie :
Farines du premier mélange binaire 91,500 kg.
— du second — 30,500 —
lotal. . . 125,000 —
Les farines des deux mélanges binaires, une fois pesées, mélangées et placées dans des cuvettes convenables qui facilitent leur transport, passent sur un tamis automatique de sûreté en laiton et à mailles très lines pour être séparées de toute substance étrangère qu’elles pourraient contenir, telle que fragments de gobilles de bronze, morceaux de bois imparfaitement carbonisés, etc.
Le tamisage terminé, on introduit les farines dans lésion- O 7
nés ternaires qui, une fois leurs portes respectives hermétiquement closes, sont mises en mouvement à la vitesse de 12 à 14 tours par minute.
Le mouvement de rotation doit se continuer sans interruption pendant six heures quand il s’agit de poudres de guerre ou de chasse très fines; on le limite à quatre heures seulement quand il s’agit de poudres de mine.
Une fois le mélange opéré, les matières, qui prennent alors la dénomination de farines ternaires, sont retirées des tonnes d’après les procédés employés pour les farines binaires, puis on les transporte dans le local d’humectage pour y subir successivement les manipulations ultérieures.
CHAPITRE 11
Compression.
1) — Humectage.
T Avant de les humecter, par mesure de précaution, on tamise automatiquement les farines ternaires, de même que l’on a tamisé les farines binaires avant de les soumettre à l’opération du mélange.
Dans le local destiné à l’humectage se trouve une table en noyer ou en chêne longue de 3,50 m et large de 1 mètre.
Cette table est munie de rebords, hauts de 20 centimètres, qui lui donnent l’aspect d’une vaste maie et permettent d’étaler, pour être arrosée, une épaisse couche de farines. A la hauteur du plafond et au-dessus du centre de la table est suspendu un seau cylindrique en fer blanc vernissé, dont le fondest en forme d’entonnoir. De l’extrémité inférieure de cet entonnoir part un long tube en caoutchouc se terminant par une pomme d’arrosoir en cuivre à trous très tins ; celte pomme est pourvue d’un robinet qui permet de régler l’arrosage des farines. Le seau est mobile en son point de suspension et il peut, grâce à un dispositif très simple, être abaissé à volonté chaque fois qu’on veut le remplir d’eau, puis être ramené à sa position primitive.
La farine provenant de la charge d une tonne ternaire, c’est-à-dire une quantité d’environ 125 kilogrammes, sauf une petite déduction résultant des pertes dues aux différentes
manipulations et au transport, est convenablement tamisée, puis régulièrement étalée’sur toute la surface de la table où elle est maintenue par les rebords.
Le seau suspendu ne doit contenir que la seule quantité d’eau nécessaire pour humecter la couche de farine étalée sur la table : aussi le remplit-on seulement une fois pour chaque opération.
L’arrosage se fait avec de l’eau distillée et en quantité variant d’après la température et l’état hygrométrique de l’air ; pour déterminer celte quantité, on consulte chaque fois le psychromètre d’August.Cet appareil est formé de deux thermomètres dont l’un a son réservoir enveloppé d’un tampon de coton communiquant avec un vase rempli d’eau. Naturellement les degrés marqués par les deux thermomètres présentent presque toujours des différences ; il n’y aura identité que si l’air extérieur est saturé de vapeur d’eau. Ayant établi la différence des degrés entre les deux thermomètres, l’ouvrier chargé de l’opération du bain trouve indiquée,dans un tableau dressé à cet effet, la quantité d’eau nécessaire pour l’arrosage. Cette quantité, d’après les expériences du colonel Bosani, est la suivante pour 100 kilogrammes de farine :
DIFFÉRENCE DES DEGRES 0 1 2 3 4 0 6 7 3 9 10
Litres d’eau î Élé… 2,10 2,30 2,50 2,65 2,75 2,85 2,95 3,05 3,15 3,25 3,3. )
par ‘
100 kg de fa ri nef Hiver. 1,80 2,00 2,20 2,35 2,45 2,55 2,65 2,:? 2,85 2,95 3,05

Quand l’eau a été répartie, au moyen de l’arrosoir, sur toute la masse, on remue celte dernière en long et en large, pendant quelque temps, avec un outil en bois ayant à peu près la forme d’une main ; cela fait on amoncelle toute la farine dans le moindre espace possible et on la laisse en cet état durant une demi-heure,afin que chaque molécule prenne le degré voulu d’humidité. L’ouvrier écarte ensuite exactement et peu à peu toute la farine en l’aplatissant sous une large spatule recourbée en bois, de manière que tout grumeau, si petit soit-il, disparaisse ; ensuite il la transporte, dans des récipients convenables, jusqu’au local où se trouve la presse hydraulique, pour en former des galettes.
1) — Presse hydraulique.
L’appareil le plus répandu, le plus commode pour la compression des farines — ce qui fait qu’il est aujourd’hui employé dans les grandes poudreries — est la presse hydraulique.
Le local abritant celte presse est divisé en deux parties séparées l’une de l’autre par une solide paroi incombustible en maçonnerie. La première partie du local renferme la pompe destinée à fournir la pression hydraulique. La conduite d’eau part de la pompe, suit un passage souterrain, passe au-dessous de la paroi incombustible et va communiquer avec la base d’un lourd piston cylindrique en fonte, disposé verticalement dans un cylindre en fer placé sous terre. Ce cylindre mesure environ 1,10 m de hauteur et de 10 centimètres à 50 centimètres de diamètre. Son extrémité supérieure, qui sort du plancher dans la deuxième partie du local, porte une très Fourde plateforme en fonte de 1 mètre de longueur sur environ 45 centimètres de largeur.
L’eau injectée par la pompe exerce une forte pression sur le piston qui se soulève lentement en faisant monter la plateforme.
Sur chacun des deux plus petits côtés de la plate-forme se trouve une sorte de vis en fer servant d’axe à une roue en bronze d’un diamètre d’environ 30 centimètres ; cette roue tourne lentement entre deux colonnes verticales à mesure que la plate-forme s’élève, lui servant ainsi de guide. Les colonnes, au nombre de quatre, c’est-à-dire disposées deux par deux,
sont en fer et ont un diamètre de 10 centimètres avec une hauteur de 2,60 m. Elles sont fixées sur un solide socle en fonte enfoncé dans le sol et elles soutiennent, par leurs quatre extrémités supérieures auxquelles elle est fortement fixée, une très lourde plaque de fonte, dont la surface inférieure, parfaitement dressée, se trouve parallèle à la plate-forme et égale en dimensions à cette dernière.
Enfin sur la plate-forme est fixé un parallélipède rectangulaire en bois de noyer mesurant/O centimètres de longueur, 50 centimètres de largeur et 5 centimètres de hauteur.
*
¥ ¥
Pour comprimer les farines provenant de l’atelier d’humectage, on commence par disposer, sur la surface en bois précitée de la plate-forme, une lame de cuivre parfaitement plate et polie qui mesure 66 centimètres de longueur sur 46 centimètres de largeur et 3 millimètres d’épaisseur.Sur celle lame, on étale une couche de farine, puis on applique une autre lame recouverte d’une autre couche de farine et on fait ainsi alterner les lames et les couches de farine, jusqu’à ce que toute la quantité de cette dernière se trouve chargée sur la presse ; cet ensemble forme ainsi une haute pile rectangulaire. L’espace libre entre la dernière lame supérieure de cuivre qui recouvre la masse de farine et la surface inférieure de la plaque supérieure de la presse est rempli par de grosses pièces de bois de noyer ; enfin, on ajuste la pile de manière qu’elle soit parfaitement perpendiculaire à sa base. Le laps de temps employé pour effectuer celle installation est d’environ une heure. On met ensuite en mouvement la pompe ; le piston et la plateforme se soulèvent lentement et la pile de farine, disposée entre la plate-forme et le plateau, diminue d’épaisseur à mesure qu’on la comprime. Chaque centimètre carré de galette subit une pression de 100 kilogrammes. On arrête la compression quand un manomètre, installé sur l’appareil.
indique que la pression voulue a été atteinte; au bout de quelques instants, on diminue un peu la pression, puis on la rétablit pendant cinq autres minutes, après quoi on la supprime tout à fait. Chaque galette est ensuite étendue sur une table et alors, au moyen d’un large couteau en cuivre, on ébarbe de chaque côté environ 1 centimètre du rebord, cetle partie de la galette n’ayant naturellement pu acquérir la même densité que le reste de la masse. Les rebords ainsi coupés sont recueillis dans des récipients convenables pour être travaillés à nouveau.
Les matières comprimées comme il vient d’être dit prennent une densité variant entre 1,700 et 1,720.
Aux feuilles de cuivre on a substitué, depuis quelques années, dans de nombreuses poudreries, des lames d’ébonite d’une épaisseur de 10 millimètres. Cette dernière substance donne des galettes d’une qualité supérieure, car les lames d’ébonite prennent un poli plus parfait tout en n’étant pas exposées à se gondoler comme les feuilles métalliques.
Indépendamment du système de compression qui vient d’être décrit et avec lequel on obtient des galettes d’une épaisseur de 5 millimètres, on a adopté, pour la préparation des poudres à grains très gros, des appareils à peu près identiques à celui déjà indiqué, mais qui toutefois en diffèrent par le mode de chargement des farines qui s’effectue de la manière suivante: les farines sont placées dans une caisse rectangulaire en bois munie de solides cercles en laiton; dans le fond de celte caisse on dispose une plaque en cuivre sur laquelle on étend une épaisse couche de farine que l’on recouvre d’une nouvelle plaque, et ainsi de suite comme dans le premier système. Les plaques de bois que l’on place sur le tout ont les mêmes dimensions que les feuilles de cuivre et les couches de matière : par suite, quand la plate-forme de lapresse hydraulique se soulève, les plaques de bois pénètrent dans la caisse et compriment les matières qu’elles contiennent.
¥ ¥
En Russie, au lieu d’humecter la matière, on la comprime en la faisant traverser, pendant la compression, par un courant de vapeur à 120°. On a ainsi essayé d’obtenir une meilleure conservation des poudres qui s’altèrent rapidement sous l’influence du climat humide de ce pays.
D’autres systèmes de compression ont été enfin adoptés dans divers pays d’Europe, comme par exemple en France, où l’on utilise des laminoirs dans lequel on fait passer les matières humectées, au moyen d’une toile sans lin, entre deux cylindres parallèles et tournant sur eux-mêmes, de manière qu’elles sortent comprimées et durcies. 11 convient de remarquer que tous ces systèmes ont la même valeur et tendent au même objet, sans présenter des avantages supérieurs.
Les galettes obtenues par le procédé décrit en premier lieu contiennent encore à peu près 3,5 0 0 d’humidité ; on les laisse donc séjourner dans un magasin spécial où l’on installe de grandes armoires à plusieurs rayons, ouverts de tous côtés, de manière que l’air y puisse circuler librement ; c’est sur ces rayons que l’on dépose les galettes.
CHAPITRE 111
Système mixte
Le procédé des tonnes de trituration, avec compression ultérieure des matières ainsi obtenues, est incontestablement préférable à celui des mortiers et à celui des meules, car l’on obtient des mélanges plus homogènes ; il s’ensuit que les poudres ont une plus grande densité et produisent des effets plus constants, ce qui favorise la régularité du tir, particulièrement en ce qui concerne les pièces de grosse artillerie.
Mais, depuis quelques années, la tendance à combiner les deux procédés des tonneset des meules, afin d’améliorer les produits, va se généralisant. En effet, des expériences réitérées ont démontré que les meules peuvent très avantageusement remplacer les tonnes ternaires, car les mélanges binaires s’effectuent beaucoup mieux, sous les meules, que dans les tonnes et l’on obtient ainsi un mélange plus intime. En outre, on supprime ainsi l’opération de l’humectage, car les matières mélangées au moyen des meules sont humectées à plusieurs reprises pendant l’opération.
Le système actuel consiste donc à préparer à sec les mélanges binaires dans les tonnes, à les mélanger ensuite, en les humectant, au moyen des meules, et enfin à faire passer le mélange sous la presse hydraulique.
Ce mode de fabrication rend de très grands services dans la fabrication des poudres à canon et peut satisfaire à toutes les exigences de l’artillerie. Mais l’avantage est bien moin
dre quand il s’agit de la production des poudres de chasse et de mine, qui n’ont point besoin d’une aussi grande puissance balistique ni d’une aussi grande rapidité de combustion pour la production des gaz ; dans ce dernier cas, la méthode complexe des tonnes de trituration est plus que suffisante et efficace.
TROISIÈME SECTION
Manipulations ultérieures de la poudre noire.

  • CHAPITRE PREMIER
    Grenage
    1) — Considérations générales.
    Jusque vers la moitié du xv° siècle, les poudres, que l’on préparait uniquement à l’aide de pilons, s’employaient à l’état de poussière ; on s’attachait simplement à triturer les matières premières et à les mélanger ensemble le plus intimement possible. On ne sait pas de façon précise à quelle époque et par qui fut imaginé le premier système de grenage connu ; mais on sait pertinemment que, dès 1445, on grenail les poudres de l’artillerie, car un manuscrit de l’époque, après avoir expliqué que les poudres étaient pilonnées, puis confectionnées en forme de billes, constate que ces poudres avaient une puissance plus grande que les poudres ordinaires employées à l’état de poussière.
    On obtenait le grenage, au début, en rompant avec un maillet en bois les galettes sortant, encore humides, de sous les O 7
    pilons et en faisant passer les menus fragments à travers les trous d’un tamis dont le fond était formé d une toile

métallique à larges mailles. Le tamis était retenu par trois cordes réunies et fixées, en haut, à une solive du plafond. On plaçait dans le crible les fragments de galette contenant encore environ 3 0/0 d’humidité et on plaçait par-dessus un lourd disque en bois. Au-dessous du tamis on disposait une large caisse ouverte. L’ouvrier, après avoir chargé régulièrement le tamis, imprimait à ce dernier un fort mouvement de rotation. Le disque et les fragments de galette se trouvaient alors entraînés par ce mouvement, mais le premier, étant plus lourd, tournait plus lentement et écrasait peu à peu les fragments, les rendant plus petits. Naturellement, les menus morceaux passaient au travers des trous du tamis et allaient tomber dans la caisse déposée au-dessous ; l’opération ne prenait fin que quand le dernier fragment de galette était passé dans la caisse de laquelle on retirait les poudres ainsi grenées.
On ne tarda pas à apprécier toute l’importance d’un parfait grenage qui facilite l’emploi de la poudre et garantit sa conservation. On perfectionna donc peu à peu le système, d’abord ‘ en substituant aux tamis à larges mailles des tamis à mailles plus serrées, afin d’obtenir des poudres à grain fin, puis en imprimant aux tamis un mouvement automatique et, enfin, en modifiant leur construction et en les réunissant par groupes de 5,6, 10 ou plus, afin d’obtenir un meilleur travail et une production rémunératrice. On arriva ainsi au grenoir mécanique actuel de Lefèvre, plus connu sous le nom de grenoir français, parce qu’il s’emploie surtout en France.
1) — Le Grenoir français.
Le grenoir français est formé d’un châssis en bois sur lequel sont montés de dix à douze tamis Un arbre central coudé, disposé verticalement et recevant le mouvement de rotation sur lui-même, soit d’en haut, soit d’en bas, selon lesystème d’installation, imprime aux tamis un mouvement circulaire ayant pour rayon l’excentricité du coude.
Chaque tamis se compose de trois cribles distincts et superposés Le premier, en haut, a son fond en bois percé de trous tronconiques d’un diamètre de plus de 3 millimètres et le crible inférieur a son fond percé de trous de 2 millimètres. C’est sur le crible supérieur que l’on place les fragments de galette et le disque concasseur. En deux points opposés et tous les deux voisins de la ciconférence, on a pratiqué, dans le fond du tamis, deux ouvertures sur lesquelles viennent s’appliquer deux plans inclinés en cuivre; ces plans, orientés en sens inverse du mouvement de l’appareil, touchent par leur extrémité inférieure le fond du deuxième crible.
Ce deuxième fond, distant d’environ 3 centimètres du premier, est en toile métallique et à tissu plus ou moins fin, selon la grosseur du grain que l’on veut obtenir.
Enfin, à environ 3 centimètres plus bas se trouve le troisième crible, également en toile métallique, mais d’un tissu si épais qu’il ne livre passage qu’au poussier. Dans le centre du troisième crible est ménagée une ouverture munie d’un
O
tube extérieur en toile pour l’écoulement des grains. Durant le travail, cette ouverture reste hermétiquement fermée.
Les poussiers traversant le troisième crible vont tomber dans une large caisse disposée au-dessous de l’appareil. Enfin, pour introduire les galettes dans les divers tamis, on a suspendu au plafond autant de trémies que de cribles ; chacune de ces trémies est mise en communication avec le tamis correspondant au moyen de tubes en toile.
Quand l’appareil se trouve actionné, les morceaux de galette placés dans le crible supérieur sont brisés par le mouvement circulaire du disque en bois et passent à travers les trous en tombant sur le deuxième crible. Là, le grain qui a pris la finesse voulue passe par les ouvertures de la toile métallique et tombe dans le crible inférieur, tandis que les morceaux trop gros, entraînés par la force centrifuge,sont lancés contre les petits plans inclinés en cuivre, le long desquels ils remontent pour gagner le crible supérieur et être de nouveau et plus finement concassés par le disque. Durant cette opération, le fin poussier qui se forme successivement tombe dans le récipient convenable, en passant par l’épaisse toile métallique du troisième crible, sur lequel il ne reste que le grain poli, qui est ensuite recueilli par l’ouverture latérale déjà mentionnée.
Le grcnoir français s’emploie presque uniquement pour écraser les galettes obtenues au moyen des pilons ; il est appelé à disparaître avec ces derniers.
1) — Tonne-grenoir.
Un autre système assez primitif est celui de la tonne-grenoir qui tourne sur elle-même comme les tonnes de trituration, mais dont la surface latérale est constituée par une toile métallique, à mailles plus ou moins grandes, montée sur une carcasse en bois. Les fragments de galette sont introduits dans la tonne en même temps qu’une certaine quantité de billes en bois très dur qui les brisent pendant le mouvement de rotation de la tonne. Les grains et les poussiers ainsi obtenus passent à travers les mailles de la toile métallique et vont tomber sur un tamis métallique, placé en dessous, qui a pour objet de séparer les grains des poussiers, en versant les grains dansjune caisse spéciale et les poussiers dans une autre.
On n’a pas tardé à perfectionner le type primitif de la tonne- grenoir qui vient d’être décrite en augmentant l’épaisseur de sa paroi circulaire ; à cet effet, on a ajouté à celte paroi, en les disposant à une certaine distance l’une de l’autre,deux toiles métalliques dont l’intérieure est à larges mailles tandis que l’extérieure est à mailles plus serrées. Les matières insuffisamment grenées, qui ne peuvent passer par les trous de laseconde toile, sont ramenées, sous l’action de la force centrifuge et au moyen d’un plan incliné disposé entre les deux toiles, dans l’intérieur de la tonne où ils sont concassés plus finement, exactement comme dans le grenoir français précédemment décrit.
1) — Grenoir à cylindres.
Les poudres préparées par le procédé des meules et des tonnes binaires, puis soumises à l’action de la presse hydraulique, sont aujourd’hui grenées presque exclusivement au moyen des (jrenoirs à cylindres qui présentent de très grands avantages par rapport aux autres grenoirs connus. Ces avantages consistent en ce que la production quotidienne est plus forte, en ce que le grain obtenu est bien plus beau et plus uniforme et, enfin, en ce que la poudre, plus uniformément grenée, acquiert une grande régularité de combustion.
On connaît divers svstèmes de grenoirs à cvlindres, mais ces systèmes ne présentent que bien peu de différences entre eux ; ils dérivent tous du type original imaginé par le colonel anglais Congrève en 1819.
Le grenoir à cylindres consiste en deux supports, hauts et longs, en bronze ou en fonte. Sur ces supports, on dispose symétriquement plusieurs paires de cylindres horizontaux en bronze. Ces paires sont généralement au nombre de trois, installées les unes par rapport aux autres suivant un plan incliné à 35° et à des distances verticales d’environ 35 centimètres.
Ces cylindres ont chacun 0,80 m de longueur et 22 centimètres de diamètre. La première paire, la plus élevée,a sa surface circulaire taillée en pointes de diamant, de manière que toutes les dents forment une saillie de 10 millimètres; les deux cylindres sont montés de manière que les pointes des dentsde l’un correspondent aux creux du cylindre opposé. Les cylindres de la deuxième paire portent également des dents, mais à pointes plus épaisses,émoussées et formant une saillie de seulement 3 millimètres. Enfin les cylindres de la troisième paire sont lisses et sur leurs surfaces cylindriques passent des balais automatiques détachant les grains et le poussier qui y adhèrent.
Dans chaque paire, l’axe de l’un des cylindres tourne suides points fixes et celui de l’autre cylindre repose sur des coussinets mobiles qui sont maintenus à l’écartement convenable au moyen d’une vis de pression. Les coussinets mobiles se divisent verticalement en deux parties dont l’une est maintenue fixe par la vis, tandis que l’autre est mobile ; la partie mobile, n’étant retenue que par des contrepoids spéciaux, peut se mouvoir horizontalement, permettant un déplacement du cylindre lorsque vient à passer dans la paire un morceau de galette excessivement dur ou un corps étranger non susceptible de se briser.
L’écartement des deux cylindres est plus grand dans la première paire, la plus élevée, et diminue graduellement dans les paires inférieures. En outre, on peut faire varier cet écartement selon le grenage que l’on veut obtenir et on le fixe à volonté en manœuvrant d’une manière convenable les vis spéciales déjà mentionnées.
Sous chaque paire de cylindres se trouve un crible à plan légèrement incliné dont le fond est en toile métallique, à mailles déplus en plus petites à mesure que diminue l’écartement des cylindres ; ces cribles sont destinés à amener sous la paire de cylindres suivante les morceaux de galette qui n’ont pas été suffisamment grenés par la paire précédente.
Une caisse s’étend au-dessous de chaque paire de cylindres, parallèlement à leur plan incliné et sur toute la longueur du grenoir. Celte caisse est maintenue suspendue par quatre supports en bronze articulés qui lui permettent d’effectuer un mouvement de va-et-vient imprimé par une bielle excentrique, actionnée par la transmission du moteur principal. Cette caisse est munie de trois cribles à mailles plus ou moins fines, afin de séparer les grains trop gros des grains convenables et ces derniers du poussier; chacun de ces produits se déverse dans le récipient inférieur qui lui est destiné.
Enfin, au-dessus de l’appareil, à peu près sur la ligne traversant son centre et à environ 0,80 m de la première paire de cylindres, on dispose une trémie en bois dans laquelle ou reverse le grain trop gros provenant du premier concassage des galettes ; ce grain est entraîné, en couches peu épaisses, par le mouvement lent et mesuré d’une toile sans fin, entre la première paire de cylindres pour y être plus finement grcné.
Le moteur principal, au moyen de transmissions convenables, met directement en mouvement les divers tamis, la toile sans fin et la première paire de cylindres, la plus élevée. La première paire transmet le mouvement à la deuxième au moyen d’un engrenage en bronze aux dents très allongées, ce qui permet le déplacement des cylindres ; de même la deuxième paire transmet le mouvement à la troisième. Tous ces engrenages ont le même nombre de dents, car tous les cylindres doivent avoir la même vitesse angulaire. Celte vitesse peut varier de 30 à 50 tours par minute et le nombre des secousses imprimées aux cribles est d’environ 150 par minute, tandis que la caisse de séparation des produits doit être soumise à un nombre moindre de secousses, afin de laisser le temps aux divers grains de traverser les mailles de toile métallique et de se séparer convenablement.
Les galettes à greuer, au bout de quelques jours d’emmagasinage, sont parfaitement séchées, grâce aux moyens qui vont être exposés plus loin, et alors on les soumet au grenage. A cet effet, on monte les cribles du grenoir avec les toiles correspondantes aux grains que l’on veut obtenir ; en outre, on rapproche ou on éloigne l’un de l’autre les cylindres de chaque paire.
On fait alors passer les galettes sèches, une à une, entre la première paire des cylindres dentés, la paire supérieure, qui les concasse grossièrement. Le crible disposé en dessous ‘ fait passer les grains ainsi obtenus entre la deuxième paire de cylindres à dents plus fines, puis les grains plus fins produits par cette deuxième paire passent, en traversant le deuxième crible, entre les cylindres lisses qui les divisent encore plus finement et lui donnent la forme de petites écailles lamellaires, forme qui caractérise les poudres obtenues au moyen des grenoirs à cylindres. La caisse disposée en dessous reçoit peu à peu les produits du grenage et sépare les grains de grosseur convenable du poussier et des grains trop gros. Le grain trop gros est remis dans la trémie pour passer de nouveau entre les cylindres; quant au poussier, on le soumet à une manipulation nouvelle dans les tonnes ternaires, après quoi on le comprime une seconde fois.


  • Les grandes poudreries, ayant une production journalière importante, possèdent des grenoirs du genre de celui qui vient d’être décrit ; mais ces grenoirs, de grandes dimensions, ont jusqu’à cinq et même six paires de cylindres. Dans ce cas, comme la première paire se trouve être trop élevée et qu’il serait difficile à l’ouvrier d’y faire passer une à une les galettes, on concasse d’abord ces galettes en gros morceaux au moyen d’un maillet et on les place dans une trémie disposée dans le bas et facile à charger. Par l’intermédiaire d’une toile sans fin mise en mouvement par un dispositif spécial, les morceaux de galette sont élevés graduellement jusqu’à la première paire de cylindres, entre laquelle ils pas- | sent comme on l’a déjà indiqué.
    On peut n’affecter que la première paire de cylindres au concassage des galettes quand on veut obtenir de la poudre de mine écrasée en grains très gros. On enlève alors le crible de communication entre la première et la deuxième paire de cylindres, de manière que les produits du premier concassage tombent directement dans la caisse qui, munie de trois tamis en toile métallique convenable, sépare les morceaux de galette trop gros des grains qui ont les dimensions voulues.
    Les poudres de guerre pour fusil et les poudres de chasse passent toujours entre les différentes paires de cylindres du grenoir ; quant aux poudres de mine, elles ne sont soumises qu’à l’action des deux premières paires de cylindres dentés, car il est nécessaire que leur grain ait des dimensions assez fortes et, en tout cas, non inférieures à celles d’un pois chiche, ce que l’on ne saurait obtenir avec des cylindres lisses.
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    Comme le travail effectué par les cylindres dentés se fait beaucoup plus rapidement que celui effectué par les cylindres lisses, on divise, dans beaucoup de poudreries, le grenoir cylindrique èn deux parties distinctes, installées dans des ateliers séparés.
    La première partie qui, dans ce cas, porte le nom de concasseur, se compose des deux seules paires de cylindres dentés ; la seconde, dénommée grenoir proprement dit, comporte seulement une ou deux paires de cylindres lisses. Le concasseur produit les poudres de mine sous forme d’écailles et divise grossièrement les galettes de poudres de chasse et à fusil qui passent ensuite dans le grenoir pour recevoir le grain convenable. Grâce à cette division, l’on accélère la production et l’on a l’avantage de n’utiliser que des appareils de dimensions moindres qui, pouvant être installés dans de petits espaces, n’obligent plus ainsi à rassembler dans un même local de fortes quantités de poudres, de grains, de galettes, etc., ce qui présente toujours de grands dangers.
    § 5. — Tonne Champy.
    11 est une autre méthode spéciale de grenage due au français Champy qui inventa en 1795, pour la production des poudres rondes de mines, la tonne portant son nom.
    Il s’agit d’un appareil fort simple qui consiste en une tonne en bois de noyer mesurant 1,60 m de diamètre et 0,60 m de hauteur. Elle est munie de deux fonds dans l’un desquels on a pratiqué une ouverture circulaire centrale de 0,50 m de diamètre.
    Celte tonne a l’aspect d’un immense tambour et elle est fixée du côté de son fond plein, au moyen de gros boulons en bronze, à une large plaque circulaire en fonte. Celte plaque est portée par un arbre horizontal en fer qui sert d’axe à la tonne dans son mouvement de rotation ; à cet effet, il se trouve fixé, par une de ses extrémités,au centre de la plaque mais sans la dépasser et, à son autre extrémité, il est pourvu d’un engrenage qui lui transmet le mouvement. Le même arbre repose, dans sa partie intermédiaire, entre la tonne et l’engrenage, sur deux coussinets de fonte revêtus intérieurement de bronze et supportés par un bâti en maçonnerie. Le long de la surface circulaire extérieure de la tonne sont vissés solidement douze coins en bois. Un gros marteau, également en bois et ayant l’extrémité -de son manche articulée et fixée à la paroi de l’atelier appuie sa masse sur un des coins. Lorsque la tonne entre en mouvement, le coin soulève le marteau qui va alors tomber lourdement sur le coin suivant et ainsi de suite ; il en résulte une succession de chocs qui ébranlent continuellement les parois de la tonne et empêchent ainsi les matières qu’elle contient de demeurer adhérentes aux parois. Enfin au-dessus delà tonne et à une certaine hauteur est sus- , pendu fixé au mur de l’atelier, un vaste réservoir en fonte rempli d’eau distillée, du fond duquel se détache un tube en I
    cuivre qui se prolonge directement jusqu’au delà de l’ouverture de la tonne et se replie alors à angle droit en pénétrant dans la tonne presque jusqu’au fond opposé, mais de manière à ne pas entraver la libre rotation de la tonne ni les opérations de charge et de décharge. Ce tube est parfaitement clos à son extrémité et porte,sur toute la longueur de la partie placée à l’intérieur de la tonne, une rangée de trous très lins par lesquels passe l’eau provenant du réservoir; cette eau va arroser, étant projetée avec force, les matières contenues dans la tonne. Afin de pouvoir régler cet arrosage selon les besoins, le tube est pourvu d’un robinet placé à côté de son coude.
    Le grenage par la méthode Champy est fondé sur la propriété que possèdent les farines ternaires de s’agglomérer en billes quand, quelque peu humectées, on les agile suffisamment. Grâce à une opération préalable effectuée soit avec la tonne qui vient d’être décrite, soit avec des tamis spéciaux, on prépare environ 100 kilogrammes de grains fins de poudre que l’on introduit dans la tonne. Tout près et à portée de la main de l’ouvrier se trouvent placés les récipients contenant les farines ternaires qu’il s’agit de grener. On met en mouvement la tonne en lui imprimant une vitesse d’environ 10 tours par minute ; on ouvre le robinet et on arrose la charge des petits grains pendant quelques minutes, en dirigeant les filets d’eau dans un sens opposé au mouvement de rotation. Pendant ce temps l’ouvrier étale continuellement, au moyen d’une petite pelle en bois, les farines ternahes sur les petits grains autour desquels ces farines s’agglomèrent en les arrondissant.Lorsque les matières sont suffisamment arrondies, on cesse l’arrosage en fermant le robinet et on continue à répandre des farines sur les matières jusqu’à ce que les grains aient acquis le diamètre voulu, diamètre qui varie de 3 à 6 millimètres. On augmente alors la vitesse de rotation de la tonne jusqu’à 14 tours par minute et on la laisse tourner à celte allure pendant vingt minutes, afin que les grains
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    lit LES EXPLOSIFS
    ainsi obtenus se forment mieux et acquièrent une certaine compacité. Après avoir arrêté la tonne, on décharge les matières produites qui contiennent environ 10 0/0 d’humidité et sont constituées par des grains de diverses dimensions. On passe ces grains sur un crible mécanique afin de séparer les grains de différentes grosseurs et l’on obtient ainsi la grosse, la moyenne et la petite poudre de mine ronde. Le même crible sépare en outre les grains trop fins qui servent de noyau dans des opérations ultérieures, ainsi que les grains excessivement gros que l’on brise pour les travailler à nouveau.
    Le procédé de grenage Champy est réservé aux seules poudres de mine inférieures, car il est rapide, économique et productif ; mais il donne aux poudres une densité minime : aussi ces poudres sont-elles fort inférieures aux poudres de mine en forme d’écailles qui, convenablement travaillées, acquièrent une puissance extraordinaire grâce à la compression exercée par la presse hydraulique.
    Le grand avantage de la tonne Champy consiste en ce qu’elle peut grener les poussiers provenant des balayures des ateliers de séparation et cela sans présenter aucun risque, ce qui serait absolument impossible avec la presse hydraulique et avec le grenoir à cylindres, car ces derniers appareils rendent évidemment possible une explosion.
    Les poudres rondes de mine de diverses qualités, séparées par les cribles, sont soumises au séchage pour être ensuite lissées.
    CHAPITRE II
    Séchage.
    Le séchage des poudres, soit à l’état de galettes, soit gre- nées, a pour objet de leur enlever l’humidité qu’elles contiennent encore ; on procède généralement à celle opération quand les galettes ont séjourné de six à huit jours dans le magasin spécial déjà décrit. Le séchage précède le grenage quand il s’agit des galettes préparées à la presse hydraulique pour être ensuite passées dans le grenoir à cylindres; il suit au contraire le grenage quand il s’agit des galettes préparées au moyen des pilons ou des meules pour être ensuite grenées au grenoir français, et aussi lorsqu’il s’agit de poudres agglomérées au moyen de la tonne Champy.
    Dans les poudreries on emploie, selon les saisons et les localités, deux espèces de séchage : le séchage naturel ou le séchage artificiel.
    1) — Séchage naturel.
    Le séchage naturel s’obtient en exposant les poudres à l’air et à l’action directe du soleil. A cet effet, on établit dans un endroit bien ensoleillé et aussi éloigné que possible des ateliers de manipulation une aire étendue dont la surface, en asphalte ou en ciment, est parfaitement lisse ; on étend sur celte surface, chaque fois que l’on doit procéder au séchage des poudres, une grande couverture en coutil de chanvre. Si les poudres sont en grain, on les étale sur la couver
    ture, par couches de 4 ou 5 centimètres d’épaisseur au maximum et on les remue d’heure en heure avec des rateaux en bois, afin de renouveler la surface exposée à l’air et d’obtenir le séchage parfait de toute la masse. Si, au contraire, il s’agit de galettes ayant la forme de tablettes ou d’ardoises, on les place droites (pour ainsi dire debout) et de manière que le rebord de l’une vienne appuyer contre la ligne centrale de la surface de l’autre, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’aire soit entièrement couverte. Avec cette disposition, l’on favorise la libre circulation de l’air entre les galettes.
    On obtient un séchage parfait si l’atmosphère est sèche et si l’action de la chaleur solaire agit sur les poudres avec une intensité graduellement croissante, de manière à enlever l’humidité même à l’intérieur aussi bien des grains que des galettes. A cet effet on intercepte les rayons solaires du côté du levant, soit par des plantations, soit par un mur, de manière que les poudres étalées le matin ne subissent point l’action directe du soleil immédiatement, mais seulement au bout de quelques heures, lorsque l’atmosphère échauffée a déjà commencé le séchage.
    Dans les poudreries pourvues seulement de pilons et où on ne sèche que les seules poudres granulées, on substitue à faire de simples toiles montées sur un cadre en bois, à la fois larges et longues, toiles consistant en un gros et solide tissu de chanvre. Les toiles reposent sur des chevalets en bois, de manière à se trouver légèrement inclinées vers le midi. On y étale avec soin et en couches peu épaisses les poudres destinées au séchage qui s’opère alors de même manière que pour les grains étalés sur faire.
    1) — Séchage artificiel.
    Évidemment, dans une poudrerie quelque peu importante, Je seul séchage naturel ne suffirait pas pour satisfaire aux besoins de la fabrication, car, en s’en remettant au soleil et
    au beau temps, on n’obtiendrait qu’une production fort limitée. Il faut donc recourir au séchage artificiel qui a l’avantage de pouvoir être employé en toutes saisons de l’année, quel que soit l’état hygrométrique de l’atmosphère.
    On a obtenu les premiers séchoirs artificiels en soumettant à la chaleur rayonnée par un fourneau central les poudres étalées tout autour dans le même local et disposées à une certaine distance de ce fourneau. Mais, naturellement, un pareil système était trop dangereux pour qu’on ne le modifiât pas rapidement ; on porta donc le foyer à l’extérieur de l’atelier, dans lequel pénétrait la chaleur par des ouvertures convenables qui étaient pourvues de clés destinées au réglage. Cependant, ce nouveau système n’était guère moins dangereux que le premier : des explosions terribles et réitérées amenèrent son abandon presque complet. Aujourd’hui, on ne l’applique plus que dans quelques pays du Nord, comme, par exemple, en Suède.
    Le plus efficace et le plus sûr perfectionnement, dans le séchage artificiel des poudres, fut appliqué en Angleterre vers la fin du siècle dernier, où on songea à utiliser l’air ‘ O
    réchauffé par un courant de vapeur d’eau ou par de l’eau chaude. Cette méthode est employée aujourd’hui dans les poudreries les plus importantes; d’une extrême simplicité, il fonctionne de la manière lapins parfaite, répondant fort bien à l’usage auquel il est destiné.
    Ce système comprend trois appareils distincts qui sont: une chaudière à vapeur, un ventilateur et le séchoir proprement dit. Ces deux derniers dispositifs se trouvent dans deux locaux adjacents et séparés l’un de l’autre par une muraille en matériaux incombustibles. La chaudière à vapeur est installée dans la partie de l’usine où l’on ne manipule pas les matières premières et les poudres et à au moins 100 mètres du séchoir. C’est une chaudière horizontale pouvant fournir la vapeur à une pression d’au moins 5 kilogrammes par centimètre carré et pourvue d’une conduite souterraine qui la met en commu-

148 les explosifs
nication avec la caisse d’échauflement de l’air, située sous la paroi incombustible en maçonnerie qui sépare le séchoir du ventilateur. Cette caisse, rectangulaire et en tôle, porte à sa base un large soufflet qui, à l’intérieur de ladite caisse, se continue par un serpentin et se termine par une buse en cuivre d’où parlent de nombreux tubes dont les ouvertures débouchent à l’intérieur du séchoir. Le ventilateur est mis en mouvement par un moteur spécial ou par l’unique moteur de la poudrerie, selon le système d’installation; il fait de 800 à 1000 tours par minute et doit exercer une pression suffisante sur l’air afin que ce dernier pénètre avec force dans le soufflet plus haut décrit, et se rende dans le séchoir où il doit traverser les couches de poudre les plus éloignées qui y sont disposées.
La vapeur d’eau produite par la chaudière s’écoule dans une conduite souterraine, pénètre dans la caisse en réchauffant fortement les parois du serpentin et s’échappe, par un tube en fer, dans un puits creusé à proximité. Dans ces conditions, l’air qui traverse intérieurement le serpentin, en suivant les sinuosités de ce dernier, se réchauffe et va naturellement sécher les poudres étalées dans le séchoir.
Le séchoir est un vaste local contenant une très grande armoire rectangulaire en bois à deux compartiments. Le compartiment supérieur, à plan légèrement incliné, est formé d’une forte toile de coutil de chanvre bien tendue sur un châssis en bois. C’est là que l’on étale les poudres déjà gre- nées, tandis que l’on place verticalement les galettes dans le compartiment inférieur, en les disposant de la même manière que pour le séchage naturel. L’air chaud, amené par les tubes, pénètre dans le compartiment inférieur de l’armoire, s’élève en traversant la couche de poudre étalée dans le compartiment supérieur, puis est aspiré par un ventilateur ins- jallé à la partie supérieure de l’armoire ; il sort donc du local par un chemin approprié, emportant toute l’humidité qu’il a absorbée dans son passage à travers la poudre.
La durée du séchage dépend du degré d’humidité de la poudre, de la température de l’air réchauffé et de la puissance du ventilateur.
En général, quand toutes les poudres qu’il s’agit de sécher ont été convenablement préparées, l’humidité qu’elles contiennent ne dépasse presque jamais 8 0 0 ; en outre, pour accélérer le séchage et le rendre homogène, on étale les grains, d’ordinaire, par couches de 7 centimètres d’épaisseur au maximum et, de temps en temps, on les remue avec des rateaux en bois.
La pression de la chaudière est réglée de manière que la vapeur réchauffe graduellement l’air du séchoir, afin que la température s’élève graduellement et se maintienne jusqu’à la fin de l’opération à 60°.
Dans ces conditions, au bout de neuf ou dix heures le séchage est parfait, ce que l’on reconnaît en écrasant entre les mains quelques grains de la poudre traitée. Si cette dernière est sèche, elle laisse une poussière blanchâtre qui n’adhère pas à la peau; si, au contraire, elle contient encore de l’humidité, la poussière obtenue est noirâtre et adhère aux mains.
D’autres systèmes de séchage essayés avec un certain succès, mais moins pratiques que celui qui vient d’étre décrit, soit par suite du prix de revient de l’installation, soit en raison de la production, soit même en raison des résultats définitifs sont ; le séchage à l’nir froid et le séchage par le vide.
Le premier consiste à faire passer, au moyen d’un ventilateur, de l’air au travers de fortes couches de chaux vive ou de chlorure de calcium, en le faisant ensuite passer sous les tables de séchage et au travers des couches de poudre étalées sur ces tables.
Dans le second de ces systèmes, on place la poudre à traiter sous la cloche d’une machine pneumatique et on fait le vide autour de la masse.
CHAPITRE Ill
Lissage.
La poudre grcnée, qu’elle provienne directement du gre- noir ou qu’elle ait subi déjà l’opération du séchage, est rude au toucher; elle présente des aspérités et est friable et poreuse. Pour enlever ces aspérités, émousser les angles et polir la surface des grains en leur donnant une plus grande compacité, on les soumet au lissage qui a pour effet, non seulement de donner à la poudre un bel aspect brillant, mais encore de diminuer son hygrométricité et d’empêcher sa réduction en poussier.
Comme dans les différentes opérations de cette fabrication, l’on rencontre divers appareils adoptés pour le lissage, mais les plus convenables et les plus utilisés sont des tonnes en bois de noyer dites tonnes de lissage. Ces tonnes diffèrent entre elles selon les pays, tant par la forme que par certains menus détails de construction sans importance ; mais toutes sont fondées sur le même principe — à savoir que les grains réunis en une certaine quantité au fond de la tonne, lorsque celle-ci a pris son mouvement de rotation, tournent sur eux- mêmes; par suite les grains, en glissant et en frottant les uns sur les autres, produisent leur lissage réciproque.
Les meilleures tonnes de lissage sont absolument identiques à la tonne Champy déjà décrite ; elles ont la même forme, les mêmes dimensions et subissent le même mouvement de rotation qui s’opère grâce à un arbre fixé à la pla
que qui les supporte. Les seules légères différences sont les suivantes :
1° La tonne de lissage ne porte pas les coins existants autour de la surface latérale extérieure delà tonne Champy;
2° Sur cette surface extérieure on a pratiqué une ouverture rectangulaire pourvue d’une petite porte en bois, doublée, tout autour, de bandes d’une peau de mouton ayant conservé sa laine, ce qui produit une fermeture hermétique ;
3° A l’ouverture circulaire de la base antérieure est appliquée une autre petite porte également doublée, à sa circonférence, d’une peau de mouton ayant conservé sa laine; on a pratiqué dans le centre de cette deuxième petite porte un soupirail circulaire d’un diamètre de 10 centimètres. Les deux petites portes sont mobiles; elles sont fixées solidement par des attaches en bronze ou en bois.
Le réservoir d’eau distillée, destiné à l’arrosage et suspendu à la paroi de l’atelier, ne porte pas un tube en cuivre comme dans le procédé Champy, mais bien un tube en caoutchouc se terminant par une pomme en cuivre pourvue d’un robinet; celle pomme n’est introduite dans la tonne que quand on doit effectuer l’arrosage.
Le lissage du grain est précédé de l’époussetage, lequel se fait avec un crible mécanique dont le fond est constitue par une toile métallique à tissu très fin. Ce crible laisse passer la seule poussière qui est recueillie dans une caisse placée en dessous.
Le criblage opéré, on imprime à la tonne une vitesse angulaire de 5 à 6 tours par minute et on humecte ses parois au moyen de la pomme d’arrosoir. On y introduit alors, par l’ouverture circulaire de la base antérieure, de 250 à 300 kilogrammes de grain nettoyé. Ce grain, devant être humecté à raison d’environ 2 0 0, reçoit en conséquence une quantité d’eau suffisante du réservoir. On ferme ensuite l’ouverture avec la petite porte déjà mentionnée ; puis, au bout d’environ une heure, on augmente la vitesse de
rotation de Ja tonne jusqu’à 12 ou 14 tours par minute.
La poudre, en glissant naturellement et en tournant d’une façon continue sur elle-même, s’échauffe et, grâce à la chaleur développée, acquiert de la consistance et du brillant. Toutefois, il faut veiller à ce que cette chaleur ne dépasse point 40°, afin d’éviter un commencement de fusion du salpêtre et du soufre, ce qui aurait pour résultat de produire des grumaux et de modifier la composition de la poudre.
Pour les poudres à fusil de guerre et pour les poudres de chasse, la durée du lissage est d’environ douze heures, sauf pour celles très fines de chasse dont le lissage se prolonge pendant vingt-quatre heures. Dans ce dernier cas, au bout des douze premières heures, on enlève le grain de la tonne et on le soumet à un second époussetage, après quoi on recharge la tonne et on continue l’opération pendant douze autres heures. Cette double opération, peut-être superflue dans la saison chaude, devient au contraire inévitable en l’hiver, car alors Réchauffement naturel de la matière au cours du lissage est bien moindre et par suite le lissage, s’il était de courte durée, serait imparfait.
Pour les poudres à canon et pour celles de mine, le lissage peut être limité à cinq ou six heures.
Pendant les dernières heures du lissage, on enlève la petite porte fermant l’ouverture circulaire de la base antérieure et on obtient ainsi le séchage parfait de la matière.
Afin de donner aux poudres de chasse et de mine un aspect plus brillant et aussi pour les rendre plus résistantes à l’action du temps et de l’humidité de l’air, on complète le lissage par une addition de graphite (plombagine) qui. s’il s’agit de poudres de chasse, s’emploie à raison d’un quart de kilogramme par 100 kilogrammes de grain au maximum, tandis que, pour les poudres de mine, on peut aller jusqu’à 1 2 0/0.
L’addition du graphite s’effectue quand le grain est presque complètement lissé et que, grâce à son exsudation naturelle, il s’est libéré de toute l’humidité qu’il contenait. Comme la
qualité du graphite influe sur les propriétés de la poudre, il convient d’employer les graphites les plus purs et les plus fins que l’on connaisse et, autant que possible, ceux préparés par le procédé Brodie. Ce procédé consiste à traiter à chaud le graphite ordinaire par l’acide sulfurique concentré et par le chlorate de potassium, ainsi qu’à le laver et à le dessécher ensuite à la température du rouge, afin de pouvoir le réduire en poudre très fine.
Le lissage achevé, ce qui se reconnaît non seulement à l’aspect brillant et parfaitement poli du grain, mais encore à sa dureté, on arrête la tonne et on laisse quelque peu refroidir la matière. On ouvre ensuite la petite porte de la surface latérale de la tonne,et onia fait tourner lentement afin de permettre au grain de se déverser dans une large trémie qui enveloppe la tonne presque jusqu’à sa ligne centrale. De là, la poudre s’écoule par une canalisation convenable pour tomber dans les barils destinés à la recevoir.
Le lissage, outre qu’il assure la conservation des poudres, augmente non seulement leur densité effective, mais encore
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leur densité gravimétrique, laquelle s’accroît en raison directe de la durée de l’opération.
En Suisse, on utilise, aujourd’hui encore, un grenoir-lisseur absolument rudimentaire qui offre l’avantage de produire un grain parfaitement sphérique, très fin, compact et permet d’obtenir une grande justesse dans le tir à la cible.
Le travail simultané de grenage et de lissage s’opère dans des sacs en toile montés sur un appareil qui leur donne un mouvement analogue à celui d’une roue de voiture. L’opération s’accomplit en moins de deux heures, mais elle présente cet inconvénient que le grain, que l’on doit sécher ensuite parce qu’il contient encore de l’humidité, produit, lors du criblage ultérieur, une quantité considérable de poussier.
CHAPITRE IV
Egalisage des grains, mise en boîte,
emballage et transport.
Le grain provenant des tonnes de lissage contient encore une petite quantité de poussier; d’autre part, il n’est pas uniforme, car il se trouve composé de grains de grosseurs différentes.
Pour opérer son nettoyage et séparer les grains de différentes grosseurs, on emploie des blutoirs identiques à ceux que l’on utilise dans les minoteries pour la séparation des divers produits de la mouture des céréales ; on emploie également de longs tamis mécaniques auxquels des arbres coudés ou des bielles excentriques impriment un mouvement de va-et-vient.
Ces tamis, dits de séparation, se composent de plusieurs parties superposées et munies chacune de toiles métalliques en laiton ou en tissus divers. Ces toiles séparent la poudre de chasse n” 3 qui est ordinairement la plus grosse, par exemple, de la poudre n° 2 ; elles séparent la poudre n0 2 de la poudre n“ 1 qui est la plus fine et qui, à son tour, est séparée du poussier qu’elle contient. Une trémie, placée en haut, reçoit la poudre qu’il s’agit de séparer et la verse sur le fond supérieur du tamis, fond qui est garni d’une toile aux plus larges mailles ; puis la poudre traitée, au fur et à mesure qu’elle se divise, passe sur les différentes toiles à mailles de plus en plus lines. Des caisses convenables, disposées sous les tamis, recueillent le produit séparé des autres. On sépare
ÉGALISAGE DES GRAINS, MISE EN BOITE, ET TRANSPORT 155
également, de la même manière, les grains de différentes grosseurs des poudres à canon et de mine, mais naturellement en employant des toiles à mailles beaucoup plus larges.
Dans l’atelier des tamis ou des blutoirs de séparation, l’on installe généralement aussi des appareils très simples destinés à mélanger les grains provenant de diverses opérations, et cela afin d’avoir des lots de poudres de densités homogènes.
L’appareil de mélange consiste en huit ou dix trémies dans lesquelles on verse les grains obtenus par huit ou dix lissages différents. Chaque trémie se termine par un petit canal qui conduit lentement les poudres traitées dans un tube unique où elles se mélangent, pour se déverser ensuite dans des barils spéciaux.
Les poussiers, obtenus au cours des opérations ci-dessus décrites, sont recueillis ensemble par qualités, puis travaillés de nouveau au pilon, à la meule ou à la tonne ternaire, selon le système de fabrication appliqué. En outre, les matières incrustées sur les parois des tonnes de lissage, les rebords ébarbés des a aletles, etc. subissent à nouveau les mêmes maniO /
pulations.
Les grains bien polis et séparés selon leurs grosseurs respectives présentent un bel aspect uniforme tant par leurs dimensions que par leur coloration uniforme qui est tantôt d’un noir brillant, tantôt d’une nuance argentée et vive, selon que le lissage a été opéré avec ou sans l’addition de graphite.
Une bonne poudre à fusil de guerre ou de chasse, étendue sur une feuille de papier blanc, puis allumée, s’enflamme en produisant une vive déflagration et développe une fumée, désagréable à l’odorat, de soufre et d’hydrogène sulfuré. Elle laisse la feuille de papier intacte, sans aucun résidu et seulement légèrement enfumée, sans que cette feuille porte la moindre tache caractéristique.
Si, dans cet essai, l’on constate la production de trous dans le papier, cela indiquerait que la poudre est encore
humide ou mal préparée; les résidus seraient la conséquence d’un défaut du mélange des matières premières ou de la présence d’impuretés dans ces matières premières ; enfin des taches jaunes indiqueraient un excès de soufre dans la poudre, et des taches noires un excès de charbon.
Les poudres fabriquées étaient, durant les siècles écoulés, généralement logées dans des sacs que l’on enfermait dans des barils. C’est un système que l’on applique encore dans nombre de localités. Plus tard, on substitua aux sacs des barils doublés de toile et renfermés chacun dans un second baril. Enfin, au cours de ces dernières années, on a employé en Italie de solides caisses rectangulaires en bois dans lesquelles on loge les poudres enfermées dans de petits paquets en fort papier contenant de 250 grammes à 3 kilogrammes, ou encore enfermées dans des récipients en fer-blanc d’une capacité de 5 kilogrammes ou de 10 kilogrammes. On ferme ensuite les caisses en fixant le couvercle soit avec des vis en laiton, soit avec de loims clous de fer galvanisé. Ce mode
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d’emballage s’emploie pour les poudres de mine.
Pour les poudres à fusil de guerre, on les introduit généralement dans les cartouches soit avec la balle, soit sans la balle, puis on les loge, entre des couches de sciure de bois, d’étoupe, de colon, etc., dans de solides caisses rectangulaires en bois, fermées avec des vis de laiton.
Quant aux poudres à canon ordinaires, on les introduit dans des sacs de toile que l’on enferme dans des caisses de forme parallélipipédique à section carrée renforcées par trois traits de corde tressée, ou bien encore on les place dans des barils dont les fonds sont de bois et le pourtour en zinc garni intérieurement d’un revêtement en carton. Ces barils sont de forme cylindrique ; leurs deux fonds en bois séparent le revêtement extérieur en feuille de zinc de la doublure intérieure en carton. La poudre s’introduit dans le baril par le haut, dans lequel l’ouverture se trouve pratiquée en un point voisin de la circonférence. Celte ouverture, circulaire, a sa
ÉGALISAGE DES GRAINS, MISE EN BOITE, ET TRANSPORT 167 périphérie formée d’un anneau en laiton auquel on visse le couvercle, couvercle formé d’un disque en zinc doublé de carton et pourvu d’un anneau en caoutchouc que l’on encastre dans une rainure spéciale du disque, afin d’assurer la fermeture hermétique du baril. On visse et dévisse le couvercle grâce à une clé spéciale. Chaque baril a une contenance de 50 kilogrammes ; on le transporte d’un local à l’autre au moyen d’un support spécial en bois.
Pour les poudres prismatiques, on se sert de caisses en bois, quadrangulaires, doublées,intérieurement de feuillesde zinc ; on fixe le couvercle avec des vis de laiton.
Enfin, pour la conservation des poudres de guerre dans les magasins humides, on emploie de doubles sacs de toile, couleur havane ; entre les deux enveloppes de toile est intercalée une feuille de caoutchouc naturel. L’ouverture du sac est fermée par un couvercle en ébonite ayant la forme d’un tronc de cône ; puis le sac lui-même est placé dans une caisse rectangulaire.
Les poudres de chasse se mettent dans des boîtes paralléli- pipédiques en fer-blanc, ayant une section carrée ou rectangulaire avec une unique fermeture de 2 centimètres de diamètre. En Italie, les boîtes de poudres de chasse ont des capacités réglementaires de 100, 250 et 500 grammes ; les boîtes se logent dans des caisses de dimensions différentes, mais ne dépassant jamais 50 kilogrammes, afin que le transport puisse s’effectuer facilement.
Dans certains pays, par exemple en Angleterre et en Belgique, les boîtes en fer-blanc reçoivent la forme de bouteilles piales : dans d’autres, elles sont ovales ; dans d’autres encore, elles sont rondes, etc., mais la boîte rectangulaire est préférable en raison de ce qu’elle occupe un espace moindre et qu’elle se loge plus facilement dans les caisses.
11 faut remarquer que, dans chaque caisse, il convient de remplir les interstices d’une boîte à l’autre, ainsi qu’entre les boîtes et les parois, avec de la sciure de bois, des balles de
céréales,etc., pour éviter les chocs des boîtes entre elles durant le transport.
Le transport terrestre des poudres peut se faire soit par voiture, soit par voie ferrée. Dans le second cas, des dispositions spéciales prescrivent les règles à suivre tant pour ce qui concerne l’emballage que pour ce qui a trait aux précautions que doivent prendre le chef du convoi, le mécanicien, les gares de départ, de transit et de destination. Dans tous les cas, le transport sur voie ferrée des poudres, en des quantités de plus de 50 kilogrammes, ne peut s’effectuer que par des trains de marchandises ou par des trains spéciaux.
Le transport des poudres par voitures, sur les routes ordinaires, est réglé par des dispositions de la loi de sûreté publique s’il s’agit de poudres de chasse ou de mines, ou par des prescriptions spéciales figurant dans les règlements militaires quand il s’agit de poudres de guerre.
Toutefois, même en l’absence de prescriptions formelles à ce sujet, le conducteur doit recouvrir le fond de sa voiture de substances molles telles que des nattes, de la paille, du foin, etc.,et déposer en dessus les caisses de poudre. 11 doit en outre s’assurer que les freins de la voiture sont établis exclusivement en bois et enfin veiller continuellement à ce que sa voiture se trouve à une distance suffisante des trains de passage quand il lui arrive de traverser une voie ferrée; à ce que des fumeurs portant des pipes ou des cigares allumés ne s’approchent pas de son véhicule, en ne négligeant jamais et pour aucun motif la précaution la plus minime capable de garantir la sécurité du transport.
Par eau, les poudres ne peuvent être transportées qu’à bord de bateaux à voiles, sauf les poudres de l’armée. Ces dernières sont logées dans la partie spéciale des navires de guerre dénommée la Sainte-Barbe, où on les conserve conformément aux règlements du bord.
CHAPITRE V
Disposition et construction des ateliers
constituant une poudrerie.
Dans les siècles passés, on fabriquait les poudres dans l’intérieur des villes, et l’on n’observait pas aussi minutieusement qu’aujourd’hui les mesures de sûreté et les grandes précautions qui sont nécessaires pour un travail aussi délicat et aussi dangereux. .
Mais les immenses désastres que causa de temps à autres et en maints endroits une pareille imprévoyance, imposèrent non seulement la nécessité d’installer les poudreries à une certaine distance des endroits habités et des voies carrossables, mais encore la règle de répartir les diverses manipulations des poudres entre des locaux ou ateliers différents, édifiés à une certaine distance les uns des autres, et cela afin d’éviter la communication du feu d’un atelier à l’autre en cas d’explosion.
Les ateliers se construisent généralement en bois, de manière à offrir le moins de résistance possible à l’expansion des gaz produits par l’inflammation des poudres ; en outre, le toit, également en bois, est recouvert d’une couche de carton imprégné de goudron, ce qui le rend absolument impénétrable à l’eau. Le bois employé dans la construction de ces ateliers est au préalable ignifugé, c’est-à-dire imprégné d’une solution de silicate de sodium ou de potassium qui le rend réfractaire à l’action rapide et immédiate de la flamme occasionnée par l’explosion des poudres.
Là où des raisons climatériques ou d’autres motifs rendent nécessaire la construction des ateliers en maçonnerie, on doit avoir le soin d’édifier les quatre murs de manière que trois d’entre eux soient très solides et épais et que le quatrième soit très mince,en sorte qu’en cas d’explosion, celle-ci se produise dans une direction déterminée.
Les transmissions de mouvement sont toujours installées en dehors de l’atelier, qui ne doit contenir que l’outillage spécial affecté à chaque opération particulière, avec les matières en cours de manipulation. L’on construit les diflerentes machines de manière à éviter absolument tout choc de fer contre fer et, autant que possible, même de fer contre bronze, entre bronze et cuivre et entre cuivre et cuivre. 11 faut en outre entretenir en bon état toutes les parties, même les plus minimes, des mécanismes,car les ruptureset les frottements peuvent produire des échauffements dangereux.
La distance d’un atelier à l’autre ne doit jamais être inférieure à 50 mètres ; on doit la porter, autant que possible, même à plus de 60 mètres. On ne dispose jamais les ateliers sur une seule ligne, mais bien de manière que leurs angles s’intersectionnent réciproquement, car l’expérience a démontré que, dans les explosions, les projectiles ne peuvent guère se trouver lancés dans la direction des angles des ateliers, mais bien vers leurs quatre faces latérales.
Chaque atelier doit être entouré de hauts terre-pleins à large base, abondamment recouverts d’arbres de haute futaie et d’un rapide développement. De cette manière, tout le terrain séparant un atelier de l’autre se trouve parfaitement lassé,afin de forcer à retomber presque sur place les matériaux projetés en l’air par une explosion. De plus, les terre-pleins olïrenl cet avantage qu’ils empêchent la dilatation horizontale de l’air violemment ébranlé par l’explosion, en lui imprimant une nouvelle direction vers le haut.
La force motrice doit être,autant que possible, hydraulique i et il est à désirer que chaque atelier dispose de son moteur
spécial. Là où il n’existe qu’une seule source de force motrice, le système de transmission à préférer à tout autre est le système télédynamique, qui permet de réaliser des ramifications longues et économiques. Là où l’on emploie la vapeur comme force motrice, il faut placer les machines à au moins 100 mètres des ateliers susceptibles de faire explosion, en munissant les cheminées, à leur partie supérieure, de capuchons métalliques à mailles serrées, afin d’empêcher les escarbilles de se répandre dans le voisinage.
Enfin chaque atelier doit être protégé par un ou par plusieurs paratonnerres selon ses dimensions. 11 convient d’installer ces parato nnerres en les isolant des matières manipulées, mais en les rapprochant de ces dernières suffisamment pour qu’ils les protègent par leur action. L’installation minutieuse des paratonnerres est d’une importance capitale; on ne devra jamais négliger les visites et les essais périodiques destinés à s’assurer qu’ils fonctionnent toujours parfaitement.
Le transport des matières en cours de manipulation, d’un atelier à l’autre, se fait d’ordinaire au moyen de wagonnets circulant sur des rails et poussés à bras d’homme ; ces wagonnets doivent toujours rouler au pas; leur roues,en fonte, sont parfois caoutchoutées.
Quand on observe scrupuleusement les règles ci-dessus, l’installation rationnelle des bâtiments constituant une poudrerie bien organisée doit se faire sur une vaste étendue de terrain, et cela de la manière suivante :
A l’entrée, on rencontre les bâtiments d’habitation, les bureaux, les écuries, les remises,etc. Ensuite viennent les dépôts des boîtes et des caisses vides, les hangars pour le logement des bois, etc. A une certaine distance de ces constructions et entièrement isolé de ces dernières, s’élève le bâtiment pour la préparation du charbon, construit en maçonnerie et avec une toiture en feuilles métalliques —bâtiment présentant de vastes proportions et pourvu de grandes fenêtres, pour assurer une ventilation énergique. Ensuite viennent les ateliers

mécaniques,avec les magasins convenables de matériaux pour les réparations et les constructions nouvelles, puis le local réservé à la chaudière à vapeur affectée au séchage des poudres. Plus loin, ce sont les magasins des matières premières, les ateliers de broyage du charbon et du soufre,de tamisage, du salpêtre, de pesage et de dosage.
Ces divers locaux sont tous en maçonnerie et construits d’après les règles qui s’observent dans l’installation de tout établissement industriel.
Enfin, aux distances voulues et édifiés conformément aux règles plus haut énoncées, s’élèvent les ateliers de manipulation des poudres, d’abord ceux de trituration des matières premières en terminant par celui affecté à l’emballage des poudres fabriquées.
A au moins une centaine de mètres du dernier atelier susceptible de faire explosion se trouve le dépôt ou magasin général des poudres. Ce magasin est construit en maçonnerie, entouré de terre-pleins et d’arbres de haute futaie, pourvu de paratonnerres, établi et aménagé de façon à préserver les poudres principalement de l’humidité. On doit donc avoir soin de bien l’aérer en ouvrant portes et fenêtres depuis le lever jusqu’au coucher du soleil lorsque le temps est sec.
A noter encore que, pour éviter des accidents dans la fabrication des poudres, il faut prendre d’infinies précautions minutieuses qui, bien que répétées, ne seront jamais superHues. Il est notamment indispensable d’apporter en tout et pour tout une très grande propreté, une rigoureuse exactitude dans les méthodes de travail, et cela en se livrant, en outre, à une analyse minutieuse des matières premières, afin de s’assurer de la pureté de ces matières. Les tamisages, non plus, ne doivent pas être négligés et il faut absolument éviter l’accumulation des poussières dans les ateliers. Il convient de clouer avec des pointes de cuivre ou avec des fiches en bois les parquets ; il faut également arroser fré-
DISPOSITION ET CONSTRUCTION n’UNE POUDRERIE 163 quemment, surtout pendant l’été, les alentours des ateliers. 11 y a lieu aussi de graisser fréquemment les machines, avec des huiles lubrifiantes, partout où il y a contact ou frottement; quand il faut procéder au démontage ou à la réparation des machines, il importe d’abord d’enlever de l’atelier le dernier grain de poudre y existant, puis de laver avec de l’eau pure cet atelier, après quoi on procède, avec les précautions voulues, à l’exécution des réparations nécessaires.
Les ouvriers ne doivent pénétrer dans l’usine qu’après avoir substitué, à leur costume de ville, des vêtements, y compris les chaussures, fournis par l’établissement. Les chaussures données par la poudrerie ont la semelle et le talon faits de corde ou même de cuir, mais de manière qu’il n’entre pas un clou dans leur composition.
TROISIÈME PARTIE
Poudres spéciales et propriétés des poudres noires à ieu.
CHAPITRE PREMIER
Poudres spéciales pour l’artillerie.
Les procédés de fabrication précédemment exposés constituent les méthodes perfectionnées, aujourd’hui en usage, pour la production des poudres noires à fusil de guerre, des poudres de chasse et demine; jusque dans les premières années de la seconde moitié du xixu siècle, on employa les mêmes procédés pour la fabrication des poudres à canon.
Mais les immenses progrès réalisés par l’artillerie à partir de 1818 rendirent insuffisante la poudre noire ordinaire à canon et amenèrent à modifier sa fabrication,de manière à la rendre propre aux nouveaux besoins.
Dès 1852, le comte de Saint-Robert avait imaginé des cartouches comprimées, en transformant directement, au moyen d’une compression spéciale, les farines ternaires en cartouches. Son système fut amélioré, d’abord par les Américains qui substituèrent aux farines des grains déjà préparés qu’ils réunissaient ensemble au moyen d’un enduit de sucre, de collodion et d’autres substances analogues, de manière à obtenir une cartouche d’un seul morceau et très dure; enfin Doremus, en 1862, perfectionna le système en broyant, le grain au
moyen d’une machine de son invention, en quantité suffisante pour une charge et en comprimant cette charge à l’aide d’un piston spécial.
Mais on ne tarda pas à abandonner les cartouches comprimées, car elles présentaient des défauts au point de vue de la combustion ; les recherches des savants et des artilleurs se portèrent alors sur les poudres à gros grains qui donnèrent de meilleurs résultats.
Ces recherches furent rendues nécessaires par le fait qu’avec l’augmentation du calibre des canons et du poids des projectiles, les poudres à grains de 2 à 3 millimètres, employées en fortes charges, compromettraient sérieusement la sûreté du tir et la conservation des pièces, en raison de leur combustion trop vive. On reconnut donc qu’il était nécessaire de préparer une poudre à canon dont la combustion se produisît progressivement et régulièrement.
Pour obtenir une combustion progressive, on constitua la poudre de manière que, en brûlant dans l’âme d’une bouche à feu, elle ne donnait lieu, au début de sa combustion, qu’à une faible quantité de gaz suffisante pour donner la première impulsion au mouvement du projectile; ce projectile accélère ensuite son mouvement grâce à une augmentation successive, rapide et progressive du développement des gaz qui se réalise à mesure que la combustion continue, combustion à son tour accélérée par le plus grand développement des gaz eux- mêmes. Le développement des gaz, dans les poudres à pression constante, est à la fois proportionnel à la surface d’inflammation du grain qui brûle et à la vitesse de combustion : par suite, une poudre sera progressive quand elle aura une structure, un volume et une densité tels qu’il lui soit possible de réaliser les conditions ci-dessus. 1
D’autre part, la régularité dépend de l’homogénéité de la constitution intime de la poudre et de l’uniformité des grains, ce que l’on peut obtenir même dans les fortes charges des canons de gros calibre avec des poudres qui, pour chaquecharge, donnent une moyenne constante dans le nombre des grains, bien que ces derniers ne soient pas égaux entre eux.
Ce principe établi, on ne larda pas à le traduire par un fait en adoptant les poudres a gros grains. En 1859, le général américain Rodman, en essayant les types de poudres qu’il avait imaginés et préparés avec un appareil également de son invention, démontra que si on augmentait la grosseur des grains et que si on faisait en même, temps la charge plus forte, on maintenait au degré voulu la vitesse de combustion, tandis que l’on diminuait la pression dans l’Ame de la bouche à feu.
L’adoption récente, pour l’artillerie également, des nouveaux explosifs à composés nitreux a entraîné l’abandon presque complet des poudres noires spéciales ; il serait donc superflu d’en parler ici longuement et de décrire tous les types proposés ou adoptés dans le passé.
Cependant, pour permettre de suivre le développement chronologique des progrès réalisés dans la fabrication des poudres, il convient de donner au moins quelques indications sur ce sujet. En ce qui concerne l’obtention d’une combustion progressive, les meilleurs résultats ont été fournis par quatre types principaux auxquels se rattachent presque toutes les poudres à grains grossiers jusqu’ici inventées, c’est-à- dire les poudres prismatiques, les poudres comprimées, les poudres à couches concentriques et les poudres progressives.
Poudres prismatiques. — L’initiateur des poudres prismatiques fut le général américain Rodman, mentionné plus haut, lequel, modifiant en 1860 sa poudre à grains grossiers, proposa de fabriquer une nouvelle variété à grains moulés sous la presse hydraulique, ayant une forme cylindrique avec des trous réunissant les deux surfaces planes. En superposant plusieurs disques ainsi formés, on préparait une charge cylindrique qui formait la cartouche destinée au canon. Ce genre de poudre reçut le nom de Cakes perforés. Les cakes en question offrent cet avantage que, grâce aux perforations inté-

rieures existant dans la charge, la combustion sc développe du centre à la circonférence, en même temps que la surface d’inflammation augmente progressivement. Un pareil mode de combustion donne une plus grande régularité de mouvement au projectile, ce qui rend le tir beaucoup plus précis. •
Les grains cylindriques ainsi moulés furent par la suite transformés, en Europe, en grains prismatiques hexagonaux fabriqués avec des machines spéciales et traversés par sept trous qui étaient disposés, l’un au centre du grain et les six autres concentriquement au premier dans chacun des six angles du prisme.
Une troisième variété des poudres prismatiques se rencontre dans la poudre Pellet, poudre cylindrique moulée à la presse Anderson, qui a été utilisée pendant quelque temps en Angleterre pour les canons de gros calibre.
Poudres comprimées. — Sans doute les cartouches comprimées, imaginées par Saint-Bobert en 1852, n’eurent pas de succès ; cependant, après l’adoption des poudres prismatiques, on songea à fabriquer, pour l’artillerie, des poudres comprimées. En 1865, on eut en Angleterre la poudre Pebble que l’on obtenait avec les galettes ordinaires produites à la presse hydraulique, puis concassées en gros morceaux avec un marteau en bois dur ou en cuivre. Au moven de tamis dont les mailles mesuraient 12,7 mm et 24.i mm on recueillait, en les égalisant, les grains utilisables qui présentaient les dimensions réglementaires et qui étaient ensuite lissés et graphités d’après les procédés ordinaires.
Des perfectionnements ultérieurs, apportés à la fabrication, donnèrent à la poudre Pebble une densité constante, si bien qu’en 1870 elle remplaça complètement, en Angleterre, la poudre Pellet.
En France, en Belgique, en Italie et dans d’autres pays également, on adopta peu à peu les poudres comprimées pour la grosse artillerie.
En Italie, on donna aux grains la forme parallélipipédique en comprimant les farines ternaires avec une presse hydraulique spéciale et en taillant les grosses galettes obtenues grâce à celte presse en dés de dimensions régulières, et cela au moyen d’un mécanisme spécial dit taille-dés. On obtenait ainsi des poudres à grains de densité et de volume constants qui étaient d’autant plus efficaces dans le tir que les faces latérales de chaque dé présentaient une surface d’inflammation moindre.
On trouve l’analogue de la poudre à clés dans la poudre plate Castan. dont les grains parallélipipédiques mesurent 2 X 10 x 10 millimètres et qu’on utilisa, pendant un certain temps, pour la charge des canons de petit calibre.
Poudres a couches concentriques. — Le troisième type comprend les poudres à couches concentriques dans lesquelles le degré de combustion augmente de la superficie au centre, comme, par exemple, dans la poudre à compensation imaginée par l’Américain Totten, lequel formait des gros grains sphériques de poudre noire d’un diamètre de 25,1 mm avec un noyau central en fulmicoton du diamètre de 12,7 mm.
Au même type appartiennent les poudres agglomérées et constituées par le mélange de poudres noires déjà granulées et comprimées une seconde fois à la presse hydraulique, mélange réduit, par des méthodes diverses, en de nouveaux grains pour la plupart sphériques et présentant les dimensions réglementaires. Parmi les poudres agglomérées, on peut citer les poudres françaises G et SP, ainsi que la poudre américaine Schaghticoke Cubical.
Poudres progressives. — Une variante des poudres agglomérées a été introduite en Italie et en Suède, où on fabrique, aujourd’hui encore, des poudres dites justement progressives. On obtient ces poudres progressives grâce à un mélange proportionnel de matière déjà granulée avec des farines ternaires neuves, mélange comprimé et travaillé à nouveau de manière à produire des grains très durs de
dimensions déterminées et à la densité constante de 1,777. La charge ainsi composée, quand elle explose dans l’âme du canon, se décompose en ses éléments granulaires primitifs dont la combustion, consécutive à cette décomposition, détermine une notable augmentation dans la pression des gaz développés, avec une accélération progressive de la vitesse donnée au projectile.
A cette catégorie appartiennent les poudres italiennes dues au colonel De Maria et connues sous le nom de poudres progressives 4 à 5, avec lesquelles on charge les pièces de 450 millimètres et les poudres progressives 20 à affectées aux canons de 120 millimètres.
Poudres brunes. — Un nouveau progrès dans la production des poudres noires d’artillerie, progrès réalisé par la nécessité de proportionner les moyens d’attaque, dans les guerres maritimes, à la formidable action défensive du blindage toujours plus parfait des vaisseaux, fut réalisé par l’adoption de la poudre brune brevetée en Allemagne et fabriquée pour la première fois «à Rottweil-Hambourg, en 1882. .Cette dernière poudre ne tarda pas à remplacer les poudres à dés, la poudre Pebble,etc. pour la charge des pièces d’artillerie installées à bord des vaisseaux de guerre et dans les forts servant à la défense des côtes.
La caractéristique de la composition de la poudre brune consiste en ce que cette poudre possède, parmi ses composants, du charbon obtenu grâce à la torréfaction de la paille de seigle préparée dans des conditions particulières, ou encore du charbon tiré du bois de saule ou d’un autre bois tendre et léger que l’on soumet à l’action de la vapeur sous une température qui ne dépasse jamais 150°.
Le dosage de la poudre brune, en Allemagne, est le suivant :
Salpêtre 77 parties.
Charbon 20 —
Soufre 3 —
On triture ensemble, dans la tonne binaire, le soufre et le charbon. Aux farines ainsi obtenues on ajoute le salpêtre, puis on mélange et on triture de nouveau le tout sous les meules. Après avoir traité le mélange définitif par les méthodes usuelles de compression, de grenage et de lissage, on le comprime une seconde fois en larges prismes hexagonaux à cavité centrale. La poudre brune a une densité de 1,800 à 1,815 et elle brûle lentement en donnant aux projectiles une grande vitesse initiale qui va s’accroissant progressivement jusqu’à la sortie de la bouche du canon, en même temps qu’elle n’exerce que de faibles pressions sur les parois intérieures de l’arme.
Parmi les poudres brunes, il convient de noter :
La poudre chocolat italienne qui présente seulement une légère variante dans le dosage, étant constituée de :
Salpêtre 79 parties.
Charbon 18 —
Soufre 3 —
La poudre brune 15 2 italienne pour les canons de 149 et de 152 millimètres ;
La poudre brune 431 italienne pour les canons de 254, 313 et 131 millimètres ;
La poudre anglaise E. X. E. d’une couleur gris-ardoise pour la charge des canons de 152 millimètres ;
La SZow Burning Cocoa Powder, autre poudre brune prismatique anglaise qui sert à charger les canons d’un calibre supérieur au précédent ;
Les poudres P. B. françaises, pour les pièces d’artillerie de 11 à 16, 25 à 34, 37 à 42 centimètres.
La poudre P. B. autrichienne adoptée en 1885 par la marine autrichienne pour la grosse artillerie et destinée aux canons de 120 à 305 millimètres.
CHAPITRE II
Propriétés de la poudre noire.
Ses effets balistiques.
Un exposé exact et minutieux des propriétés des poudres à feu, avec la description de tous les engins imaginés pour les essayer, exigerait à lui seul un volume entier. Aussi, pour ne point dépasser les modestes limites d’un manuel, on indiquera brièvement les propriétés essentielles de ces poudres en faisant ressortir leur importance, et l’on indiquera sommairement les appareils les plus pratiques et les plus efficaces jusqu’ici adoptés pour mesurer les effets balistiques de ces poudres.
Les principales propriétés de la poudre à feu sont les suivantes, savoir :
1° Propriétés physiques ;
2° Propriétés mécaniques ;
3° Propriétés chimiques.
§ I. — Propriétés physiques.
Les propriétés physiques se résument en: aspect extérieur des grains, dureté, grosseur, humidité et hygrométricité, résidus ou encrassement, densité.
Aspect extérieur. — L’aspect de la poudre non graphitée doit présenter une couleur uniforme d’un beau noir brillant tendant au gris ; la surface des grains doit être parfaitement
polie et ces grains, en glissant légèrement soit sur la main, soit sur une feuille de papier blanc, ne doivent laisser aucune trace. L’insuflisance de quelques-unes de ces conditions montre que la poudre est encore humide, ou qu’elle contient trop de charbon, ou enfin que le mélange n’est pas homogène.
Dureté. — La poudre doit avoir une dureté suffisante pour que, s’il s’agit d’un grain menu, ce dernier puisse résister à une certaine pression quand on le serre dans les doigts, et pour que, s’il s’agit d’un gros grain, on ne puisse écraser ce gros grain avec les doigts ou qu’on parvienne à l’écraser seulement au prix d’un grand effort.
Grosseur. — La grosseur des grains doit correspondre aux dimensions, établies pour chaque qualité ; elle doit être, autant que possible, uniforme au point que, pour un poids déterminé, le nombre des grains de chaque espèce de poudre se trouve compris entre des limites fixes.
Humidité et hygrométricité. — La poudre à feu a, en général, tendance à absorber l’humidité de l’air ; la rapidité plus ou moins grande avec laquelle se produit cette absorption est dite hygrométricité.
L’hygrométricité n’est pas seulement proportionnelle à la quantité de charbon contenue dans la poudre ; elle dépend encore de la température de carbonisation du bois, de la pureté du salpêtre et du degré de lissage du grain. Le charbon roux est plus hygrométrique que celui fabriqué à de très hautes températures, et la poudre absorbe d’autant plus d’humidité qu’elle est moins dense et moins lissée.
L’humidité du grain se manifeste à la surface par de petites aspérités blanchâtres qui ne sont pas autre chose que l’efflorescence du salpêtre, et alors l’intimité du mélange commence à s’altérer. Un prompt séchage restitue à la poudre ses qualités premières, à cela près qu’elle a sa densité légèrement diminuée. Si, au lieu de présenter une légère efflorescence, le grain devient mou et se gonfle, alors l’humidité absorbée est excessive et, pour pouvoir utiliser une poudre ainsi avariée, il ne reste plus d’autre ressource que de la travailler de nouveau comme matière première.
Résidus. — La poudre ne doit salir l’arme que le moins possible, et le plus ou moins d’encrassement, qu’elle laisse dépend en grande partie du dosage des matières premières, de l’intimité du mélange, du lissage et de l’humidité du grain : aussi une bonne poudre, dans laquelle les matières premières, parfaitement triturées et mélangées le plus intimement possible, entrent dans des proportions rationnelles, dont le grain est exactement lissé et bien desséché, une pareille poudre ne laisse que très peu de résidus et n’encrasse l’arme que bien légèrement.
Densité. — La densité des poudres se distingue en :
1° Densité gravimétrique. — Ce qui signifie le poids en kilogrammes d’un volume déterminé de poudre, y compris l’air atmosphérique contenu entre les grains ;
2° Densité réelle, ce qui est le poids spécifique des grains isolés, y compris seulement l’air contenu dans les pores;
3° Densité absolue.
Comme la densité a une importance très grande sur les effets que la poudre doit produire, il est intéressant de déterminer cette densité par des expériences pratiques, afin de connaître les applications dont est susceptible chaque qualité donnée.
1° Densité gravimétrique. — L’instrument qui sert à déterminer la densité gravimétrique consiste en un récipient en cuivre mesurant exactement un litre et surmonté d’un vase, également en cuivre, qui a reçu à peu près la forme d’un entonnoir avec une capacité un peu plus grande. La base du vase supérieur porte une ouverture pourvue d une soupape qui sert à son obturation ; cette ouverture se trouve à environ 20 centimètres de la surface la plus élevée du litre disposé en dessous.
La poudre à essayer se place dans le vase supérieur. I ne fois ce dernier rempli, on ouvre légèrement la soupape et la
PROPRIÉTÉS DE LA POUDRE NOIRE. SES EFFETS BALISTIQUES 175 poudre s’écoule lentement et d’un mouvement uniforme, se déversant dans le litre placé en dessous. Quand ce dernier est rempli, on referme la soupape et on aplanit la surface supérieure du litre en enlevant la poudre en excédent avec une baguette en cuivre, après quoi on pèse le litre plein et, en déduisant la tare du vase, préalablement pesé, on détermine le poids de la poudre contenue dans le litre.
2° Densité réelle. — La densité réelle, ou poids spécifique de la poudre, se détermine en immergeant une quantité donnée de grains dans un milieu quelconque qui n’altère point la composition delà poudre et dont on observe les variations de volume.
On a eu recours, pour effectuer cette détermination, à la poudre de lycopode, à l’eau saturée de salpêtre, à l’alcool absolu, au mercure, etc. ; mais chacun de ces corps comportait plus ou moins une cause d’erreur et seul le mercure, avec les appareils perfectionnés aujourd’hui en usage, donne les résultats se rapprochant le plus de la réalité.
On connaît diverses espèces de densimètres à mercure, et la description de chacun d’eux entraînerait de longs développements. Nous nous bornerons donc à indiquer le densimètre Bianchi, comme celui répondant le mieux à l’objet en vue. Il se compose d’un vase cylindrique ou sphérique en verre, ouvert à ses deux extrémités opposées et portant, à chaque ouverture, un couvercle mobile pourvu d’un robinet, lequel le ferme complètement. Au couvercle inférieur et en correspondance avec l’ouverture centrale est vissé un tube en verre qui se termine par un bec plongeant dans un récipient rempli de mercure; on visse également, au couvercle supérieur, un autre tube en verre droit et haut de 60 à 70 centimètres qui est en communication, par un tube en caoutchouc, avec une machine pneumatique.
Quand on a déterminé le poids du récipient fermé par ses couvercles respectifs mais ne portant pas les appendices tubulaires sus-indiqués et que l’on a déterminé la densité du mer-
cure employé pour l’expérience, on établit la communication de l’appareil avec le récipient du mercure et avec la machine pneumatique au moyen des tubes précités. On ouvre le robinet supérieur en même temps que l’on ferme le robinet inférieur, on fait agir la pompe pour obtenir le vide; après quoi, dès que le premier robinet est fermé et l’autre ouvert, on fait monter le mercure jusqu’à une hauteur se rapprochant de très près de la hauteur barométrique. On ferme alors le robinet inférieur et on ouvre de nouveau le supérieur, on fait agir la machine pneumatique en sens contraire de manière à introduire, dans le tube supérieur, de l’air en quantité suffisante pour donner au mercure une pression de 2 atmosphères, puis on ferme également le premier robinet. Quand le vase est parfaitement obturé et rempli de mercure comprimé, on le dévisse de l’appareil et on le pèse avec soin. On le remet ensuite en place, on ouvre le robinet et on laisse le mercure s’écouler dans le récipient primitif. On essuie avec soin le vase, on y introduit une quantité déterminée de poudre et on remet en ordre l’appareil. On refait le vide, on laisse monter le mercure et on le soumet à une pression de 2 atmosphères comme la première fois, de manière que le mercure pénètre fortement dans les interstices de la poudre, d’abord par aspiration et ensuite par compression; puis on dévisse de nouveau le vase de l’appareil et on le pèse avec la poudre et le mercure y contenus, en ayant soin au préalable, naturellement, de fermer les robinets.
Du poids P du vase rempli d’abord seulement de mercure, poids que l’on a eu soin de vérifier en tenant compte de la température du mercure, on déduit le poids P‘ du vase rempli de poudre et de mercure et au reste on ajoute le poids A qui a servi à l’essai. Le total ainsi obtenu sert de diviseur au produit du poids de la poudre libre multiplié par la densité D, déjà déterminée, du mercure, et le quotient représentera la densité d de la poudre, pour laquelle on aura la formule :
_ AD
( “ P – P1 + A
Densité absolue. — La densité absolue, qui n’est que le poids spécifique de la poudre, abstraction faite de l’air contenu dans ses pores,se mesure soit avec le voluniénomètre de Kopp ou de Régnault, soit avec le stéréomètre de Say. Ces appareils, des plus connus, font l’objet de descriptions étendues dans tous les traités de physique. D’autre part, il convient de noter que la détermination de la densité absolue des poudres n’a qu’une importance relative, car dans l’emploi pratique de la poudre à feu, il y a lieu de tenir compte également de l’air qu’elle renferme dans ses porcs.
§ 2. — Propriétés mécaniques.
Les propriétés mécaniques de la poudre sont : l’inflammation, la combustion, la puissance, la force et la pression des gaz.
La détermination de ces propriétés, au point de vue militaire et à celui du travail des mines, est très importante. L’étude patiente et approfondie qui en a été faite, surtout dans ce siècle, par des chimistes éminents, a conduit justement à la découverte de nouveaux produits explosifs qui ont profondément modifié l’art de la guerre et rendu nécessaire une complète transformation de l’armement et des munitions.
Le caractère du présent manuel ne permet pas de développer les théorèmes ni les recherches qui se rapportent à celle partie de l’élude des poudres, on se bornera à indiquer rapidement les particularités principales des propriétés des poudres cl les conséquences principales qu’on en peut déduire, sous réserve de reprendre ce sujet dans la partie consacrée aux nouveaux explosifs.
Inflammabilité. — L’inflammation de la poudre peut résulter :
1° De la percussion violente, par exemple du fer sur le 1er, du granit sur le fer, du granit sur le granit et sur le marbre, etc., toutes les fois qu’un pareil choc développe la chaleur nécessaire pour enflammer la poudre, chaleur qui est généralement accompagnée de la production d’une ou de plusieurs étincelles ;
2° De l’élévation de la température qui, selon Hersley, doit atteindre 315° pour enflammer la poudre, mais qui, d’après des essais réitérés faits par Violette, varie entre 270° et 320°. En effet, l’inflammabilité de la poudre est différente, selon son état pulvérulent ou granuleux et selon, aussi, la grosseur plus ou moins forte de ses grains. D’une manière générale,les gros grains sont moins inflammables que les menus et ces derniers moins inflammables que le poussier ;
3° Du contact des corps enflammés ou en ignition portés à une haute température. Ainsi l’étincelle électrique, est un puissant et le plus sûr agent d’inflammation de la poudre ; elle trouve un emploi particulièrement avantageux dans les travaux de mine.
La vitesse d’inflammation de la poudre, nulle dans le vide, est subordonnée à la pression exercée dans l’intérieur de la charge et est favorisée par la grosseur plus grande donnée aux grains. Cependant, avec les poudres fabriquées au charbon roux, denses et bien lissées, elle est moindre qu’avec les poudres produites dans d’autres conditions.
Combustion. — La combustion des poudres, dans un vase parfaitement clos, s’effectue sans explosion et laisse au fond du vase un résidu de produits solides. Mais quand celle combustion se réalise soit à l’air libre,soit dans un récipient ouvert au moins d’un côté ou ne présentant pas, en un point quelconque, une résistance suffisante, elle produit alors toujours l’explosion et cette explosion, dans le second cas, est même accompagnée d’une forte détonation.
La vitesse de combustion de la poudre dépend de la pression sous laquelle cette combustion a lieu, du milieu dans
PROPRIÉTÉS DE LA POUDRE NOIRE. SES EFFETS BALISTIQUES 179 lequel elle se produit et de la composition de la poudre elle-même. Une trop grande quantité de charbon augmente la vitesse de combustion ; l’excès de salpêtre la ralentit. La même vitesse diminue également si l’humidité augmente. Sous une pression constante, la vitesse de combustion de la poudre est en raison inverse de sa densité. Sous des pressions variables, elle diminue, au contraire, quand la pression s’abaisse au-dessous d’un kilogramme par centimètre carre et elle augmente rapidement à de hautes pressions.
Les produits de la combustion de la poudre varient de nature et de proportion selon la pression, le mode et la vitesse de combustion, le dosage, la densité, etc.
Dans une poudre riche en oxygène au point de transformer les éléments explosifs en composés stables et portés au plus haut degré d’oxydation, il est possible de déterminer presque exactement les produits de l’explosion ; mais avec les poudres noires, dans lesquelles l’oxygène ne suffit pas pour obtenir une oxydation totale du soufre et du charbon, les produits de l’explosion ne peuvent se déterminer que par une analyse spéciale, en tenant compte de la température, de la densité, des effets mécaniques, etc.
C’est à Gay-Lussac que revient la gloire d’avoir, le premier, déterminé la composition approximative des produits de la poudre noire. Ces produits sont : des produits gazeux se subdivisant en :
Acide carbonique 53 parties
Oxyde de carbone 12 —
Azote 5 —
et aussi des traces de bioxyde d’azote, de carbure d’hydrogène, de vapeur d’eau; des résidus solides constitués par des carbonates et des sulfates de potassium, des sulfures, des hyposulfites, etc.
La chaleur développée par la combustion agit sur la puissance de la poudre et il convient de la déterminer soit par
des essais calorimétriques, soit par le calcul. Comme celte chaleur varie considérablement, non seulement selon la nature particulière de la poudre employée, mais encore selon la composition chimique des produits de la combustion, pour la calculer, quand il s’agit d’une poudre donnée, on doit prendre en considération :
1° La constitution intime de la poudre elle-même;
2° La composition chimique desproduils de sa combustion;
3° La valeur des chaleurs de formation des composés de l’état initial et de l’état final.
La différence entre ces chaleurs de formation donne, comme l’a pleinement démontré Berthelot ‘, la quantité recherchée de chaleur de combustion.
Puissance. — La puissance, qui n’est que le travail maximum que peut accomplir une quantité donnée de matière explosive agissant sous la pression atmosphérique, s’obtient en multipliant la chaleur de combustion, c’est-à-dire le nombre des calories dues aux gaz que produit l’explosion, parle chiffre 425 qui est l’équivalent mécanique de la chaleur.
Force. — La force de la poudre n’est que la pression résultant du volume que les gaz occupent à la température de l’explosion et le travail maximum dû à la chaleur produite, travail qui est proportionné à la vitesse de la réaction chimique; c’est la pression que l’imité de poids de l’explosif, à une unité donnée de volume, exerce sur l’unité de surface du récipient dans lequel se produit l’explosion.
Pressions des gaz. — Enfin la pression des gaz est variable selon les conditions spéciales dans lesquelles se réalise l’explosion, conditions qui ont été résumées par Berthelot en trois éléments principaux, savoir:
« 1° La durée des réactions moléculaires;
⦁ . M. Berthblot. Sur la force des matières explosives d’après la thermochimie. û
⦁ 2° La propagation successive de la transformation dans « toute la masse ;
⦁ 3° La dissociation survenue durant la réaction, c’est-à- « dire la production de nouvelles substances dans la période « de l’explosion, en partant du moment où le système est « porté à sa plus haute température. »
A conditions égales,l’unité de poids d’un explosif produira une pression d’autant plus grande, avec les gaz développés lors de l’explosion, que sera plus rapide la transformation de sa masse. En effet le phénomène de la dissociation semble exercer une action sur la pression. Si un explosif se décompose en gaz composés susceptibles de dissociation, la pression commence par se manifester relativement faible et elle va croissant à mesure que les gaz se décomposent en leurs éléments simples. Si,au contraire,la réaction de l’explosif donne lieu à la production immédiate de gaz simples, la pression sera énergique et instantanée.
La mesure de la pression, c’est-à-dire la mesure du volume et delà température des gaz qui se forment au moment de la décomposition d’une substance explosive, dans une enceinte tie capacité constante, peut être fournie, comme on le verra plus loin, soit par des appareils basés sur la méthode statique ou sur la méthode dynamique,soit parle calcul théorique selon les lois de la thermochimie que l’illustre Berthelot a été le premier à établir.
Mais comme, dans un même explosif, la pression n’est pas toujours uniforme et constante, qu’elle peut varier par suite de circonstances multiples et inappréciables, il arrive que les mesures s’obtiennent toujours par approximation et jamais d’une manière absolue. Il importe pourtant toujours de déterminer celte pression, soit pour la sécurité de l’arme à laquelle l’explosif est destiné, soit pour l’étude comparative des divers explosifs.
§ 3. — Propriétés chimiques.
Pour terminer l’examen des propriétés de la poudre noire, il ne reste plus qu’à indiquer les procédés d’analyse chimique applicables pour déterminer les quantités et les qualités des matières premières entrant dans la composition d’une poudre donnée.
Avant tout, J’échanlillon à analyser doit être pesé exactement et soumis à un séchage parfait, afin que l’on puisse ensuite, par une nouvelle pesée, déterminer l’humidité qu’il contenait. Ce séchage s’opère soit au moyen de la machine pneumatique, soit en faisant traverser la poudre par un courant d’air sec, froid ou chaud, selon le système adopté.
Cela fait, on divise l’échantillon en trois parties parfaitement égales entre elles et on réserve la première pour la détermination du dosage du salpêtre, la deuxième pour celle du soufre et enfin la troisième pour celle du charbon.
Dosage du salpêtre. — Le dosage du salpêtre se fait généralement au moyen de lavages à l’eau bouillante qui dissout le salpêtre contenu dans l’échantillon, en laissant intacts le soufre et le charbon. L’opération se fait par des lavages suc- %
cessifs dans un filtre très fin qui ne laisse passer absolument aucune des parcelles de charbon, parcelles qui, dans chaque poudre bien travaillée, sont très ténues et imperceptibles.
On recueille les eaux filtrées dans un récipient convenable et on continue les lavages jusqu’à ce que l’eau, en passant sur la matière elen traversant le filtre, n’acquière plus aucune saveur, ce qui démontre que le salpêtre a été entièrement extrait. On fait alors évaporer le liquide ainsi obtenu en procédant avec précaution et le salpêtre, qui naturellement reste au fond du récipient, est soumis au séchage à la chaleur de 280°, après quoi on le pèse et on détermine la proportion afin d’établir son dosage.
Dosage du soufre. — On peut doser le soufre en traitant directement la poudre par le sulfure de carbone qui dissout le soufre et laisse intacts le salpêtre et le charbon ; on peut encore, doser le soufre en le transformant en acide sulfurique et en dosant, ensuite, le sulfate obtenu.
Un des meilleurs procédés est dû à Gay-Lussac : il consiste à mélanger 5 grammes de poudre avec une quantité égale de carbonate de potassium pur. Après avoir trituré finement ce mélange, on y ajoute 5 grammes de salpêtre et 20 grammes de chlorure de sodium pur, également trituré. Ayant rendu le mélange très intime, on le soumet, dans une capsule de platine, à la chaleur des charbons ardents, jusqu’au moment où, la combustion du soufre s’étant faite, la masse soit devenue blanche. Ayant retiré cette masse du feu et l’ayant laissée refroidir, onia dissout dans l’eau en saturant la solution avec de l’acide chlorhydrique et en précipitant l’acide sulfurique avec une solution titrée de chlorure de barium, jusqu’au moment où la solution contenant l’acide sulfurique ne produit plus aucun précipité. Le liquide étant alors filtré, il ne reste plus sur le filtre que le sulfate de barium que l’on pèse après l’avoir desséché pour en déduire la quantité de soufre contenue dans l’échantillon analysé. En effet, on sait que 152,440 parties de chlorure de barium cristallisé correspondent à 20,116 parties de soufre ;si on indique pas BaCls 2 acq. le poids du chlorure de barium employé et par S le poids recherché du soufre, on aura la proportion :
152,440:20,116:: Bad s 2 acq. : S.
Dosage du charbon. — Pour doser le charbon, l’on met l’échantillon bien sec dans un ballon en verre et on y ajoute une solution de potasse à l’alcool ne marquant pas plus de 5° à l’aréomètre Baumé. On fait bouillir pendant quelque temps le liquide en plaçant le ballon dans un bain-marie et on verse ensuite le tout sur un filtre. Le liquide recueilli est d’un beau aune doré. En même temps, on fait bouillir une deuxièmeet, au besoin, une troisième solution que l’on verse successivement, comme la première, sur le résidu demeurant dans le filtre. Puis, on fait passer sur le filtre de l’eau distillée jusqu’à ce que cette dernière, en sortant du filtre, soit absolument pure. Ces opérations terminées, on lave tout le filtre avec soin et on le laisse bien s’égoutter ; ensuite on l’enlève de son support, on le replie et on le place sur une feuille de papier buvard où il reste jusqu’à ce que son contenu devienne parfaitement sec. On expose enfin le filtre à la chaleur d’un feu doux et on le tourne de temps à autre afin que le séchage soit complet dans toutes ses parties. On le pèse quand il est encore chaud, on en déduit le poids du filtre préalablement taré et l’on a ainsi le poids net du charbon.
§ 4. — Effets balistiques.
Les effets balistiques de la poudre sont ceux que jiroduil l’explosion dans les armes et qui déterminent tantôt la portée des projectiles, tantôt les pressions sur les parois internes du canon ou de la chambre de l’arme.
Pour mesurer ces effets, on a adopté des instruments spéciaux qui se divisent en deux catégories principales, selon qu’il s’agit de déterminer la portée des projectiles ou la pression des gaz.
Les appareils de la première espèce se subdivisent en éprouvettes et en appareils électro-balistiques.
Le nombre des appareils jusqu’ici imaginés est considérable ; on rencontre parmi eux une abondante variété de dispositifs ; les uns à ressort, d’autres à poids, à engrenage, à mortier, etc. Mais, de tous ces appareils, le plus exact et le plus efficace est toujours l’arme dans laquelle on doit faire usage de la poudre. Ainsi, par exemple, le meilleur appareil pour les poudres à fusil de guerre et pour les poudres de chasse est le fusil—pendule avec le pendule balistique corres-
PROPRIETES DE LA POUDRE NOIRE. SES EFFETS BALISTIQUES 185 pondant ; pour les poudres à canon,c’est le canon —pendule.
Le fusil — pendule consiste en un canon de fusil suspendu horizontalement, de manière à pouvoir osciller librement, et pourvu d’un appareil actionnant une aiguille, laquelle marque, sur un arc gradué, la valeur du recul de ce canon au moment de l’essai. En face, à une certaine distance de la bouche du fusil et dans le prolongement de l’axe de ce dernier, se trouve le centre du pendule balistique, lequel n’est autre chose qu’un cône creux en bronze rempli d’une masse de plomb fondu. Le pendule, lui aussi,est suspendu et oscillant, et l’amplitude de ses oscillations se mesure également au moyen d’une aiguille parcourant un arc gradué.
On charge l’arme conformément à des règles déterminées d’avance, afin d’obtenir l’uniformité dans chaque épreuve, et on met le feu à la poudre : la balle sort vivement du tube et va frapper la masse de plomb du pendule en faisant osciller ce dernier, en môme temps qu’elle imprime au fusil un fort mouvement de recul. On relève alors, sur les arcs gradués, les valeurs des oscillations et de ces dernières on déduit, au moyen des formules ci-après, la vitesse initiale de la balle.
L.ecanon — pendule est maintenu dans la position horizontale par une solide armature en fer qui repose, en équilibre, sur deux couteaux en acier très dur. En regard du canon se trouve disposé le pendule balistique, identique à celui déjà mentionné. Le recul du canon, au moment de l’épreuve, se mesure sur un arc gradué duquel on déduit, simultanément avec la graduation du pendule, la vitesse du boulet.
Pour calculer la vitesse initiale, en appelant :
V la vitesse recherchée ;
B le poids du projectile ;
1 la distance entre le point frappé par le projectile et l’arc de rotation ;
G la distance entre le centre de gravité du pendule et l’arc de rotation ;
P le poids du pendule balistique ;

186 les explosifs i :
K la longueur du pendule synchrone, c’est-à-dire la dis- li lance entre le centre d’oscillation et l’arc de rotation ; L
G l’accélération due au poids ; lU
G la corde de l’angle de recul du pendule ;
R le rayon de l’arc gradué, il
Hatton a établi la formule suivante :
’ 1′
V _ r V (PGK x BF) (PG x BI) g 1
— BIR ‘ 1
Tenant compte, en outre, de l’angle de recul du pendule qu’il appelle A, Désortiaux est arrivé à la formule :
i
9 / • A
v =gi V g (PKG + BP) (PG + Bl) 1
ou encore :
v = I^ l/g (PKG + BP) (PG + BI)^.
Comme on l’a déjà dit plus haut, les essais des poudres I dans les armes auxquelles elles sont destinées sont les seuls I qui puissent efficacement démontrer la puissance balistique d’une poudre donnée, car celle-ci, en brûlant dans le lube de I longueur normale, peut développer ses propriétés et faire I
prendre graduellement au projectile toute la vitesse dont elle I est capable. I
Au contraire, dans les appareils à âme courte, comme, par I exemple, dans le mortier jadis adopté par les poudreries mill- I taires et dans tous les appareils qu’emploient généralement I les chasseurs, aussi bien ceux à ressort que ceux à arc ou à 1 pistolet et que ceux à poids, à levier, etc., les épreuves sont I toujours défectueuses; elles sont caractérisées non seulement I par leur insuffisance, mais bien souvent même par leur |
I inexactilude, car plus une poudre présente une faible denI site et une rapide inflammabilité, meilleurs sont les résul- I tats quelle donne dans ces appareils par rapport aux pou- I dres plus denses et mieux travaillées, lesquelles présentent I pourtant, dans les armes, une puissance balistique et une I efficacité de tir plus grande.
I Un appareil précieux pour l’essai des poudres de chasse, I bien que fort inférieur au fusil — pendule, est l’appareil hydro- I statique de Régnier, constitué par une sorte d’aréomètre gra- I dué, en bronze, flottant dans une quantité suffisante d’eau I pure à la température constante de 15°.
L’extrémité supérieure du tube gradué du flotteur porte un f mortier dans lequel on place 2 grammes de poudre et la mèche U d’allumage. La surface de l’eau est couverte d’une fine et | légère couche de sciure de bois, et le flotteur émerge perpen- I diculairement à partir du zéro de sa graduation. On met le feu I à la mèche, la poudre explose et le flotteur plonge rapidement I dans l’eau pour revenir aussitôt à la surface. La sciure, demeu- I rée adhérente à la surface extérieure de son tube gradué, mon- I tre le point d’immersion ; le degré correspondant indique la I puissance de la poudre.
I Les appareils électro-balistiques appliqués aux épreuves sur I la portée des projectiles ont pour objet la détermination de la I durée du temps employé par le projectile pour frapper un I point donné. Cette détermination se fait directement ou onia I déduit de phénomènes connus, observés simultanément.
I Dès 18i0, Wheatstone inventa un chronoscope électro-magné- I tique qui n’est jamais entré dans la pratique.
I Plus tard, sans obtenir un meilleur succès en ce qui conI cerne l’application aux expériences balistiques, Pouillet consI truisit un galvanomètre destiné à évaluer la vitesse initiale I du projectile, grâce au déplacement de l’aiguille aimantée I soumise à l’action d’un courant électrique de puissance I connue.
I Un caractère d’utilité pratique plus grande s’attache, parce
qu’il est maniable et précis, au chronographe électro-balistique imaginé par Le Boulangé en 1867 pour mesurer la vitesse des projectiles ; cet appareil a été complété plus tard par Le Boulangé lui-même au moyen de son clepsydre électrique destiné à déterminer la durée du phénomène, quand ce dernier doit se prolonger pendant quelque temps.
Enfin le chronographe Schultze, perfectionné par les enregistreurs électriques de Deprez, permet de mesurer exactement la vitesse du projectile dans l’intérieur même du canon et à chaque instant pendant qu’il décrit sa trajectoire.
La pression des gaz développée sur les parois internes de l’arme, au moment de l’explosion, varie énormément selon la nature de la poudre et les conditions spéciales de l’explosion. On peut la mesurer soit directement, soit par des calculs théoriques basés sur les notions connues de densité, de pressions spécifiques, de produits caractéristiques, etc.
La mesure directe est donnée par des appareils spéciaux qui se classent suivant deux méthodes distinctes, savoir : la méthode statique qui consiste à opposer à la force à calculer une force connue devant s’équilibrer avec la première ; la méthode dynamique fondée sur l’étude du mouvement communiqué à un corps pesant, mouvement qui lui est donné par la force qu’il s’agit d’évaluer.
Le premier qui ait appliqué la méthode statique est Bumford qui construisit à cet effet, en 1792, un appareil spécial avec lequel il rechercha, en se livrant à des tentatives réitérées, le poids capable d’équilibrer la pression des gaz de la poudre. Les essais dans ce sens et les appareils correspondants se perfectionnèrent peu à peu, jusqu’au moment où apparut enfin la balance manométrique de Deprez qui joint la perfection à une très grande sensibilité.
La méthode dynamique eut un ardent partisan, le général Cavalli, qui poursuivit, de 1845 à 1860, de très nombreuses expériences, d’abord, pour déterminer la pression développée par l’explosion de la poudre aux différents points de l’âme «lu
canon, ensuite pour comparer la résistance relative des canons lisses et des canons rayés.
Les appareils les plus parfaits pour les recherches de l’espèce sont dus à Deprez et à Sébert qui, au moyen de Yaccé- léromètre et de Vaccélérographe, donnèrent le moyen d’étudier la loi du mouvement d’un corps pesant produit par l’action des gaz explosifs. La possibilité d’adopter ces derniers appareils aux bouches à feu elles-même2 favorise grandement la rapidité de l’épreuve et son application pratique.
Enfin, le vélocimèlre de Sébert est d’une sensibilité telle qu’il permet même d’étudier la loi du mouvement d’un corps quelconque qui reçoit une secousse rapide et violente.
La description détaillée de tous ces appareils ne saurait trouver place dans les modestes limites d’un manuel : aussi le lecteur patient qui voudrait faire une étude approfondie des poudres devra recourir aux savants ouvrages de Cavalli, Sébert, Sarrau, Berthelot, Piobert, Ileeren, Abel, Nobel, etc., ainsi qu’au Traité sur les poudres d’Upmann et de Mayer, revu et augmenté par Désortiaux, qui est le travail le plus exact, le plus étendu et le plus complet où l’on trouve aujourd’hui réunies, dans un ensemble parfait, la théorie et la pratique de la fabrication des produits explosifs.
5) — Examen physique.
Piésumant ce qui précède sur les propriétés de la poudre noire, on peut dire que cette poudre, soumise à* un examen rapide et superficiel, doit, pour être bonne, présenter les caractères suivants :
1° Son aspect doit être d’une couleur parfaitement uniforme et d’un beau noir ardoise brillant. Si le noir est intense ou qu’il tende au bleu, cela indique qu’il y a un excès de charbon dans la composition de la poudre ou que celle-ci est humide
2° La poudre en grains fins doit conserver sa couleur uniforme.
Si elle présente à l’œil des points brillants et blanchâtres, cela indique que la poudre a subi l’action de l’humidité et qu’elle a été altérée au point de donner des efflorescences de salpêtre ;
3° Les petits grains devront résister à une certaine pression et, s’ils sont comprimés énergiquement sur la paume de la main, ils doivent se briser en faisant entendre un léger crépitement. Si le grain se rompt trop facilement, il faut en conclure qu’il est humide ou qu’il n’a pas été bien travaillé; si on le presse après la mise en galette et que l’on sente sur la paume de la main des aspérités aiguës, cela tend à démontrer que le soufre entrant dans sa composition n’a pas été suffisamment pulvérisé;
4° Si l’on fait glisser légèrement de la poudre noire sur une feuille de papier blanc, ce papier ne doit pas se salir ; quand dn l’allume sur la feuille elle-même, la poudre, si elle est bonne,développera une grande flamme explosive, mais la feuille demeurera intacte comme on l’a déjà expliqué.
Une autre épreuve identique à cette dernière, mais plus sensible, a été imaginée par Chabrier , qui procédait de la manière suivante :
Ayant préparé une feuille de papier ordinaire tintée à l’aquarelle avec de l’amidon ioduré, il la collait sur une lame de verre. Cela fait, il étendait sur cette feuille un demi-gramme de poudre,en disposant cette dernière en cercle et de manière que les grains fussent adhérents, mais sans se superposer. Quand on mettait le feu à la poudre cette dernière explosait en décomposant une partie de l’amidon ioduré dont était teintée cette feuille, par suite il restait sur le papier des traces présentant des gradations différentes de teintes, selon que la poudre était plus ou moins travaillée. Ainsi, parexemple, la présence de points d’un noir roussâtre, fins et compacts, démontrerait que la trituration des matières premières et le mélange étaient parfaits ; de larges taches d’un noir de fumée, dispersées çà et là, indiqueraient, au contraire, une trituration imparfaite et, par suite, une qualité de poudre défectueuse.
LIVRE ni
EXPLOSIFS MODERNES
PREMIÈRE PARTIE
Poudres dérivées de la poudre noire
CHAPITRE PREMIER
Poudres diverses.
Les besoins croissants de l’industrie minière, la concurrence qui imposait de réduire le plus possible le prix des poudres de mine, le désir d’augmenter la puissance de ces dernières et enfin la recherche de la nouveauté furent les motifs qui amenèrent les fabricants et les savants, tantôt à modifier les dosages des poudres ordinaires, tantôt à remplacer l’un ou l’autre de leurs composants par d’autres substances analogues destinées à remplir le même rôle, soit en donnant plus de force, soit en coûtant moins cher, soit encore en comportant simultanément ces deux avantages.
Les poudres ainsi modifiées sont très nombreuses et quelques-unes d’entre elles donnèrent même des résultats satisfaisants ; mais, en fin de compte, toutes les nouvelles décou-
13
celui de potassium. Bien que le nitrate de sodium absorbe l’humidité de l’air avec une très grande avidité et qu’il rende, par suite, déliquescentes les poudres dans la composition desquelles on le lait entrer, il constitue pourtant un comburant efficace dans les poudres de mine, quand ces dernières ont été conservées dans des locaux secs avant leur emploi. Le nitrate de sodium présente l’avantage d’être peu coûteux : il rend donc possible la production d’un explosif pour mines très économique.
La poudke de mine Freiberg a été le premier type des poudres noires au nitrate de sodium. Elle est formée de :
Nitrate de sodium . . • . 64 parties
Soufre 18, 25 —
Charbon 17, 75 —
Total 100 parties
Ensuite il faut noter, parmi les produits de même espèce les plus remarquables :
La poudre de Vetzlar, à base de nitrate de sodium, dans laquelle le charbon est remplacé par les résidus desséchés de la tannerie des peaux ;
La poudre Davay l, qui a fait l’objet d’un brevet pris en 1858 et qui est composée de :
Nitrate de sodium (ou de
potassium) 65
Soufre 15
Charbon 12
Son, amidon ou farine. . . 8
Le Pyronome de Tret, breveté en 1859 est composé de :

  1. Voir page 205.
    Nitrate de sodium . . Soufre ,
    Résidus de tannerie .
    La poudre Orland, qui a fait son apparition en 1860. Pour la fabriquer, on purifie le nitrate de sodium en utilisant de la soude afin de précipiter les sels de chaux et de magnésie.
    Elle est ainsi composée :
    Nitrate de sodium …. 70 parties
    Soufre 12, 50 —
    Charbon 17, 50 —
    La poudre Roberts et Dale, dans laquelle on a cherché à atténuer l’avidité du nitrate de sodium pour l’eau en y ajoutant du sulfate de magnésium anhydre ;
    La poudre Lisler, composée de nitrate de sodium, de soufre et de sucre ;
    La poudre Gunn,poudre de mine américaine composée de :
    Nitrate de sodium …. 63 parties
    Goudron riche en produits volatils 22 —
    Soufre 15 —
    La poudre Violette, formée de :
    Nitrate de sodium.
    Acétate de sodium.
    Cette dernière est une poudre excessivement hygrométrique. On y ajoute parfois du soufre à raisin de 1/10 pour rendre le mélange plus déflagrant.
    D’autres essais de transformation des poudres ont été faits en substituant ou en ajoutant de nouvelles substances. C’est ainsi, par exemple, qu’on a fait breveter en Angleterre, en
    1856, la poudre Murtineddu, constituée par un mélange de :
    Nitrate de potassium. . . . Soufre Sciure de bois Crottin de cheval Chlorure de sodium . . . . Mélasse
    On employait le crottin de cheval, dans cette poudre, pour mettre à prolit les produits ammoniacaux qu’il contient ; la mélasse servait à donner au mélange la consistance utile.
    La poudre Marlineddu ne tarda pas à être abandonnée et on laissa en paix le crottin de cheval. Mais, vers 1896, MM.Eü- lœph et Lakovic, de Budapest, appelèrent de nouveau le crottin de cheval à l’honneur de servir de composant dans un explosif qu’ils dénommèrent :
    Füloepit, lequel était composé de :
    La Fülœpil est un mélange grossier de couleur grisâtre, dans lequel on distingue sans peine les parties ligneuses du crottin qui y entre pour une grande part. Ce mélange est hygrométrique, il brûle à l’air libre en donnant une flamme vive, mais sans exploser, et il développe une fumée épaisse ; il laisse d’abondants résidus solides. Employée dans les mines, la Fülœpil a une action lente dont on peut tirer parti dans l’extraction des gros blocs de minerai.
    On obtient encore des poudres noires en faisant entrer, dans le même mélange, les deux nitrates de potassium et de sodium. Parmi les plus connus de ces derniers produits, il faut noter :
    La poudre de Scheffer et Budenberg qui, depuis 1863, se fabrique en mélangeant du nitrate de sodium et de potassium, du soufre, du charbon de bois, de la poussière de charbon de terre, des tartrates de sodium et de potassium ;
    La Pyrolithe,composée de nitrates de sodium et de potassium, de Heur de soufre, de sciure de bois, de poussière de charbon de terre et de carbonate ou de sulfate de sodium ;
    La poudre de Terré, brevetée en 1871 est composée de :
    Nitrate de potassium 51,50 parties
    Nitrate de sodium 16 —
    Soufre 20 —
    Sciure de bois 11 —
    Poussière de charbon de terre . 1,50 —
    La Pyronitrine, proposée en 1883, identique aux poudres précédentes et contenant, en outre, de la résine et du goudron ;
    Le Lithotrite, qui se fabrique en Belgique depuis 1885 en mélangeant :
    Nitrate de potassium. . Nitrate de sodium. . .
    Fleur de soufre. . . . Sciure grossière de bois. Charbon Carbonate d’ammoniaque Ferrocyanure de potassium
    La Bielefeld, qui contient des nitrates de potassium et de sodium, du soufre, du goudron et du bichromate de potassium :
    La poudre Hardy ; la poudre Hérackline ; la poudre Miller, enfin la :
    Pétroclastite, composée de :
    Nitrate de sodium 69 parties
    Nitrate de potassium …. 5 —
    Soufre 10 —
    Goudron de houille 15 —
    Bichromate de potassium. . . 1 —
    Ce dernier mélange est fortement comprimé entre deux plaques de métal réchauffées. Le goudron de houille, en se ramollissant à la chaleur, assure la cohésion du mélange et en diminue beaucoup l’hygrométricilé. La pétroclastite s’enflamme à 350°. La combustion est lente et sa puissance occupe un degré intermédiaire entre celle de la poudre ordinaire de mine et celle de la dynamite.
    Dans la composition des poudres noires, on a parfois substitué au nitrate de potassium ou on a joint à ce dernier, soit le nitrate de barium, soit le nitrate d’ammonium.
    Dès 1862, on a produit :
    La Saxifragine, composée de :
    Nitrate de barium 77 parties
    Charbon 21 —
    Nitrate de potassium 2 —
    En 1872, a apparu :
    La Poudrolite, formée de :
    Nitrate de potassium …. 68 parties
    Nitrate de sodium 3 —
    Nitrate de barium 3 —
    Soufre 12 —
    Charbon . . 6 —
    Sciure de bois 5 —
    Résidus des tanneries. … 3 —
    Dans la poudrolite, les nitratessont d’abord dissous dans l’eau chaude ; on y ajoute ensuite la sciure de bois et les résidus de tannerie ; puis on fait sécher la pâte ainsi composée, après quoi on procède au mélange avec les autres substances.
    Le nitrate d’ammonium ou d’ammoniaque a été pour la première fois, en 1867, employé dans la fabrication des explosifs ; on en a fait d’importantes applications, malgré son hygromé- tricité qui est de beaucoup supérieure à celle du nitrate de sodium.
    Aujourd’hui, on combine le nitrate d’ammonium avec les chlorates, avec la nitroglycérine et avec beaucoup d’autres substances pour fabriquer les explosifs les plus modernes et les plus puissants. 11 en sera donc parlé dans la partie du livre qui concerne ces explosifs. On se bornera ici à indiquer comment le nitrate d’ammonium a été utilisé même dans les poudres noires, parmi les plus connues,au nombre desquelles il faut citer la Poudre Amidon, brevetée en 1885 et composée de :
    Nitrate de potassium. . . . 48,50 parties
    Nitrate d’ammonium . . . 38,50 — Charbon 13 —
    Cette poudre pourrait s’employer non seulement dans les travaux de mine, mais encore dans les armes à feu. car elle produit peu de fumée et n’exerce qu’une faible pression sur les parois du canon, en même temps qu’elle possède des propriétés balistiques énergiques.
    Une autre application du nitrate d’ammonium se rencontre dans le mélange détonant dit :
    Nitrate de cuivre ammoniacal et composé de:
    Nitrate de cuivre ammoniacal. . 20 parties
    Nitrate d’ammonium …. 80 —
    lequel est utilisé comme explosif de mine.
    D’autres variétés encore de la poudre commune sont: La pouDKE Bennet, formée de :
    Nitrate de potassium 65 parties
    Soufre 10 —
    Charbon 18 —
    Chaux diluée 7 —
    dans laquelle la chaux sert à donner une plus grande dureté aux grains ; .
    UHaloxyline, dont la caractéristique est qu’il n’entre pas de soufre dans sa composition et qui est formée de nitrate de potassium, de charbon, de sciure de bois et de ferrocyanure de potassium ou prussiate rouge de potasse.
    Cette dernière poudre est beaucoup plus puissante que la poudre noire ordinaire de mine et on prétend que sa fabrication comporte moins de risques;
    La poudke Amidogène qui se fabrique en Suisse avec :
    Nitrate de potassium. … 73 parties
    Soufre 10 —
    Son 8 —
    Charbon 8 —
    Sulfate de magnésium. … 1 —
    La Courteille dans laquelle, au salpêtre, au soufre et au charbon, l’on ajoute de la tourbe et des sulfates métalliques.
    La Carboazotine, composée de salpêtre, de soufre, de noir de fumée et de sciure de bois, le tout finement pulvérisé, puis mélangé dans une solution chaude de sulfate de fer. Cela fait on sèche et on grêne suivant les systèmes usuels.
    Les indications précédentes n’épuisent pas la nomenclature des poudres dérivées de la poudre noire; mais les autres produits que l’on pourrait citer se ressemblent beaucoup entre eux et ils témoignent seulement des fantaisies diverses des inventeurs, sans constituer un véritable et efficace progrès. 11 seraitdonc superflu d’en poursuivre l’énumération. Ilconvientseulement de faire remarquer, en terminant, que l’on a même tenté de donner une plus grande puissance aux poudres noires de mine en les imbibant de nitroglycérine. C’est ainsi qu’on a obtenu, par exemple, la Janite, qui a été employée dans les travaux d’excavation de l’isthme de Corinthe la poudre Allison et d’autres.
    Les lois anglaises, qui sont très sévères en matière d’explosifs, déterminent en termes précis et au moyen d’une nomenclature spéciale, les poudres et explosifs dont l’emploi est autorisé dans les mines de houille,d’anthracite, etc., c’est- à-dire là où se développe facilement le grisou. Ces dispositions légales ont pour objet, on le comprend facilement, d’éviter autant que possible les terribles désastres qui,comme celui tout récemment survenu à Courrières (France), font tant de victimes humaines. Parmi les diverses poudres admises dans la nomenclature anglaise, nous citerons :
    La poudre éléphant, composée de soufre, de salpêtre et de charbon. Cette poudre, quand on l’introduit dans les trous de mine, doit être additionnée de 50 0/0 de son poids d’oxalate neutre d’ammoniaque ; toutefois on sépare ce corps de la charge de poudre au moyen d’un léger diaphragme de toile, de papier, etc. qui empêche le mélange. A l’oxalate d’ammoniaque on peut encore substituer du bicarbonate de sodium qui exercerait également une action réfrigérante sur les produits de l’explosion ;
    La poudre ALPuosiTE, formée de nitrate d’ammoniaque, de nitrate de potassium, de charbon, de sciure de bois, de soufre et d’eau.
    L’emploi des poudres de mine est réglementé par de nombreuses prescriptions diverses concernant la grosseur du grain, la température de combustion de l’explosif, la formation des cartouches, le bourrage, etc., prescriptions tendant toutes à la sécurité des ouvriers et de la mine.
  2. Daniel. Dictionnaire des matières explosives.
    CHAPITRE II
    Poudres au chlorate de potassium.
    Le chlorate de potassium (KC10J) est un corps solide, cristallin, de couleur blanche, salé au goût, insoluble dans l’alcool et peu soluble dans l’eau froide, mais dont la solubilité augmente avec la température. Il fond à 331°; il se décompose à 352°, en oxygène, chlorure et perchlorate de potassium; quand on augmente graduellement cette température au delà de 352°, Ie perchlorate lui-même se décompose, à son tour, en chlorure de potassium et en oxygène.
    Exposé à une brusque élévation de température, le chlorate de potassium acquiert une sensibilité excessive, au point d’exploser sous l’action d’un petit choc ou même d’un léger frottement.
    Bien que contenant moins d’oxygène que le nitrate correspondant, le chlorate de potassium se décompose plus facilement et complètement : aussi le chimiste Berthollet, en 1785, eut-il l’idée de le substituer au nitrate dans la composition de la poudre noire, pensant donner ainsi à cette dernière une plus grande vitesse de combustion, avec un développement extraordinaire de chaleur et de fortes pressions initiales.
    La poudre Berthollet était composée de:
    Chlorate de potassium. . . 75 parties
    Soufre 12,50 —
    Charbon 15 —
    Mais l’excessive sensibilité du chlorate, même mélangé
    avec des substances combustibles, ne tarda pas à provoquer une formidable explosion qui lit des victimes et détruisit l’établissement où on fabriquait la poudre Berlhollet.
    De nouveaux essais eurent lieu en vue de l’emploi du mélange de chlorate dans les bouches à feu de l’artillerie, mais ils furent bien vite abandonnés en raison de l’action corrosive que ce mélange exerçait sur les parois internes de l’arme et aussi en raison de l’extrême facilité avec laquelle le même mélange explosait spontanément.
    En 1849, Augendre combina le chlorate de potassium avec du prussiate jaune de potasse et avec du sucre. Il obtint ainsi un puissant, mais dangereux explosif pour mine qu’il dénomma POUDRE BLANCHE.
    En 1850, on eut la poudre Melville, mélange de chlorate de potassium avec du sulfure d’arsenic et avec du sulfate de potassium ; mais les exhalations arsenicales développées par ce mélange le rendirent impraticable.
    Les essais d’emploi du chlorate de potassium ne cessèrent point pour cela. C’est ainsi que l’on vit apparaître :
    En 1852 la poudre Davay ‘, dans laquelle le chlorate était mélangé au nitrate et au prussiate jaune de potasse, avec addition de bichromate de potassium et de sulfure d’antimoine ;
    En 1862 la poudre Kellow et Short, composée de chlorate et de nitrate de potassium, de nitrate de sodium, de soufre et de sciure de bois ; ainsi que
    Les poudres Riker dans lesquelles, aux substances composant la poudre Kellow était ajouté soit du bicarbonate de sodium, soit des algues marines, soit même de la poussière de charbon.
    On pourrait ici mentionner de nombreux autres composés à base de chlorate de potassium ; mais toutes ces poudres, comme on l’a déjà dit, ne rencontrèrent toutes qu’une faveur
  3. Voir page 196.
    précaire, bientôt disparue en raison de leur instabilité excessive. Leur énumération ne présenterait donc qu’un intérêt restreint ; aussi se bornera-t-on à rappeler, de cette époque, un explosif original échappant à la caractéristique commune des poudres granulées, la
    Poudre-papier Milland, brevetée en 1865 et fabriquée en faisant dissoudre les matières suivantes :
    Carbonate de potassium …. 9 parties
    Nitrate de potassium …. 4,50 »
    Prussiate jaune de potasse . . . 3,25 »
    Charbon 3,25 »
    zVmidon 0,05 »
    Chromate de potassium …. 0,10 »
    dans une quantité d’
    79,85
    Total
    On porte la solution à l’ébullition, l’on y plonge du papier buvard qui, peu à peu, s’enroule en forme de cartouche.
    On dessèche ensuite ces cartouches à 100° et enfin on les enduit d’une solution de :

Acide nitrique
laquelle enveloppe la cartouche d’une espèce de vernis et la met à l’abri de l’humidité.
Un autre type de
Poudre-papier, qui lit l’objet d’un brevet en 1871, se compose de:
Nitrate de potassium 54 parties
Chlorate de potassium 33 »
Poussière de charbon 6,50 >
Sciure très line de bois dur . . . 6,50 »
Ces substances sont malaxées, dans une huche, avec une quantité suffisante d’eau dans laquelle on a fait dissoudre de la gomme arabique ou de la dextrine, de manière qu’on puisse en faire des sortes de feuilles servant à faire des cartouches.
A la même catégorie, bien que les substances composantes soient différentes, appartiennent les explosifs connus sous les noms de: Pyropapier, Dynamogène, Spiralite, Gelbite, Papier explosif Peley, etc.
Malgré les nombreuses désillusions éprouvées, malgré les surprises trop souvent désastreuses résultant de l’emploi du chlorate de potassium dans ses applications aux explosifs, malgré que l’on ait paru renoncer à ce genre de composés tant pour les armes à feu que pour les opérations de mine — leur fabrication est aujourd’hui limitée aux amorces — le chlorate de potassium n’a pas laissé d’exercer une fascination tentatrice sur les esprits des savants, et cela en raison des énergies latentes incontestables que renferme ce corps.
On proposa donc de nouveaux mélanges pouvant offrir des garanties plus grandes de sécurité et, en 1881, le chimiste américain Divine imagina, pour les mines ; le
Rackarock, composé de :
Chlorate de potassium 79 parties
Nitrobenzol concentré à -20oB, avec addition ou non d’acide picrique ou d’autres substances nitrées .21 —
Dans le système Divine,les deux corps composants ne sont mélangés qu’au moment de leur emploi. Le chlorate de potassium est préalablement pulvérisé et conservé à part dans des sacs en toile. Quant au nitrobenzol, que l’on tire du naphte du commerce, on y ajoute du nitrotoluol, de l’acide picrique et quelquefois aussi du bisulfure de carbone. Le liquide ainsi obtenu se transporte dans des récipients convenables. Au moment de l’emploi, le sachet contenant le chlorate est immergé dans le récipient du composant liquide : au bout de quelques secondes l’absorption s’opère et l’explosif est prêt pour la charge. On élimine ainsi les dangers que comportent la conservation et le transport.
A la composition primitive du Rackarock on a apporté ensuite des variantes pour en modifier les effets explosifs : on y ajoute, par exemple, de la fleur de soufre qui atténue sa puissance de déflagration.
Le procédé Divine a rencontré des imitateurs : aussi on utilise aujourd’hui plusieurs explosifs au chlorate composés d’une matière pulvérulente et d’une substance liquide qui n’explosent point tant qu’ils demeurent séparés. Parmi les plus connus et les plus récents de ces explosifs, il convient de citer :
Le Prométhée, inventé par Jevler, à Saint-Pétersbourg, en 1890 et formé de :
Chlorate de potassium,
Bioxyde de manganèse,
Oxyde de fer,
(composé solide)
Mononitrobenzine,
Huile essentielle de térébenthine,
Huile de naphte,
(composé liquide).
Le Donnar, proposé par un inventeur également russe, M. Fielder, qui a fait breveter en 1901 le mélange de :
Chlorate de potassium . .
Permanganate de potassium (composé solide),
Mononilrobenzine. …… 80 parties
Térébenthine 20 —
(composé liquide).
Au moment de l’emploi, on mélange 80 parties du composé solide avec 20 du composé liquide et on en forme une pâte avec laquelle on confectionne les cartouches à introduire dans les trous de mine.
De nouvelles applications du chlorate de potassium aux explosifs ont été imaginées parStrul qui a réussi à augmenter la stabilité du mélange chloraté en le faisant absorber par un élément combustible dissous dans l’huile.
Fondée sur ce principe, a apparu en 1897 la Cheddite qui, à l’origine, était composée de :
Chlorate de potassium 80 parties
Mononitronaphthaline 12 —
Huile de ricin 8 —
Ce mélange, connu sous le nom de Type 41, a été complété par l’addition d’acide picrique et on a eu la Cheddite type 60, composée de :
Chlorate de potassium 80 parties
Mononitronaphthaline 12 —
Huile de ricin 6 —
Acide picrique 2 —
Des modifications ultérieures ont substitué à l’acide picrique le dinitrotoluène pour donner une plus grande stabilité à l’explosif, et l’on a adopté le Type 60 bis, composé de :
80 parties
13 —
5 —
2 —
Le procédé de fabrication est fort simple. Dans un bassin contenant la quantité convenable de mononitronaphtaline on l’ail arriver un courant de vapeur d’eau à 80° et, presque en même temps, on y verse l’huile de ricin. Quand la mononitronaphtaline est bien dissoute dans l’huile, on ajoute le dini- trololuène et, une fois la solution faite, on verse peu à peu dans le liquide le chlorate de potassium, préalablement et finement pulvérisé, en brassant continuellement la masseau moyen d’un dispositif mécanique convenable. On obtient ainsi une pâte que l’on comprime ensuite et avec laquelle on forme des cartouches.
On produit encore de la cheddite granulée en ajoutant à la pâte de la paraffine et en manipulant le tout dans des tonnes identiques à celles adoptées pour le grenage des poudres noires.
La puissance de la cheddite est le double de celle de la poudre ordinaire de mine; elle s’accroît à mesure qu’augmente la résistance à vaincre. Dans un milieu clos, sa détonation se transmet à i centimètres de distance et elle ne se produit pas à 6 centimètres.
Un nouvel explosif du genre de la cheddite a été récemment adopté dans les travaux du Simplon; il est fabriqué par la Société suisse pour explosifs de Gamsen. Ce dernier explosif, dit
Pjerrite, a une composition identique à celle de la cheddite type 60.
Le temps et l’expérience diront si l’huile de ricin, si utile pour la santé humaine et parfois même pour celle des animaux domestiques, a fait le miracle de dompter ce corps indiscipliné et violent que nous connaissons sous le nom de chlorate de potassium. Présentement, les explosifs Street sont assez recherchés pour l’exploitation des mines.
On a réalisé un progrès appréciable dans les mélanges chloratés en substituant, au chlorate de potassium, d’abord le perchlorate de potassium, puis celui d’ammonium. Ce pro-grès est dû à la découverte du procédé permettant d’obtenir directement les perchlorates par électrolyse, procédé qui en a diminué grandement le prix de revient et a permis leur utilisation industrielle.
Le perchlorate de potassium, comme l’indique la formule KCL0‘, contient un atome d’oxygène en plus que le chlorate; il est moins susceptible que le chlorate de s’allumer spontanément, car l’acide perchlorique est plus stable que l’acide chlorique. Le perchlorate exerce sur les combustibles auxquels il est mélangé une action oxydante plus lente et plus régulière que celle du chlorate, en développant par suite une combustion moins rapide et moins violente.
Un type d’explosif au perchlorate de potassium est la poudre Nisser, brevetée dès 1865 et composée de :
Perchlorate de potassium. . . Nitrate de potassium . . . . Bichromate de potassium . . Prussiate jaune de potasse . . Charbon Soufre Matières végétales
Une plus grande importance s’attache à l’adoption du perchlorate d’ammonium, due au chimiste italien M. Ugo Alvisi qui a lait breveter divers explosifs de cette nature.
Le perchlorate d’ammonium (AzH‘ CIO4) qui, comme le perchlorate de potassium, est un corps peu soluble dans l’alI cool, soluble dans l’eau froide et très soluble dans l’eau chaude, se prépare, d’après la méthode de M. Alvisi, en transformant le chlorate de sodium, sous l’action de la chaleur, en perchlorate. Ce dernier est traité au moyen de l’azotate d’ammonium jusqu’à ce que du perchlorate d’ammonium se précipite sous forme de cristaux.
£ Une des premières applications faites par M. Alvisi est l’explosif appelé Manlianite, formé de :
Perchlorate d’ammonium. . . 72, parties
Charbon 11,75 —
Soufre 13,25 —
Les proportions du mélange ont été ensuite modifiées, bien que le composé soit demeuré en somme à peu près identique.
En 1900, le même inventeur a fait breveter la poudre Cannel, formée de :
Perchlorate d’ammonium. … 80 parties
Charbon d’Ecosse dit Cannel . . 20
On pulvérise séparément chacune de ces deux substances et on les mélange ensuite intimement ; on humecte légèrement la farine ainsi obtenue avec de l’eau dans laquelle on a eu soin de dissoudre de la gomme arabique ou de la dextrine, on comprime sous la presse hydraulique et on grène comme pour la poudre noire.
Enfin, en 1902, M. Alvisi a proposé la
Crémonite, composée de :

D’autres composés explosifs de M. Alvisi sont connus sous le nom de
Kratites, qui sont des mélanges dans lesquels entre du perchlorate d’ammonium soit avec de la nitroglycérine, soit avec de la nitrocellulose, soit avec ces deux dernières substances à la fois.
Dans la nombreuse série des explosifs chloratés on rencontre soit le chlorate, soit le perchlorate de potassium mélangé avec les matières les plus diverses. On trouve, par exemple, les poudres :
Harvey, contenant de la noix de galle;
IIimby, contenant du goudron ;
Nitrocaillebotte, contenant du lait coagulé ;
Bolton, contenant de la mélasse ;
Ward, contenant du phosphore ;
Comète, contenant de la résine de pin ;
Graham, contenant du sucre et du minium;
Knaffl, contenant de l’ulmate d’ammonium ;
Goetz, contenant du glucose ;
et ainsi de suite.
Enfin un inventeur anglais, M. Hawkins, a imaginé un composé liquide explosif dans lequel entrent du nitrate de sodium, du chlorate de potassium, du bichromate de potassium et du sirop de sucre avec une forte addition d’eau, pour employer l’énergie produite par la déflagration de ce composé comme force motrice dans un appareil identique aux moteurs ordinaires à gaz ou autres moteurs à explosions.
Par l’adoption des cheddites, du Prométhée, des poudres Alvisi et autres similaires, les explosifs au chlorate de potassium ont fait leur entrée triomphale dans le domaine des applications pratiques et normales. A l’avenir de prononcer définitivement sur leur stabilité !
Toutefois, il ne faut jamais perdre de vue que les poudres au chlorate de potassium sont particulièrement déflagrantes, car les produits de leur combustion sont tous des composés binaires, tels que le chlorure de potassium, l’oxyde de carbone, l’acide sulfurique : par suite, les phénomènes de leur dissociation surviennent à une température très élevée qui les active rapidement, grâce à la facilité de combinaison des deux nouveaux produits. Il arrive donc que les pressions développées
sont brusques et violentes, contrairement à ce qui se passe, par exemple, dans la combustion des poudres noires avec lesquelles les pressions se trouvent ralenties par la formation successive de produits complexes, tels que le sultate et le carbonate de potassium.
En outre, le chlorate de potassium, en brûlant, développe une grande quantité de chaleur qui, des premières molécules allumées se transmet aux molécules voisines en élevant la température de ces dernières. C’est là une propriété qui rend le chlorate très sensible aux chocs, sous l’action desquels il détone facilement.
Il faut donc que la pulvérisation du chlorate se fasse toujours séparément de celle des substances combustibles avec lesquelles il doit ensuite être mélangé. En outre,on doit effectuer l’opération du mélange sans chocs ni frottements et avec toutes les précautions possibles.
Une autre application importante des explosifs à base de chlorate de potassium est celle de leur emploi dans la fabrication des amorces, ainsi que dans la charge des torpilles et des projectiles creux. En mélangeant du chlorate de potassium avec du sucre ou avec du trisulfure d’antimoine, on prépare des explosifs automatiques qui agissent sous l’action de quelques gouttes d’acide sulfurique. Ce dernier décompose instantanément le chlorate à la température ordinaire cl libère tout son oxygène qui, se combinant aux substances combustibles,— sucre ou antimoine — détermine l’explosion immédiate.
Mais, d’autre part, c’est absolument en vain que l’on a tenté d’utiliser les composés chloratés dans les armes à feu, et cela, par suite de l’inconstance de leurs eifets balistiques, inconstance due à la facilité avec laquelle le chlorate de potassium se décompose en présence de la vapeur d’eau, sous l’action de laquelle se forme du chlorure de potassium inexplosif, tandis que l’oxygène reste libre.
DEUXIÈME PARTIE
Le fulmicoton.
CHAPITRE PREMIER
Celluloses et nitrocelluloses.
La découverte du fulmicoton, un peu antérieure, comme on l’a vu dans l’introduction, à celle de la nitroglycérine, a marqué un grand pas dans la voie de la production de nouveaux explosifs très puissants et qui sont l’objet de nombreuses applications. Cette découverte a été le début de la nitrification de substances végétales de toute espèce ; elle a été’ le germe d’un nouveau monde de composés explosifs auxquels la chimie organique offrait de vastes horizons ; elle a été le point de départ des inventions les plus audacieuses dont bon nombre ont trouvé des applications soit dans les mines, soit dans les armes à feu, soit enfin dans les projectiles explosifs et dans les mines sous-marines placées sur le passage des navires belligérants.
Les matières premières que nécessite la production du fulmicoton sont : ’
L’acide nitrique,
L’acide sulfurique,
La cellulose.
Acide nitrique. — L’acide nitrique (AzO3H) est un liquide éminemment corrosif, d’une odeur caractéristique, incolore quand il est absolument pur, mais ayant d’ordinaire une légère teinte jaunâtre due à la présence de peroxyde d’azote.
Exposé à l’air, il dégage des vapeurs denses d’un jaune roussâlre qui sont corrosives.
On l’obtient en décomposant le nitrate de sodium par l’acide sulfurique, dont la réaction se produit à chaud dans des cornues de distillation en fonte spéciale, cornues combinées avec un appareil de condensation des vapeurs nitreuses.
L’acide nitrique à utiliser dans la nitrification des celluloses ou d’autres substances devant entrer dans la composition des produits explosifs doit avoir une densité de 1,50 à 1,52 et, dans tous les cas, une densité qui ne doit jamais être inférieure à 1,18, c’est-à-dire qu’il doit être concentré à au moins 18° Baumé.
Il doit être absolument exempt de nitrates de sodium ou de zinc, et ne pas contenir plus de 2 à 3 0;0 de peroxyde d’azote.
Acide sulfurique. — L’acide sulfurique (SO’H1) doit avoir • une densité au moins égale à 1,81 que l’on vérifie au moyen d’un densimètre spécial, car le densimètre Baumé n’est seulement utilisable que pour des densités de 1,81 environ tout au plus.
L’acide sulfurique ne doit contenir que le minimum possible de fer, 1 0/0 d’arsenic au plus et pas la moindre trace de produits nitreux.
Cellulose. — La cellulose, dont la formule est représentée par zi (C^L’O5) et le poids spécifique par 1,25 à 1,50, est la substance qui constitue l’enveloppe des jeunes cellules végétales ; elle se rencontre en outre parfois entre les fibres ligneuses.
Dans la classe des celluloses on distingue les paracelluloses, les mélacelluloses, les vasculoses et les celluloses propre-
ment dites. Ces dernières sont presque pures dans la moelle du liège, dans le chanvre, dans le lin, dans le colon, dans les libres textiles en général : on les rencontre au contraire mélangées aux vasculoses et à beaucoup d’autres substances étrangères dans les libres ligneuses.
La cellulose parfaitement pure est une substance souple, légère, insipide, inodore, incolore ; elle ne se colore pas sous l’action de l’iode, mais elle prend une teinte bleuâtre quand on l’a préalablement traitée par l’acide sulfurique concentré.
La cellulose pure est insoluble dans l’eau, dans l’éther, dans l’alcool et dans les huiles grasses ou volatiles ; par contre, elle est soluble dans la liqueur cupro-ammoniacale de Schweitzer, tandis que les paracelluloses, les métacelluloses et les vasculoses ne le sont pas ; elle se distingue de ces dernières par sa solubilité dans la liqueur cupro-ammoniacale.
Nitrocelluloses. — La cellulose, sous ses diverses formes telles que coton, liège, fibres texiles, paille, etc., se combine avec l’acide nitrique dans des proportions diverses, soit parce que l’acide est plus ou moins concentré, soit par suite de la structure de ses fibres, soit même enfin par suite des proportions des acides employés ou selon le rapport entre la cellulose et les acides eux-mêmes, selon la durée du temps pendant laquelle le contact avec les acides est maintenu, selon la température développée pendant la réaction.
Ainsi, par exemple, le coton soumis à l’action de l’acide nitrique parfaitement concentré, avec ou sans addition d’acide sulfurique monohydralé, subit rapidement le degré maximum de nitrification nécessaire pour la production du fulmicoton, car le seul emploi d’acides faibles suffit pour donner les nitrocelluloses dites solubles. Avec les fibres ligneuses, au contraire, il faut toujours employer des acides bien concentrés, même dans la préparation des nitrocelluloses de la seconde espèce.
Selon Berthelot, Vieille et d’autres expérimentateurs, lacellulose peut se combiner avec 1 à 12 atomes d’azotile et former 12 composés différents de celluloses nitriques, dont les plus importants sont ceux mentionnés au tableau ci- après
AZOTE

Comme on le voit, les différences de composition des composés voisins de la série des nitrocelluloses sont à peu près insensibles et se confondent presque entre elles. 11 ne serait donc pas possible de produire chacun des douze dérivés divers d’une manière nette et précise, sans qu’il se confonde avec celui qui le suit ou le précède immédiatement.
Le degré maximum de nitrification indiqué par le tableau ci-dessus, c’est-à-dire la cellulose dodécanitrique qui devrait contenir 14,14 d’azote, peut être considérée comme purement théorique, car personne n’est encore parvenu à l’obtenir. Celui qui s’en est rapproché le plus est le professeur Hoitsema de Bréda s, lequel a obtenu 13,90 et même 14,00 en substituant l’anhydride phosphorique à l’acide sulfurique comme agent d’absorption de l’humidité.
On peut donc affirmer que la cellulose endécanitrique (13,47 d’azote) est le maximum de nitrification utile que l’on obtient dans la pratique avec le mélange sulfo-nitrique, ce qui correspond à la formule du fulmicoton indiquée par Berthelot :
• O’H^AzO’H^O18.
En employant successivement de l’acide nitrique toujours moins concentré, on obtient les celluloses :
Décanilriqùe qui est encore du fulmicoton, mais moins riche en azote que le premier;
Ennéanitrique et oclonilrique qui donne le coton-collodion ,
Heptanilrique qui conserve encore l’aspect du coton, mais qui devient gélatineuse, sans véritablement se dissoudre dans le mélange d’alcool et d’éther ou dans l’éther acétique;
Hexanilrique, pentanilrique• et lélranitrique qui sont de moins en moins solubles dans l’éther acétique et absolument insolubles dans le mélange d’alcool et d’éther.
Nombre d’auteurs, en raison de la difficulté d’obtenir dans la pratique chacune des douze variétés de nitrocelluloses, les ont réunies en trois groupes différents, formant ainsi trois catégories distinctes qui ont chacune leurs caractères propres, savoir :
La mononitrocellulose OH’fAzO’jO5, azote 6,76 0 0, azotile 22,22 0 0, laquelle n’est que du coton faiblement et partiellement nitrifié, insoluble dans l’éther acétique qui la gonfle seulement en la transformant en une masse gélatineuse.
Elle est en outre insoluble dans le mélange d’éther et d’alcool à l’action duquel elle demeure absolument insensible ;
La binitro-cellulose ou pyroxyline C^H’fAzOyO’, azote 11,10 0 0, azotile 36,50 0 0, soluble dans l’éther acétique et dans le mélange d’alcool et d’éther. Les composés de cettedeuxième catégorie s’utilisent dans la préparation du collodion employé en chirurgie, dans l’art photographique et dans la fabrication de très nombreux objets d’usage domestique ;
La trinitrocellulose ou fulmicoton proprement dit, C6H’ (AzO’)’O\ azote 14,14 0 0, azotile 46,47 0 0, soluble dans l’éther acétique, mais insoluble, sauf dans certaines conditions spéciales, dans la plus grande partie des autres dissolvants, tels que l’eau, l’alcool, l’éther, l’acide acétique, etc.
CHAPITRE II
Fabrication du fulmicoton. *
Les opérations qui se succèdent dans la transformation du coton en fulmicoton sont les suivantes : F
1° Epuration du coton ;
2° Nitrification ;
3° Réduction en pâte ou pulpation;
4° Moulage.
1) — Epuration du coton.
Dans la fabrication du fulmicoton, la sorte de cellulose préférée est le coton à cause de sa pureté et aussi en raison de la ténuité et de la finesse de son tissu qui le rend très sensible à l’action des acides.
Le coton qui provient généralement des déchets des filatures doit être parfaitement exempt de toute impureté ; à cet effet, on enlève les corps étrangers et les débris de tissu qu’il peut contenir ; on le carde en outre avec soin pour le débarrasser des graines et de la poussière terreuse qu’il contient ordinairement. On le réduit ainsi à l’état de masse spongieuse pour le soumettre ensuite à l’épuration proprement dite qui a pour objet d’enlever toutes les substances huileuses, grasses ou résineuses qu’il contient. Cette dernière opération est fort importante ; il convient de l’exécuter avec le plus grand soin et très exactement, car la présence de pareilles substan
ces, môme en quantité très minime, dans le fulmicoton compromettrait la stabilité de ce dernier et entraînerait facilement, avec le temps, sa décomposition spontanée.
Mais l’épuration doit être précédée de l’examen du coton à employer, car il faut que celui-ci réunisse les conditions spéciales nécessaires pour donner un produit à la fois bon et stable.
On détermine la quantité d’humidité par dessiccation ; on dose les matières grasses au moyen de l’appareil de Soxhlel et les substances solubles à l’aide d’une solution de soude caustique ; on dose les cendres qui ne doivent se trouver qu’en minime quantité et renfermer seulement des traces de fer, de magnésie, de chaux, de chlore, d’acides sulfurique et phosphorique ; on détermine enfin le pouvoir absorbant qui doit être très grand afin que le coton se nitrifie parfaitement et qu’il donne un produit stable.
Ensuite, une fois qu’on a transformé le coton, par le cardage, en flocons très légers, on le soumet, par une immersion de quelques minutes, à l’action d’une solution bouillante de potasse caustique de la densité de 1,02. On opère sur 100 kilos de coton avec 10 kilos dépotasse dissoute dans environ 1200 litres d’eau très pure et préalablement filtrée.
Cela fait, on l’expose à l’air en le laissant égoul ter pendant environ dix heures, après quoi on le lave de nouveau avec soin dans une grande quantité d’eau pure, puis on le dessèche.
Afin de rendre le séchage plus rapide, plus parfait et moins onéreux, on soumet préalablement lecoton, bien lavé et encore imprégné d’eau, à l’action mécanique d’une essoreuse pour en enlever la plus grande quantité possible d’eau, puis on le sèche dans une chambre chaude dont l’atmosphère est portée à une température d’au moins 65°.
On achève le séchage dans un séchoir. Ce dernier, dans le système Abel, est constitué par un grand cylindre vertical à double paroi avec circulation continue de vapeur, cylindre pourvu d’un ventilateur aspirant. On effectue l’opération enintroduisant simultanément, dans le cylindre, trois rouleaux de coton mesurant chacun 0,50 m de diamètre et 1 mètre de longueur. La température à l’intérieur du cylindre s’élève jusqu’à 90° et, au bout de dix heures, le colon ne contient plus que 0,5 0/0 d’eau environ.
On utilise dans diverses fabriques d’autres méthodes variées de séchage du coton avec des installations plus ou moins compliquées.
Le système le plus simple, appliqué par de nombreuses fabriques, consiste à donner au séchoir la forme d’une grande armoire dont les divers, rayons sont formés de larges et longues toiles métalliques sur lesquelles on dispose, en couches minces, le coton qu’il s’agit de sécher. Le local, hermétiquement clos, est chauffé par la vapeur au moyen de tubes et de serpentins disposés à la partie inférieure.
Ce système est moins coûteux que le premier, mais le séchage se fait plus lentement.
De toute manière, il importe que le séchage soit porté au maximum de perfection possible, car toute trace, même minime, d’humidité danslecoton entraverait la nitrification ultérieure, soit parce que l’acide nitrique serait moins concentré, soit parce que l’eau pourrait causer une réaction au cours de l’opération chimique.
Le séchage terminé, on replace le coton dans de grandes caisses en zinc ou en fer galvanisé où on le laisse se refroidir complètement.
1) — Nitrification.
Les premiers essais de nitrification des celluloses furent faits avec le seul acide nitrique ; mais la grande instabilité des produits ainsi obtenus amena Schœnbein à modifier le système en employant un mélange d’acide azotique et d’acide sulfurique, mélange qui sera désigné ci-après sous le nom
d’acide sulfo-azotique. La présence de l’acide sulfurique dans l’opération de la nitrification présente l’avantage de conserver à l’acide nitrique sa concentration, car l’acide sulfurique absorbe l’eau qui se forme durant la réaction.
L’acide sulfo-azotique employé dans la fabrication du ful- micoton se compose de :
Une partie en poids d’acide azotique de la densité de 1,52, monohydraté à raison de 93 0/0 au moins ;
Trois parties en poids d’acide sulfurique de densité l,8i, monohydraté, à raison de 97 0/0.
Il faut absolument que les acides soient très purs et bien concentrés, tant pour avoir un produit plus stable que pour l’obtenir parfait, car l’emploi d’acides plus faibles ne compromet pas seulement la qualité des produits, il peut encore les rendre moins stables.
Aussi importe-t-il d’employer de l’acide azotique renfermant le moins possible de peroxyde d’azote.
L’acide sulfurique et l’acide azotique se conservent généralement, chacun, dans des récipients convenables en fonte ou même en bois doublés de plomb ou dans des touries en verre, sous des hangars les préservant à la fois de la pluie et du soleil. Les ouvertures des récipients ou des touries doivent toujours être hermétiquement closes pour empêcher le mélange avec les acides, de substances étrangères et surtout de substances organiques, ces dernières pouvant provoquer des réactions lors des opérations successives de mélange et de nitrification.
Le mélange des deux acides, suivant les proportions convenables préalablement déterminées, se fait dans une cuve en fonte au fond de laquelle tourne sur lui-même un arbre à palettes. On y verse les acides en les faisant s’écouler lentement par des tubes extérieurs en plomb munis de robinets et partant des récipients qui les contiennent. Une fois le mélange effectué, on le laisse reposer pendant un jour ou deux pour qu’il se refroidisse complètement ; ensuite on le fait couler,
par un tube en plomb ou en fonte, jusqu’aux cuves d’immersion. Ces dernières sont également en fonte et elles ont une double paroi ; dans le vide existant entre les deux parois circule un courant d’eau froide. Dans chaque cuve on verse 115 kilogrammes d’acide sulfo-azotique et on y immerge peu à peu 0,500 kg d’un coton parfaitement épuré comme on l’a dit ci-dessus. L’immersion ne dure pas plus de cinq minutes ; pendant ce temps, on agite constamment le coton au moyen d’une longue fourche en fonte, afin de prévenir une excessive élévation de température qui pourrait provoquer des réactions secondaires au détriment de la qualité du fulmicoton ainsi que de son rendement. Ensuite on retire le coton du liquide et on le laisse s’égoutter sur des grilles en fonte émaillée placées au-dessus des cuves; on le presse de temps en temps avec une plaque cannelée manœu- vrée par un levier, et cela pour enlever une partie du liquide dont il est imprégné.
On replace ensuite le colon dans des vases en grès en l’hu- mectanl de 100 centimètres cubes d’acide sulfo-azotique. Toute la série des vases en grès remplis de coton nitrifié se place dans les fosses de nitrification. Ces dernières ont leurs parois latérales, avec le fond, enduites de ciment et elles sont parcourues par un abondant courant d’eau froide.
L’acide sulfo-azotique restant dans les chaudières est renforcé par l’addition de 5 kilogrammes de mélange neuf et sert aux nitrifications suivantes.
/Vu bout de quarante-huit heures on enlève le coton des vases réfrigérants et on le soumet à l’action d’essoreuses centrifuges. Ces dernières comportent des paniers en fils de cuivre recouvert d’ébonite.
L’opération dure cinq minutes, mais il faut prendre des précautions infinies pour l’effectuer, afin d’éviter que le coton acide entre en contact avec quelque substance étrangère, telle que des matières lubrifiantes ou de l’eau, ce qui pourrait provoquer des réactions dangereuses. .
Les acides que l’on extrait du coton sont automatiquement recueillis, au moyen de tubes en plomb, dans un réservoir spécial afin de servir à de nouvelles opérations ; après avoir enlevé le coton de l’appareil, on le verse lentement dans des vasques en ciment ou dans des cuves en bois, où on le soumet à d’abondants lavages assuré par une rapide circulation d’eau pure. On verse celle eau dans les vasques en la faisant tomber d’une certaine hauteur et en forte quantité.
Les vasques ou les cuves de lavage sont à double fond. Le premier fond est pourvu de petits trous livrant passage à l’eau, mais percés de manière à ne point laisser échapper le coton. Le second fond porte un tube de vidange permettant de/renouveler constamment l’eau de lavage.
On agite sans discontinuer, avec un raleau en bois, pour faciliter le lavage du fulmicoton immergé dans l’eau. Comme l’arrivéé subite de l’eau sur le fulmicoton acide présente certains dangers, il convient de verser la masse de fulmicoton dans les cuves de lavage par petites quantités à la fois, de manière que les quantités successivement ajoutées viennent se joindre aux premières après que celles-ci ont déjà perdu une partie de leur acidité. Quand toute la masse ne conserve plus qu’une très petite quantité d’acides, on soumet une seconde fois le coton, pendant près de dix minutes, à l’action de l’essoreuse ; puis on le fait passer dans de nouvelles vasques ou cuves en bois où on le la.e encore une fois dans une eau additionnée d’une légère quantité de carbonate de sodium, environ 1 à 1 1 2 0/0 du poids du coton traité. Enfin on chauffe le tout jusqu’à la température d’ébullition pour libérer le fulmicoton des parties incomplètement nitrifiées. L’ébullition se produit dans un vase à double paroi de bois et de plomb, dans l’interstice desquelles circule la vapeur.
Après une première ébullition, l’on change l’eau et le lavage se prolonge pendant encore huit ou dix heures; ensuite on effectue un dernier lavage à l’eau froide et on prolonge
ce dernier jusqu’à ce que le coton traité n’indique plus aucune trace d’acidité sur le papier de tournesol.
Gultmann, Thomas, Weber, Hemming et d’autres chimistes proscrivent l’emploi du carbonate de sodium dans les lavages, parce que ce carbonate exerce une action saponifiante pouvant amener des décompositions. Thomas propose, comme substance neutralisante,la craie; Weber recommande l’emploi d’une solution ammoniacale très diluée; Flemming celui de la nitroguanidine.
Une chose certaine, c’est que l’on obtient la stabilité du fulmicoton, plus efficacement par des lavages faits avec soin qu’en l’additionnant de matières neutralisantes; on doit donc répéter ces lavages en abondance et autant que la chose est nécessaire pour obtenir la parfaite neutralité du coton. Quant à l’addition de substances neutralisantes, il faut en tout cas la faire avec une très grande réserve.
Le rendement théorique de 100 parties en poids de coton sec serait, d’après Cundill, de 218,4 parties de fulmicoton et, suivant Chalons, de 184 parties seulement. Mais, en réalité, le produit réel ne dépasse presque jamais 175 0/0 et il varie souvent de 150 à 175, selon le mode de fabrication employé et suivant la pureté du coton et suivant aussi la concentration des acides.
1) — Pulpation.
Les lavages terminés, il faut réduire le fulmicoton en une pulpe très molle pour le mouler ensuite de différentes manières, selon l’usage auquel il est destiné. On le hache donc très finement au moyen d’une machine analogue à la machine Hollander bien connue qu’emploient les fabriques de papier. Cet appareil consiste en une solide cuve rectangulaire en tôle de fer ou en ciment, ou même en bois, doublée intérieurement de plomb. Dans son centre, se meut un gros
cylindre armé de plusieurs lames en acier très aiguisées et suspendu à un axe de rotation dont les deux extrémités reposent sur les deux plus larges parois de la cuve, opposées l’une à l’autre: cet axe se prolonge d’un côté à l’extérieur pour recevoir la transmission du mouvement qui est très rapide (environ 150 tours par minute). Au-dessous du cylindre se trouve un plan incliné dont la partie supérieure est terminée par une courbe parallèle à celle du cylindre lui- même. Sur le plan incliné est solidement fixée une plaque de cuivre munie, elle aussi, de couteaux. Grâce à cette disposition, il arrive que la cuve se trouve divisée en deux parties dont l’antérieure, dans laquelle commence à s’élever le plan incliné, est remplie du fulmicoton qu’il s’agit de hacher, tandis que la postérieure contient de l’eau pure. Le rapide mouvement de rotation du cylindre entraîne le coton entre ses lames et les lames disposées en dessous et le divise en petites parcelles très menues. Ces parcelles sont poussées jusqu’à l’extrémité supérieure du plan incliné, d’où elles vont tomber dans l’eau du compartiment postérieur et, en absorbant cette eau, se réduisent en une masse pulpeuse.
La partie supérieure de la cuve est fermée par un couvercle convenable,afin d’éviter toute perle de fulmicoton durant le travail.
La pulpe ainsi obtenue est encore lavée dans une grande cuve dite Poacher, de forme cylindrique et à fond plat, cuve pourvue, à l’intérieur, d’une roue à palettes qui permet d’agiter continuellement la masse du colon qu’il s’agit de laver.
On doit consacrer à ces lavages une très grande quantité d’eau très légèrement additionnée de carbonate de sodium ou de lait de chaux, ce qui empêche toute production possible ultérieure de vapeurs nitreuses. On change cinq à six fois l’eau employée et, à cet effet, on applique au fond du poacher un réseau métallique à mailles serrées permettant d’extraire l’eau sans entraîner des parcelles de colon.
On ne cesse les lavages qu’au moment où l’épreuve de résis- lance à la chaleur,qui sera décrite au chapitre VI, donne de bons résultats. Alors on laisse se déposer la pulpe au fond de la cuve après quoi on la recueille et on la soumet à l’action d’une essoreuse; puis on la retire de l’essoreuse sous forme d’une pâte compacte contenant encore 30 0 0 d’humidité en poids.
D’ordinaire, on ne jette pas les eaux des lavages; on les recueille et on les laisse déposer dans des vasques convenables en ciment pour récupérer les restes de nitrocellulose qu’elles ont éventuellement entraînés avec elles.
§ 5. — Moulage.
Le fulmicoton est enfin moulé en cartouches de dimensions diverses et parfois même de formes variées, selon qu’on doit l’utiliser dans l’armée de terre, dans la marine ou dans l’industrie minière.
Comprimé en cartouches, il acquiert une plus grande densité qui améliore ses effets explosifs et sa combustion devient plus régulière.
Avant tout, on épure le fulmicoton en le faisant passer au travers d’un tamis pour enlever les substances étrangères qui auraient pu s’y attacher au cours des opérations précédentes. Ensuite on le moule en gros morceaux au moyen d’une presse verticale. Ces opérations terminées, on le fait passer sous une presse horizontale qui le comprime en cartouches entre deux plaques perforées en acier, en le soumettant à des pressions diverses et successives depuis 600 jusqu’à 900 kilogrammes par centimètre carré. On le réduit ainsi en disques de 5 centimètres d’épaisseur, contenant encore environ 15 0 0 d’eau. On y ajoute alors la quantité d’eau suffisante, de préférence avec une solution de soude ou d’acide phénique.pour lui donner de nouveau 30 0/0 d’humidité. En cet état, il ne présente plus aucun danger: on peut alors le scièr ou le taillerpour lui donner les dimensions voulues ou encore le perforer afin de lui appliquer les amorces.
Pour le fulmicoton destiné à être employé sec dans la fabrication des amorces ou de quelque autre objet, on le dessèche rapidement en l’étendant sur une plaque en fer exposée à un courant d’air chaud.
Quant au fulmicoton humide, on le conserve dans des caisses en bois doublées intérieurement d’une tôle en zinc et fermant hermétiquement. En cet état, on peut le conserver pendant des années sans qu’il s’altère et sans qu’il présente le moindre danger.
D’après M. le professeur Parozzani ‘, le rendement théorique de la nitrification du coton est de 1,8 en fulmicoton ; le rendement pratique atteint 1,6 au maximum.
§ 5. — Fulmicoton en écheveaux ou en flocons.
Le procédé de fabrication jusqu’ici décrit se rapporte surtout à la préparation du fulmicoton comprimé d’après le système Abel. Pour obtenir, au lieu de cela, du fulmicoton en écheveaux ou en flocons, on ne le réduit pas en pulpe et. aussitôt après la nitrification, l’on soumet la matière traitée A des lavages très abondants pour la libérerdes acides dont elle est imprégnée. On la traite ensuite avec une solution bouillante de potasse de densité 1.02, après quoi on la lave encore avec de l’eau pure, puis on la sèche. Pour enlever les dernières traces d’acide qu’il peut encore contenir, on traite enfin le coton avec une solution de silicate de sodium de densité 1,07, puis on le lave doucement et on le sèche à une température de 30 à 35°, en évitant qu’il soit frappé directement par les rayons du soleil.

  1. G. Perozzi. GH esplosivi modern^ 1903.
    CHAPITRE Hl
    Coton collodion.
    Comme on l’a indiqué dans le chapitre premier, les nitrocelluloses ont des propriétés différentes selon leur degré de nitrification. Cette nitrification atteint son maximum dans le f’ulmicoton qui est une trinitrocellulose.
    Dans les diverses applications des nitrocelluloses, les composés intermédiaires et inférieurs trouvent également un très large emploi et, pour l’industrie, les binitrocelluloscs ou pyroxylines ont pris une importance appréciable.
    En effet, quand on fait dissoudre ces dernières dans un mélange d’alcool ou d’éther, elles nous donnent le collodion qui est si largement employé non seulement dans la chirurgie moderne, mais encore dans la préparation de certains médicaments que l’on insère dans des capsules constituées par une mince pellicule de collodion. Le collodion est fréquemment employé pour l’extirpation des cors : il suffit d’hu- mecter le cor avec une plume trempée dans la précieuse substance ; le collodion a en outre fait faire d’immenses progrès à l’art de la photographie ; on lui doit enfin de nombreuses applications industrielles d’utilité pratique.
    Avec la binitrocellulose à laquelle on ajoute du camphre pour diminuer sa sensibilité au choc, on produit encore le celluloïd qui sert à fabriquer des objets d’usage domestique en nombre infini, tels que faux-cols, manchettes, peignes, boîtes, petits meubles, objets d’ornement, etc.
    Mais l’importance extraordinaire de la binitrocellulose
    réside surtout dans ses applications aux explosifs, car, comme on le verra plus loin, sous la dénomination de coton-collodion non seulement elle se combine avec la nitroglycérine pour former les gélatines explosives, mais elle entre encore, comme matière première,- dans la composition de la plupart des poudres sans fumée modernes.
    § 1. — Fabrication du colon-collodion.
    Dans la production du coton-collodion, le mélange acide sulfo-nitriquc doit être plus faible que celui nécessaire pour la fabrication du fulmicoton. L’on mélange donc, dans un • O
    •récipient en grès :
    Lue partie en poids d’acide nitrique de densité 1,42.
    Deux parties en poids d’acide sulfurique de densité 1,23.
    Le coton, préalablement épuré et purifié avec de la potasse caustique, comme on l’a indiqué dans le chapitre II, s’immerge lentement dans l’acide sulfo-nitrique, mais la durée de l’immersion ne doit pas dépasser trois minutes et il faut veiller à ce que la température du mélange ne dépasse point 19°. On place ensuite le colon imprégné d’acide dans d’autres vases en grès en évitant de le laisser égoutter, contrairement à ce qui se passe pour le fulmicoton, car la nitrification ne se trouve terminée qu’au bout de quarante-huit heures environ. L’on procède alors aux opérations successives de lavage, de pulpation, etc.,etc., de même que pour le fulmicoton.
    Le chimiste français De Chardonnet conseille d’exposer le colon que l’on veut nitrifier à la température de 170° pendant au moins six heures, et cela afin de faciliter son épuration.
    §2. — Nitrohydrocellulose.
    Sous l’influence des acides tels que l’acide sulfurique à 45° Baume et à la température de 15®, l’acide chlorhydrique hydraté et les acides minéraux en général, la cellulose se transforme en une substance dénommée hydrocellulose dont la formule est, selon Girard :
    (C’E^O^+IPO)11.
    Une partie en poids de cette matière, immergée dans le mélange de :
    Une partie d’acide nitrique,
    Trois parties d’acide sulfurique •
    et traitée ensuite comme le fulmicoton, donne la nitrohydrocellulose qui est comparable aux nitrocelluloses.
    De même, en dehors du colon, l’on nitrifie les celluloses du bois, le papier, la paille, le jute, la canne à sucre, la mannite et l’on produit : la nitrolignile, la nitropaille, la nilrojule, la nitrosaccharose, la nitromannite, etc.
    Un système pratique de nitrification de la cellulose du bois est proposé par l’anglais Cross, lequel traite :
    Une partie de bois réduite en copeaux avec trois parties d’acide nitrique à la température de 80° C.
    Après une absorption convenable, on exprime le liquide acide en trop et on soumet la substance, dans une lessive de soude, à des lavages que l’on continue jusqu’à neutralisation. L’on ajoute alors de la soude caustique et l’on procède à l’évaporation en échauffant la matière jusqu’à 300° ; la masse prend rapidement une consistance sirupeuse et se transforme peu à peu en une pâte brune.
    On fait ensuite bouillir cette pâte dans de l’eau pure et enfin, par la méthode de cristallisation fractionnée, on extrait de la masse, les résidus d’oxalate, d’acélarte et de carbonate de sodium qu’elle contenait encore.
    CHAPITRE IV
    Propriétés du fulmicoton.
    Comme on l’a déjà fait pour les poudres noires, l’on passera rapidement en revue les propriétés du fulmicoton qui peuvent se résumer, elles aussi, en :
    1° Propriétés physiques ;
    2° Propriétés mécaniques ;
    3° Propriétés chimiques.
    Propriélès physiques. — Le fulmicoton en écheveaux ou en flocons a un aspect extérieur parfaitement identique à celui du coton ordinaire, à cette exception près qu’il est un peu plus rugueux au toucher. En outre, les fils ou les flocons du fulmicoton parfaitement secs s’électrisent par simple frottement; et si on les frotte dans une enceinte humide, ils deviennent lumineux. Cette dernière propriété du fulmicoton est si prononcée que l’on a été jusqu’à fabriquer des plaques pour machines électriques avec du papier nitré.
    Le fulmicoton comprimé, comme dans le système Abel, prend l’aspect d’une pâte compacte de couleur blanche tendant au jaune-paille.
    Le fulmicoton est peu hygrométrique, inodore, sans saveur et insoluble dans l’eau, dans l’alcool, dans l’éther et dans l’acide acétique. Il est légèrement soluble dans l’éther acétique peu concentré et cette solubilité est favorisée par la chaleur.
    La densité absolue est comprise entre 1,40 et 1,50, mais il présente des densités apparentes diverses selon le mode de préparation employé. Ainsi, en flocons, sa densité est de 0,10;
    filé, sa densité estde0,25; comprimé d’après le système Abel, il atteint une densité de 1.
    Le coton-collodion est soluble dans le mélange d’alcool et d’éther, ainsi que dans l’éther acétique. Il développe, en • explosant, une puissance moindre que celle du fulmicoton.
    La nitrohydrocellulose a un aspect pulvérulent ; elle est plus sensible au choc que le fulmicoton.
    Propriétés mécaniques. — Le fulmicoton parfaitement pur, soigneusement préparé et mis en contact avec un corps chaud, s’enflamme à la température de 172° et, s’il est en fils, il éclate violemment. Comprimé, il brûle au contraire avec lenteur en développant une flamme vive. Chauffé progressivement, il s’enflamme à la température de 136° et il a, selon Piobert, une vitesse de combustion huit fois plus grande que celle de la poudre noire. Chauffé rapidement, sa température d’explosion varie de 136° à 180°, selon sa structure.
    Le fulmicoton brûle sans laisser de résidus et il ne dégage pas de fumée sensible, mais il développe une quantité considérable de gaz : oxyde de carbone, acide carbonique, azote, vapeur d’eau, etc., ce qui lui donne justement une puissance explosive extraordinaire.
    La lumière solaire provoque une lente décomposition du fulmicoton ; le même phénomène se produit si le fulmicoton est maintenu pendant longtemps dans une enceinte chauffée à800-100°, ce qui indiquerait une certaine instabilité du produit, instabilité due le plus souvent à la présence d’impuretés ou de résidus d’acide nitrique provenant de sa préparation.
    Luck et Cross pensent que, dans la fabrication du fulmicoton, il se forme un sous-produit du cellulosium qui, se combinant aux nitrates, ne pourrait être séparé de ces derniers par les moyens ordinaires de lavage parce qu’il est insoluble dans l’eau, même chaude, dans l’éther, dans l’alcool, dans la benzine et même dans les solutions de soude, tandis qu’il serait éminemment soluble dans l’acétone. Luck et Cross conseillent donc d’additionner d’acétone les celluloses, ce qui
    donnerait à ces dernières de la pureté, de la stabilité et leur donnerait aussi l’aspect d’une poudre line, dense très blanche, pouvant se comprimer par grandes quantités.
    Le fulmicoton, suivant Berthelot, est très sensible aux explosions par influence.
    Le coton fulminant sec explose même sous l’action du choc d’une balle à fusil.
    A l’air libre, la vitesse de combustion du fulmicoton a été calculée par Piobert comme étant égale ù huit fois celle de la poudre noire.
    Sébert a trouvé que le fulmicoton enfermé dans des tubes en plomb donne une vitesse d’explosion de 4000 mètres à la minute et de 6000 mètres quand il est enfermé dans des tubes en étain.
    Le volume et la nature des gaz produits par la combustion du coton fulminant dépendent desconditionsdans lesquellesa lieu l’explosion ; ils varient avec les densités de lacharge.On aurait trop à s’étendre si l’on voulait résumer ici les résultats obtenus, à ce propos, par les meilleurs expérimentateurs et l’on devrait dépasser le cadre d’un manuel essentiellement pratique. On se bornera donc à dire que la combustion de I gramme de fulmicoton dans le vide a donné des volumes de gaz de 4S0 à 535 centimètres cubes et que, sous des pressions élevées, Karolyi a obtenu 755 volumes de gaz, réduits à la température de 0’ et à la pression de 0,760 m.
    Quant aux produits de la combustion, d’après les expériences de Karolyi. 100 parties de fulmicoton soumises à des pressions élevées auraient donné :
    Oxyde de carbone …. Acide carbonique . . . . Hydrogène protocarboné. . Azote Vapeur d’eau Hydrogène Résidus de carbone non brûlé
    Sous de faibles pressions, l’on obtient encore du bioxyde d’azote aux dépens de l’acide carbonique, de l’oxyde de carbone eide la vapeur d’eau. Mais comme le bioxyde d’azote exerce une forte action corrosive sur les métaux, il est nécessaire, quand on emploie du fulmicoton pour le tir des bouches à feu, d’obtenir l’explosion à des pressions élevées afin d’éviter les effets nuisibles qu’entraînerait la production de ce composé.
    La détonation du coton fulminant qui renferme 5 0 0 d’humidité s’obtient avec des capsules chargées de 1,5 gr de fulminate de mercure. On place la mèche dans la capsule et on introduit cette dernière dans la cartouche de fulmicoton. Les etfets de rupture que l’on obtient sont extraordinaires, la pression initiale produite par le fulmicoton étant de 8730 kilogrammes par centimètre carré. Cette pression est encore susceptible d’augmentation si l’on comprime l’explosif sous un petit volume.
    Le fulmicoton qui renferme plus de 15 0/0 d’humidité s’en- llamme au contact d’une certaine quantité de fulmicoton enflammé, grâce à une capsule de fulminate de mercure. Les seules capsules ordinaires contenant 1,5 gr de fulminate ne suffiraient pas pour produire l’inflammation. Quand on augmente le degré d’humidité, il faut toujours accroître davantage la force de l’amorce en augmentant la charge de fulminate et la quantité du fulmicoton sec mis en contact avec la masse humide.
    Berthelot a calculé théoriquement la chaleur de combustion du fulmicoton comme étant égale à 1572 calories rapportées à 1 kilogramme de matière. Mais les calories développées sont, en réalité, moindres, car même le coton fulminant le mieux préparé contient des quantités, d’ailleurs minimes, de matières moins nitrifiées et, par suite, solubles dans l’eau. Roux et Sarrau ont mesuré expérimentalement la chaleur de combustion du fulmicoton et ils ont trouvé qu’elle variait de 1056 à 1123 calories par centimètre carré.
    Propriétés’ chimiques. — La consliLulion chimique du ful- micolon n’a jamais été bien définie et elle a donné lieu à des hypothèses diverses. Pendant un temps, on a considéré ce corps comme azoté par substitution ; on aurait aujourd’hui démontré que c’est un véritable éther nitrique delà cellulose.
    Les analysesde fulmicoton ellectuées par diverses chimistes ont donné des résultats qui difFèrent entre eux, peut-être par suite du manque d’homogénéité des divers échantillons analysés. Ainsi, par exemple, alors que Schonbein a obtenu, dans ses expériences, pour 100 parties de fulmicoton :
    27,43 parties
    3,61 —
    14,26 —
    54,77 —
    Sarrau et Vieille, dans des recherches plus récentes, ont trouvé :
    Carbone 25,40 parties
    Hydrogène 2,50 —
    Azote 13,30 —
    Oxygène 58,80 —
    Nécessairement la formule chimique du fulmicoton,comme on peut le voir, n’est pas encore bien précisée: aussi connaît- on aujourd’hui presque autant de ces formules qu’il y a eu d’analyses faites du corps en question. Les différents expérimentateurs, partant de l’hypothèse que la formule de la cellulose est un multiple de
    C“ H” O”
    ou, comme le suppose Berthelot, qu’elle est représentée par : ‘ Cls H‘# O‘\
    ont attribué au fulmicoton diverses formules qui peuvent se résumer par les suivantes :
    Ca‘ H” (Az O2)u O20 de Sarrau et Vieille ; ou :
    C4s H!o Oio (Az Q6 Hpo . ou encore
    C« h19 O19 (Az O6 H)11 de Berthelot.
    Par contre, considérant la cellulose comme représentée par la formule :
    C” H’O\ 3HO
    l’anglais Gundill affirme que la formation du fulmicoton est donnée par l’équation :
    G15 H’ O7, 3110 + 3(Az O5 HO) = G12 H7 O7, 3Az O f 6H0.
    CHAPITRE V
    Usages et emploi du fulmicoton.
    Le fulmicoton s’emploie surtout dans l’art de la guerre, soit qu’on l’utilise dans les armes à feu, soit qu’il serve à charger des torpilles ou des projectiles creux.On l’utilise encore,bien que sur une moins grande échelle, dans les travaux de mine et enfin il entre aujourd’hui comme matière première, en des proportions appréciables, dans la composition des gélatines explosives, dans la plupart des poudres à base de salpêtre et dans la fabrication des amorces de diverses sortes.
    Le premier qui a tenté pratiquement d’employer le fulmico- ton dans les armes à feu fut le colonel autrichien von Lenk; mais ses expériences furent bien vite abandonnées en raison de l’instabilité des produits imparfaits alors obtenus et des explosions qui en résultèrent.
    Des tentatives semblables ont été renouvelées depuis, car les avantages que présente le fulmicoton — absence presque totale de fumée dans la combustion, élimination de l’encrassement ou des résidus, diminution du recul et justesse plus grande dans le tir par rapport aux poudres ordinaires — le désignent en tout premier lieu comme explosif pour les armes de guerre : aussi l’étudie-t-on aujourd’hui avec passion, et il donne déjà des résultats satisfaisants dans la préparation des nouveaux explosifs.
    Le coton fulminant préparé d’après le système Abel est un élément très précieux pour la charge des torpilles qui nécessitent l’emploi d’explosifs ne s’altérant point sous l’action de
    l’humidité. On l’a en outre avantageusement utilisé dans le chargement des obus, jusqu’au moment où on lui a substitué l’acide picrique et d’autres composés plus convenables.
    Comme explosif pour les travaux de mine, le fulmicoton humide, comprimé et allumé avec une amorce de fulmicoton sec, ne produit pas seulement des effets huit à dix fois plus puissants que ceux de la poudre noire, il provoque encore un nombre plus grand de fentes dans la roche sans projeter aussi loin les débris. Par contre, il présente l’inconvénient de développer en grande quantité de l’oxyde de carbone qui exerce des effets délétères sur l’organisme des mineurs. On peut du reste éliminer cet inconvénient en mélangeant le fulmicoton avec du salpêtre, afin de transformer, au moment de l’explosion, l’oxyde de carbone en acide carbonique, gaz moins dangereux à respirer.
    Enfin le fulmicoton s’emploie utilement en pyrotechnie,et l’on s’en sert aussi dans la préparation des signaux de détresse des navires, signaux qui, en développant simultanément une lueur très vive et prolongée et une très forte détonation,ont remplacé les légendaires canons d’alarme et les fusées autrefois utilisés par les marines de tout l’univers.
    CHAPITRE VI
    Essais du fulmicoton.
    Avant d’employer le fulmicoton, à quelque usage qu’on le destine, on le soumet à certaines épreuves pour déterminer sa pureté et ses propriétés, épreuves que l’on peut brièvement énumérer comme il suit:
    Aspect physique. — Les cartouches, les disques, les cylindres et autres objets servant à donner au fulmicoton la forme désirée ne doivent avoir aucune tendance à se fendre ou à s’ouvrir , il faut émousser doucement leurs angles et leur donner les dimensions correspondant aux. données réglementaires. Les sections des cartouches doivent être compactes, polies et homogènes.
    Densité. — La densité doit être comprise entre 1,15 et 1,20, sans jamais se trouver inférieure à 1. On la détermine en séchant d’abord l’échantillon que l’on veut expérimenter, puis en divisant son poids par son volume que l’on calcule d’après ses dimensions.
    Dosage de l’humidité. — On détermine l’humidité en séchant un échantillon à la température de 50°, après en avoir d’abord vérifié le poids à l’état normal. La différence de poids donne le degré d’humidité recherché.
    Dosage des cendres. — On place une quantité donnée de lulmicoton, additionnée de paraffine, dans une capsule chauffée au point de produire l’allumage du mélange, lequel ne doit pas laisser, après sa combustion complète, plus de 1 0/0 de résidus en cendres.
    Solubilité. — On lave l’échantillon de fulmicoton deux fois avec de l’eau à la température de 50°. On l’exprime ensuite et on le dessèche dans une étuve à 100% après quoi on prélève 3 grammes de cet échantillon que l’on dissout, à deux reprises, dans un mélange formé de 1 partie d’alcool à 40“ Baumé et de 2 parties d’éther rectifié. On laisse ensuite reposer le tout pendant deux heures, on filtre la matière au travers d’une mousseline, on la comprime entre deux feuilles de papier à filtrer,on élimine l’éther par évaporation,puis on la dessèche et on l’expose à l’air libre deux heures durant. La perte en poids indique la quantité de nitrocellulose soluble qu’il contenait; celte perte ne doit pas être supérieure à 13 1 2 O 0.
    Dosage de l’alcalinité. —Celte épreuve est destinéeà déterminer la quantité de carbonate de sodium que le fulmicoton peut contenir.
    A cet effet, on traite 2 grammes de coton fulminant, sec et pulvérisé, avec 10 centilitres d’une liqueur titrée contenant 20 centimètres cubes d’acide chlorhydrique à 19° Baumé par litre; on décante ensuite et on lave jusqu’à ce que les eaux employées ne présentent plus, à l’essai au nitrate d’argent, aucune trace d’acidité. On neutralise enfin un volume de la solution ainsi obtenue avec un volume égal d’eau mélangée avec 10 centimètres cubes d’une liqueur alcaline-lype, formée d’une solution de 200 grammes de carbonate de sodium par litre d’eau. Le litre trouvé ne doit point dépasser 2 0/0.
    Dosage de l’azote. — Pour établir le degré de nitrification du fulmicoton, l’on a recours, généralement, au nitromètre de Longe. Lorsque l’acide nitrique, dilué ou concentré, se trouve en contact avec du mercure, il se produit une réaction qui donne du sulfate mercureux ou mercurique avec dégagement de bioxyde d’azote. Se fondant sur ce principe, Lunge a imaginé un appareil qui permet, après avoir dissous un échantillon de fulmicoton dans l’acide sulfurique, de mettre ce mélange en présence du mercure avec lequel on l’agite énergiquement. La réaction se produit alors, et tout l’azote, à l’état de AzO, s’accumule à la surface du mercure.
    Le nitromètre de Lunge mesure le volume de AzO et, au moyen de tables jointes à l’appareil, on calcule facilement la quantité d’azote pur que contenait l’échantillon.
    Epreuve de la, résistance à l’action de la chaleur. — Celte dernière épreuve est destinée à vérifier la stabilité du fulmi- coton qui doit, à cet effet, être absolument exempt d’acide libre.
    On dessèche quelques grammes de fulmicoton et, après les avoir exposés à l’air libre jusqu’à refroidissement complet, on les replace dans un tube d’essai suspendu au centre d’un bain- marie porté à la température de 65° à 70°. L’extrémité supérieure du tube émerge d’un trou pratiqué dans le couvercle de cuivre qui recouvre le bain.
    Le tube est fermé par un obturateur en ébonite, traversé en son centre et dans le sens de sa longueur par une baguette en verre qui, à son extrémité inférieure, porte une bande de papier imprégné préalablement d’une solution d’amidon et d’iodure de potassium dans parties égales d’eau et de glycérine.
    Si le fulmicoton est absolument pur, il doit supporter la température du bain, de 65° à 70°, pendant quinze minutes sans que le papier brunisse.
    TROISIEME PARTIE
    Nitroglycérine et dynamites
    CHAPITRE PREMIER
    Glycérine
    En matière d’explosifs, le xix« siècle a marqué une époque si mémorable que l’avenir, on peut l’affirmer sans crainte, pourra difficilement en enregistrer une pareille. C’est qu’en effet, si le dernier mot n’a pas encore été dit sur ce sujet, tout ce que l’on pourra faire désormais ne sera qu’une conséquence de la merveilleuse impulsion donnée par les découvertes du siècle écoulé.
    Parmi ces découvertes, la plus remarquable est certainement celle de la nitroglycérine et son application pratique sous forme de dynamites, dont les vicissitudes historiques ont déjà été mentionnées dans l’introduction.
    La nitroglycérine ou pyroglycérine, comme l’appela à l’origine son inventeur, est le produit de la nitrification de la glycérine pure.
    La glycérine fut découverte en 1779 par Scheele ; elle reçut le nom de glycérine, en 1814, par les soins de Chevreul, qui étudia ses propriétés et sa composition chimique.
    C’est seulement après 1820 que l’on commença à l’utiliser sur une vaste échelle comme produit industriel.
    La glycérine (C* IP O’) est une substance constituant un des éléments essentiels des graisses animales ; on l’oblieni comme produit secondaire dans la fabrication des savons et de la stéarine.
    La glycérine pure est un liquide neutre, clair, visqueux, sans odeur appréciable et sucré au goût. Soluble dans l’eau, dans l’alcool, dans le mélange d’éther et d’alcool, elle est au contraire insoluble dans le chloroforme, dans la benzine, dans l’éther et dans le bisulfure de carbone. Mélangée à □ l’acide sulfurique, elle conserve son aspect physique. Elle est déliquescente et, quand on l’expose à l’air, elle absorbe avidement l’humidité.
    Elle se solidifie facilement, même par un léger froid ;à 100°, elle commence à s’évaporer, à 290° elle entre en ébullition. Elle exerce une action dissolvante sur les terres alcalines, sur les alcalis et sur les oxydes métalliques. Sa densité, à l’état de pureté absolue, est de 1,270 à la température de 1501 Toutefois la glycérine qui se trouve dans le commerce, contenant facilement de 5 à 10 0/0 d’eau, a une densité variant entre 1,232 et 1,251.
    La glycérine existe abondamment dans la nature,combinée avec divers acides dans toutes les substances grasses, tant animales que végétales ; mais elle ne se rencontre jamais à l’état libre.
    A l’origine, on obtenait la glycérine en laissant évaporer les eaux des résidus de la fabrication du savon et en les traitant avec l’acide sulfurique ou avec l’acide chlorhydrique.
    Ensuite on remarqua que le mélange d’acide stéarique et d’acide palmitique, avec lequel on fabrique la stéarine, donne comme sous-produit de la glycérine à l’étal de dissolution dans les eaux résiduelles. On traita alors ces dernières par l’acide sulfurique pour éliminer la glycérine, laquelle était ensuite distillée et filtrée.
    Enfin on revint à l’extraction de la glycérine tirée des résidus de la fabrication des savons, comme étant le procédé donnant le plus grand rendement et la production la plus rapide.
    Dans le récent Congrès de chimie appliquée (le VIe) réuni à Rome, M. E. Barbet de Paris a communiqué son procédé pour l’extraction de la glycérine des vinasses. On évapore ces dernières dans le vide et sous pression. L’on mélange avec de la chaux vive en poudre le sirop ainsi obtenu ; puis ce mélange est lessivé avec de l’alcool dénaturé et très concentré. On procède ensuite à la distillation et, tandis que l’on récupère l’alcool, la glycérine reste au fond de l’appareil ; cette glycérine est ultérieurement épurée et concentrée.
    La glycérine pure s’emploie dans la préparation de quelques médicaments; on l’utilise largement sous forme de savons pour adoucir la peau ou encore de cosmétiques, fort recherchés des vieux élégants qui s’illusionnent eux-mêmes en s’imaginant illusionner le beau sexe. La glycérine est encore d’usage courant dans l’industrie textile et dans celle de la fabrication de la bière, des vins et des liqueurs.
    La glycérine destinée à la préparation de la nitroglycérine doit avoir, lors de l’essai effectué avec l’appareil de Sprengel, une densité d’au moins 1,260 à la température de 15° ; elle ne doit pas marquer moins de 30° au pèse-sirop. Il ne faut pas qu’elle présente de réaction acide : quand on la verse dans l’eau, si elle prend un aspect laiteux, cela indique la présence d’acide oléique en proportion nuisible ; quand on la mélange à volumes égaux avec de l’acide sulfurique et qu’on y ajoute de l’alcool, si le mélange échauffé dégage l’odeur d’ananas, c’est la preuve qu’elle renferme des acides gras tels que l’acide butyrique, l’acide formique, etc.; enfin, quand on la mélange avec le seul acide sulfurique, la glycérine doit demeurer limpide, incolore et inodore et si, au contraire, elle dégage de l’acide carbonique ou de l’oxyde de carbone, cela indique qu’elle contient de l’acide oxalique. Déplus,elle
    doit être parfaitement pure et, conséquemment, ne pas contenir de sels de chaux ou de plomb, des matières grasses et sucrées, de la dextrine, des chlorures.
    On constate la présence des sels de chaux en traitant la glycérine avec de l’oxalale d’ammoniaque qui donne un précipité d’oxalate de chaux; on reconnaît la présence des sels de plomb à l’aide de l’acide sulfhydrique qui donne lieu à un précipité noir ; quant aux matières sucrées, on les reconnaît à la coloration brune que prend la nitroglycérine quand on la fait bouillir avec de la soude caustique; de même, si on fait bouillir 5 gouttes de glycérine diluée dans 120 gouttes d’eau distillée avec 4 centigrammes de molybdate d’ammoniaque, on constate la présence de la dextrine à la coloration bleue que prend le mélange.
    11 est indispensable que la glycérine destinée à la nitrification soit chimiquement pure et ne contienne, autant que possible, aucune impureté de nature quelconque ; la tolérance totale maximum des impuretés est de 0,25 0 0. ‘fout ce qui précède est d’une importance capitale pour la sécurité de la fabrication et pourla stabilité des produits qu’il s’agit d’obtenir.
    CHAPITRE II
    Nitroglycérine.
    La nitroglycérine est le produit de la nitrification de la glycérine pure selon la formule
    C’H* (IPOS)3 + 3(AzO6H) = C6IP (AzOHI)1 + 3
    Sobrero produisait la nitroglycérine en versant un demivolume de glycérine, goutte à goutte, dans 1 volume d’acide nitrique à la densité de 1,52 et dans 2 volumes d’acide sulfurique à la densité de 1,84. Il refroidissait convenablement ce mélange et l’agitait énergiquement durant l’opération, afin d’éviter une élévation excessive de la température. Aussitôt après, il jetait le tout dans 20 volumes d’eau froide et laissait reposer jusqu’à ce que le dépôt au fond du vase se fût complètement formé ; après quoi, il lavait la nitroglycérine jusqu’à neutralisation parfaite, il la décantait et enfin la desséchait dans le vide.
    La production industrielle de la nitroglycérine exige une installation complexe, en rapport avec les diverses opérations nécessaires pour donner un produit parfait, opérations qui se résument comme il suit :
    1° Mélange des acides ;
    2° Nitrification ;
    3U Séparation;
    4° Lavage ;
    5° Filtrage ;
    6° Traitement des résidus.
  2. Chalon. Explosifs modernes.
    § 1er. — Mélange des acides.
    «
    La stabilité du produit dépend essentiellement de la pureté des matières premières et de leurs qualités. Ces qualités, en ce qui concerne les acides, consistent spécialement dans leur degré de concentration.
    L’acide nitrique doit donc avoir une densité non inférieure à 1,525 et ne renfermer, autant que possible, aucune trace de peroxyde d’azote, de chlore, de nitrates de sodium ou de zinc.
    L’acide sulfurique, que l’on ajoute pour l’absorption de l’eau pendant la réaction, doit avoir une densité minimum de 1,84 ; il ne doit contenir ni acide arsénieux, ni produits nitreux, ni sulfate de plomb.
    Le mélange acide se fait dans un récipient en plomb dans lequel on verse :
    Acide nitrique 1 partie
    Acide sulfurique 2 —
    Cela fait, le mélange des deux acides est envoyé, à l’aide d’un monte-acide, dans un autre réservoir également en plomb où on le laisse séjourner vingt-quatre heures pour lui laisser le temps de se refroidir complètement.
    Ce second réservoir est disposé de manière que le mélange acide, après refroidissement complet, puisse s’écouler, par un tube en plomb, dans l’appareil nitrificateur.
    En 1889, Liebert lit breveter un système de préparation de la nitroglycérine dans lequel il ajoutait, au mélange, du nitrate d’ammonium ou du sulfate de fer pour diminuer la sensibilité et augmenter la puissance de ce mélange. ’
    Dans la pratique, beaucoup de fabricants ajoutent, au contraire, du nitrate de sodium ou de potassium.
    2) — Nitrification.
    L’appareil dénommé nitrificaleur dans lequel s’opère le traitement de la glycérine par le mélange acide, consiste en un grand récipient cylindrique en bois, doublé intérieurement de plomb et pourvu de deux parois entre lesquelles circule un courant d’eau froide. Le long de la paroi interne du récipient courent en outre des serpentins concentriques réfrigérants dans lesquels s’écoule un rapide courant d’eau très froide. Au fond, on a disposé un robinet de décharge qui communique avec un grand réservoir à demi rempli d’eau pure. La partie supérieure du récipient en bois est fermée par un couvercle convexe pourvu de regards latéraux en cristal par lesquels l’ouvrier chargé de la nitrification surveille la marche de cette dernière. Au centre du couvercle s’élève une cheminée servant à l’échappement des vapeurs et communiquant, par suite, avec l’air extérieur. Un regard en cristal, pratiqué à la base de la cheminée, permet à l’ouvrier d’observer la couleur des vapeurs. Des tubes qui, d’en haut, traversent le récipient dans presque toute sa longueur et qui sont appelés bar- boteurs, apportent, à l’intérieur, de l’air comprimé destiné à agiter continuellement la masse liquide durant l’opération. Enfin l’appareil se trouve complété par deux thermomètres qui marquent les températures de la couche supérieure et de la couche inférieure duliquide.
    Les dimensions du récipient sont proportionnées à l’importance de la production ; mais elles doivent être calculées de telle sorte que la charge n’occupe jamais plus des deux tiers du récipient.
    Pour la nitrification, il est nécessaire que la glycérine, *
    avant de passer dans le nitrificaleur, soit filtrée, ce qui donne une plus grande garantie de sa pureté. Il faut en outre que la glycérine soit fluide: il faut donc la maintenir à la température de 20° environ, afin qu’elle ne s’épaississe point par refroidissement.
    Quand on a introduit dans le récipient le mélange acide et que l’on a fait entrer en activité, après les avoir convenablement réglés, les réfrigérants et les barboteurs de manière que la température du liquide ne dépasse point 18°, on injecte la glycérine à raison de 0,50 partie, sous forme de pluie, jusqu’au centre du mélange, et cela au moyen d’un injecteur à air convenable.
    Durant cette opération, il importe que la température du mélange ne dépasse jamais 30* et, à cet effet, on règle convenablement l’introduction de l’air comprimé.
    Si, malgré cela, la température dépasse 30°, la décomposition survient et se manifeste par une teinte rougeâtre suivie d’un abondant développement de vapeurs rutilantes. Dans ce cas, et aussitôt que la température du liquide a atteint 30°, l’ouvrier, suivant au travers des regards la marche de l’opération, ouvre aussitôt le robinet de décharge, afin que la masse acide se déverse dans l’eau du réservoir et que la décomposition prenne fin, ce qui évite une explosion.
    Comme, au moment de l’immersion du mélange acide dans l’eau, il se développe une quantité considérable de chaleur, le réservoir doit avoir des dimensions telles que la moitié de son volume, l’autre moitié étant remplie d’eau, soit au moins huit ou dix fois plus grande que celui qu’occupera le mélange acide, afin que ce dernier puisse rapidement se refroidir, grâce à l’intervention d’une certaine quantité d’air comprimé que l’on introduit dans le réservoir au moyen d’un dispositif approprié, afin d’agiter de façon continue la masse liquide.
    Boutmy et Faucher, afin de fractionner en grande partie la quantité de chaleur qui se produit pendant la réaction et ainsi éviter l’emploi d’appareils réfrigérants, ont modifié le procédé de nitrification de la glycérine en employant deux mélanges binaires formés respectivement : le premier, de 100 parties de glycérine et de 320 parties d’acide sulfurique (onprépare ce mélange en versant goutte à goutte la glycérine dans l’acide) ; le deuxième, de 280 parties d’acide sulfurique et de 280 parties d’acide nitrique, mélangés selon les règles usuelles. Une fois qu’ils ont été convenablement refroidis, on verse successivemenlles deux composés binairesdans un récipient cylindrique en grès où le mélange est abandonné à lui-même pendant douze heures au moins, car la combinaison, dans de pareilles conditions, s’effectue d’une manière normale, mais très lentement.
    Le rendement d’un pareil système atteint rarement 90 0 0, tandis que le système décrit en premier lieu donne un rendement en nitroglycérine qui atteint jusqu’à 215 0 0 de la glycérine employée.
    2) — Séparation.
    La séparation de la nitroglycérine et des acides s’opérait, à l’origine, dans le nitrificateur même. En effet, les acides ayant une densité plus grande que la nitroglycérine, il suffirait, une fois l’opération terminée, de laisser reposer le mélange, pour que l’excès des acides se précipitât au fond du récipient, se séparant ainsi de la nitroglycérine qui surnageait à la surface du liquide acide ; ensuite on décantait la nitroglycérine.
    Mais aujourd’hui le travail de séparation se fait généralement dans un local spécial où est installé le séparateur. Ce dernier appareil consiste en un autre récipient identique à celui de nitrification, doublé lui aussi de plomb et portant un couvercle convexe avec une cheminée centrale pour le dégagement des vapeurs. Ce récipient porte également des regards permettant d’exercer la surveillance utile, ainsi que deux thermomètres ; latéralement, il est pourvu d’un tube servant à l’introduction de l’air comprimé, lorsqu’il y a lieu de diminuer la température à l’intérieur.
    Une fois la nitrification de la glycérine régulièrement effectuée, on relie, au moyen de tubes de plomb, le robinet de décharge du nitrificateur avec le séparateur dans lequel on verse le mélange, puis on laisse reposer en maintenant, au moyen de l’air comprimé, une température constante de 18 à 20°.
    La nitroglycérine se réunit lentement à la partie supérieure du liquide et, au bout d une heure à peu près, la séparation est etïecluée, comme on s’en rend facilement compte par la ligne parfaite de séparation que l’on remarque entre la couche inférieure composée de résidus acides à l’aspect dense et laiteux et la couche supérieure, limpide et d’une couleur jaune clair, qui est constituée par la nitroglycérine pure.
    Celte dernière s’enlève du séparalear par décantation et est versée dans un vase en bois, doublé de plomb et rempli jusqu’à moitié d’une eau pure que l’on agite énergiquement au moyen d’un barboteur convenable à air comprimé.
    Le séparateur porte à sa base un tube de décharge poui vu d’un regard en cristal et divisé, grâce ù trois robinets distincts, en tout autant de canalisations différentes^
    Une fois la nitroglycérine pure extraite, on fait fonctionner le tube de décharge et, quand on ouvre le premier robinet, la masse de résidu-acide que contient le séparateur passe dans un autre récipient semblable pour y subir une seconde séparation qui a, comme résultat, la récupération de la nitroglycérine que les acides avaient entraînée avec eux. Quand les acides sont écoulés et que l’ouvrier préposé à l’opération remarque que le liquide constituant le résidu est trouble, il ferme le premier robinet et ouvre le second qui conduit ce mélange impur dans des seaux où on le recueille pour le détruire ensuite. Le troisième robinet, dit de sûreté, n’est ouvert que dans le seul cas où, par suite d’une élévation excessive de température, il devient nécessaire de renverser le contenu du séparateur dans un récipient spécial à demi rempli d’eau pure, semblable à celui déjà mentionné à propos du nitrificateur.
    § i. — Lavage.
    Le récipient dans lequel on recueille la nitroglycérine provenant du séparateur a la forme d’un cylindre ou d’un tronc de cône à fond incliné ; il est muni, comme le séparateur, d’un tube intérieur latéral qui le traverse du haut en bas et forme plusieurs tours dans le fond. Ce tube sert à l’introduction de l’air comprimé destiné à régler la température du liquide de lavage, température qui doit être maintenue entre 15° et 30°. Au-dessous de 15° on provoquerait la congélation, au-dessus de 30° une réaction. La congélation peut être empêchée par l’addition rapide et graduelle d’eau tiède ; la réaction ne peut être empêchée et, par suite, il faut l’éviter absolument.
    Quand on a introduit la nitroglycérine dans le récipient de lavage, on ajoute graduellement de l’eau pure destinée à entraîner les traces d’acide qui accompagnent presque toujours la nitroglycérine. Cette dernière se précipite au fond grâce à sa plus grande densité, et l’on change l’eau qui surnage en lui substituant une nouvelle quantité d’eau additionnée de carbonate de sodium. On agite alors la masse liquide en faisant fonctionner le barboteur pour etlêctuer un deuxième lavage, suivi d’un troisième et au besoin d’un quatrième jusqu’à ce que la neutralisation soit complète.
    5) — Filtration.
    L’appareil de filtration se trouve placé, d’ordinaire, à la base des récipients de lavage de la nitroglycérine; il est formé des vases cylindriques en bois revêtus de plomb et munis, à leur orifice supérieur, d’un double châssis garni de flanelles de filtration. Entre le premier et le second filtre, on place une couche de gros sel de cuisine parfaitement desséché.
    Une fois les lavages effectués et l’eau décantée, on ouvre le robinet de décharge du récipient de lavage, et la nitroglycérine se déverse sur le premier filtre où elle laisse les dernières traces de corps étrangers qu’elle peut contenir, puis elle passe sur le second filtre. Au passage, la couche de sel absorbe les restes d’eau qui accompagnent la nitroglycérine, et celte dernière se dépose au fond du vase. La filtration terminée, on la recueille, au moyen de seaux en caoutchouc et on la verse dans des réservoirs coniques où on la laisse reposer durant vingt-quatre heures, afin qu’elle se sépare des dernières traces d’eau qui remontent à la surface. On décante cette eau, et il ne reste plus, dans les réservoirs, que la nitroglycérine pure.
    5) — Traitement des résidus.
    Dans la fabrication de la nitroglycérine, il se produit de très abondants résidus qui exigent un traitement spécial non seulement pour la récupération des acides, mais surtout en vue de la sécurité de la fabrication, des ouvriers et du public en général.
    Les résidus se partagent en résidus acides de la séparation et en résidus provenant des lavages.
    Les premiers sont toujours riches en glycérine et en nitroglycérine que l’on doit absolument recueillir par une deuxième opération de séparation identique à la première, mais effectuée dans un local spécial et avec un séparateur également spécial. L’extraction de la nitroglycérine qui se sépare peu à peu du mélange acide, doit se faire fréquemment, afin d’éviter des accumulations dangereuses ; on doit avoir le soin de maintenir la température du mélange constamment aux environs de 20° ; l’opération doit s’effectuer sans la moindre interruption et sous la surveillance incessante de l’ouvrier qui, à la première apparition de vapeurs rutilantes, fait intervenir
    l’air comprimé et qui, si cela ne suffit point pour arrêter la réaction, ouvre la soupape de décharge afin que le liquide se déverse dans les récipients de sûreté.
    Le mélange acide, complètement exempt de nitroglycérine, s’emploie généralement pour la fabrication d’engrais chimiques ; on le traite, à cet effet, avec des phosphates naturels. Par contre, dans certaines fabriques on le dénitre, c’est-à-dire que l’on sépare l’acide azotique de l’acide sulfurique par un procédé convenable qu’il n’y a pas lieu de décrire ici ; ensuite chacun des deux acides est dûment purifié et concentré.
    Les eaux de lavage doivent aussi être complètement débarrassées des petites quantités de nitroglycérine qu’elles peuvent contenir ; on les neutralise ensuite afin que, en passant, par les tuyaux de décharge, de la fabrique à l’extérieur, elles ne compromettent pas la végétation et qu’elles ne souillent pas les cours d’eau voisins.
    La nitroglycérine, récupérée grâce au traitement des résidus de toutes sortes, est lavée et filtrée d’après les procédés ordinaires.
    Quant aux résidus pâteux recueillis au cours des précédentes opérations, on les détruit chaque jour par combustion dans un endroit éloigné pour éviter tout accident.

CHAPITRE 111
Propriétés de la nitroglycérine
La nitroglycérine parfaitement pure a l’aspect d’un liquide huileux, inodore et presque incolore, à part une très légère teinte d’un jaune clair. Elle a une saveur caustique et, même prise à très petites doses, elle produit des effets d’intoxication très marqués qui agissent principalement sur la vue et sur le cerveau, produisant en même temps une prostration générale de tout Forganisme. L’intoxication se produit le plus souvent par le contact direct du liquide avec la peau de la main ou de toute autre partie du corps. Le repos, la ventilation, les compresses glacées, les frictions avec des solutions de potasse caustique ou d’acide iodhydrique et l’absorption de café noir bien fort sont les remèdes le plus généralement prescrits contre un commencement d’empoisonnement par la nitroglycérine. Il convient donc, quand on manie ce corps, de faire usage de gants en caoutchouc pour éviter tout contact direct.
La nitroglycérine est le plus énergique explosif jusqu’ici connu. Sa constitution chimique est donnée, d’après Berthelot, par la formule
G6 H* (Az OG H3).
Son équivalent est 227 résultant de la formule ci-dessus :
Carbone
Hydrogène 5
Azote 42
Oxygène 144
Total 227
Donc la nitroglycérine, que l’on considérait comme un composé nitré par substitution, semblerait au contraire être un éther nitrique de la glycérine.
A la température de 15°, elle a une densité de 1,60.
Elle est insoluble dans l’eau, dans la térébenthine, dans la solution de soude caustique, dans l’acide chlorhydrique; elle se dissout lentement dans l’alcool pur, dans l’alcool méthyli- que, dans l’éther, dans l’acétone, dans l’huile d’olive, dans la benzine, dans le phénol, dans le toluol, etc.
A la température ordinaire, la volatilisation de la nitroglycérine est presque insensible ; à 40’, elle dégage une odeur caractéristique et sa solubilité dans l’alcool augmente ; à 50° elle commence à se vaporiser ; si l’on augmente lentement la température, à 100° elle développe des vapeurs de peroxyde d’azote; enfin, au-dessus de 110’, elle finit par se décomposer lentement et sans explosion. Par contre, une rapide élévation de température la fait exploser instantanément et avec violence à 217°.
La nitroglycérine explose sous l’action du fulminate de mercure, et aussi sous l’action d’un choc un peu sensible. Le fulminate et le choc la font éclater avec une violence énorme, et sa facilité d’explosion se trouve augmentée par la chaleur.
Alors que, théoriquement, la nitroglycérine chimiquement pure ne se solidifie qu’à — 20°, en réalité, la nitroglycérine industrielle se congèle à 8° en prenant la forme de longues aiguilles prismatiques opaques et sa densité augmente jusqu’à 1,735. En ce dernier état, elle est peu sensible à l’action du choc. Le dégel survient quand on élève la température à 11° et on l’obtient en immergeant la nitroglycérine dans un bain-marie d’eau tiède. Pour effectuer une pareille opération, il faut absolument s’abstenir de faire usage de la chaleur émanant directement du foyer car, le dégel survenant alors trop rapidement, il se développerait facilement des vapeurs nitreuses qui provoqueraient l’explosion.
La facilité avec laquelle la nitroglycérine se congèle et les
graves inconvénients résultant de ce défaut, ont amené de nombreux chimistes à rechercher des substances qui, unies à la nitroglycérine, abaisseraient sa température effective de solidification, en la rapprochant autant que possible de la température théorique. Ce sujet sera traité au chapitre V, § 6, traitant des dynamites incongelables.
La nitroglycérine chimiquement pure présente une stabilité presque absolue, au point qu’elle peut se conserver indéfiniment. Toutefois c’est un produit si délicat que Faction de l’humidité, même la plus légère, suffit pour l’altérer et provoquer sa décomposition spontanée. De même, la mise en contact avec presque tous les composés nitriques, la présence de simples traces d’acide libre, l’action des rayons solaires déterminent la décomposition de la nitroglycérine,— décomposition qui commence à se manifester par des taches verdâtres à la surface du liquide et se développe par suite de la production de vapeurs nitreuses, de protoxyde d’azote et d’acide carbonique qui, à mesure que la réaction progresse, s’enflamment et entraînent l’explosion de la matière.
La nitroglycérine, sous Faction de l’acide iodhydrique, se décompose en glycérine et en peroxyde d’azote. De même, les métaux avides d’oxygène, tels que le fer, le plomb,l’étain,etc., peuvent déterminer des réactions lentes de la nitroglycérine, par suite du développement de vapeurs nitreuses.
Mise en petite quantité au contact d’une flamme, la nitroglycérine brûle sans exploser. Elle s’allume, mais difficilement, sous Faction de l’étincelle électrique. De fortes étincelles multiples peuvent cependant provoquer son explosion.
D’après Berthelot, la formule de détonation de la nitroglycérine est représentée par :
OH»(Az‘H)’=3 C’O* + 5 IIO + 3Az +O
La quantité considérable d’oxygène que contient la nitroglycérine, produit la complète transformation de ses éléments

lors de l’explosion et est en partie la cause de sa puissance extraordinaire.
La nitroglycérine, en raison de son excessive sensibilité au choc, ne s’emploie jamais pure comme explosif. Aussi la fabrique-t-on en grandes quantités pour la transformer immédiatement en dynamites ou en l’un des autres très nombreux explosifs dont elle est la base,comme on l’expliquera ci-après.
La nitroglycérine s’utilise encore directement dans diverses applications thérapeutiques. C’est ainsi qu’on l’administre par injection dans divers cas d’empoisonnement ; elle entre dans des solutions alcooliques pour la guérison de l’asthme, de l’artériosclérose,de Fangine de poitrine et d’autres affections similaires; on en forme des pilules pour combattre les migraines, les névralgies, les maladies des reins et tant d’autres affections plus ou moins graves dont a à souffrir la misérable humanité, qui trouve souvent la guérison dans ces mômes agents qui, employés, d’autre part, dans un but criminel, apportent trop fréquemment la douleur et la ruine.
CHAPITRE IV
Classification des dynamites
Comme on l’a déjà dit dans l’introduction (découverte des nouveaux explosifs), la dynamite fut inventée par l’ingénieur suédois Nobel, lequel rendit possible l’emploi, comme explosif, de la nitroglycérine, en mélangeant celte dernière avec une substance poreuse et finement pulvérisée qui, l’absorbant intimement, réalise la séparation par une simple action mécanique. En outre, Nobel fit une très importante découverte — à savoir que l’explosion proprement dite de la dynamite ne peut être produite que par une amorce spéciale au fulminate de mercure.
En effet, un des caractères des dynamites est de n’éclater ni par simple inflammation ni sous l’action d’un choc modéré, mais bien d’exploser avec une force extraordinaire, même sous l’eau, grâce à la violente action produite par l’explosion du fulminate de mercure.
La première dynamite fabriquée par Nobel était préparée avec une silice spéciale et extrêmement poreuse qui n’agissait que comme agent absorbant de la nitroglycérine et n’entrait en aucune manière dans son action explosive.
Nobel lui-même perfectionna plus tard son invention en substituant à la silice une base nouvelle par elle-même, explosive et susceptible d’ajouter son action propre à celle de la nitroglycérine, en transformant la puissance déflagrante de cette dernière en une force plus maniable et propulsive.
Dès lors surgirent de nombreux inventeurs qui utilisèrent
la nitroglycérine pour produire une variété infinie d’explosifs qui ont reçu l’appellation générique de dynamites et qui peuvent se classer en deux grands groupes :
1° Les dynamites à base inerte ;
2° Les dynamites à base active.
Le second groupe, à son tour, se subdivise en trois classes selon la nature des explosifs leur servant de bases, savoir :
1° Dynamites à base de nitrates ;
2° Dynamites à base de chlorates ;
3° Dynamites à base de pyroxyles ou substances obtenues par la nitrification des celluloses.
CHAPITRE V
Dynamites à base inerte
La dynamite à base inerte s’obtient par le mélange de la nitroglycérine avec une substance fine et poreuse. On produit ainsi une masse plastique à laquelle on peut donner une forme quelconque et que l’on peut loger dans des carions, dans des caisses et transporter soit par chemin de fer, soit sur les routes ordinaires, sans qu’elle offre plus de dangers que la poudre ordinaire.
La première dynamite Nobel se fabrique avec le Kieselguhr ou guhr, qui se rencontre en grandes quantités dans le Hanovre et qui n’est autre chose qu’une sorte de silice presque pure, friable, poreuse, douce au loucher quand elle est finement pulvérisée, et constituée par des myriades de restes fossiles d’infusoires.
Le produit Nobel se compose ordinairement de :
Nitroglycérine 75 parties.
Kieselguhr 25 —
C’est là le dosage adopté pour la production de la dynamite n° 1 ; par une graduelle diminution de la quantité de nitroglycérine et une augmentation correspondante du kieselguhr, on produit les dynamites n° 2 et n° 3.
Fabrication. — Le kieselguhr destiné à la préparation de la dynamite ne doit contenir ni fragments de quartz, ni substances organiques, ni humidité.
11 faut enlever le quartz avec un soin tout spécial.
On élimine les substances organiques et l’humidité par la calcination du kieselguhr,qui s’effectue dans un four à réverbère où la matière à traiter, étendue en une mince couche remuée fréquemment avec un rateau en fer, est portée au rouge. Ensuite on refroidit, on moud et on tamise finement cette matière. Enfin on la loge dans des sacs, à l’abri de l’humidité.
Le travail d’absorption de la nitroglycérine se fait dans des huches dites de pétrissage. On y introduit le kieselguhr dans les proportions voulues. La nitroglycérine, qui doit être limpide et complètement exempte de toute trace d’humidité, es’, apportée, dans des seaux de caoutchouc remplis aux deux tiers, et cela avec de grandes précautions afin d’éviter tout égouttage, même minime, de liquide sur le plancher, dans le local de pétrissage. On la verse sur le kieselguhr qui l’absorbe et l’ouvrier chargé du travail pétrit au fur et à mesure et avec soin le tout, jusqu’à ce qu’il ait obtenu une pâte homogène et de teinte uniforme, pâte que l’on fait ensuite passer au travers des mailles d’un tamis et que l’on confectionne enfin en cartouches.
Les cartouchières consistent en des presses à main qui moulent la dynamite en cylindres de dimensions déterminées, dits cartouches.
Chaque cartouche est enveloppée dans du parchemin ou dans du papier paraffiné. On loge les cartouches terminées dans des petites caisses en bois d’une contenance normale de 25 kilogrammes, puis on place ces caisses dans un magasin.
L’heureuse découverte de Nobel, qui permettait d’utiliser la merveilleuse puissance de la nitroglycérine, trouva bientôt de nouvelles et nombreuses applications.
Le même composé Nobel acquit une puissance plus grande par la préparation de la
Dynamite n° O, composée de :
Nitroglycérine 90 parties.
Kieselguhr 10
Le kieselguhr fut encore associé à d’autres substances destinées à abaisser la température d’explosion de la nitroglycérine, et ainsi on produisit la
Wetterdynamite a la soude, composée de :
Nitroglycérine 52 parties.
Carbonate de sodium 31 —
Kieselguhr 14 —
A la catégorie des Welterdynamites appartiennent : La poudre d’AnDEER, formée de :

Quelquefois à la composition de la poudre d’Ardeer on ajoute du nitrate de potassium ;
La Carbodynamite *, formée de :
Nitroglycérine 90 parties.
Charbon de liège 8,50 —
Carbonate de sodium 1,50 —
Selon Reid et Borland, les inventeurs de la carbodynamite, le charbon de liège absorberait la nitroglycérine de manière à rendre impossible toute exsudation de cette dernière, même après une longue immersion dans l’eau ;
La Pantopollite, mélange de :
Nitroglycérine et naphtaline …. 70 parties.
Kieselguhr 20 —
Sulfate de barium 7 —
Craie 3 —

  1. Voir page 273.
    Mais d’autres substances poreuses vinrent bientôt constituer la base inerte des dynamites, par exemple la silice, le tripoli, le sable ordinaire, le coke pulvérisé, les briques triturées, le mica, et l’on eut :
    La Dynamite rouce :
    Nitroglycérine 68 parties.
    Tripoli 32 —
    La Dynamite blanche :
    Nitroglycérine 75 parties.
    Terre siliceuse naturelle 25 —
    La Dynamite noibe :
    Nitroglycérine 45 parties.
    Coke pulvérisé et sable 55 —
    La Fulgurite solide :
    Nitroglycérine 60 parties.
    Farine de froment et carbonate de magnésium. 40 —
    La Fulgurite liquide : •
    Nitroglycérine 90 parties.
    Farine et carbonate de magnésium. … 10 —
    La Boritine :
    Nitroglycérine 37,50 parties.
    Kieselguhr 12,50 —
    Acide borique 50 —
    La Jones :
    Nitroglycérine 35 parties.
    Kieselguhr et sulfate de chaux 65 —
    La Dynanite mowbray :
    Nitroglycérine 52 parties.
    Mica 48 —
    La Dynamite américaine, mélange de nitroglycérine et de poudre de coke avec de l’acétate de calcium ;
    La Dynamite au boghead, dans laquelle la nitroglycérine est absorbée par les cendres de la matière bitumineuse de Boghead (Écosse), cendres qui sont un mélange de silice et d’alumine.
    Quelques-unes des bases ci-dessus ne peuvent absorber la nitroglycérine dans le véritable sens du terme ; elles ne font que la subdiviser superficiellement et s’intercalent entre ses molécules : par suite, les dynamites formées avec ces bases présentent facilement et bien souvent les inconvénients de la nitroglycérine pure.
    De même, la laine et le coton contribuèrent à la production des dynamites à base inerte, et l’on eut :
    La Fulminatine, dans laquelle on emploie les bourres de tissus de laine pour absorber la nitroglycérine ;
    La dynamite de Graydon, que l’on obtient en immergeant du tissu de laine ou de coton dans la nitroglycérine jusqu’à saturation, puis en recouvrant le tout avec du papier paraffiné fixé au tissu, lequel est ensuite enroulé de manière à former des charges cylindriques.
    On a enfin essayé d’autres absorbants inertes que l’on n’a pas tardé à abandonner parce qu’ils contenaient des substances susceptibles de produire des réactions ou qu’ils réagissaient au contact d’acides ou d’autres matières.
    CHAPITRE VI
    Dynamites à base active
    Les dynamites à base inerte furent bientôt préférées aux autres explosifs utilisés à l’époque et ont été, pendant de longues années, largement employées dans les mines. Cependant, les chercheurs ne cessèrent pas de s’occuper de la nouvelle invention et ils s’attachèrent à la perfectionner pour en tirer des effets toujours plus grands et pour éliminer, autant que possible, les inconvénients présentés par la dynamite ordinaire. C’est ainsi que l’on en vint à employer comme bases des substances explosives par elles-mêmes, en les mélangeant à la nitroglycérine dans la préparation des nouvelles dynamites.
    On fabriqua donc des dynamites en mélangeant la nitroglycérine tantôt avec la poudre noire, tantôt avec un composé binaire de salpêtre et de charbon, tantôt avec du nitrate de barium et de la résine, tantôt avec d’autres mélanges iden- / O
    tiques et enfin avec les pyroxyles.
    Les avantages que présentent ces nouveaux explosifs, comparés à la dynamite ordinaire, sont très appréciables, car la substance explosive servant de base à la nouvelle dynamite n’ajoute pas seulement sa propre action à celle de la nitroglycérine, mais elle multiplie encore les effets résultant de cette action. C’est ainsique la poudre noire, par exemple, qui, dans les conditions ordinaires, explose en produisant un effet relativement lent et progressif, éclate instantanément sous l’action de la^nitroglycérine et que sa température d’explo
    sion atteint un degré beaucoup plus élevé, en développant conséquemment une plus forte quantité de gaz. En définitive, la base ajoute sa force explosive à celle de la nitroglycérine avec laquelle elle est combinée.
    Très grand est le nombre des dynamites à base active jusqu’ici imaginées et fabriquées. On peut les comprendre toutes dans les trois classes sus-énoncées, savoir : Dynamites à base de nitrates, dynamites à base de chlorates, dynamites à base de pyroxyles.
    § 1. — Dynamites à base de nitrates.
    Les dynamites à base de nitrates sont celles comprenant, parmi leurs substances composantes, des nitrates de potassium, de sodium ou d’ammonium. En substituant de pareilles substances à la base inerte, on n’a pas eu seulement en vue une augmentation de la puissance de l’explosif; on a voulu en outre diminuer le défaut d’exsudation de la nitroglycérine, défaut très marqué dans les dynamites à base siliceuse et spécialement dû à l’action de l’humidité ; on a voulu également abaisser le degré de congélation qui, dans les dynamites à base inerte, est fort élevé.
    C’est Nobel lui-même qui eut le premier l’idée, en 1867, de substituer au kieselguhr, comme substance absorbante, la poudre noire finement pulvérisée. Il obtint alors la
    Dynamite grise composée de :
    Nitroglycérine 20 à 25 parties.
    Poudre noire de mine …. 80 à 75 —
    Ensuite apparut un nouveau type, formé de :
    Nitroglycérine 52 parties.
    Nitrate de potassium 30,50 —
    Carbonate de sodium 1,50 —
    Sciure de bois 16 —
    Celte nouvelle catégorie de dynamites ne tarda pas à rencontrer un accueil favorable et Nobel eut naturellement de nombreux imitateurs qui prirent des brevets pour de nombreuses variétés de son explosif.
    Parmi les plus importantes de ces variétés, nous trouvons les Dynamites Judson brevetées en 1876 et composées de :
    ■ Type RRP Type 3 F Nitroglycérine …. 5 parties. 20 parties.
    Nitrate de sodium. . . 61 — 53,90 —
    Soufre 16 — 13,50 —
    Charbon bitumineux. . 15 — 12,60 —
    Les substances solides sont pulvérisées sous forme de grains et mélangées entre elles à la température de 140°, de manière que le soufre se répartisse dans la masse, en adhérant aux petits grains sans les agglomérer. On ajoute alors la nitroglycérine qui n’est pas absorbée, mais qui se divise en recouvrant superficiellement chaque grain.
    La dynamite Judson a une puissance de moitié supérieure à celle des dynamites à base inerte, mais sa fabrication est plus délicate et plus dangereuse.
    On trouve encore par ordre chronologique :
    En 1872 la Subatine :
    Nitroglycérine 78 parties.
    Nitrate de potassium 8 —
    Charbon 14 —
    Le charbon employé doit être extrêmement poreux et inflammable ;
    En 1878 la Paléine composée de :
    Nitroglycérine
    Paille nitratée
    Nitrate de potassium. . . Fleur de soufre . . . . Fécule
    Grâce à l’addition d’un hydrocarbure quelconque, la paléine, qui est déjà par elle-même peu sensible à la percussion, résiste même au choc d’une balle de fusil et, pour exploser, exige l’intervention de puissants détonateurs.
    Parmi les dynamites hydrocarburées, on peut citer : L’Explositif Monakay, dans lequel la nitroglycérine est absorbée par un mélange formé de : .
    Noir de fumée 0,200
    Terre 2
    Nitrate de sodium 0,200
    Borax 0,200
    Carbure d’hydrogène liquide. . . 0,125
    Les Litiioclastites qui se fabriquent en Espagne depuis 1881 et dans lesquelles entrent des hydrocarbures dans des proportions suffisantes pour que leur complète oxydation résulte de l’excès d’oxygène fourni par la décomposition de la nitroglycérine ; .
    La Nitromagnite composée de la nitroglycérine et d’hydrocarbonates de magnésium.
    Revenant à l’énumération des dynamites à base de nitrates, nous trouvons encore :
    En 1881, la Pétralite, composée de :
    Nitroglycérine 60 parties.
    Nitrate de potassium 16 —
    Palmitate de cétile 1 —
    Carbonate de chaux 1 —
    Lignine 6 —
    Charbon spécial 16 —
    Le palmitate de cétile est la partie principale de la matière grasse cristalline connue sous le nom de spermaceti * ;
  2. F. Salvati. Vocabolario di polveri ed esplosivi.
    En 1882, le Litiiofracteur formé de :
    Nitroglycérine 52 parties.
    Kieselguhr et sable 30 —
    Charbon de terre 12 —
    Nitrate de sodium 4
    Soufre. . 2 — (jui n’est, comme on le voit, qu’une pâte formée de dynamite avec une sorte de poudre noire ;
    En 1883, VAmidogène :
    Nitroglycérine 75 parties’.
    Nitrate d’ammonium 4 —
    Paraffine 3 —
    Charbon 18 —
    En 1888 une nouvelle variété de :
    Carbodynamite dans la composition à base inerte ‘de laquelle on a ajouté du nitrate de potassium.
    D’autres variétés multiples du même genre de dynamite ont été proposées et adoptées, comme par exemple :
    Les poudres Castellanos :
    Nitroglycérine 40 parties.
    Nitrate de potassium 25 —
    Picrate de potassium 10 —
    Sels inertes 10 —
    Charbon 10 —
    Soufre 5 —
    La dynamite à l’amidon:
    Nitroglycérine 68 parties.
    Poudre nitralée d’amidon 32 —
  3. Voir page 266.
    Les Explosifs Goad composés de :
    Nitroglycérine. … 75 parties. 30 parties. 30 parties.
    Nitrate de potassium. .5 — 50 — »
    Poudre de bois mort .20 — 20 — 10 —
    Poudre noire de mine. » » 60 —
    < *
    La Dynamite Etna :
    Nitroglycérine. . . …. 65 parties.
    Pulpe de bois nilrée 35 —
    La Dynamite Fowler :
    Nitroglycérine 20 parties.
    Nitrate d’ammonium 56,25 »
    Sulfate de sodium anhydre 18,75 »
    Charbon 5 »
    La Fulmison, avec du son nitré comme absorbant ;
    Les Dynamites de kadmite, contenant de la poudre noire ;
    La Krummel, la Méganite, la Rexite, la Stonite, contenant de la sciure de bois nitré avec ou sans carbonates ;
    La Kallénite, dont la substance absorbante consiste en des feuilles d’eucalyptus et des écorces d’arbre nitrées ;
    La Kelly, analogue à la précédente, c’est-à-dire contenant des feuilles calcinées d’eucalyptus et de la poudre nilrée de bois de chêne ;
    La Norris, brevetée en 1901 est composée de :
    Nitroglycérine 70 parties.
    Mononilrobenzine 15 —
    Huile empyreumatique 14 —
    Magnésie 1 —
    sans parler de nombreuses autres variétés à peu près identiques aux précédentes.
    Il convient pourtant de faire remarquer ici que le nitrate d’ammonium et le nitrate de sodium, bien qu’on les utilise largement dans la fabrication des dynamites à cause de leur grande énergie, ont le grave défaut de présenter une hygro- métricité excessive, qui fait que ces nitrates se séparent facilement de la nitroglycérine, si l’explosif se trouve exposé à l’humidité. Par suite, de tous les nitrates celui qui doit recevoir la préférence est le nitrate de potassium, en raison de ce qu’il est le moins hygrométrique de tous.
    2) . — Dynamites à base de chlorates.
    Les dynamites à base de chlorates sont celles dont les nitrates se trouvent accompagnés de chlorates ou remplacés par ces derniers — ce qui augmente leur puissance mais diminue leur sécurité, aussi bien dans la fabrication que dans l’emploi.
    C’est ce qui explique le succès limité de ce genre de dynamites. Nous indiquerons pourtant la composition de quelques-uns des types principaux, savoir :
    Le Nitrolkrut, breveté dès 1876 par Berg, en Suède, et composé de :
    Nitroglycérine 24 parties.
    Chlorate de potassium 30 —
    Nitrate de potassium ou de sodium. . . 46 —
    La Nisebastine, qui remonte également à 1876 et est un mélange de :
    Nitroglycérine 55 parties.
    Charbon 22 —
    Chlorate de potassium 19 —
    Carbonate de sodium 4 —
    La Gotham :
    Nitroglycérine 66 —
    Chlorate de potassium 20 —
    Nitrate de potassium 4 —
    Écorce de chêne en poudre 10 —
    La Kraft :
    Nitroglycérine 65,36parties.
    Chlorate de potassium 16,96 —
    Nitrate de potassium 15,18 —
    Poudre de bois de chêne 12,50 —
    Les dynamites du type Seranine, celles dites Ercole (Hercule), la Fluorine et autres similaires, dans lesquelles la nitroglycérine se trouve associée au chlorate de potassium et à une substance organique ou à plusieurs.
    La fabrication des dynamites à base de chlorates exige l’emploi d’une nitroglycérine absolument neutre, car même une seule trace d’acide sulfurique entrant en contact avec le chlorate de potassium déterminerait l’explosion de ce dernier et, par suite, celle du mélange au cours même du travail.
    2) . — Dynamites à base de pyroxyles.
    Par dynamites à base de pyroxyles, on entend celles qui, généralement connues sous les noms de gélalineset de gommes, comportent dans leur composition une quantité plus ou moins grande de nitrocelluloses.
    Une première tentative de réalisation de ces explosifs fut faite en Autriche par Trauzl qui, en 1867, associa la nitroglycérine au fulmicoton et produisit, sous forme de pâte, un explosif constitué de :
    Nitroglycérine
    Fulmicoton
    Charbon
    L’explosif Traulz ne s’altérait pas sous l’action de l’eau ; même après plusieurs jours d’immersion dans l’eau, on parvenait à le faire exploser à l’aide d’une forte amorce au fulminate de mercure. Mais l’essai de Trauzl n’eut pas alors d’applications pratiques ; on se borna à employer quelquefois sadynamite comme amorce pour provoquer l’explosion de la dynamite ordinaire congelée.
    Presque en même temps que Trauzl et en 1867 également, Abel, en Angleterre, associa la nitroglycérine au fulmicoton additionné d’un corps oxydant, tel que le chlorate ou le nitrate de potassium, et d’un carbonate. Il produisit ainsi quelques variétés de dynamites parmi lesquelles, entre autres :
    LaGcvoxYLiNE, composée de :
    Nitroglycérine 65,50 parties.
    Fulmicoton 30 —
    Nitrate de potassium 3,50 —
    Carbonate de sodium 1 —
    Mais le fulmicoton proprement dit, en raison de son insolubilité caractéristique, ne pouvait s’associer intimement à la nitroglycérine : aussi l’explosif Abel eut le même sort que l’explosif Trauzl.
    Ce fut encore Nobel qui trouva la formule décisive du nouveau composé quand, en 1875, il découvrit que le coton-collodion ou dinitrocellulose soluble, C8 H8 (AzO8)2 O5, se dissolvait dans la nitroglycérine chaude. Il mélangea alors 93 parties de nitroglycérine et 7 parties de dinitrocellulose soluble, en ajoutant un peu de camphre et de benzine, et produisit une dynamite qu’il appela gélatine explosive. Ce dernier produit s’imposa immédiatement par ses qualités éminentes et se substitua bien vite aux dynamites à base inerte qui, aujourd’hui, sont presque entièrement abandonnées
    2) 4. — Fabrication des gélatines explosives.
    Avant tout, il est indispensable que les matières premières, nitroglycérine, coton-collodion et autres substances qui seront indiquées plus loin et qui concourent à la fabrication des gélatines, présentent la pureté la plus absolue.
    1 Voir page 294. .
    Le citron-collodion ou pyroxyline (G’ IIs AzO2)! O5 ne doit pas, en outre, contenir de nitrocellulose insoluble, dont on ne peut tolérer que des traces minimes.
    La pyroxyline, que l’on conserve ordinairement à l’état humide, doit, avant d’être ajoutée à la nitroglycérine, subir un séchage parfait. On opère ce séchage dans un local spécial où le coton-collodion est disposé en couches minces sur des châssis convenables, entre lesquels on fait circuler des courants d’air chaud. La température ambiante ne doit jamais dépasser 40° ; aussi place-t-on dans l’intérieur du local utilisé comme séchoir un thermomètre d’après les indications duquel se règle la température. Un autre thermomètre,plongé dans la masse de pyroxyline, indique la température de cette dernière. On remue de temps à autre le coton pour faciliter le séchage. Une fois le séchage terminé,on fait passer le coton au travers d’un tamis pour le diviser finement, puis on l’enferme dans des sacs en caoutchouc afin d’empêcher qu’il entre en contact avec l’air extérieur.
    La solution de la nitrocellulose dans la nitroglycérine est dite gélatinisation, car le premier corps, en se dissolvant dans le second, se transforme en une substance gélatineuse d’une consistance plastique.
    L’appareil destiné à l’exécution de ce travail consiste en une série de récipients en bois à double paroi, intérieurement doublés de plomb. Entre les deux parois circule un courant d’eau chaude destiné à élever jusqu’à 50° la température dans l’intérieur des récipients. Ces derniers sont disposés de manière qu’un seul courant d’eau les réchauffe simultanément et d’une façon uniforme. Afin d’éviter toute élévation excessive de la température, on dispose d’un réservoir d’eau froide qui peut entrer en communication avec la canalisation d’eau chaude, aussitôt que le thermomètre en indique la nécessité.
    Une fois qu’on a mis en circulation lecourant d’eau chaude que l’on a versé dans les récipients, avec les précautions convenables, la nitroglycérine que la température de cette dernière a atteint 45°, on y immerge peu à peu la nitrocellulose et on remue la masse avec une pelle en bois, en évitant absolument tout frottement contre les parois du récipient. Quand l’opération est terminée, on laisse reposer pendant environ une demi-heure, en maintenant la température à 40°- 50°. Ensuite, on fait passer la matière obtenue dans le pétrin. Ce dernier consiste en une cuve de bronze formée de deux parties cylindriques superposées et à double paroi, rendant possible la circulation de l’eau chaude ou de l’eau froide selon les besoins. L’intérieur de la cuve renferme deux arbres, auxquels sont fixées des palettes hélicoïdales en bronze. Les axes tournent à des vitesses différentes et en outre en sens inverse, de manière que les palettes, dans leur mouvement, pétrissent d’une façon uniforme la gélatine soit seule, soit mélangée avec d’autres substances, lorsque d’autres substances doivent entrer dans la composition de l’explosif.
    Enfin, on procède à l’encartouchement d’après un système identique à celui employé pour les dynamites à base inerte.
    La dinitrocellulose ou pyroxyline se dissout seulement à chaud dans la nitroglycérine ; elle se dissout par contre rapidement à la température ordinaire dans l’acétone, dans les éthers acétique, éthylique, méthylique, dans les nitrobenzines, etc. On a donc songé à éviter l’opération toujours dangereuse du chauffage delà nitroglycérine en traitant le cotoncollodion avec un des dissolvants susdits ; une fois qu’on a obtenu sa gélatinisation, l’on ajoute le coton-collodion à la nitroglycérine, et éventuellement aux autres substances, dans le pétrin; puis on effectue l’encartouchement.
    On peut facilement se rendre compte pourquoi la nouvelle application de Nobel a trouvé des imitateurs actifs, pourquoi de nombreuses variétés de gélatines ou de dynamites-gommes ont bientôt fait leur apparition dans le champ fécond des explosifs.
    Il serait superflu d’énumérer toutes les diverses nilrogéla- lines qui, jusqu’à ce jour, ont été brevetées, car la plupartd’entre elles diffèrent bien peu de la dynamite-gomme du type Nobel. En somme, cette dernière est encore celle qui, pour les usages industriels, possède les plus grands avantages de stabilité, de force, de plasticité, etc. ; c’est pourquoi on la produit dans toutes les fabriques de dynamite, surtout en Italie.
    Nous mentionnerons toutefois quelques types qui, eu égard à leur composition, méritent une mention particulière.
    Une série assez importante de dynamites est donnée par le type à Yammoniaque.
    A l’origine nous trouvons :
    L’Ammoniakkrut, qui fut inventée en Suède dès 1867 et qui est une dynamite à base de nitrate, car elle est donnée par le mélange suivant:
    Nitroglycérine 14 parties.
    Nitrate .d’ammonium 80 —
    Charbon 6 —
    Après l’application faite par Nobel de la dinitrocellulose soluble, celle dernière entra dans la composition des :
    Dynamites a l’ammoniaque, dont on fabrique de nombreux types présentant à peu près les compositions suivantes, savoir: Nitroglycérine. . . -10 parties. 40 parties. 20 parties. Nitrate d’ammonium. 45 — 45 — 75 —
    Dinitrocellulose . . 10 — 10 — 5 —
    Nitrate de sodium . 4,70 — 5 — »
    Ocre 0,30 — » »
    Pour corriger l’hygrométricité du nitrate d’ammonium, certains fabricants y ajoutent de la paraffine.
    Nobel, lui aussi, utilisa en 1879 le nitrate d’ammonium et produisit la :
    Dynamite Extra:
    Nitroglycérine 48,40 parties.
    Dinitrocellulose 1,60 –
    Nitrate d’ammonium 31,50 parties.
    Charbon 5 . —
    Farine de seigle 9 —
    Soude 1 —
    Ocre 0,50 —
    Les dynamites à l’ammoniaque ont le défaut d’être déliquescentes et de laisser facilement exsuder la nitroglycérine.
    Malgré cela, on en fabrique en France, en Belgique, en Angleterre. En Suède, depuis 1880 on fabrique : .
    La Forcite :
    Nitroglycérine 61 parties.
    Coton-collodion 3,50 —
    Nitrate d’ammonium 25 —
    Poudre de bois sec 6,50 —
    Magnésie 1 —
    On produit également :
    La Gélatine a l’ammoniaque :
    Nitroglycérine 30 parties.
    Nitrate d’ammonium 67 —
    Coton-collodion 3 —
    et la Gelignite a l’ammoniaque:
    Nitroglycérine
    Nitrate d’ammonium
    Coton-collodion
    Sous le nom générique de :
    Gelignites, on fabrique depuis 1897 des dynamites-gommes qui sont utilisées avec avantage surtout dans les mines de houille et qui sont formées à peu près de :
    Nitroglycérine
    Dinitrocellulose
    Nitrate de potassium 29
    Poudre de bois 8
    Quelques types de gélignite contiennent même un oxalate alcalin. •
    Au type des gelignites appartient la gélatine explosive désignée sous le nom de Dualine, que l’on fabrique en Suède, en Angleterre et en Californie, en combinant la nitroglycérine à la poudre Schultze .
    Le nitrate de sodium également, malgré sa déliquescence, entre dans un grand nombre de gélatines qui, sous le nom de :
    Dynamites a la soude, se composent approximativement de :
    Nitroglycérine 40 parties.
    Nitrate de sodium 43 —
    Cellulose 17 —
    Dans ce type, il faut noter 1’
    Atlante, gélatine fort employée en Angleterre et en Amérique, et composée de :
    Nitroglycérine 75 parties 50 parties.
    Poudre de bois nitré … 21 — 14 —
    Nitrate de sodium …. 2 — 34 —
    Carbonate de magnésium .2 — 2 —
    Le nitrate de potassium, de même que les nitrates d’ammonium et de sodium, ne pouvait être négligé; on a donc préparé les :
    Dynamites a la potasse, composées de :
    Nitroglycérine 48 parties.
    Nitrate de potassium 39 —
    Cellulose 13 —
    Comme on le voit, il y en a pour tousles goûts, on pourrait presque dire pour tous les appétits. En elfet, nous rencontrons : le sulfate de magnésie et la térébenthine dans la
    Dynamite Brown :
    Nitroglycérine 30 parlies.
    Nitrate de potassium 40 —
    Sulfate de magnésium 24 —
    Térébenthine 4 —
    Coton-collodion 1 —
    Carbonate de sodium 1 — ;
    la nitrobenzine dans la
    Dynamite d’Arles :
    Nitroglycérine 86 parties.
    Coton-collodion 10 —
    Nitrobenzine 4 — ;
    1c nitrate de barium dans 1’
    Oarite :
    Nitroglycérine 20 parties.
    Nitrocellulose 10 —
    Dinitrobenzine 10 —
    Nitrate de barium et de potassium. . 60 — ;
    1’oxalate d’ammonium dans la
    Saxonite qui contient de 1′
    Oxalate d’ammonium 27 parties,
    avec 73 parties d’un mélange c imposé de :
    Nitroglycérine 58 parties.
    Nitrate de potassium 26 —
    Nitrocellulose 4 —
    Poudre de bois 6,5 —
    Eau 5 —
    Chaux 0,5 —
    L’oxalate d’ammonium doit être au préalable finement pulvérisé.
    L’addition de l’oxalate d’ammonium, hydraté ou non, rend l’explosion moins violente, car elle abaisse la température de
    décomposition de l’explosif, en absorbant des quantités considérables de chaleur.
    Enfin on produit des dynamites en supprimant tout à fait, ou presque, la nitroglycérine elle-même à laquelle on a substitué d’autres substances nitrées.
    En effet, dans les mines de Cornouailles (Angleterre), on emploie la *
    Riieinische-Dynamit, composée de :
    Solution de naphtaline dans la nitro
    glycérine 75 parties.
    Kieselguhr 23 —
    Chaux 2 —
    et, dans les pays Scandinaves, on produit la Vigorine, formée de :
    Nitroline ou nitroglucose . .
    Cellulose nitrée
    Nitrate de potassium. . . .
  • Chlorate de potassium . . .
    § 5. — Dynamites spéciales sans flamme, dites Grisouliles.
    Au sixième Congrès international de chimie appliquée réuni à Rome au mois d’avril 1907, M. le professeur Watteyne, de Bruxelles, a provoqué une intéressante discussion à propos de la classification des explosifs dits desûreté, en ce qui concerne leur emploi dans les mines où se dégagent des gaz explosifs connus sous l’appellation générique de grisou. A dire vrai, cette discussion n’a abouti à rien, car elle s’est terminée par un ordre du jour du Congrès qui se réduit à un vœu très platonique. Cet ordre du jour dit textuellement :
    « Le sixième Congrès international de chimie appliquée, « réuni à Rome en 1907 :
    « Vu les confusions qui ont déjà, jusqu’ici, été constatées
    « et qui sont de nature à compromettre la sécurité des mineurs, « émet le vœu que l’on adopte des nomenclatures différentes « et distinctes pour séparer les explosifs de sûreté, au point « de vue de leur maniement, des explosifs de sûreté par rap- « port à leur manière de se comporter vis-à-vis du grisou et « des poussiers.
    « Les premiers pourront seuls continuer à porter le nom « d’explosifs de sûreté. »
    Quoi qu’il en soit,il faut féliciter M. le professeur Watteyne de son initiative, et il y a lieu d’espérer que le septième Congrès, qui se réunira à Londres en 1909, donnera une solution définitive de la question.
    En attendant, il ne sera pas inutile de signaler quelques- unes de ces dynamites spéciales qui ont pris, dans les pays miniers, une singulière importance.
    On comprend sans peine que la flamme développée par les explosifs ordinaires constitue un constant et très grave danger dans les mines où se développent facilement les gaz dits grisou. Pour éliminer une pareille menace, Millier et Aufs- chlæger de Cologne inventèrent, en 1887, la
    Grisoutite, composée d’un mélange de dynamite ordinaire et de 50 0 0 du poids de cette dernière en carbonate ou en sulfate de magnésium, substances qui ont la propriété de retenir, en combinaison avec le nouvel explosif, une certaine quantité d’eau de cristallisation qui peut atteindre jusqu’à 30 0 0. Celte eau, en se libérant, absorbe une certaine quantité de chaleur qui diminue la température des produits de l’explosion et en même temps supprime la flamme, mais toutefois en atténuant également la puissance de l’explosif.
    Pour la plupart, les dynamites au nitrate d’ammonium se sont révélées par leurs qualités comme étant, ainsi que disait M. le professeur Watteyne, antigrisouteuses, car en effet elles donnent une flamme très faible en raison de la basse température de décomposition de ce nitrate. Avec une pareille base on a fabriqué, comme on l’a déjà vu, de nombreuses variétésde dynamites auxquelles il faut ajouter les dynamites spéciales pour les mines de houille, comme par exemple la
    Bellite, mélange de :
    Nitrate d’ammonium 80 parties.
    Dinitrobenzine
    Ces deux substances solides sont finement pulvérisées, puis mélangées intimement dans une tonne cylindrique tournant sur elle-même et chauffée par de la vapeur jusqu’à 100°. La dinitrobenzine entre en fusion et enveloppe les molécules du nitrate, leur donnant ainsi une espèce de vernis qui les protège contre l’action de l’humidité. Avant le refroidissement complet de la masse, c’est-à-dire lorsque celle-ci conserve encore des qualités plastiques, on en forme des cartouches comprimées.
    La Bellite explose à l’air libre sous l’action d’une amorce contenant un demi-gramme de fulminate de mercure.
    Parmi les nombreuses poudres du genre de la Bellite, on peut citer
    la Forcite antigrisouteuse :
    Nitrate d’ammonium 70 parties.
    Nitroglycérine 29,10 —
    Nitrocellulose 0,60 —
    D’autres types importants de dynamites antigrisouteuses sont /, les Carbonites ;
    Nitroglycérine 25 parties. 30 parties. 25 parties.
    Nitrate de sodium … 31 — — 30,5 —
    Nitrate de potassium . . — 28,5 — — —
    Sulfure de benzol … 0,5 — — — —
    Farine de seigle ou de bois 40 — 36,5 — 39,5 —
    Carbonate de sodium. . . 0,5 — — — — —
    Bichromate de potassium. — — 5, — 5, —
    la Kinite :
    Nitroglycérine 26 parties.
    Nitrate de barium 33 —
    Farine de bois 40,5 —
    Carbonate de sodium 0,5 —
    sans parler de nombreuses autres qu’il serait superflu d’énumérer ici.
    § 6. —Dynamites incongelables.
    Un des plus graves inconvénients de la dynamite, même à base active, ainsi qu’on l’expliquera dans le chapitre suivant, consiste en ce que sa congélation commence d’ordinaire à -J- 10°. La suppression d’un pareil inconvénient a donné lieu à des recherches de la part des savants, recherches qui jusqu’ici, malgré des tentatives réitérées et en apparence couronnées de succès, n’ont pas eu d’applications pratiques.
    Dès 1889 Liebert, en France, breveta un mode de préparation de la nitroglycérine qui devait la rendre incongelable, et cela en additionnant de 5 0/0 d’alcool isoamylique la glycérine à nitrifier.
    En 1890, M. Woiil, de Berlin, proposa de chauffer, à la température de 130°, la glycérine avec de l’acide sulfurique concentré additionné d’alcool éthylique avant de procéder à la nitrification. On obtiendrait ainsi un produit incongelable.
    Mais, comme on l’a dit, on n’a pas encore obtenu, dans la pratique, des dynamites incongelables, et les découvertes sur ce point sont encore dans la période des recherches.
    Il semble pourtant que le problème est aujourd’hui résolu, à en juger du moins par les très importantes communications faites au récent congrès de Rome dont il a déjà été fait plusieurs fois mention.
    Ces communications ont été au nombre de deux. La première émane d’un Français, M. le Dr Leroux, qui a exposé que, le dinilrotoluol étant soluble dans la nitroglycérine et gélatini-
    sant la nitrocellulose, il a pu l’employer en l’associant, à raison de 10 0/0, aux deux autres matières pour produire une dynamite-gomme. Il a ainsi obtenu un produit qui ne gèle pas, même à la température de — 20° et qui conserve toute la puissance et la sensibilité pratique des dynamites de l’espèce.
    L’autre communication, non moins importante, est due à un Italien, M. leDr Vezir-Vender. Ce dernier a fait ressortir comment ses premiers essais d’abaissement de la température de congélation de la nitroglycérine ont eu lieu au moyen de l’addition de nilrobenzine, puis de l’orthonitrotoluol. Ces premiers essais n’ont absolument pas été alors satisfaisants.
    Il a ensuite essayé l’emploi d’acides organiques et a choisi les acétines comme possédant une très grande puissance dissolvante sur les nitrocelluloses, au point que la triacéline, par exemple, dissout le fulmicoton lui-même en donnant une gélatine parfaite. M. Vender a remarqué en outre que la dinitromonoformine et la dinitromonoacétine, mélangées à la nitroglycérine dans la proportion de 10 à 30 0/0, donnent des explosifsqui ne se solidifient qu’à — 20° environ. Mais comme ces substances ont par elles-mêmes une puissance explosive presque égale à celle de la nitroglycérine, jointe à une plus grande stabilité sous l’action de la chaleur, et comme elles sont insolubles dans l’eau de même que la nitroglycérine, M. Vender les a associées à cette dernière pour produire des gélatines véritablement incongelables et pratiques qui s’emploient aujourd’hui sous le nom de Gélatine Vender et dont la préparation commence par le mélange des éthers précités.
    Ces éthers, ainsi que l’inventeur l’a exposé au Congrès : « S’obtiennent en nitrifiant les éthers monoacides de la « glycérine avec de l’acide nitrique d’une densité supérieure « à 1,40 ou avec des mélanges d’acide nitrique. On peut « encore les obtenir directement en nitrifiant des mélanges
    « de formines ou d’acétines monobasiques et de glycérine.
    « Par exemple on obtient la dinitromonoacétine avec des « rendements d’environ 95 0/0 par rapport au chiffre théori- « que en introduisant lentement 10 parties de monoacétine « dans un mélange de 100 parties d’acide nitrique à 1,530 et « 25 parties de dissolution à 25 0/0 de SO puis en refroidis- « saut de manière que la température ne dépasse point 25°. « On jette dans l’eau, on lave avec de la soude diluée froide, « puis avec de la soude diluée à 70°.
    « La dinilroacétine ainsi obtenue se présente comme une « huile légèrement jaunâtre qui, d’après les indications du « nitromètre, contient 12,5 0/0 d’azote à la densité de 1,45 à « 15° ; elle est insoluble dans l’eau, dans le sulfure de car- « bone, dans la benzine ; elle se dissout, sans s’altérer, dans « l’acide nitrique, dans la nitroglycérine, dans l’alcool éthy- « lique et méthylique, dans l’acétone et dans les acélines. « Elle n’explose pas par l’action du marteau sur l’enclume, « mais on la fait facilement exploser avec une capsule. Dans « le cylindre normal de Trauzl, 10 grammes fournissent un « accroissement de volume de 450 centimètres cubes. Ladini- « troacétine possède une grande puissance dissolvante gélati— « nisante pour les nitrocelluloses, et elle gélatinise même à « froid le fulmicoton avec 13,4 0/0 de Az, fournissant des gé- « latines plus ou moins molles jusqu’à des gélatines cornées « parfaitement homogènes. Ces gélatines peuvent être main- « tenues, à environ — 20° C, en contact avec des cristaux de « nitroglycérine, sans se congeler.
    « D’une manière analogue on obtient la dinitroformine ; et, « en nitrifiant le produit obtenu en chauffant de la glycérine « avec moitié de son poids d’acide oxalique, d’abord à 100° « puis, durant environ vingt heures, à 140-150°, enfin en lavant « avec de la soude diluée chaude, on obtient un mélange de « nitroformine et de nitroglycérine contenant environ 30 0 0 « de dinitroformine et 70 0/0 de dinitroglycérine — mélange « que l’on peut employer directement dans la fabrication de
    LES EXPLOSIFS
    « gommes, de gélatines et de dynamites pratiquement incon- « gelables. »
    Les dynamites incongelables Vender sortent de la fabrique de dynamite de Cengio, qui appartient à la Société italienne des produits explosifs.
    CHAPITRE VH
    Propriétés des dynamites.
    § 1er. — Propriétés des dynamites à base inerte.
    La dynamite ordinaire est une substance blanche, brune ou roussûtre selon la base employée, inodore, pâteuse, grasse et onctueuse au toucher. Quand elle est excessivement grasse et qu’elle laisse exsuder la nitroglycérine, c’est un signe qu’elle contient une trop grande quantité de ce dernier corps, et alors elle est presque aussi dangereuse que la nitroglycérine pure. Si, au contraire, elle est plutôt sèche, quand on la met en contact avec la flamme, elle s’allume et brûle lentement sans exploser; elle peut également résister à toute percussion qui ne produit pas en même temps une élévation suffisante de température.
    La dynamite a une densité de 1,40 à 1,60 et possède, d’une manière générale, toutes les propriétés physiques de la nitroglycérine, y compris les propriétés toxiques. Elle gèle, comme la nitroglycérine, à la température de-]-8°,en se transformant en une masse dure; elle n’explose alors que sous l’action d’amorces beaucoup plus puissantes que celles qui lui sont nécessaires à l’état normal.
    Le dégel ne doit être opéré que par l’immersion dans l’eau tiède, car il deviendrait dangereux si l’eau même était soumise à une forte élévation de température: il importe donc que cette eau ne soit pas à une température dépassant 30°.
    Pour les usages militaires, il est inutile d’opérer le dégel de la dynamite : on peut l’utiliser môme gelée à la condition d’employer des amorces chargées de 2 grammes de fulminate de mercure. Par contre, quand il s’agit d’une dynamite à l’état naturel, une quantité de 0,6 gr. de fulminate suffit.
    La constitution chimique des dynamites à base inerte est presque identique à celle de la nitroglycérine pure. Pour déterminer le titre de la dynamite, il suffit d’en traiter une quantité donnée avec de l’éther, lequel,en dissolvant la nitroglycérine, libère la base. On fait évaporer la solution au bain de sable et on pèse le résidu.
    La dynamite s’enflamme à la température de 200°. Mise en contact avec un corps en ignition,elle prend feu et brûle lentement. Mais si on la renferme hermétiquement dans un récipient aux parois solides et qu’on la soumette à l’action de la chaleur, elle explose avec violence dès qu’elle atteint son degré de combustion. De même, quand elle est emmagasinée en grandes quantités et qu’elle s’enflamme par suite d’une cause quelconque, les couches intérieures de la masse atteignent la température d’inflammation quand elles sont encore comprimées par les couches supérieures et elles provoquent souvent l’explosion instantanée de toute la masse.
    La lumière solaire peut influer sur la décomposition de la dynamite, mais seulement quand elle est accompagnée d’une chaleur considérable, comme celle obtenue par la concentration des rayons solaires au moyen d’une forte lentille.
    Plus la température est élevée, plus la dynamite devient sensible à la percussion.
    La dynamite fabriquée avec une nitroglycérine parfaitement neutre a une grande stabilité et se conserve pendant de longues années. Elle n’est pas hygroscopique, mais si on la laisse pendant longtemps au contact de l’eau, cette dernière pénètre peu à peu dans les pores de la silice et en expulse la nitroglycérine qui exsude sous forme liquide : aussi la dynamite mouillée est-elle extrêmement dangereuse.
    La dynamite à base inerte trouve son emploi dans les mines, étant donné qu’elle possède une puissance de propulsion extraordinaire. Mais, pour les usages militaires, la dynamite à base inerte est d’une application dangereuse, parce que non seulement elle éclate avec violence sous la percussion directe d’une balle de fusil, mais encore parce qu’elle peut éclater par influence à la suite de l’explosion d’une cartouche peu éloignée, c’est-à-dire par explosion sympathique.
    §2. — Propriétés des dynamites à base active et des gélatines.
    La dynamite-gomme, comme toutes les gélatines explosives en général, est une substance de consistance plastique, d’une couleur jaune-ambrée, rarement susceptible d’exsudation, d’une densité de 1,50 à 1,60 et qui peut se mouler sous une forme quelconque. Elle brûle à l’air libre sans exploser, pourvu qu’on ne l’amoncelle pas en grandes masses. Elle explose sous l’action d’amorces contenant au moins 1 gramme de fulminate. Exposée à la chaleur et échauffée lentement, elle explose à la température de 204°.
    La dynamite-gomme conserve ses propriétés, même quand elle est maintenue pendant un certain temps dans l’eau. L’eau exerce seulement une très légère action dissolvante sur sa couche superficielle, en libérant un peu de nitroglycérine, mais sans attaquer en quoi que ce soit les couches inférieures. Elle gèle à 7°, tout en conservant souvent sa plasticité naturelle . Il est donc prudent, dans les saisons ou dans les endroits où règne une basse température, de la dégeler à l’eau tiède même quand elle ne présente point les caractères extérieurs de la congélation.
    La dynamite-gomme possède une stabilité plus grande que celle de la dynamite à base inerte; elle est, en outre, bien moins sensible au choc.
    L’addition de très petites doses de camphre ou de benzine
    la rend plus maniable et d’un transport plus sûr sans que sa puissance s’en trouve altérée; mais alors il est nécessaire d’employer des amorces plus énergiques pour la faire exploser.
    Gélatine explosive de guerre l. — Etant donné, comme on vient de le dire, que l’addition du camphre rend la dynamite- gomme presque insensible aux actions mécaniques, on a cherché à accroître cette insensibilité pour utiliser celte sorte de dynamite comme explosif de guerre en augmentant la dose de camphre. On a ainsi produit la
    Gélatine explosive de guerre composée de:
    Nitroglycérine 86,i parties
    Fulmicoton soluble 9,6 —
    Camphre 4 —
    La gélatine explosive de guerre a le même aspect que la dynamite-gomme avec des propriétés identiques. Elle présente toutefois une plus grande insensibilité et elle résiste, sans exploser, même à la percussion d’un projectile lancé par une bouche à feu placée à une petite distance. En outre, elle explose difficilement par influence, ce qui permet de l’employer dans les torpilles. Moins sensible à l’action du froid, elle gèle plus difficilement, et son dégel s’effectue rapidement, sans produire des exsudations de nitroglycérine. Gelée, elle perd son élasticité et devient plus sensible au choc, mais sans qu’il en résulte une atténuation de ses propriétés destructives. Pour exploser, elle exige une puissante amorce généralement formée de 50 grammes de fulmicoton sec et d’une capsule de 1 gramme de fulminate de mercure.
    La gélatine explosive de guerre, bien qu’employée sur une large échelle, est à tort considérée comme ayant une stabilité supérieure à celle de toutes les antres dynamites. Au contraire elle éprouve, avec le temps, une lente décomposition qui la rend acide; par suite, ses propriétés s’altèrent et sa sensibilité devient plus grande.
  1. Voir p. 277.
    CHAPITRE VIII
    Essais de la nitroglycérine et des dynamites.
    Essais de la nitroglycérine. — La nitroglycérine doit être parfaitement neutre, ne présenter aucune trace d’eau et résister à l’action de la chaleur à la température de 70°.
    Son alcalinité se détermine avec le papier de tournesol. On prend une bande de papier de tournesol dont une extrémité est plongée dans la nitroglycérine qu’il s’agit d’examiner, tandis que l’autre extrémité se trouve dans un vase rempli d’eau distillée. L’examen ultérieur du papier donne l’épreuve recherchée.
    L’eau est dosée par différence après dessiccation à l’aide du chlorure de calcium.
    L’essai de la résistance à la chaleur se fait dans le tube d’épreuve déjà indiqué (partie II, chapitre VI, page 244) pour le fulmicoton. La température est portée à 70°. La nitroglycérine doit résister à l’action de cette température pendant au moins quinze minutes, sans que s’altère la teinte du papier à l’amidon ioduré.
    Il est en outre utile de doser l’azote contenu dans la nitroglycérine, ce qui se fait au moyen du nilromètre de Lnnge, comme on l’a déjà indiqué pour le fulmicoton.
    Essais des dynamites. — Les essais auxquels on soumet les dynamites sont généralement le dosage de l’humidité et de l’acidité; la détermination de l’exsudation, de la résistance à la chaleur, de la stabilité, le dosage.
    L’humidité se dose en desséchant l’échantillon donné à l’aide d’une pompe pneumatique spéciale, soit encore par l’action du chlorure de calcium.
    La dynamite, mise en morceaux et placée en contact avec du papier de tournesol bleu et humide, ne doit donner aucune trace d’acidité. Si la couleur du papier vient à tourner au rouge, si légèrement que ce soit, il faut rejeter la dynamite et la détruire, car sa conservation comporterait un très grave danger.
    Si le parchemin enveloppant la dynamite est gras et onctueux, cela provient de ce qu’il y a un commencement d’exsu, dation de la nitroglycérine. Cette exsudation peut résulter de causes diverses : congélation, élévation de la température, humidité, fabrication défectueuse. La dynamite parfaite, soumise à une pression douce et graduelle jusqu’à 5 kilogrammes par centimètre carré, ne doit pas laisser exsuder de nitroglycérine. En outre, la dynamite placée sous une cloche en verre recouvrant également un vase qui est rempli d’eau ne doit pas même au bout d’un temps prolongé, présenter des caractères de déliquescence. Enfin elle ne devra montrer aucune trace d’exsudation à la suite de passages successifs et réitérés du gel au dégel, ni par suite d’une augmentation de température.
    L’essai de résistance à l’action de la chaleur, pour les dynamites à base inerte, se fait en séparant d’abord la nitroglycérine qui, isolée, subit l’épreuve accoutumée. Pour les gélatines, au contraire, on en prend 40 grammes que l’on mélange intimement avec 100 grammes decraie; puison faitpasser le mélange obtenu dans l’appareil d’essai et l’on opère suivant le système usuel.
    Les épreuves de stabilité se font afin de s’assurer que la dynamite peut être conservée pendant un laps de temps prolongé, transportée et maniée sans risques. Sans recourir à l’essai de résistance à l’action de la chaleur avec le tube dont il a été déjà question, un essai facile et rapide consiste à exposer un échantillon de dynamite,pendant quelque temps,à une température de 70°. La dynamite parfaite ne doit ni dégager de vapeurs nitreuses, ni se décomposer, ni exploser.
    Quant à la nature des bases inertes, on les détermine, les unes au microscope, par exemple le tripoli, la silice naturelle, la sciure de bois etc. ; d’autres, comme le kieselguhr, au moyen de la potasse caustique bouillante dans laquelle elle est soluble ; d’autres encore, telles que la magnésie, grâce à leur solubilité dans les acides. Leur dosage se fait par différence de poids, soit en séparant préalablement la nitroglycérine de la base, soit en faisant dissoudre cette dernière comme il a été dit ci-dessus, dans les cas où elle est soluble, et en pesant ensuite le résidu.
    On dose ensuite la nitroglycérine en traitant la dynamite par l’éther pur ou l’alcool méthylique. Le liquide obtenu se traite par le chloroforme ou par le mélange d’éther et d’alcool pour doser la nitrocellulose soluble; par une solution concentrée de soude caustique puis par l’acide chlorhydrique pour les résines ; par le sulfure de sodium pour le soufre.
    On dose le camphre en traitant la dynamite par le mélange d’éther et d’alcool, puis par le bisulfure de carbone qui entraîne en outre la paraffine, les résines et autres corps similaires. On pèse exactement la dernière solution ainsi obtenue, puis on la laisse reposer; le camphre se volatilise rapidement et, par la différence de poids, on en déduit la quantité de camphre.
    CHAPITRE IX
    Destruction des dynamites et de la nitroglycérine.
    La dynamite qui, aux épreuves, présente des caractères d’acidité ou qui, par suite d’une circonstance quelconque, révèle un commencement de décomposition, doit être immédiatement détruite.
    En pareil cas, on enlève à la dynamite qu’il s’agit de détruire ses capsules ou ses amorces, puis on l’allume à l’air libre avec une mèche ordinaire non pourvue de capsule, et cela par petites quantités à la fois. On peut encore disposer toutes les cartouches les unes au bout des autres et se touchant, de manière qu’elles brûlent lentement et successivement.
    La mèche doit avoir une longueur suflisante pour donner aux ouvriers le temps de s’éloigner. En nuire, l’opération doit s’effectuer à l’air libre, en un endroit non pierreux et éloigné des habitations.
    Quand il s’agit de dynamite gelée, excessivement dangereuse à manier, on doit éviter, dans le transport jusqu’au point de destruction, tout choc si minime soit-il. On fait en outre exploser chaque cartouche, séparément, au moyen de fortes amorces au fulminate.
    Il serait dangereux de vouloir détruire la dynamite en la jetant dans l’eau, car celle-ci met en liberté la nitroglycérine.
    Quant à la nitroglycérine pure, on la détruit en la mélangeant préalablement et avec soin avec de la sciure de bois, jusqu’à ce qu’on en ait formé une pâte consistante. On procède ensuite à la destruction de celte pâte en l’allumant comme on le fait pour les dynamites. ‘

CHAPITRE X
Installation et exploitation d’une fabrique de
dynamite.
L’installation d’une fabrique de dynamite exige une vaste étendue de terrain, afin que les différents ateliers dans lesquels s’exécutent les diverses opérations se trouvent séparés et suffisamment éloignés l’un de l’autre.
Indépendamment des ateliers pour tous les travaux accessoires non dangereux et des dépôts devant recevoir les matières premières non explosives, etc., une fabrique de dynamite doit avoir des locaux distincts et séparés dans lesquels s’exécutent les opérations suivantes:
1° Préparation des matières absorbantes inertes;
2° Mélange des acides ;
3° Nitrification de la glycérine ;
4° Séparation ;
5° Lavage et fdtration ;
6° Mélange de la nitroglycérine avec la matière absorbante ;
7° Cartouchage ;
O 7
8° Emballage ;
9° Dépôts des dynamites.
De plus, s’il s’agit de dynamites à base active et de gélatines, aux susdits ateliers viennent s’ajouter tous ceux nécessaires pour la fabrication des nitrocelluloses.
Comme pour les fabriques de poudres noires, chaque atelier doit être isolé, entouré de terre-pleins plantés d’arbres
et éloigné d’eau moins 50 mètres de tout autre bâtiment.
En décrivant les diverses phases de la fabrication de la

  • nitroglycérine et des dynamites, on a déjà indiqué, soit en détail, soit sommairement, le caractère des machines et instruments employés, en même temps que les matières entrant dans leur constitution.
    11 convient de noter ici que les constructions, en général, doivent toujours être faites de matériaux légers, afin, en cas d’explosion, d’en rendre les conséquences moins graves. Les planchers des locaux où l’on manipule la nitroglycérine doivent de préférence être revêtus de plomb sans fente ni assemblages, afin d’empêcher toute infiltration du liquide, qui doit être recueilli avec soin au moyen d’éponges, toutes les fois qu’il vient à s’en répandre quelques gouttes, même minimes. On doit procéder à des lavages fréquents et complets des locaux, des machineset des instruments, avec de l’eau chaude additionnée de soude caustique, ce dernier corps décomposant la nitroglycérine.
    O v
    Il est absolument nécessaire d’éviter toute accumulation ou absorption de nitroglycérine. A cet effet, on emploie le plomb partout où la nitroglycérine doit s’écouler, séjourner, faire l’objet de manipulations. Le maniement des appareils, le fonctionnement régulier des robinets et des soupapes de décharge, les nettoyages, etc., exigent l’attention la plus minutieuse. Le plomb employé doit présenter la pureté la plus absolue.
    Les matières recueillies dans le nettoyage des locaux, des machines, des canalisations, etc., pouvant facilement contenir de la nitroglycérine, doivent être détruites en un endroit isolé et suffisamment éloigné de la fabrique, en procédant comme on l’a indiqué dans le précédent chapitre.
    Il faut éviter les congélations de la nitroglycérine dans les canalisations qu’elle doit parcourir. Ces canalisations, en plomb, sont à cet effet enveloppées de matières mauvaises conductrices delà chaleur qui protègent les tubes contre les
    variations de température. Au besoin on doit chauffer au moyen de la vapeur les locaux que traversent ces tubes. De plus, on pose les tubes en leur donnant une pente suffisante pour que la nitroglycérine soit forcée de s’écouler sous l’action de son propre poids.
    En cas de réparation, les travaux doivent être précédés de lavages exécutés avec soin au moyen d’eau chaude et d’une solution de potasse caustique et d’alcool méthylique.
    La sécurité des fabriques de dynamite réclame l’observation de toutes les règles déjà précédemment énoncées pour les fabriques de poudres noires.
    Une règle absolue, c’est que les machines et appareils doivent toujours fonctionner avec la plus grande précision. A l’apparition d’une difficulté quelconque, même minime, on devra suspendre le travail pour en déterminer les causes et y remédier selon les cas, et cela sans retard.

QUATRIÈME PARTIE
Picrates. Composés divers. Fulminates.
CHAPITRE PREMIER
Acide picrique.

On doit à l’acide picrique et à ses composés une série très importante d’explosifs, destinés spécialement aux opérations militaires.
L’acide picrique a été découvert, en 1788, par Hausmann qui l’obtint en traitant l’indigo par l’acide azotique.
L’acide picrique, C1S H3 (Azo*)3 O2, n’est autre chose que du trinitrophénol. On le produit aujourd’hui par la nitrification du phénol ou acide phénique, provenant des huiles distillées du goudron de houille.
On obtient encore l’acide picrique par la nitrification de la fibrine, de la soie, de la salicyline, des résines, etc.
Sa composition centésimale correspond à :
Azote
Oxygène
Hydrogène
Carbone
les explosifs
Son équivalent, selon Berthelot, est 229.
L’acide picrique est un corps de couleur franchement jaune, extrêmement amer, composé de cristaux lamellaires et friables. Il est peu soluble dans l’eau, mais sa solubilité augmente avec la chaleur. Il est très soluble dans l’alcool, dans l’éther, dans le sulfure de carbone, dans les benzines, dans la glycérine et, en général, dans tous les dissolvants. Exposé à l’action directe de la chaleur, il fond à 122°, mais s’il est chauffé lentement par petites quantités, il se sublime sans se décomposer. Si, au contraire, on le chauffe brusquement, il éclate avec violence à 300°.
Ainsi qu’il arrive avec de nombreuses autres substances «
exothermiques, l’acide picrique, quand il passe instantanément dans une atmosphère dont la température est supérieure à celle de son point de fusion et qu’il se trouve en trop petite quantité pour pouvoir abaisser, par sa présence, la température ambiante, explose même dans un vase ouvert et soumis à la pression ordinaire.
L’acide picrique destiné à la fabrication des explosifs doit être parfaitement anhydre et ne jamais déterminer de réactions alcalines ; il ne doit contenir aucune substance étrangère ni changer d’aspect ou de nature, même s’il est soumis, pendant plusieurs heures, à la température de 1003.
A l’état de fusion, il a une rapidité et une violence d’explosion moindres qu’à l’état solide ; mais il possède alors une puissance explosive de dix à douze fois supérieure.
Le premier explosif produit avec l’acide picrique lit son apparition en 1867, sous le nom de
Poudke Borlinetto, poudre composée de :
Acide picrique 10 parties
Nitrate de sodium 10 —
Chromate de potassium … 8,5 —
D’autres poudres du même type ont été fabriquées ou sont
ACIDE PICRIQUE 305
encore aujourd’hui fabriquées pour être utilisées dans les mines,’ comme, par exemple :
La Poudre Tschirner, brevetée en Angleterre en 1880 et composée de :
Acide picrique 57 parties
Chlorate de potassium. … 38 —
Résine 5 —
Le mélange est imprégné de benzine qui dissout la résine et transforme le tout en une masse pâteuse qui se moule ensuite en cartouches.
La Poudre Boyd, formée de :
Nitrate de potassium . . . 43,75 parties
Soufre 18,75 —
Chaux pulvérisée …. 12,50 —
Nitrate de barium …. 12,50 —
Acide picrique 6,25 —
Poudre de bois 6,25 —
Les poudres Adams, Victorite,Ripp-Lene et diverses autres sont identiques à celles précitées, soit en ce qui concerne leur composition, soit en ce qui concerne les effets produits
«
CHAPITRE II
Picrates.
Sous la forme de picrates, l’acide picrique a reçu des applications plus étendues et plus importantes dans la fabrication des explosifs.
Les picrates sont les sels de l’acide picrique. On les obtient en saturant l’acide picrique d’une solution d’eau et d’un sôl soluble alcalin,tel que le carbonate de potassium, de sodium, d’ammonium, etc.
Les picrates, de même que l’acide picrique, ont des propriétés éminemment explosives.
C’est en 1869 que l’on commença à employer le picrate de potassium dans la fabrication des poudres.
Le picrate de potassium C’1 IIs K (Az 0‘)3 O’,se présente en cristaux ayant la forme d’aiguilles, d’une couleur jaune-orangé à reflets métalliques. Peu soluble dans l’eau froide, il se dissout facilement dans l’eau chaude et dans l’alcool. Très sensible au choc, au frottement, à la percussion, il détone avec violence quand il est exposé à la température de 300’ ou encore lorsqu’il est mis en contact avec un corps en ignition. Comme il est peu riche en oxygène, on le mélange avec un nitrate pour augmenter ses propriétés comburantes.
Les premières poudres au picrate de potassium sont dénommées :
Poudres de Designolle, du nom de leur inventeur. On en
a fabriqué plusieurs types, formées de :

Les poudres Designolle se fabriquaient d’après les procédés employés pour la poudre noire préparée par le procédé des meules.
Pour donner une plus grande puissance à la poudre Designolle, en la même année de 1869, Fontaine en produisit un nouveau type par une addition de chlorate de potassium. Mais une terrible explosion détruisit la fabrique et le composé fut abandonné.
De même la poudre Designolle qui, sous ses divers types, était expérimentée dans les mines, pour la charge des torpilles. dans l’artillerie et même avec le fusil de guerre, ne tarda pas à être abandonnée en raison des graves dangers que comportait le picrate de potassium dans la fabrication et dans la manipulation de l’explosif.
Le picrate d’ammonium, C13!!2 (AzH‘) (AzO‘) O2, est également un sel cristallisant en aiguilles, de couleur jaune- orangé, moins dur et moins sensible au choc que le picrate de poiassium. Enflammé à l’air libre, il n’explosé pas, mais il brûle rapidement, en dégageant une flamme fuligineuse. Quand il est enfermé dans un espace clos ou restreint ou bien encore lorsqu’il est entassé en grandes masses, sa combustion peut se transformer en explosion. Soumis à l’action de la chaleur, le picrate d’ammonium explose à 310®.
La Poudre Brugère, composée de :
Picrate d’ammonium 54 parties
Nitrate de potassium 46 —
se fabrique avec une sécurité relative ; elle est stable et d’une puissance double de celle de la poudre noire.
Abel, le chimiste anglais, a recommandé l’emploi de la poudre Brugère pour le chargement des obus, et il a fait des expériences desquelles il résulte que celte poudre ne s’altère nullement sous l’action de l’humidité. Cette circonstance facilite et rend plus sûre sa fabrication, car on peut opérer avec des matières humides.
De même le picrate de sodium qui, comme celui d’ammonium, est plus stable et moins sensible au choc que le picrate de potassium est entré dans la composition des explosifs. En 1885, un brevet a été pris pour la Bronolite, composée de :
Picrate double de sodium et de barium. 15 à 30 parties»
Picrate double de sodium et de plomb . 8 à 30 —
Picrate de potassium 2 à 10 —
Nitronaphtaline 5 à 20 —
Nitrate de potassium 20 à 10 —
Sucre 1,5 à 3 —
Gomme 2à3 —
Noir de fumée 0,5 à 4 —
La stabilité suffisante du picrate d’ammonium l’a fait entrer dans de nombreux composés explosifs que nous n’avons pas à énumérer ici et dont quelques-uns, comme on l’expliquera plus loin, figurent parmi les plus importantes poudres sans fumée aujourd’hui utilisées.
L’acide picrique constitue, depuis plusieurs années, l’élément principal dans la charge des grenades, des obus, des projectiles explosifs en général dont il va être question au chapitre suivant. –
CHAPITRE III
Composés pour la charge de projectiles explosifs.
Dès 1873, le Dr Sprengcl avait constaté que l’acide picri- que est, par lui-même, suffisamment riche en oxygène pour constituer, même isolé, un véritable explosif.
Mais c’est seulement en 1885 que cette propriété de l’acide picrique trouva une application pratique, grâce aux travaux de Turpin qui en proposa l’emploi dans le chargement des obus.
L’Explosif Turpin se compose d’acide picrique fondu, comprimé, aggloméré en grains et revêtu d’une sorte de vernis que l’on obtient par l’évaporation de la nitrocellulose dissoute dans l’éther.
Le succès obtenu par l’explosif Turpin montre que l’acide picrique constitue un élément très efficace pour la charge des obus à éclatement, tant par la stabilité dont il est doué que par les effets énergiques que provoque son explosion, et en outre parce qu’il n’exsude pas, qu’il ne gèle pas et qu’il demeure insensible à l’action de l’humidité.
Comme d’autres États, l’Italie adopta bien vite et emploie encore aujourd’hui l’acide picrique fondu pour le chargement des obus d’éclatement.
La conservation des projectiles explosifs avant leur emploi et la nécessité d’empêcher, lorsqu’on les utilise, leur explosion prématurée exigent que la matière explosive constituant leur charge intérieure soit surtout stable. Il faut que le lan-
cement du projectile se fasse en toute sécurité et, quand il s’agit d’un projectile perforant, il faut que ce dernier traverse un cuirassement et n’éclate qu’au delà, si épaisse que soit la cuirasse.
Quant à la stabilité de l’explosif, on peut la déterminer en plaçant une petite quantité de cet explosif sur une enclume et en provoquant son explosion par la chute d’un poids tombant de hauteurs variables — ce qui permet de classer la résistance au choc de plusieurs explosifs d’après la hauteur de • chute du poids nécessaire pour provoquer l’explosion de chacun, en comparant celte hauteur avec une hauteur-type.
Ainsi, par exemple, Sir Hiram Maxim a constaté que la poudre noire éclatait sous l’action de la chute d’un poids donné tombant de 3 mètres, et l’acide picrique fondu explosait sous l’action de la chute du même poids tombant d’une hauteur de 2,10 m.
La stabilité d’un explosif pour obus se détermine encore au moyen de la chaleur, car il ne doit pas se décomposer quand, pendant plusieurs jours, il est maintenu à la température constante de 49° dans un vase hermétiquement clos.
On a déjà dit, dans le chapitre précédent, que l’acide picrique chauffé lentement dans un récipient ouvert se volatilise peu à peu ; mais si, au contraire, on le chauffe brusquement ou qu’on le verse dans un récipient déjà chaud, il explose en raison du changement subit de température qu’il éprouve.
Un phénomène de ce genre semble survenir quelquefois quand le projectile chargé d’acide picrique frappe une cuirasse et qu’il explose avant de la traverser : En conséquence, pour employer l’acide picrique dans les projectiles perforants, il faut abaisser son point de fusion de manière qu’il ne s’échauffe pas brusquement au-dessus de son point d’ébullition et qu’il explose seulement au delà de la cuirasse sous l’action de l’amorce.
A cet effet, on a cherché à augmenter la stabilité de l’acide picrique en l’associant à d’autres substances nitrées tellesque le dinitro ou trinitro-benzol, le toluol, le crésol, etc., la nitrobenzine, la nitroglycérine, la dinitronaphtaline, la nitrocellulose et par l’addition de vaseline, de paraffine ou d’huiles diverses.
Mais le choix d’une ou de plusieurs de ces substances est subordonné aux autres conditions que doit remplir un explo’ sif destiné à constituer la charge d’obus d’éclatement, conditions qui sont les suivantes : la détonation doit être complète cl uniforme sous l’action de l’amorce ; l’explosif ne doit pas être hygroscopique ; sa sensibilité au choc ne doit pas être augmentée par l’addition de nouvelles substances ; ces nouvelles substances ne doivent point diminuer sa puissance; l’explosif ne doit pas attaquer les métaux du projectile ni la mèche.
Le premier composé de l’espèce fut la Melinite qui, en 1886, remplaça en France la dynamite comme explosif de guerre. La mélinite est une substance de couleur jaune, formée, à l’origine, de :
Acide picrique 70 parties.
Dinilrocellulose dissoute dans le mé
lange d’éther et d’alcool 30 —
Aujourd’hui, elle est constituée par le seul acide picrique fondu à 122° puis coulé dans l’obus, dont la surface intérieure a été préalablement chaulïée et recouverte d’une très mince couche d’un vernis spécial. L’obus est ensuite pourvu d’une mèche à temps avec amorce de fulminate de mercure et d’acide picrique en poudre.
A poids égal, la mélinite est moins puissante que la dynamite ; mais, comme elle présente une densité plus grande (mélinite 1,6 ; dynamite 1,5), à volume égal elle développe une puissance plus grande que celle de la dynamite.
La mélinite s’emploie encore, sous forme de cartouches cylindriques, dans les mines. En raison de son incongélabi-lité, on l’a plusieurs fois déjà utilisée pour rompre les glaces de la Seine.
Un explosif analogue à la mélinite est la
Crésilite, composé dérivé de la réaction de l’acide nitrique sur le cresol, réaction provoquée dans les proportions convenables pour produire le trinitrocrésol, lequel ligure en France parmi les explosifs de guerre affectés à la charge des torpilles.
L’Angleterre également, comme d’ailleurs tous les grands Etats du monde, apprécia bien vite les qualités spéciales de l’acide picrique et, en 1888, elle adopta, pour la charge des obus et des torpilles, la
Lyddite, composée de :
Acide picrique 87 parties
Dinitrobenzol 10 —
Vaseline 3 —
La Lyddite, qui tire son nom de celui de la localité (Lydd) dans laquelle elle fut pour la première fois expérimentée, brûle simplement en développant une flamme vive, quand on l’enflamme àl’airlibre en petite quantité. Dans ces conditions, elle n’explose pas, même si on la place sur une plaque de fer rougie.
Si, dans un mélange de poudre noire et de lyddite, on allume la poudre noire, cette dernière éclate sans faire entrer la lyddite en combustion. La lyddite n’explose pas, même quand on la pose sur une enclume et qu’on la frappe avec un lourd marteau. Par contre, elle explose quand elle se trouve comprimée dans un espace restreint et qu’elle subit l’action d’un choc violent.
Pour former la charge des projectiles, on fond la lyddite au bain-marie, puis on la coule dans le creux de l’obus où elle se solidifie en masse compacte. Le détonateur est du picrate d’ammonium. Le percuteur des obus chargés de lyddite est beaucoup plus épais que celui des obus ordinaires.
On prétend que ces obus produisent des effets extraordinai-
COMPOSÉS POUR LA CHARGE DE PROJECTILES EXPLOSIFS 313 res. Mais, au cours de la guerre anglo-boër, la lyddite causa maintes désillusions, et les malintentionnés prétendirent que ses émanations toxiques, déterminées par la décomposition de l’acide picrique, avait fait plus de victimes que sa puissance explosive.
La lyddite produit toutefois des effets formidables quand on l’emploie dans les projectiles perforants,car, avec de bonnes mèches, elle n’explose normalement qu’après avoir percé la plaque du cuirassement. Elle est en outre efficace pour le chargement des projectiles lourds, comme par exemple dans ceux des canons de 23 à 25 centimètres, tandis qu’elle n’exerce qu’un effet presque nul dans les obus d’un calibre de moins de 15 centimètres.
La lyddite se détériore facilement quand elle se trouve, depuis un certain temps, enfermée dans les obus, et elle subit alors facilement de dangereuses modifications chimiques.
Ayant le même caractère que la lyddite, avec une composition presque identique, on rencontre la :
Dunnite, explosif pour torpilles et pour obus, également employé en Angleterre.
Pour charger les torpilles et les mines sous-marines, on emploie encore beaucoup, en Angleterre, la
Tonite, composée de :
Fulmicoton 50 parties
Nitrate de barium 40 —
Trinitrotoluol 10 —
Dans les États-Unis de l’Amérique du Nord, on charge les
projectiles creux avec TEmmensite, que l’on obtient en traitant l’acide picrique par l’acide nitrique fumant, additionné d’un hydrocarbure nitré,de manière à abaisser son point de fusion.
L’emmensite a été adoptée par le gouvernement des États- Unis comme explosif de guerre après les heureux résultats obtenus au champ de tir de Sandy Hook, où on lança des projectiles chargés, chacun, de 15 kilogrammes d’emmensite.
Les merveilleux succès remportés par l’armée nipponne dans la dernière guerre russo-japonaise et notamment la rapidité avec laquelle fut détruite la flotte ennemie, attirèrent l’ai- tention universelle sur les explosifs employés par le Japon, explosifs auxquels l’imagination populaire attribua tout aussi, tôt des propriétés presque fabuleuses.
En réalité, on ne sait rien de précis sur ce point, sauf que, en ce qui concerne les projectiles perforants, les Japonais emploient la Schimose, explosif à base d’acide picrique additionné d’un hydrocarbure nitré.
Pour la charge des projectiles, on a produit et on produit encore des explosifs même avec des éléments autres que l’acide picrique. C’est ainsi que l’on rencontre, par exemple, I’Ecra- site, adoptée depuis longtemps par l’armée autrichienne et formée, selon Daniel, de nitrocrésylate d’ammonium additionné de nitrate de potassium. Selon Salvati, au contraire, l’écrasite se compose de gélatine explosive et de chlorhydrate d’ammonium.
L’écrasite a des propriétés à peu près identiques à celles de la lyddite; elle fond à 100° et, pour exploser, nécessite un puissant détonateur au fulmicoton *.
Un autre explosif qui eut un moment de grande notoriété bientôt suivi de désillusions, fut la Panclastite, que fabriqua Turpin en 1881, en mélangeant du peroxyde d’azote avec un carbure d’hydrogène. L’inventeur employait le peroxyde d’azote,Azs0‘, à l’état liquide; il extrayait le carbure d’hydrogène, également liquide, de la distillation du pétrole. Le peroxyde d’azote constituant un oxydant énergique, la puissance de la panclastite était formidable.
En outre de la panclastite à l’hydrocarbure, Turpin produisit des panclaslites, en mélangeant du peroxyde d’azote avec du bisulfure de carbone ou avec des substances grasses telles que l’huile d’olive, de coton, de ricin, de poisson, la stéa-

  1. Voir le chapitre suivant: Explosifs divers.
    COMPOSÉS POUR LA CHARGE DE PROJECTILES EXPLOSIFS 315 rine, le beurre, le suif, etc. et enfin avec des composés nitrés tels que la nitrobenzine et d’autres encore.
    Malgré ces nombreuses variétés, on ne tarda pas à abandonner la panclastite soit à cause des difticultés que comporte son emploi, car elle est à l’état liquide, soit à cause des exhalaisons délétères du peroxyde d’azote.
    On obtint encore des plancastites solides en faisant absorber le liquide par une substance poreuse, ainsi que cela se pratique pour les dynamites; mais ces dernières plancastites n’eurent pas non plus de succès.
    En 1897, M. D. Dubois proposa un :
    Mélange a l’acétylène pour projectiles creux, composé de :
    Acétylène 1 partie.
    Protoxyde d’azote 5 —
    Selon M. Dubois, 1 kilogramme d’un pareil mélange développerait, dans son explosion, 1667 calories, c’est-à-dire beaucoup plus que la nitroglycérine qui, à volume constant, n’en développe que 1526.
    Chacun sait que l’explosif théorique le plus puissant que l’on connaisse est le gaz détonant, mélange d’hydrogène ou d’oxygène (H2 + O). Mais il est impossible de l’employer avec une densité pratique de chargement. M. Dubois proposa donc de le remplacer par un mélange de gaz se liquéfiant plus facilement : il recommanda, en place de l’H2, l’acétylène et en place de 1’0, le protoxyde d’azote. Ce dernier corps est un comburant plus énergique que l’oxygène lui-même et bien supérieur au peroxyde d’azote des planclaslites.
    Il ne semble pas que l’explosif Dubois ait été, jusqu’ici, pratiquement employé.
    Mais en Allemagne un brevet fut accordé, en 1902, pour un explosif fabriqué en cartouches qui se divisent en deux compartiments superposés et séparés par un diaphragme d’étain^ Le compartiment inférieur renferme un mélange de
    ♦ •
    carbure de calcium et de peroxyde de barium ; le compartiment supérieur, un acide dilué. Cet acide attaque et corrode l’étain du diaphragme, s’unit au mélange de l’autre compartiment et provoque la formation simultanée d’acétylène, d’hydrogène et d’oxygène, qui en se combinant entre eux, détermine une très violente explosion.
    IF
    Pour le moment, tous les Etats se livrent avec ardeur à des recherches en vue de trouver un explosif idéal pour la charge des projectiles perforants, mais… les tentatives sont infinies et les résultats sont rares !
    Aujourd’hui on se livre à des études spéciales sur le trinp- trotoluol, avec lequel M. Bichel produit le :
    Trotyl, CH’ (AzO)* C IP, d’après une méthode spéciale qu’a fait breveter la Compagnie « Carbonit »de Hambourg.
    Le trotyl est un corps cristallin, compact, d’aspect brillant, à légère teinte jaune. Il fond à 81° sans produire de vapeurs incommodes ; c’est seulement à de fortes températures qu’il développe des azotures.
    Il n’attaque pas les métaux avec lesquels il peut se trouver en contact direct.
    M. le professeur Escheweiler de Hambourg a constaté que ce corps a un poids spécifique de 0,814. Cependant quand on le comprime, il acquiert une densité de 1,7, voire même de 1,8.
    Le trotyl est à la fois très peu hygroscopique, neutre et absolument stable. Insoluble dans l’eau froide, il est au contraire soluble dans l’eau chaude, dans l’éther, dans l’alcool. Au contact d’un corps en ignition, il brûle en dégageant une flamme vive, sans exploser. La température d’explosion est de 242°.
    Au cours d’essais faits par M. le professeur Eschweiler avec le mortier de plomb de Trauzl, 10 grammes de trotyl ont produit une excavation de 286 centimètres cubes, alors que 10 grammes d’acide picrique ont fourni 294 centimètres cubes. Gomme on le voit, la différence est minime : aussi, de mêmeque l’acide picrique, le trotyl semble devoir jouer un rôle avantageux comme explosif pour la charge des projectiles creux ; il fait donc actuellement l’objet d’expériences de la part des administrations de la marine et de la guerre en Italie également.

CHAPITRE IV
Explosifs divers.
On peut dire, sans crainte de tomber dans l’exagération, que toutes les substances organiques facilement nitrifiables, de même que tous les dérivés de la distillation du goudron provenant de la houille employée dans les usines à gaz, ont été et sont actuellement l’objet d’essais en vue de la fabrication des explosifs. On n’a pas ici à donner une énumération complète de ces produits et moins encore une description plus ou moins étendue des méthodes employées pour leur fabrication, car ces explosifs sont, pour la plupart, identiques à ceux jusqu’ici mentionnés.
On sc bornera à indiquer rapidement les types les plus importants auxquels se rattachent tous les autres dont on trouvera la nomenclature dans le très remarquable Dictionnaire Daniel, que nous avons déjà cité plusieurs fois au cours du présent travail.
La première place revient aux explosifs au nitrate d’ammonium, parmi lesquels il faut noter les
Explosifs Favier qui, brevetés en 1885en Belgique, étaient composés à l’origine d’un mélange de
Nitrate d’ammonium.
Mononitronaphtaline .
Ce mélange était comprimé dans des cylindres ayant une
cavité centrale que l’on remplissait ensuite de dynamite ou de fulmicolon, etc., à l’état pulvérulent.
Les explosifs Favier ont été l’objet de modifications successives dans leur composition: aujourd’hui on en produit divers types dont les principaux sont les suivants :

Une fois desséché, le nitrate d’ammonium passe sous une meule spéciale échauffée à la vapeur d’eau ; cette meule triture d’abord le nitrate d’ammonium, qui est ensuite mélangé avec la nitronaphtaline. La pâte ainsi obtenue est comprimée à chaud sous forme de cylindres creux ayant des dimensions déterminées ; ces cylindres sont ensuite plongés dans un bain de paraffine fondue. Ensuite, on remplit l’ouverture centrale avec l’explosif pulvérulent. Les deux extrémités du cylindre sont obturées par deux petites plaques de fer, et l’une de ces plaques porte une perforation pour le logement de l’amorce.
L’explosif Favier a été introduit en Angleterre sous le nom d’
Ammonite, et est composée de :
Nitrate d’ammonium Dinitronaphtaline .
Le nitrate d’ammonium forme encore la base d’un explosif de guerre récemment adopté par l’Autriche pour la charge des projectiles de l’obusier à 10,5 cm. explosif qui, assure-
t-on, doit, malgré son hygrométricité, remplacer l’Écrasite *. Ce nouvel explosif est I’Ammonal, dont on connaît deux types présentant chacun la composition suivante :

Nitrate d’ammonium. . . 78,5 8 i,5
Nitrate de potassium . . 17,5 1,5
Charbon — 8
Huile végétale 2,5 —
Aluminium en poudre . . 1 • 5,5
Nitrate de barium. . . . 0,5 0,5
D’autres types importants d’explosifs du même genre sont, par exemple :
La Densite :
Nitrate d’ammonium Nitrate de strontium Trinitrotoluol. . .
La Roburite :
Nitrate d’ammonium . . . . Dinitrobenzine Sulfate d’ammonium . . . . Permanganate de potassium. .
Ainsi que de nombreuses autres variétés aux noms plus ou moins fantaisistes et présentant des avantages pratiques divers.
Parmi les produits récemment brevetés, nous noterons la Stibiovirite, que l’on fabrique à Naples et qui est un composé de nitrate d’ammonium, de dinitrobenzol et de sulfure d’antimoine.
Très nombreuse est la série des explosifs brevetés, dans lesquels entrent des nitrates de toutes sortes ; nous trouvons, par exemple : la Nitroaniline, la Nitroarabinose, la Nitroéri-

  1. Voir page 314.
    trile, la Nitromannile, la Nitroglucose, la Nilrooxylène, le Nitrocresol, le Nilrohenzol, le Nitrotoluol, le Nilrophénol, etc.
    Des explosifs non moins importants sont ceux compris dans la série des
    Explosifs acides de Sprengel. — Ces derniers sont composés d’une substance comburante et d’une substance combustible qui s’unissent seulement au moment de leur emploi et dont l’explosion est déterminée par un détonateur. Les explosifs Sprengel ont, comme base, l’acide nitrique fumant que l’on met en présence de substances oxydables dans les variétés suivantes :
    Acide nitrique. 83,3 parties.
    Nitroglycérine 16,7 —
    ou
    Acide nitrique 41,7 parties.
    Acide picrique 58,3 —
    ou encore
    Acide nitrique 71,9 parties.
    Dinitrobenzine 28,1 —
    ou enfin
    Acide nitrique 82,6 parties.
    Nitronaphtaline 17,4 —
    Au type Sprengel appartient 1’
    Oxonite, mélange d’acide nitrique et d’acide picrique. Ce dernier est fondu et moulé en cartouches cylindriques creuses. L’acide nitrique se trouve enfermé dans un petit tube en verre qui entre dans le creux de la cartouche d acide picrique au moment de la charge. Quand la mine est préparée, on brise le petit tube en verre et l’acide picrique absorbe l’acide nitrique ; en outre, l’amorce agit simultanément.
    Cyanures. — Les cyanures également ont apporté leur part
    à la préparation des explosifs. Leur série, dite cyanique, compte des explosifs au cyanure de potassium, au cyanure de mercure, au cyanhydrate d’ammoniaque.
    En outre, on rencontre dans la même série :
    Le Nitrofore ou Nitrométane, tiré du trinitro-acétinoni- trile, que l’on fait bouillir dans l’eau et que l’on traite ensuite par l’acide sulfurique concentré ;
    La Nitropentérytrite, obtenue par la nitrification de la pentérytrite, que l’on additionne de nitrocellulose ;
    L’Acide isocyanurique, que l’on obtient par l’ébullition du fulminate de mercure avec un chlorure ou un iodure alcalin;
    La Cyanodibromopicrine, que l’on prépare en traitant le fulminate humide par le brome.
    Parmi les explosifs au cyanure, nous noterons la Nitroferrite, dont on produit les deux types suivants :
    Parties Parties
    Nitrate d’ammonium 93
    Nitrate de potassium —
    Ferrocyanure de potassium. . . 2
    Sucre cristallisé 3
    Trinitronaphlaline 2
    Farine grillée —
    Paraffine —
    On a en outre tenté d’employer des composés minéraux, tels que le chlorure, l’iodure, le sulfure d’azote, etc. pour produire des explosifs; mais ces derniers n’ont trouvé aucune application possible, militaire ou industrielle, parce qu’ils sont trop dangereux et que leur conservation est précaire.
    Parmi les explosifs divers tout récemment appliqués, nous noterons encore :
    La Raoulite (dite également Fulgurite), mélange de protoxyde d’azote avec des liquides organiques tels que l’alcool, l’éther, etc. On renferme ce mélange dans des bouteilles en
    fer forgé, que l’on fait exploser au moyen d’un courant électrique de 28 volts.
    M. Raoul Pictet, l’inventeur de cet explosif, affirme que la température d’explosion de la raoulite est beaucoup plus basse que celle des dynamites, alors que le volume des gaz produits serait trois fois plus grand ;
    La IIathamite(inventée par Hatthaway de Welsboro, Amérique), qui se fabrique en gros grains d’un gris-bleuâtre et qui explose, en donnant des effets extraordinaires, sous l’action d’une grosse capsule chargée de dynamite ;
    La Galazite, puissant explosif pour mines qui se fabrique
  • « depuis peu de temps en Roumanie et dont on ne connaît pas encore la composition.
    CHAPITRE V
    Fulminates
    Les Fulminates sont des sels d’un acide fulminique supposé dont personne, jusqu’à ce jour, n’a déterminé exactement la nature exacte et que les traités de chimie mentionnent sous des formules diverses, aussi nombreuses que les expérimentateurs ayant étudié ce corps. Il semble cependant établi qu’il s’agit d’un composé oxygéné du cyanogène
    (C’Az) ’O’, 2HO,
    dans lequel les deux atomes d’hydrogène sont remplacés par deux radicaux métalliques, en sorte que la formule des fulminates serait représentée par
    C‘MsAzs0‘.
    (La lettre M représente l’atome de métal monovalent.)
    Les fulminates se distinguent par leur excessive sensibilité à la chaleur, au choc, au frottement.
    Fulminate de mercure. — En 1799, Horward découvrit le fulminate de mercure qu’il obtint en traitant le nitrate de mercure avec l’alcool et l’acide nitrique. La trop facile propriété d’explosion du nouveau composé empêcha, au début, de l’employer pratiquement.
    Les études successives do Gay-Lussac, de Berzélius, de Ghandelon, de Liebig et d’autres chimistes indiquèrent le fulminate de mercure comme l’explosif se prêtant le mieux à
    la confection des capsules, des amorces, etc., aussi le fabrique-t-on aujourd’hui presque exclusivement pour cet usage.
    Le fulminate de mercure se prépare en plusieurs endroits et d’après des méthodes diverses. Les plus connues de ces méthodes sont celles de Chandelon, de Liebig et de Chevalier.
    Fabrication. — On obtient du fulminate de mercure en procédant de la manière suivante :
    On prépare avant tout le nitrate de mercure en traitant à froid 0,150 kg. de mercure par 1 kilogramme d’acide nitrique de densité 1,40. En même temps, on chauffe au bain de sable, jusqu’à la température de 80°, une autre quantité de 3,500 kg. d’acide nitrique que l’on verse ensuite dans un ballon contenant 3,745 kg. d’alcool de densité 0,83, et au mélange ainsi formé on ajoute immédiatement le nitrate de mercure. La réaction ne tarde pas à se produire ; elle se manifeste, au bout de quelques minutes, d’abord par un faible développement de gaz et ensuite par d’abondantes fumées blanchâtres composées de gaz nitreux, de vapeurs mercurielles, d’acides, d’alcool, d’éther, etc., toutes vapeurs qui sont aspirées par une série de tubes à fort tirage dans lesquels elles se condensent, et cela pour empêcher leurs effets délétères sur l’organisme des ouvriers. Le fulminate se précipite au fond du ballon sous forme de petites aiguilles d’un blanc jaunâtre, que l’on sépare, par décantation, du liquide qui les accompagne et que l’on soumet à des lavages réitérés à l’eau pure jusqu’à complète neutralisation. On sèche enfin le fulminate de mercure obtenu en l’exposant à une chaleur modérée et en le mettant absolument à l’abri des rayons solaires. Le rendement est à peu près de 120 de fulminate pour 0/0 du mercure employé.
    Propriétés. — Le fulminate de mercure a l’aspect de petites aiguilles cristallines formées par la réunion de cristaux microscopiques octaédriques, d’une couleur blanchâtre tendant au jaune. D’une saveur douceâtre,il est vénéneux. Il est presque insoluble dans l’eau froide et peu soluble dans l’eau bouillante.
    Chauffé, il explose à 187°. Il est très sensible au choc et au simple frottement. Il explose avec la plus grande facilité et avec une extrême violence. A l’état humide, il résiste même à un choc modéré; mais si on le place, étant humide,en contact avec des métaux oxydables, il se décompose lentement.
    La composition chimique du fulminate de mercure est donnée, par Berthelot et Vieille, sous la formule
    C‘HgsAz’0‘ ;
    selon les mêmes savants, ce corps présente la composition centésimale suivante :
    Charbon 8,35 parties
    Oxygène 11,05 —
    Azote 9,60 —
    Mercure 71,30 —
    Hydrogène 0,04 —
    Les produits de sa combustion seraient seulement de l’oxyde de carbone, de l’azote et des vapeurs mercurielles, corps simples qui donnent justement lieu à la violence d’explosion du fulminate de mercure en produisant ses effets de déchirement. Ce sont ces effets de déchirement, joints à la violence, qui rendent son emploi possible seulement dans la préparation des amorces. Cependant, en raison de sa facilité d’explosion, produite par la rapidité avec laquelle il se décompose, le fulminate de mercure ne s’emploie jamais isolément dans la préparation des amorces et des capsules, mais on l’associe toujours à d’autres substances inflammables et explosives, telles que le nitrate de potassium, le soufre, la poudre ordinaire, le chlorate de potassium, etc. Il faut rendre le mélange absolument intime pour éviter que le fulminate explose seul sans enflammer la matière y ajoutée, laquelle, dans ce cas, serait simplement projetée à l’entour. Les matières que l’on mélange
    avec le fulminate de mercure, en augmentant le volume des gaz provoqués par son explosion, atténuent son action brisante et permettent à la flamme qui s’est développée dans l’amorce de se propager et de se communiquer à la charge pour produire la détonation. Parmi les substances utilisées pour faire ce mélange, le salpêtre est préférable à cause de ses effets plus réguliers et plus sûrs ; quant au chlorate de potassium, il y aurait lieu de l’exclure, car il rend l’amorce ou la capsule extraordinairement sensible et, d’autre part, la confection du mélange et le remplissage des capsules, avec le chlorate, constituent des opérations fort dangereuses.
    Fulminate d’argent. — Le fulminate d’argent, le seul produit de l’espèce dont on connaisse bien la composition intime, est un corps cristallisant sous forme d’aiguilles, blanc et très *
    brillant. Peu soluble même dans l’eau bouillante, il est bien plus sensible que le fulminate de mercure, au point qu’il détone au plus simple choc, même quand il est plongé dans l’eau. Chauffé, il explose à 100 ; il explose en outre au contact d’une goutte d’acide sulfurique.
    La composition centésimale du fulminate d’argent, suivant Gay-Lussac et Liebig, est la suivante 1 :
    Charbon 7,92 parties.
    Azote 9,2 i —
    Argent 72,19 —
    Oxygène 10,65 —
    et sa formule se trouve indiquée par :
    C‘Ag^Az’O‘.
    Le fulminate d’argent se fabrique à peu près comme le fulminate de mercure ; mais on ne le produit qu’en minimes quantités comme amorces pour jouets.
    On a produit d’autres fulminates métalliques, tels que:
  1. Daniel. Dictionnaire des matières explosives.
    Le Fulminate d’or, identique, par ses propriétés, au fulminate d’argent ;
    Le Fulminate de cuivre, obtenu par la décomposition du fulminate de mercure humide, mélangé à du cuivre en poudre ;
    Le Fulminate de sodium, le Fulminate de zinc, etc.
    Outre les fulminates proprement dits, jusqu’ici indiqués on a produit des explosifs pouvant s’employer comme amorces en remplacement du fulminate de mercure. C’est ainsi, par exemple, que :
    Pétrins a fait breveter en 1870, en Angleterre, un composé de phosphore amorphe avec du sulfure d’antimoine et du nitrate de potassium ;
    Chapman, en 1888, a fait breveter un mélange de :
    Nitrate de potassium 51,90 parties.
    Phosphore amorphe 15,90 —
    Chlorate de potassium 10,90 —
    Magnésium 6,10 —
    Peroxyde de manganèse 5,20 —
    Oxyde de mercure i —
    Carbonate de potassium 2 —
    Sucre de canne 2 —
    Résine 2 —
    On a en outre, en vue de les substituer aux fulminates, étudié les propriétés des azotures, tels que :
    L’Azoture d’argent, I’Azoture de mercure. I’Azoture de CUIVRE, etc.
    Ces derniers composés, selon Berthelot et Vieille, présentent une analogie avec les fulminates, mais sont encore plus sensibles.
    Enfin on fabrique de nombreuses variétés de composés fulminants pour les utiliser dans les projectiles explosifs et dans les torpilles.
    Parmi ces composés, il convient de noter celui dénommé •’ Hudson Maxim qui est formé d’une pâte de :
    Nitroglycérine 75 parties.
    Dinitrocellulose dissoute dans l’éther. . 25 —
    à laquelle on ajoute une quantité suffisante de fulminate de mercure.
    CINQUIÈME PARTIE
    Poudres sans fumée
    CHAPITRE PREMIER
    Origines et nature des poudres sans fumée.
    Le lecteur bienveillant qui aura lu jusqu’ici les renseignements contenus dans ce livre, même s’il est complètement étranger à l’étude des explosifs, aura pu juger et apprécier l’importance extraordinaire des applications pratiques déjà faites et encore réalisables avec les nouveaux explosifs, grâce aux combinaisons infinies et si différentes des substances qui les composent. Il lui sera en outre facile de conclure que l’application la plus importante est celle qui va être maintenant examinée, c’est-à-dire l’emploi de pareils composés dans les armes à feu.
    L’énergie développée par les produits nitrés, par les nitrocelluloses, par la nitroglycérine, etc. est disciplinée, grâce à des moyens propres à diminuer les pressions latérales qu’elles exercent, tout en les utilisant entièrement ou presque, pour augmenter la vitesse initiale des projectiles. Ces faits ont provoqué une révolution complète dans la fabrication des armes, dans leur calibre, dans les effets balistiques. En outre la suppression presque complète, dans la décharge des nouvelles poudres, de la fumée ainsi que des résidus et des encrassements, a constitué un avantage considérable qui a favorisé leur vulgarisation et encouragé les savants dans la recherche de
    formules capables, tout en conservant les avantages ci-dessus, d’éliminer les inconvénients, dont quelques-uns assez graves, que comportait leur emploi.
    Dès 1817, après que Schœnbein eut rendu publique sa découverte, on chercha à utiliser le fulmicoton dans les bouches à feu ; mais l’imperfection des produits alors obtenus, les accidents désastreux qui s’ensuivirent et surtout la pression excessive que les gaz développés par l’explosion du fulmicoton exerçaient sur les parois à l’intérieur de l’arme furent cause que, momentanément, on abandonna l’emploi de cette substance.
    Toutefois l’idée était lancée et si le fulmicoton proprement dit ne rencontra pas, tout d’abord, grand succès dans les armes à feu, il était réservé à sa sœur jumelle, la pyroxylins, de résoudre le problème.
    En effet, comme on le verra plus loin à propos de la poudre Schultze, le premier composé nilré (qu’il ne faut pas confondre avec le mélange nitré de la poudre noire) utilisé vers 1867 dans les armes à feu fut à base de pyroxyline de bois combinée avec des hydrocarbures et des nitrates. Ce composé, doté de remarquables propriétés explosives, présentait en outre une propriété qui fit sensation dans les premiers temps, celle de développer, lors de son inflammation, seulement une fumée très légère produite par la formation de gaz simples : acide carbonique, oxyde de carbone, vapeur d’eau, hydrogène, azote, oxygène ; tandis que la poudre noire donne lieu, consécutivement à la décharge, à la formation de sulfates et de carbonates de potassium qui produisent la fumée, fumée rendue encore plus dense par la présence d’un excès de charbon.
    Ce phénomène, qui établissait une ligne de démarcation si nette entre les vieilles poudres et les nouvelles, donna lieu, pour ces dernières, à la dénomination de poudres sans fumée.
    Si les premières tentatives faitesavec le fulmicoton n’eurent pas de succès par suite de la violence excessive des produits explosifs de cette matière, la combinaison de la pyroxyline
    ORIGINES ET NATURE DES POUDRES SANS FUMÉE 333 avec les hydrocarbures et les nitrates, qui vint ensuite, permit de fabriquer des poudres convenables pour les fusils de chasse, mais d’ailleurs absolument insuffisantes poui’ le fusil de guerre et pour l’artillerie.
    C’est en 1884 que commença la période véritablement féconde pour la production des poudres sans fumée : car on parvint alors seulement à produire des composés qui, lors de l’explosion, tout en augmentant sensiblement la vitesse initiale du projectile, exerçaient à peine une pression latérale modérée sur les parois de l’arme. Les mêmes composés furent ensuite l’objet de perfectionnements notables, particulièrement pour leur emploi dans l’armée, ce qui permit de donner aux poudres une puissance toujours plus grande, en associant aux pyroxylines le fulmicoton, la nitroglycérine, etc.
    Les substances que l’on ajoute à la nitrocellulose pour former une poudre sans fumée déterminée remplissent normalement une double fonction ; elles fournissent l’oxygène nécessaire pour provoquer la combustion complète du composé et elles modèrent en même temps la rapidité de cette combustion, en sorte que la combustion se réalise progressivement, au fur et à mesure que le projectile se déplace, qu’il parcourt le canon dans toute sa longueur et qu’il sort. Dans ces conditions, l’arme n’est pas soumise à de fortes secousses et l’effet utile de la combustion s’applique entièrement à l’augmentation de la vitesse initiale. A cette tin, on fait généralement entrer les nitrates d’ammonium, de potassium, de sodium ou de barium dans la composition des poudres sans fumée. Parfois aussi on emploie des chromates au lieu de nitrates, mais uniquement pour produire des poudres de chasse, jamais pour la fabrication de poudres de guerre.
    En ce qui concerne la nitrocellulose, on peut utiliser soit le coton-collodion, soit le fulmicoton, ou encore ces deux substances Mais il faut remarquer que, pour obtenir des pressions régulières et non exagérées, la nitrocellulose doit être gélatinisée, ce que l’on obtient en la dissolvant dans
    une substance rapidement desséchante, non hygroscopique et telle qu’elle n’altère ni la nature ni les propriétés de la poudre. Parmi les dissolvants connus, on emploie généralement à cet effet :
    L’acétone ;
    L’éther acétique ;
    L’acétate de méthyle ;
    L’acétate d’amyle seul ou avec de l’alcool amylique ;
    L’alcool éthylique ou méthylique avec l’éther sulfurique ;
    Le chloroacétone de chloroamylc ;
    La benzine rectifiée ou la nitrobenzine pure ;
    Les hydrocarbures azotés aromatiques.
    Enfin, pour régler la combustion de la poudre, pour assurer sa stabilité, diminuer sa sensibilité, abaisser la chaleur qu’elle – développe, on ajoute presque toujours des substances dites rectificalives, lesquelles sont variées et nombreuses, telles que : le camphre, les carbonates, les huiles, la vaseline, la paraffine, la benzine, la phénylamine, le toluol, les oxalates, Purée, le lycopode et beaucoup d’autres encore.
    Dans quelques-uns des types principaux de poudres de guerre sans fumée et dans certains types même de poudres de chasse, on fait entrer la nitroglycérine qui fournit une quantité importante d’oxygène capable de déterminer la combustion complète de la nitrocellulose qui, seule, ne peut brûler qu’incomplètement.
    La nitroglycérine,dans les poudres sans fumée, est toujours associée à la nitrocellulose. Si cette dernière est binitrée, la nitroglycérine sert également de dissolvant ; si,au contraire, il s’agit de trinitrocellulose, celte dernière nécessite alors l’addition d’un dissolvant convenable, tel que l’éther acétique chaud. En outre, comme le mélange pur et simple de nitrocellulose et de nitroglycérine donnerait un produit peu stable et de combustion très rapide, on ajoute toujours un des correctifs sus-mentionnés ou un autre équivalent, pour modérer la combustion et en abaisser la température.
    CHAPITRE II
    Fabrication des poudres sans fumée.
    La nitrocellulose, comme on l’a déjà dit plusieurs fois, se conserve normalement à l’état humide ; il faut au contraire la dessécher parfaitement quand on la travaille pour en obtenir de la poudre sans fumée. Il faut donc commencer par la dessécher, ce qui se faitdansun séchoir approprié à airchaud où la matière est disposée sur des châssis dont le fond est formé d’un tissu métallique à mailles serrées; ces châssis, superposés en plusieurs étages, sont séparés l’un de l’autre par un espace suffisant pour que la chaleur puisse agir d’une manière uniforme sur toute la masse. Les châssis sont mobiles, afin que l’opération de chargement et de déchargement de la nitrocellulose se fasse toujours en dehors du séchoir, pour empêcher l’accumulation, dans ce local, de poussières explosives. On maintient la température ambiante à 60-65° ; celle de la nitrocellulose ne doit absolument point dépasser 50°: aussi importe-t-il de consulter constamment les thermomètres disposés à cet effet dans le séchoir, comme on l’a déjà dit dans la troisième partie, chapitre VI, § 3, en parlant des gélatines explosives.
    Quand l’examen de la nitrocellulose soumise à la dessiccation indique que cette dernière contient moins de 1 0/0 d’humidité, on applique sur les châssis des couvercles convenables et on les porte au local de gélatinisation.
    La gélatinisation se fait dans l’atelier de pétrissage, analogue à celui déjà sommairement décrit pour les gélatines.
    On fait passer la nitrocellulose sèche sur un tamis, pour la libérer des grumeaux qu’elle peut éventuellement contenir. On y ajoute alors les correctifs et les ingrédients qui entrent dans la composition de la poudre, puis on verse le mélange qui en résulte dans le pétrin que l’on ferme hermétiquement avec son couvercle pour empêcher la volatilisation de son dissolvant. Ce couvercle porte dans sa partie supérieure un réservoir métallique pour le dissolvant et, sur le côté, un regard en cristal pour la surveillance de l’opération.
    Le dissolvant — qui peut être de l’acétone, de l’éther acétique, le mélange d’éther et d’alcool, etc. selon l’action qu’il doit exercer — passe en quantité voulue, au moyen d’un mécanisme convenable, du réservoir dans l’intérieur du pétrin. L’hélice de ce dernier est mise en mouvement et la gélatinisation se trouve terminée lorsque la matière a acquis une plasticité homogène sans exsudation de liquide.
    Lorsque, dans la composition de la poudre, il entre de la nitroglycérine, cette dernière est préalablement mélangée à la nitrocellulose dans l’appareil spécial qui a été déjà décrit à propos de la gélatine, puis le mélange passe au pétrin.
    Afin d’éviter toute réaction possible, pendant tout le cours des opérations précédentes, il importe de régler convenablement la température des substances manipulées et celle de l’intérieur des appareils, grâce aux courants d’eau qui circulent entre les doubles parois de ces derniers.
    Une fois la gélatinisation achevée, on comprime, lamine et réduit en fils la substance obtenue, ou on la coupe en forme de dés ou on la réduit en grains, selon l’aspect que l’on veut donner à la poudre ou les usages auxquels on la destine.
    En général, on préfère la forme en lames et en filaments pour les poudres destinées à la grosse artillerie ; pour le fusil de guerre, on emploie la poudre en lames ou sous
    forme depetits cubes ou encore réduite en très menus copeaux ; enfin on l’utilise sous forme de grains pour les poudres de chasse.
    Les laminoirs sont chauffés, mais leur température ne doit jamais dépasser 60°.
    La réduction de la poudre en fils, en cubes ou en grains se fait au moyen de machines spéciales qu’il serait superflu de décrire ici.
    La poudre ainsi préparée est ensuite desséchée à la température de 40°, et cela pour la libérer complètement de tout reste d’humidité et surtout pour provoquer la volatilisation de toute trace du dissolvant employé qu’elle pourrait encore contenir.
    On utilise à cet effet des séchoirs convenables de systèmes divers, parmi lesquels certains permettant de récupérer le dissolvant évaporé.
    CHAPITRE III
    Propriétés des poudres sans fumée.
    Les poudres sans fumée aujourd’hui fabriquées sont si nombreuses, si variées de composition et de couleur, de formes si diverses que Ton tenterait une entreprise vaine en essayant de les caractériser par leur aspect extérieur.
    Elles sont composées pour la plupart, comme on l’a amplement expliqué, de nitrocellulose gélatinisée dans la nitroglycérine, dans l’acétone ou dans un autre dissolvant convenable. Des moyens mécaniques lui donnent une densité et une compacité qui leur permettent de brûler progressivement à partir de la surface, en sorte que l’on parvient à régler à peu près leur combustion. En effet, si l’on fait exploser de pareilles poudres, sous forme de cubes, de bandes, de cordes, etc., dans un milieu où l’on peut arrêter à un certain moment leur combustion, on constate que les résidus non brûlés n’ont pas subi de modification dans leur forme primitive, mais que leurs dimensions ont diminué, ce qui démontre qu’une combustion régulière et parfaite a eu lieu .
    La forme que l’on donne aux poudres a de l’importance en ce qui concerne les pressions qu’elles doivent exercer.
    Si l’on compare les poudres à base de fulmicoton et celles à base de coton-collodion, l’on constate que, dans les premières, la quantité de chaleur développée augmente et que le
    volume des gaz diminue, que la production de l’acide carbonique augmente et qu’au contraire celle de l’oxyde de carbone et de l’hydrogène diminue.
    Le même phénomène se produit, et dans une mesure plus grande encore, quand, dans la composition de la poudre, on lait entrer la nitroglycérine. La combustion de cette dernière transforme le carbone en acide carbonique et développe une chaleur si élevée que celle-ci attaque le métal de la paroi intérieure de l’arme ; elle enlève à l’acier de l’arme du carbone qui concourt à la formation de l’acide carbonique produit par l’explosion. La surfacè rayée intérieure de l’arme se transforme alors en fer, elle perd de sa dureté et, par suite de la corrosion produite par les gaz, après quelques coups de feu, l’arme est hors service.
    Les poudres sans fumée contenant de la nilroglycérine possèdent des propriétés avantageuses, telles que la malléabilité de la pâte qui permet de leur donner des formes rationnelles selon les effets qu’elles doivent produire, une grande régularité de combustion et, à égalité de pression, une puissance balistique plus grande que celle des autres explosifs. Toutefois, dans ces poudres, la température excessive développée lors de la décharge, ainsi qu’on l’a déjà dit, une petite tendance bien constatée à la décomposition, la facilité d’évaporation de la nitroglycérine — tout cela constitue des défauts qui en limitent l’emploi, pour ne pas dire leur abandon, et qui imposent la nécessité de les transformer de manière à éliminer autant que possible d’aussi graves inconvénients.
    Aussi, des tentatives et des recherches dans ce sens ont été déjà faites et se font encore aujourd’hui.
    On a commencé par diminuer les proportions de nitroglycérine en augmentant celles de nitrocellulose, et on a noté, par exemple,que lorsque la nitroglycérine entre dans le composé à raison de 10 0 0 seulement,l’oxyde de carbone prédomine dans les produits de la combustion,abaissant notablement la température de cette dernière, ce qui contribue à la conser-vation des armes. Mais naturellement une diminution aussi grande de la quantité de nitroglycérine employée ne peut se faire qu’aux dépens des effets balistiques, en diminuant sensiblement la vitesse initiale des projectiles.
    On a donc songé à conserver, parmi les composés constitutifs de la poudre sans fumée, la nitroglycérine, et celaen des proportions peu différentes des chiffres primitifs, comme on l’expliquera par la suite et, en mêmetemps.à éliminer la production de l’acide carbonique en favorisant celle de l’oxyde de carbone, grâce à l’addition au composé des substances susceptibles d’abaisser sensiblement sa température de combustion.
    Au VIe Congrès international de chimie appliquée,on a entendu deux communications intéressantes sur cette question.
    La première a été faite parM. Monni, capitaine d’artillerie, de la fabrique de Fontana Liri, qui a proposé l’addition de charbon au composé réglementaire de :
    Nitroglycérine 50 parties
    Fulmicoton 50 —
    de la balistite de guerre. Suivant M. Monni, le charbon transformerait en oxyde de carbone tout l’anhydride carbonique qui se développe dans l’explosion et, en ce qui concerne les effets balistiques, on aurait une compensation dans le plus grand volume des gaz obtenu, car chaque molécule de COS se transformerait en deux molécules de CO.
    La seconde communication est due à M. Recchi, chimiste de la marine italienne, qui a entretenu le Congrès des résultats obtenus par la Société de dynamite Nobel d’Avigliana en ajoutant, au composé de la balistite, une certaine quantité de nilroguanidine, préparée par la Société elle-même d’après des méthodes spéciales qui permettraient la production de cette substance à un prix raisonnable.
    M. Recchi a dit textuellement :
    « La géniale découverte de Frank et de Caro 1 sur l’utilisa- « lion de l’azote atmosphérique, communiquée au précédent « Congrès de Berlin, a contribué à ce résultat. En effet, la « matière première que, par un procédé pratique et économi- « que, on transforme en des sels et dérivés de la guanidine, « est la dicyandiamide ou des produits congénères. La dicyan- « diamide, sous l’action d’acides dilués, absorbe tout d’abord « une molécule d’eau et se convertit en sels de dicyandiami- « dine ; ces derniers, à leur tour, se scindent, dans des condi- « lions déterminées, en sels d’ammonium et de guanidine; « enfin les sels de guanidine sont soumis à la nitrification.
    « La nitroguanidine jouit, comme substance explosive, de « propriétés remarquables.
    « Presque insoluble dans l’eau froide, inaltérable à l’air et « aux plus fortes variations de température, elle fond au-des- « sus de 200° en se décomposant lentement. Elle a une réac- « tion neutre; mais elle est attaquée par l’acide nitrique « même concentré, dans lequel elle se dissout à chaud, se « reprécipitant sans être altérée par une addition d’eau ou se « cristallisant, par refroidissement, en un nitrate, lequel est « un composé explosif, lui aussi, mais qui, à l’air humide, se « dédouble en acide et en base. Cette production d’une base « faible a suggéré à M. Fleming l’idée d’utiliser la nitrogua- « nidine comme agent stabilisant des nitrocelluloses. J’ai pu, « en effet, remarquer qu’il suffit d’en mélanger une petite « quantité à du fulmicoton ou à de la nitroglycérine pour que, « à Fessai Abel, la stabilité apparaisse augmentée de quelques « minutes. Extrêmement insensible aux chocs et aux actions « mécaniques, le mélange est pourtant capable de détoner « dans certaines conditions et il peut, avec des substances « oxydantes convenables, fournir des explosifs d’une grande « puissance qui, par leur stabilité, se prêtent singulièrement « bien à certains usages spéciaux. Sa chaleur de combustion « est, suivant Matignon, de 210,3 calories à pression cons-
  2. Voir Livre Ier, chapitre L01′, p. 29.
    « tante ; sa température d’explosion, selon Patart, est d’envi- « ron 900°, et par suite, inférieure de plus de 2000° à celle « des poudres du type balistitc qui dépasse 3000°, et infé- « rieure d’environ 1500’ à celle des poudres de nitrocellulose « pure. Ces propriétés de la nitroguanidine, jointes à la force « qu’elle possède par suite de son pourcentage très élevé en « azote (53,81 0/0), semblent justifier l’espoir que, par son « emplu, le problème de l’atténuation de l’action érosive de « certaines poudres composées de salpêtre se trouve engagée « dans la voie d’une heureuse solution. »
    D’ordinaire, les poudres sans fumée n’explosent pas au contact d’un corps en ignition, mais elles brûlent seulement en dégageant une flamme vive. Elles peuvent s’électriser par le frottement. Leur stabilité n’est pas absolue; c’est le cas surtout des poudres contenant de la nitroglycérine, lesquelles peuvent, avec le temps, exsuder, ce qui est un indice certain d’un commencement de décomposition. Une bonne ventilation des locaux de dépôt peut faire éviter ou restreindre un pareil risque.
    Les résidus que l’explosion des poudres sans fumée laisse dans l’intérieur des bouches à feu ne sont pas, par eux-mêmes, nuisibles à l’arme. AL le capitaine d’artillerie Van Pit- tius de Hembrug a communiqué au Congrès de Rome le résultat des études qu’il a faites sur ces résidus et sur leur influence dans la formation de la rouille qui ronge les fusils; il a conclu comme il suit :
    « Les recherches ont démontré qu’aucune des matières « contenues dans les résidus n’est par elle-même nuisible au « fusil, mais qu’elles deviennent nuisibles quelque temps « après avoir absorbé de l’eau. Pour préserver le fusil de la « rouille, il faut enlever les résidus par des lavages aussitôt * que possible après le tir et, si cela n’est pas possible, par « exemple dans les champs de tir, il faut passer la baguette « de graissage pour empêcher les sels hygrométriques d’ab- « sorber de l’eau. »
    CHAPITRE IV
    Essais des poudres sans fumée.
    Les épreuves des poudres sans fumée, indépendamment de leur analyse chimique, servent à déterminer :
    L’hygrométricité ;
    La résistance à la gelée et à l’humidité ;
    La température d’inflammation ;
    La force explosive et balistique ;
    La stabilité ;
    La résistance à l’action de la chaleur.
    L’À/zr/ro/neV/Tcfiépeutse déterminer par différence du poids, en exposant la poudre, pendant un temps, à la température de 45°.
    La poudre parfaitement sèche est ensuite exposée, pendant quelques jours, à l’air libre dans une atmosphère humide; puis, par différence de poids, on détermine sa résistance à l’humidité.
    On constate le degré de résistance à la gelée en exposant la poudre, durant vingt-quatre heures, à une température au-dessous de 0’, puis on étudie son apparence et sa composition chimique, qui, dans une poudre parfaite, ne doivent avoir subi aucune altération.
    On obtient la température d’inflammation en exposant la poudre, dans une étuve, à une chaleur graduellement croissante. Une bonne poudre ne s’enflamme qu’au-dessusde 175°. La température minimum tolérée est de 160° ; la poudre s’enflammant à une température inférieure doit être rejetée.
    La force et la puissance de la poudre sans fumée peuvent s’évaluer par le calcul, d’après la thermochimie de Berthelot, quand on a déterminé la température de sa combustion et mesuré le volume des gaz développés dans son explosion ; l’on obtient ces données avec des méthodes et des appareils qu’il n’y a pas lieu de mentionner ici.
    La détermination matérielle de ladite force ou puissance peut encore se faire pratiquement au moyen d’instruments se prêtant à cet usage.
    De ces instruments, le plus connu est [‘Appareil Trauzl, consistant en un bloc de plomb qui porte une très petite cavité centrale dans laquelle on introduit l’explosif à expérimenter. L’ouverture de charge est obturée de manière à livrer passage uniquement à l’amorce. L’explosion de la poudre,’ avec la pression qu’elle exerce, augmente le volume de la cavité susdite. On verse dans celte cavité de l’eau provenant d’un récipient gradué, ce qui permet de mesurer le volume lui-même, lequel, étant proportionnel à la torce de l’explosif employé, donne la valeur de cette dernière.
    Un autre instrument fort utilisé pour les épreuves de même espèce est [‘Appareil Guttmann, qui consiste en un tube horizontal et central en acier. Ce tube renferme deux petits cylindres en plomb placés vis-à-vis l’un de l’autre et disposés de manière que chacun ait une extrémité correspondante à l’extrémité du tube et que, entre les deux cylindres, il y ait un espace suffisant pour loger 20 grammes de l’explosif à essaver. Les deux extrémités du tube sont fortement vissées V
    à deux blocs d’acier qui portent chacun une ouverture conique à laquelle s’adapte parfaitement l’extrémité de chacun des deux cylindres de plomb. L’appareil est pourvu d’une soupape que l’on ferme, aussitôt que la capsule a explosé sous l’action d’un petit marteau automatique, afin de maintenir dans le tube central les gaz développés par la combustion des 20 grammes d’explosif. Les gaz, ne trouvant pas d’issue, pressent énergiquement sur les cylindres de plomb, lesquels
    pénètrent dans les vides coniques latéraux et prennent la forme d’un cône plus ou moins allongé, selon la force expansive de l’explosif. La hauteur des cônes, mesurés d’après une unité de comparaison, donne la valeur de la puissance cherchée.
    Quant aux effets balistiques d’une poudre sans fumée, on peut les mesurer avec le mortier de Nobel, contenant la charge sur laquelle repose un projectile de poids constant. La poudre, en explosant, lance le projectile à une distance dont la mesure détermine la puissance de la charge. Des essais plus exacts se font encore avec le fusil ou avec le canon à pendule, avec les appareils électro-balistiques, avec le chronographe Le Boulengé, etc.
    L’essai de résistance à l’action de la chaleur,destiné à expérimenter la stabilité des poudres sans fumée, qui doivent, à cet effet, être parfaitement neutres, se pratique généralement * dans le tube d’essai à l’amidon ioduré, qui a été décrit dans la deuxième partie, chapitre VI, traitant du fulmicoton ‘.
    Cependant il ne faut point perdre de vue qu’avec les poudres sans fumée, l’épreuve de résistance à l’action de la chaleur peut parfois être faussée en raison de la présence, dans la poudre, de quelques substances telles que l’éther acétique, l’acétone,la vaseline,l’aniline,l’huile de ricin,etc., substances qui empêchent la réaction à chaud de l’iodure de potassium, car, ainsi que l’ont démontré des expériences faites par O. Guttmann en Angleterre, les unes absorbent cet iodure, d’autres le dissolvent, d’autres enfin se combinent chimiquement avec lui.
    Guttmann a donc proposé, au lieu de l’iodure de potassium, l’emploi de la diphénylamine, dont la solution s’obtient en plaçant, dans un récipient en verre à large goulot bouché à l’émeri, 1 gramme de diphénylamine cristallisée et 50 centimètres cubes d’acide sulfurique étendu de quatre fois son poids d’eau.
    Le Dr Spica, chimiste de la marine royale italienne, affirme de son côté que l’épreuve de la chaleur, même parla méthode Gultmann, est douteuse. Il propose donc l’utilisation du papier au chlorhydrate de phénylène-diamine m qu’il prépare en plongeant du papier Berzélius lavé dans une solution de ce chlorhydrate à un pour mille dans l’eau distillée. Ce papier est ensuite séché dans l’obscurité sous une cloche en verre contenant du chlorure de calcium. Les épreuves faites avec le papier au chlorhydrate doivent être rapidement menées, en raison de l’excessive sensibilité de ce réactif.

CHAPITRE V
Poudres de guerre sans fumée.
Poudre Schultze — Le colonel prussien Schultze fut le premier qui,en 1867,utilisa lapyroxyline extraite de la sciure de bois pour fabriquer une poudre de guerre sans fumée, composée de :
Pyroxyline de bois. . Hydrocarbure nitré . Nitrate de barium. . Nitrate de potassium. Soufre
Mais cette poudre ne rencontra pas grande faveur dans les milieux militaires, car, malgré ses avantages indiscutables d’exploser en dégageant seulement une très légère fumée, de ne pas laisser d’encrassement et d’exercer une action double de celle de la poudre noire, elle avait le grave inconvénient d’exercer des effets brisants et de fournir, dans le tir, des résultats fort irréguliers.
L’apparition de la poudre Schultze fut suivie, pendant quelques années, de rares tentatives de production de poudres sans fumée destinées à des usages militaires; mais le véritable début des poudres sans fumée date de 1881, année dans

  1. Voir chapitre VI, Poudres de chasse sans fumée.
    laquelle nous voyons l’armée française adopter, pour la charge du fusil Lebel, la :
    Poudre vieille, qui serait composée de : Fulmicoton 68,21 parties
    Dinitrocellulose 29,79 —
    Paraffine 2 —
    La poudre Vieille forme de petits cubes de couleur jaune et d’une odeur caractéristique. Elle est stable et possède une grande puissance balistique.
    Depuis 1887,1a poudre Vieille, confectionnée en gros cubes, s’emploie en France même pour les bouches à feu de l’artillerie.
    Un autre type de poudre Vieille utilisé en France, surtout dans les fusils de petit calibre, est la :
    Poudre B. N.
    Fulmicoton 29,13 parties
    Dinitrocellulose 41,31 —
    Nitrate de barium 19,56 —
    Nitrate de potassium 8 —
    Carbonate de sodium …. 2 —
    L’exemple de la France et la nécessité de rendre les conditions de guerre égales incita les autres puissances à rechercher des poudres sans fumée pratiques et puissantes pour en doter leurs armes: aussi l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre, la Russie, etc., adoptèrent presque simultanément ces poudres.
    En Italie, on eut la :
    Balistite, inventée par Nobel en 1888, la première poudre de tir qui ait contenu de la nitroglycérine. En effet, elle est composée de :
    Nitroglycérine 50 parties
    Fulmicoton soluble 50 —
    Aniline (ou diphénylamine) . . . des traces.
    Pour fabriquer la balistite, on commence par pétrir, dans un récipient de plomb, la quantité voulue de fulmicoton soluble avec une quantité double d’eau, afin de maintenir, dans le mélange avec la nitroglycérine qui doit suivre, une basse température. Ensuite, avec un appareil convenable, on verse la nitroglycérine sur le fulmicoton et on ajoute au mélange l’aniline, laquelle aurait la propriété d’empêcher le composé de s’altérer et de devenir acide. On peut encore faciliter la dissolution par une légère addition de benzine. Quand le pétrissage du fulmicoton avec la nitroglycérine est achevé et que la matière a été convenablement traitée, pour rendre complète l’absorption du fulmicoton et obtenir l’absolue homogénéité de toute la masse, on passe cette dernière dans une essoreuse pour la libérer de l’excès d’eau qu’elle contient. Quand elle ne retient plus que 20 0/0 d’humidité,on la comprime entre deux cylindres de laminoir; ces cylindres sont creux et on y fait circuler un courant de vapeur qui élève la température à 80’. On obtient ainsi des feuilles d’une gélatine presque transparente, à laquelle on donne une plus grande consistance en immergeant ces feuilles dans l’eau chaude. On comprime ensuite les feuilles en question une seconde fois, pendant quelques minutes, entre une autre paire de cylindres lamineurs et enfin on les taille en fragments cubiques de 6 millimètres de côté si elles doivent servir pour les armes portatives, et en longs fils si elles sont destinées à la charge des canons.
    La balistite est une substance d’un rouge sombre, de consistance cornée mais flexible, inflammable à 180° et d’une densité de 1,63. Elle brûle lentement à l’air libre et résiste à la percussion. Elle explose sous l’action d’une forte amorce au fulminate de mercure et elle donne une grande régularité ou justesse dans le tir.
    Elle résiste à l’action de l’humidité, et, d’après M.le capitaine du génie Crociani, elle serait quatre fois plus puissante que la poudre noire et deux fois plus que la poudre française Vieille.
    Un fait certain, c’est que la balistite est un explosif de
    haute puissance, possédant de nombreux avantages et digne de Japlus grande considération. Toutefois, elle a l’inconvénient d’ètre à base de nitroglycérine. Cette dernière substance étant volatile, bien qu’à un faible degré, il y a lieu de douter que la balislite puisse conserver longtemps sa stabilité et qu’elle ne subisse point des décompositions lentes capables non seulement d’altérer ses propriétés balistiques, mais encore de provoquer des réactions acides toujours dangereuses. De plus, comme on l’a déjà dit, elle a une température de combustion trop élevée et, par suite, elle détériore les armes.
    Pour atténuer en partie ces inconvénients, on a modifié la balistite en produisant la Soléxite,composé absolument identique, mais renfermant moins de nitroglycérine.
    Pour la charge des canons, l’on utilise en Italie la Filite, qui n’est autre que de la balistite filiforme.
    En Allemagne on a adopté pour l’armée la poudre n. g. p., composée comme la balistite, mais contenant une proportion plus grande de fulmicoton et recouverte de graphite ; et pour la marine, la Troisdorf, composée de nitrocellulose gélatini- sée, avec addition de nitrates.
    Dans les canons allemands on emploie la Geschutz-Blatt- chenpulver, préparée en grosses lames.
    En Angleterre on emploie, comme poudre de guerre, la Cordite,composée en forme de corde de la manière suivante:
    Nitroglycérine 58 parties.
    Fulmicoton 37 —
    Vaseline 5 —
    Dans la cordite préparée pour les cartouches à salves, on a supprimé la vaseline.
    La cordite est un puissant explosif, comme il est facile de s’en rendre compte par sa composition ; mais celle composition montre combien elle doit être nuisible pour les armes,en raison de la température très élevée de combustion qu’elle développe.

    Ccl inconvénient ne laisse pas de préoccuper même en Angleterre où on sonq-c à la transformer : aussi,en 1905, a-t-on essayé, à Birmingham, I’Axite, qui est une cordite modifiée non seulement dans la proportion de ses parties composantes, mais encore dans son aspect extérieur : en effet, on la confectionne sous forme de rubans et non de cordes.
    On prétend que l’axitc, en même temps qu’elle imprimerait au projectile une vitesse plus grande que la cordite, développe moins de chaleur, attendu qu’elle possède des propriétés lubrifiantes. A la température ordinaire, une charge réglementaire d’axite donnerait au projectile une vitesse de 2179 pieds à la seconde et une pression de 15,76 tonnes ; tandis que la cordite développerait une vitesse de 2010 pieds et une pression de 15,67 tonnes.
    L’armée russe a adopté, en 1896, le Pyrogollodion, poudre ayant comme base une cellulose qui occupe un degré intermédiaire entre l’ennéanitr ique cl la décanitrique ; cette cellulose se gélatinise dans le mélange d’éther et d’une petite quantité d’alcool. Quand elle est complètement gélatinisée, on en fait des rubans ou des bandes qui, après séchage, se présentent sous une forme élaslique, homogène, translucide ; elle explose sans laisser de résidus.
    En Belgique, on utilise la l.3 de WETTEREN,qui est à base de nitrocellulose. C’est une bonne poudre de guerre, car, employée à la dose de 2,16 grammes, elle donne à la balle Mauser du poids de 11,1 gramme une vitesse de 600 mètres, en exerçant une pression de 2000 kg. par cm* dans l’intérieur du canon.
    Toutes les puissances de quelque importance ont aujourd’hui leurs poudres de guerre spéciales sans fumée et, afin d’éviter une longue et inutile énumération, nous remarquerons simplement que les États-Unis d’Amérique ont abandonné les poudres à base de nitroglycérine et que, pour l’artillerie, ils emploient I’explosif Meyer, avec substitution d’un atome de sodium à un des trois atomes d’hydrogène du nilrométane.
    Le nilromélane est dilué dans l’éther sulfurique. On fait agir séparément le sodium sur l’alcool, et le produit que l’on en obtient s’ajoute à la première solution. On obtient alors un précipité que l’on lave avec l’éther et que l’on dessèche ensuite au moyen de l’acide sulfurique. La matière anhydre obtenue constitue un très puissant explosif.
    Au Japon, auquel il est de mode aujourd’hui de s’intéresser, les canons de campagne sont chargés d’une poudre sans fumée formée de :
    Nitrocellulose à 11 0 0 d’azote. . . . 40 parties.
    Nitrocellulose à 13,50 0/0 d’azote. . . 60 —
    Cette dernière poudre, préparée en bandes de 20 X 5 centimètres avec une épaisseur de 7 millimètres, a une force supérieure à colle de toutes les poudres azotées jusqu’ici préparées.
    Pour la guerre, on fabrique enfin aujourd’hui, en Allemagne, un véritable tissu explosif, formé de fils de poudre sans fumée, avec lequel on confectionne des sachels explosif pour les gargousses de l’artillerie. Ces sachets sont même cousus avec du fil ou du cordonnet explosifs et reliés ensemble avec une attache explosive. Le tissu précité, d’une couleur jaunâtre claire ressemblante celle de la soie, est insensible à l’action de l’humidité et à celle de la chaleur.
    11 arrive, comme il est facile de se le figurer, que le sachet lui-même fait partie intégrante de la charge, qu’il explose avec cette dernière en favorisant son allumage, au point qu’il remplace avantageusement les amorces de poudre noire que, souvent, on ajoute dans les gargousses renfermant des explosifs d’un allumage difficile.
    CHAPITRE VI
    Poudres de chasse sans fumée.
    Si les poudres sans fumée, aujourd’hui fabriquées pour des lins militaires, sont nombreuses, on peut dire que celles destinées à la chasse sont innombrables.il n’est pas de fabricant, si restreint que soit le domaine de son activité, et cela dans tous les pays du monde,qui ne mette sur le marché son excellente poudre sans fumée aux noms les plus étranges, bien que la composition de toutes ces poudres soit plus ou moins identique.
    On peut faire un classement général de ces poudres en les classant en produits à la nitrocellulose avec dérivés nitrés, à la nitroglycérine, au picrate d’ammonium avec ou sans addition de chromates ou d’autres substances similaires.
    La première poudre de chasse sans fumée devenue d’un usage pratique fut la Poudre blanche Schultze, qu’obtint le colonel Schultze en modifiant la composition de sa première poudre de guerre sans fumée, laquelle, comme on Ta déjà dit ‘, ne fut pas acceptée, alors que la poudre de chasse du même inventeur a joui et jouit encore aujourd’hui d’une faveur méritée.
    Pour la fabriquer, on choisit d’abord du bois blanc, autant que possible de peuplier. On en prépare des planchettes très minces que l’on débite en petits morceaux au moyen d’un
  2. Voir chapitre V, Poudres de guerre sans fumée.
    -, -.-. Z -.-.7 — — 7-. r v
    emporte-pièce convenable, petits morceaux que l’on soumet à plusieurs ébullitions successives dans une eau légèrement additionnée de carbonate de sodium. Les petits morceaux ainsi préparés subissent ensuite des lavages abondants et réitérés à l’eau ordinaire, puis on les blanchit au chlorure de chaux, on les lave de nouveau à l’eau bouillante et enfin on les dessèche, é
    Dans un mélange acide formé de :
    Acide sulfurique à la densité de 1,8i . . 71,5 parties.
    Acide nitrique — 1,50 . . 28,5 —
    on immerge 6 parties des petits morceaux de bois préparés et desséchés comme il est dit ci-dessus, en agitant de temps à autre la masse liquide pour éviter une élévation dangereuse de température. Au bout de trois heures, la nitrification du bois est terminée. On enlève l’excès d’acide au moyen d’une essoreuse et on expose la masse ligneuse, durant deux ou trois jours, à l’action de l’eau courante, après quoi on la traite avec une faible solution de carbonate de sodium, puis on la lave à l’eau pure et enfin on la dessèche. Le produit ainsi obtenu n’est pas autre chose que de la pyroxyline de bois, qui sert ensuite de base 5 la pondre blanche Schultze de chasse, qui est composée comme il suit :
    Pyroxyline 60 à 80 parties.
    Hydrocarbure nitré 12 —
    Nitrate de barium 60 à 80 —
    Nitrate de potassium 8 à 10 —
    Le nitrate de potassium entre dans la composition pour augmenter sa force trajectoire ; le nitrate de barium, tout en remplissant le même office, sert en outre à diminuer les effets propulsifs de la pyroxyline.
    Schultze a fabriqué en outre avec les mêmes substances, mais dans des proportions différentes, de la poudre de mine
    qui a donné des résultats satisfaisants, mais qui n’a pourtant trouvé qu’un emploi peu étendu, car les dynamites, explosifs beaucoup plus puissants, lui ont fait du tort.
    Comme nous l’avons dit, la poudre blanche Schultze a rencontré la faveur des chasseurs et, au cours de ces dernières années, elle a été avantageusement employée dans le tir aux pigeons, bien qu’elle présente encore des inconvénients, par exemple celui de n’avoir pu modérer entièrement sa force brisante et celui non moins grave d’être beaucoup plus hygros- copique que la poudre noire.
    La poudre Schultze a été suivie de :
    La Poudre E. C., que l’on fabrique depuis 1882 en Angleterre et dont on utilise divers types pour la chasse. Elle est composée de fulmicoton mélangé avec une petite quantité de camphre, granulée, puis durcie à sa surface au moyen d’une immersion dans le mélange d’éther et d’alcool. Elle est enfin colorée avec du bleu d’outre-mer ou avec du noir de fumée ;
    Le Pyrocoton Parozzani, breveté en 1883 par le professeur Parozzani d’Aquila. C’est un mélange de dinitrocellulose avec du picrate d’ammonium et des nitrates de potassium et de barium qui lui permettent de résister au choc et le rendent stable, puissant et de conservation facile ;
    La Smokeless explosive, inventée par Abel, en Angleterre, en 1886. Elle est composée de nitrocellulose et de nitrate d’ammonium pétris avec de l’essence de pétrole. On comprime, on grène et on vernit ce mélange au moyen d’un dissolvant qui agit sur la nitrocellulose superficielle ;
    La Cannonite, fabriquée en Angleterre, depuis 1889, comme il suit :
    Nitrocellulose et graphite. … 86 parties.
    Nitrate de potassium 6,88 —
    Résine 6,19 —
    Humidité 0,93 —
    On a ensuite produit de nouveaux types de cannonite avecle simple mélange de nitrocellulose et de résine, traité par un dissolvant tel que l’acétate d’amyle, la benzine, etc.
    La Coopal anglaise, qui date également de 1889 et est composée de :
    Nitrocellulose 71,25 parties.
    Nitrate de barium 23,65 —
    Résine 3,45 —
    Humidité 1,65 —
    L’Ambérite qui, depuis 1891, se fabrique comme il suit en Angleterre:
    Fulmicoton 53,20 parties.
    Coton-collodion 21,10 —
    Nitrates de barium et de potassium. 10,80 —
    Paraffine 9,60 —
    Humidité 2,30 —
    On obtient une variété d’ambérite avec le mélange de fulmicoton, de coton-collodion et de nitrocellulose.
    D’aûtres poudres de chasse sans fumée d’origine étrangère, et fort connues et utilisées en Italie, sont :
    La Curtis dont, depuis 1900, on fabrique en Angleterre diverses espèces composées de nitrocellulose, de nitrate de potassium, de craie et, parfois, de charbon de bois ;
    La Müllerite, poudre belge produite avec de la nitrocellulose gélatinisée et traitée par une matière colorante ;
    La Normale, fabriquée à Landskrona, en Suède, et formée de :
    Fulmicoton 96,21 parties.
    Coton-collodion 1,80 —
    Résine 1,99 —
    La Walsrode, que l’on fabrique en Allemagne depuis quelques années, et qui est composée de nitrocellulose chimiquement pure et gélatinisée dans l’éther acétique (ce dissolvant est ensuite éliminé au moyen d’eau bouillante), puis comprimée et grenée.
    Une poudre sans fumée singulière est la :
    Plastoménite, reposant sur ce principe qu’un hydrocarbure nitré d’une consistance solide, fondu à la chaleur, possède la propriété de dissoudre complètement un nitrocarbure hydraté auquel on le mélange. Ainsi, par exemple, le nitrobenzol ou le phénol ou le toluol ou le naphtol, etc., quand il est fondu à la chaleur, dissout les composés nitro-hydratés de la gomme, de la cellulose, du sucre, de l’amidon, etc. On produit ainsi une substance malléable, dite Plastoméiiite, à laquelle on peut donner une forme quelconque et qui durcit ensuite, prenant la consistance de la corne, mais en demeurant sensible à l’humidité et aux influences atmosphériques. On peut la travailler pour en faire des objets d’usage domestique ; humectée, elle peut s’étendre sur les tissus pour les rendre imperméables ; quand elle est encore plastique et qu’on l’additionne de matières colorantes, elle peut prendre l’aspect de pierres imitant l’ivoire, le corail, la malachite, etc. Traitée par des nitrates, elle acquiert des propriétés explosives pouvant la transformer en poudres sans fumée. On ajoute du chromate de potassium à raison de 3 0/0 environ, pour donner à la poudre dite plastomènite une combustion complète et atténuer la flamme.
    Parmi les poudres de chasse sans fumée les plus remarquables qui se fabriquent en Italie, on compte :
    La Lanite et la D. M. de la Société Nobel d’Avigliania, à base de nitroglycérine, qui s’obtiennent d’après des méthodes identiques à celles employées pour la balistite. On prépare la lanite en fils reliés ensemble et comprimés en charges tronco-coniques ;
    L’Excelsior, la Sport et la Nivéa, de la Société italienne des Produits explosifs, qui les prépare dans sa poudrière de Cengio. L’Excelsior et la Sport sont à base de nitrocellulose gélatinisée. La Sport se fabrique expressément pour le tir aux pigeons ;
    L’Acapnia, de la Société Baschieri et Pellagri,de Bologne;
    La Randite, de Pietro Randi, de Lugo;
    La Sublimité, d’Olivieri et Cie d’Ancône;
    L’Igiinusa, de la Société Sarde, de Cagliari.
    Dans ces dernières poudres on trouve le picrate d’ammonium mélangé à des nitrates, à des chromates ou à d’autres substances.
    Il faut encore noter :
    L’Anigrine, fabriquée par Baschieri et Pellagri ;
    La Silurite, produite par Bianchini et Cle;
    L’Aristite, de la maison Caramosca Luigi, d’Imola ;
    La Fulgor, mise dans le commerce par Stacchinpdc Rome, et quelques autres encore.
    Les poudres sans fumée en général, tant italiennesqu’étran- gères, possèdent d’éminentes qualités balistiques et, surtout pour les usages militaires, ont aujourd’hui définitivement remplacé les poudres noires.
    La suppression de la fumée et leur force de pénétration les rendent en outre très utiles pour la chasse. Mais elles sont plus ou moins hygroscopiques et elles exercent toujours une pression énergique, quoi que l’on fasse pour atténuer cette dernière, non pas tant sur les parois de l’arme que sur la fermeture de la culasse. Elles sont de plus soumises à des altérations spontanées plus ou moins éloignées, qui parfois compromettent la précision du tir.
    Pour terminer, nous dirons que les poudres sans fumée présentent sans doute des avantages très importants ; mais, en qualité d’admirateur impénitent des vieilles poudres, pourvu qu’elles soient bien fabriquées suivant des méthodes rationnelles, on conseillera toujours au chasseur d’employer certes la poudre sans fumée, mais de tenir en réserve le canon gauche de son fusil toujours chargé d’une cartouche à poudre noire d’excellente qualité. Il aura en tout cas, de cette manière, un coup de feu sur lequel il pourra sûrement compter.

CHAPITRE PREMIER
L’air liquide.
On a récemment obtenu, avec l’air liquide, un nouvel, original et très puissant explosif dont il ne sera pas inutile de faire ici mention, bien qu’il n’ait pas encore reçu d’applications pratiques.
Wroblewski et Olszewski, en adoptant la méthode déjà employée par Faraday pour le protoxyde d’azote, réussirent à abaisser la température jusqu’à —140® grâce à l’évaporation de l’éthylène liquide dans le vide.
En 1887, Cailletet, comprimant d’abord certains gaz puis les refroidissant en les laissant se détendre, réussit à liquéfier le gaz acétylène, le bioxyde d’azote, l’oxygène, l’azote .et l’air. Il obtint même la condensation neigeuse de l’hydrogène.
M. le professeur Linde de Munich, appliquant la méthode Cailletet, imagina un appareil dans lequel l’air est comprimé énergiquement au moyen d’une pompe et ensuite obligé de se rendre sans interruption et de circuler en sens inverse dans deux grands serpentins concentriques. Une seconde
pompe maintient la pression constante et le serpentin est enfermé dans une caisse en bois remplit de laine, pour empêcher les radiations thermiques.
Le travail de l’air qui se détend produit un refroidissement considérable accumulé par le contre-courant susdit ; la température s’abaisse au-dessous de — 140°, point.de liquéfaction de l’air atmosphérique, et l’air du serpentin se condense,se liquéfie et est recueilli,en passant par un robinet convenable, dans des vases de verre à double paroi dans l’es, pace intermédiaire de laquelle on a fait le vide sec de Crookes, afin de maintenir l’air liquide, pendant le plus de temps possible, à la basse température qui lui est nécessaire.
L’air liquide est transparent et a une légère teinte bleue ; il entre en ébullition à — 191° et produit alors des vapeurs très lourdes qui, au lieu de s’élever en l’air, se meuvent autour du vase en forme de nuage épais. Dans l’air liquide que l’on verse par gouttes sur une plaque épaisse de fer, de marbre, etc., se produit le phénomène de caléfaction qui survient avec l’eau tombant sur une surface rougie, c’est-à-dire qu’il se forme des petites bulles sphériques qui s’élèvent et se meuvent rapidement, car elles se trouvent enveloppées d’une sorte de vapeur les séparant de la Surface sur laquelle elles se forment.
Le fer plongé dans l’air liquide acquiert une telle fragilité qu’il se rompt au moindre choc ; le cuivre et le platine, au contraire, conservent leur malléabilité.
Les brûlures produites par l’air liquide sont très dangereuses et très difficiles à guérir.
M. le professeur Linde a mesuré la force d’expansion de l’air liquide et il a constaté que ce corps, en passant à l’état gazeux, augmente 748 fois de volume. Il a constaté en outre que l’air liquide, en s’évaporant, s’enrichit d’oxygène dans une mesure telle que, au point d’évaporation, il se compose de 9/10 d’oxygène et de 1 10 d’azote. Mettant à profit cette propriété, M. Linde a composé un nouvel explosif,en faisantévaporer,à raison de 6/10,une certaine quantité d’air liquide, de manière que le liquide restant contînt environ 50 0,0 d’oxygène, et en mélangeant ce liquide restant avec de la poudre de charbon. Il a ensuite perfectionne son composé en mélangeant la poudre de charbon avec de la ouate de coton à raison de 1/3 de son poids et en confectionnant ce mélange en forme de cartouche recouverte d’un fort papier et en l’arrosant enfin d’air liquide enrichi d’oxygène grâce à l’évaporation partielle. Celte cartouche explose sous l’action d’un puissant détonateur et développe une force qui n’est pas inférieure à celle de la dynamite.
L’explosif à l’air liquide doit être préparé au moment de son emploi, car la cartouche confectionnée comme nous venons de l’indiquer conserve ses propriétés déflagrantes durant environ un quart d’heure, après quoi elle perd peu à peu sa force par suite de l’évaporation progressive de l’air liquide et enfin elle s’épuise complètement au bout d’un certain laps de temps.
Le prix de revient élevé de production de l’air liquide est, pour le moment tout au moins, un autre élément qui, en outre de la circonstance ci-dessus, fait obstacle à son emploi dans l’industrie des explosifs.
CHAPITRE II
Phénomènes de l’explosion.
^’explosion est l’effet du développement instantané et violent d’un énorme volume de gaz qui se dégagent, à une température très élevée et en raison d’une cause mécanique ou chimique, d’un corps qui les contenait, à l’état initial, comprimés sous un petit volume. Cette expansion est accompagnée d’une détonation plus ou moins forte et elle produit des effets mécaniques énergiques et considérables, capables de lancer des projectiles, ainsi que de briser et projeter aux alentours tout ce qui lui oppose de la résistance.
Les effets de projection sont dus à l’énergie contenue dans les gaz sous forme de chaleur et transformée en travail mécanique ; les effets de rupture sont occasionnés par la pression qu’exercent les gaz sur les parois internes du récipient dans lequel se produit l’explosion.
Par suite, tout corps qui peut produire de pareils effets est un Explosif. Ainsi un gaz comprimé par des moyens mécaniques qui reprend instantanément son volume ; la vapeur développée par un liquide surchauffé et comprimé dans un espace clos ; les corps solides ou liquides qui, par suite de la combustion ou de réactions chimiques, produisent rapidement des volumes abondants de gaz — sont des explosifs.
Toutefois, sous le nom d’explosifs on désigne ordinairement, d’une manière spéciale, les composés solides ou liquides qui, développant dans des circonstances déterminées des
gaz explosifs, s’emploient pratiquement dans les travaux de mines ou s’utilisent dans les armes comme agents balistiques. Autrefois, on fabriquait les explosifs en se préoccupant uniquement d’en obtenir des effets puissants, sans tenir grand compte des lois qui régissent la production et le développement des gaz explosifs. Berthelot étudia ces lois avec une profonde sagacité et, en 1872, il formula la théorie qui « défi- « nit la force des substances explosives par la seule con- « naissance des réactions chimiques, ces dernières détermi- « nant le volume des gaz,la quantité de chaleur et, par suite, « la force explosive ».
Le développement des gaz explosifs est produit tantôt par l’oxydation de substances combustibles, ainsi qu’il advient avec la poudre noire dans laquelle le nitrate de potassium ou salpêtre exerce son énergie oxydante sur les combustibles soufre et charbon, tantôt, pour employer le langage de Berthelot, « par la transformation d’un principe unique et défini, « tel que le sulfure d’azote, le fulminate de mercure, le ful- « micoton, la nitroglycérine, le picrate de potasse, tous corps « renfermant de l’azote ».
Ces origines diverses des gaz explosifs dépendent de la nature diverse des substances qui entrent dans la formation des corps explosants et qui produisent naturellement, au moment de leur expansion, des effets plus ou moins énergiques selon leur nature.
Ces effets peuvent se distinguer en choc ou travail mécanique et en pression.
L’action du choc est due spécialement à la rapidité de la combustion et à celle de formation des gaz ; la pression dépend de la température développée et du volume des gaz formés, volume qui est dû à la dissociation moléculaire du composé produite par la combustion. Ce phénomène présente des caractères divers selon la vitesse à laquelle il s’accomplit et d’après la nature de l’explosif eux-mêmes. C’est ainsi que l’on rencontre :
1° Les explosifs ordinaires qui développent une énergie et une rapidité de combustion relativement limitées. A cette classe appartiennent les poudres noires et, en général, les 1 poudres sans fumée pour fusils ; j
2° Les explosifs puissants dans lesquels l’énergie atteint un haut degré d’intensité accompagnée d’une très grande rapidité de combustion. Le prototype de cette catégorie est la dynamite ; 1
3° Les explosifs dé tonants caractérisés par leur très haut • degré d’énergie et de rapidité de combustion. Appartiennent ‘ à cette classe les fulminates et nombre de composés au chlorate de potassium. 1
Les explosifs de la première catégorie se distinguent : les uns, comme la poudre noire, par leur propriété d’exploser sous l’action directe d’un corps quelconque en ignition, parce que leur température d’inflammation et d’explosion est identique ; les autres, comme les poudres sans fumée, par le fait qu’elles exercent de faibles pressions latérales en donnant aux effets balistiques presque toute leur énergie.
Les explosifs de la deuxième catégorie ont essentiellement des propriétés déflagrantes et de projection ; de plus, con- i trairement à ce qui se passe dans la poudre noire, comme leur température d’explosion est beaucoup plus élevée que celle j d’inflammation, ils n’explosent que sous la double action d’un choc violent accompagné d’un fort développement de chaleur.
Les explosifs de la troisième catégorie possèdent une telle sensibilité qu’un simple choc, parfois même le seul frottement, suffit pour déterminer la détonation.
Pour bien définir la nature d’un explosif, il convient d’étudier avec soin sa composition chimique, ainsi que le volume des gaz, la pression et la chaleur spécifique, afin de pouvoir ensuite déterminer les produits caractéristiquesde l’explosion, et calculer le travail maximum dont il est capable, c’est-à- dire son potentiel que M. A. Mattei définit avec beaucoup d’à propos comme il suit : « le travail que l’unité de poids d’un
‘phénomènes de l’explosion 365
« explosif peut développer dans sa réaction totale et dans une « expansion adiabatique indéfinie. »
Le potentiel se manifeste par des effets propres à chacune des catégories d’explosifs. Ainsi, par exemple, la poudre noire agit efficacement dans les mines quand elle rencontre une résistance appréciable et qu’elle se trouve être solidement renfermée dans les trous préparés à cet effet, de manière que le bourrage ne soit point déplacé au moment de l’explosion, tandis qu’elle n’exerce aucune action quand elle explose à l’air libre. Au contraire, la dynamite, disposée même en petite quantité sur une roche et recouverte d’une légère couche de terre, brise la roche en très menus morceaux quand son explosion est provoquée par une capsule au fulminate de mercure.
Certains composés de la deuxième et de la troisième catégorie (dynamites et détonants) peuvent, en outre de l’action directe de l’amorce ou du choc, exploser par influence.
L’explosion par influence ou sympathique d’un composé est celle provoquée par l’explosion d’un autre explosif placé à une certaine distance du premier. Ce phénomène a été expliqué par Abel au moyen de la théorie du synchronisme entre les vibrations du corps explosant et celles du composé qui, sous l’influence du premier, explose également.
La même théorie des vibrations expliquerait également le phénomène que « le mélange de deux explosifs différents est plus stable que chacun des composants ». Si l’on place des parcelles d’iodure d’azote sur les cordes d’une contre-basse et que, à une faible distance, on fasse vibrer une des cordes d’une autre contre-basse, lorsque les vibrations de cette dernière atteignent un certain nombre par seconde, l’iodure d’azote placé sur la première contre-basse explose. Par contre, quand on mélange de l’iodure d’azote à du fulmicoton et que l’on soumet des parcelles de ce mélange à la même épreuve, on ne parvient jamais à provoquer une explosion, quel que soit le nombre des vibrations de la corde de la contre-basse.
Mais Berthelot a démontré que la théorie des vibrations synchrones, dans les explosions sympathiques, est erronée; il explique ce phénomène, « par la transmission d’un choc « résultant des pressions énormes et instantanées que pro- « duit l’explosion d’un composé puissant tel que la nitrogly- « cérine, le fulmicoton, les fulminates, etc., choc dont la force « se transforme en chaleur au sein de la matière explosive. »
De son côté, le major Chapel, de l’artillerie française, es- • time que, parfois, l’explosion par influence est une conséquence des perturbations électro-atmosphériques.
Un phénomène singulier et terrible de l’explosion, et cela d’autant plus qu’on ne l’a jamais prévu et qu’il ne s’est que trop souvent réalisé, peut se produire par suite de l’oxydation, du fait de l’oxygène de l’air, de masses considérables et finement pulvérisées de combustibles, telles que les farines, l’amidon, la sciure de bois, le soufre pulvérisé, etc., qui se sont spontanément enflammés.
De terribles désastres de cette nature se sont produits : le 9 juillet 1872 dans le voisinage de Glasgow (Écosse) où une explosion a complètement détruit un grand moulin ; le 2 mai 1872 dans les vastes moulins de Minneapolis qui ont été également détruits; dans la nuit du 27 au 22 avril 1906 où une meule de moulin de soufre a sauté.
A Providence, aux Etats-Unis, une explosion très violente s’est produite, occasionnée par l’oxydation des substances saponacéeset finement divisées, amoncelées dans l’endroit où s’est produit le sinistre.
Les substances colorantes peuvent donner lieu à des explosions en apparence inexplicables, mais toutes causées par la combinaison de l’air avec les matières qui composent ces substances et qui parfois s’enflamment.
Les sous-produits liquides du goudron et du pétrole, et d’autres substances volatiles telles que la térébenthine, le bi-
sulfure de carbone, etc., développent facilement des vapeurs qui se répandent rapidement dans l’air; et, si elles entrent en contact avec un corps en ignition, ces vapeurs s’allument et communiquent le feu aux masses liquides qui leur ont donné naissance, en provoquant de formidables explosions.
Enfin le gaz d’éclairage lui-même, bien que non explosif par sa nature, explose instantanément quand il est mélangé à l’air atmosphérique et qu’il entre en contact avec, un corps en ignition. E’ \

TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
*
Pages
Chapitre premier. — Invention de la poudre 1
Chapitre II. — Découverte de nouveaux explosifs 9
Chapitre III. — Légendes sur sainte Barbe . . . 15
LIVRE PREMIER
Les poudres noires.
PREMIÈRE PARTIE
Matières premières.
PREMIÈRE SECTION
Le Salpêtre.
Chapitre premier. — Propriétés générales du salpêtre 21
II) — Extraction du salpêtre 30
III) — Fabrication du salpêtre 39
IV) — Raffinage du salpêtre 43
% deuxième section
Le Soufre.
Chapitre premier. — Propriétés générales du soufre. .
Chapitre II. — Extraction du soufre brut
Chapitre III. — Raffinage du soufre
TROISIÈME SECTION
Le Charbon. 0
Chapitre premier. — Propriétés générales 66
1) — Observations générales 66
2) — Qualités et espèces de bois à carboniser 68
3) — Propriétés du charbon 71
II) — Carbonisation 75
§ 1. — Carbonisation par combustion 75
§ 2. — Carbonisation par distillation 78
DEUXIÈME PARTIE
Fabrication de la poudre noire.
PREMIÈRE SECTION
Dosages.
Chapitre premier.— Considérations générales 91
Chapitre II. — Dosage des poudres de guerre, de chasse et de mine 94
Poudres de guerre 94
Poudres de chasse 95
Poudres de mine 96
DEUXIÈME SECTION
Trituration^ mélange et galetage des matières premières.
Chapitre premier. — Trituration et mélange 98
1) — Considérations générales 98
2) – Les pilons 99
3) – Les meules 106
4) — Tonnes de trituration 113
Chapitre II. — Compression 125
1) — Humectage .125
2) – Presse hydraulique 127
II) — Système mixte 131
TROISIEME SECTION
Manipulations ultérieures de la, poudre-noire.
Chapitre premier. — Grenage 133
1) Considérations générales 133
2) — Le grenoir français 134
3) — Tonne-grenoir 136
4) — Grenoir à cylindres 137
5) — Tonne Champy 142
Chapitre II. — Séchage 145
1) — Séchage naturel 145
2) — Séchage artificiel … 146
Chapitre III.— Lissage 150
Chapitre IV. — Egalisage des grains, mise en boîte, emballage et transport 154
Chapitre V. — Disposition et construction des ateliers constituant une poudrerie 159
TROISIÈME PARTIE
Poudres spéciales et propriétés des poudres noires à feu.
Chapitre premier. — Poudres spéciales pour l’artillerie 165
Poudres prismatiques 167
Poudrés comprimées 168
Poudres a couches concentriques 169
Poudres progressives 169
Poudres brunes. 170
Chapitre II. — Propriétés de la poudre noire. Ses effets balistiques. 172
1) — Propriétés physiques . . . . 172
2) — Propriétés mécaniques 177
3) — Propriétés chimiques 182
4) — Effets balistiques 18i
5) — Examen physique 189
LIVRE II
‘ Explosifs modernes.
PREMIÈRE PARTIE
Poudres dérivées de la poudre noire.
Chapitre premier. — Poudres diverses 193
Chapitre II. — Poudres au chlorate de potassium 204
DEUXIÈME PARTIE
Le Fulmicoton.
Chapitre premier. — Celluloses et nitrocelluloses 215
Acide nitrique 216
Acide sulfurique 216
Cellulose 216
. Nitrocelluloses 217
Chapitre II. — Fabrication du fulmicoton 221
1) — Epuration du coton 221
2) — Nitrification 223
3) — Pulpation 227
4) — Moulage. . 229
5) — Fulmicoton en écheveaux ou en flocons 230
III) — Coton-collodion 231
1) — Fabrication du coton-collodion 232
2) — Nitrohydrocellulose 233
Chapitre IV. — Propriétés du fulmicoton 234
Propriétés physiques 234
Propriétés mécaniques 235
Propriétés chimiques 238
Chapitre V. — Usages et emploi du fulmicoton 240
Chapitre VI. — Essais du fulmicoton 242
Aspect physique 242
Densité • 242
Dosage de P humidité * 242
Dosage des cendres. 242
Solubilité 243
Dosage de l’alcalinité 243
Dosage de l’azote 243
Epreuve de la résistance à l’action de la chaleur. . . . 244
‘ TROISIÈME PARTIE
Nitroglycérine et dynamites.
Chapitre premier. — Glycérine 245
Chapitre II. — Nitroglycérine 249
1) — Mélange des acides 250
2) — Nitrification 251
3) — Séparation 253
4) — Lavage 255
5) — Filtration 255
6) — Traitement des résidus 256
Chapitre III. — Propriétés de la nitroglycérine 258
Chapitre IV. — Classification des dynamites 262
Chapitre V. — Dynamites à base inerte 264
Chapitre VI. — Dynamites à base active 269
1) — Dynamites à base de nitrates 270
2) — Dynamites à base de chlorates 275
3) — Dynamites à base de pyroxyles 276
4) — Fabrication de gélatines explosives 277
5) . — Dynamites spéciales sans flamme, dites grisoutites. . 284
6) — Dynamites incongelables 287
Chapitre VII. —Propriétés des dynamites 291
1) — Propriétés des dynamites à base inerte 291
2) — Propriétés des dynamites à hase active et des gélatines. 293
Chapitre VIII. — Essais delà nitroglycérine et des dynamites . . 295
Essais de la nitroglycérine 295
Essais des dynamites 295
Chapitre IX. — Destruction des dynamites et de la nitroglycérine 298
Chapitre X. — Installation et exploitation d’une fabrique de dynamite 300
QUATRIÈME PARTIE
Picrates. Composés divers. Fulminates.
Chapitre premier. — Acide picrique 303
Chapitre II. — Picrates 306
Chapitre III. — Composés pour la charge des projectiles explosifs. 309
III) — Explosifs divers 318
IV) — Fulminates 324
Fulminate de mercure 324
Fabrication 325
Propriétés 325
Fulminate d’argent 327
CINQUIÈME PARTIE
Poudres sans fumée.
Chapitre premier. — Origines et nature des poudres sans fumée. . 331
Chapitre II. — Fabrication des poudres sans fumée 335
Chapitre III. — Propriétés des poudres sans fumée 338
Chapitre IV. — Essais des poudres sans fumée. ……. 343
Chapitre V. — Poudres de guerre sans fumée 348
Chapitre VI. — Poudres de chasse sans fumée 353
SIXIÈME PARTIE
Appendice.
Chapitre premier. — L’air liquide. . . .
Chapitre II. — Phénomènes de l’explosion.
MAYENNE, IMP. CH. COLIN

  1. Chalon. Explosifs modernes.
  2. Daniel. Diclionnnire des matières explosives.
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Par elmoukrie

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